2.3 La télédétection de la salinité et ses limites

D’après (2.16), la Tb de l’océan (Tbmer) est reliée à l’émissivité par

Tb mer(h,f) = SST .e(h,f).
(2.19)

À l’équilibre thermodynamique, l’émissivité est égale à l’absorptivité a qui représente la fraction de puissance incidente à la surface de la mer qui est absorbée. On a donc

e =   a                                   (2.20)
  =   (1 - R)                              (2.21)

R est le coefficient de réflexion de la surface.

La première difficulté pour estimer la SSS à partir d’un radiomètre, est de passer de la mesure de TA à une estimation de la Tb de l’océan. Pour cela il faut corriger des effets du diagramme d’antenne, de la contribution des autres sources et de la traversée de l’atmosphère (voir chapitre 6 et 7.2). Une fois que l’on s’est ramené à une estimation de la Tb de l’océan, il faut inverser celle-ci en SSS . Un modèle simple pour relier la Tb de l’océan à la SSS consiste à considérer que la surface de la mer est plane et d’étendue infinie devant la longueur d’onde de l’instrument c0 . Dans ce cas, la réflexion à la surface est spéculaire et R est le coefficient de réflexion de Fresnel (R Fr ), qui dépend de l’angle d’incidence h (pas de dépendance azimutale car dans ce modèle simpliste la surface de la mer est isotrope) et de la permittivité e de l’eau de mer. On a ainsi

Tb mer(h,SST,SSS)  -~  Tbplat = SST .(1- R Fr(h,er(SST, SSS)),
(2.22)

T bplat est la température de brillance d’une surface plane. Les coefficients de reflexion de la surface en polarisations verticale (Rv) et horizontale (Rh) (voir le chapitre 4.1 pour la définition des polarisations d’une onde EM) sont donnés par les coefficients de Fresnel ([90 , 87 ])

Rv   =  R| Fr, v     ---------|                       (2.23)
        ||ercosh-  V~  er- sin2 h||2
     =  ||-------- V~ ------2--|| et                     (2.24)
         ercosh+   er- sin  h
Rh   =  R Fr, h                                      (2.25)
        ||       V~ ------2--||2
     =  ||cosh-- V~ -er--sin-h||.                        (2.26)
        |cosh+   er- sin2 h|

La variation de ces coefficients en fonction de h, pour une SSS et une SST moyennes, à la fréquence de 1.4 GHz est reporté sur la figure 2.4. La variation du coefficient de réflexion dépend de la polarisation: Rh est de l’ordre de 0.7 au nadir (i.e. à h = 0o) et croît avec h croissant jusqu’à 1 à h = 90o (i.e. incidence rasante) alors que Rv (qui vaut aussi 0.7 au nadir) décroît avec h croissant jusqu’à un angle hB  -~ 84o. Cet angle hB pour lequel Rv passe par un minimum proche de 0 est l’angle de Brewster. On peut vérifier à partir de (2.23) que pour les milieux dont la permittivité est réelle (i.e. milieux sans pertes), à l’angle hB, l’onde en polarisation verticale onde n’est pas réfléchie (i.e. Rv passe par un minimum nul), et donc que le rayonnent réfléchi est totalement polarisé horizontalement (tanhB =  --
 V~ er pour un milieu sans pertes). Aux angles d’incidence supérieurs à hB, Rv croît avec h jusqu’à 1 à incidence rasante. Ceci se traduit par une emissivité de l’ordre de 0.3 pour les deux polarisations au nadir1 , qui diminue en polarisation horizontale jusqu’à valoir 0 à incidence rasante, et qui augmente en polarisation verticale jusqu’à l’angle de Brewster où elle sera proche de 1, avant de chuter vers 0 à incidence rasante. La figure 2.5 illustre la variation des coefficients de Fresnel avec la SSS pour une SST de 15o C. On constate qu’elle est relativement faible, de l’ordre de 1.5×10-3 par psu, et qu’elle augmente en polarisation verticale quand h augmente alors qu’elle diminue en polarisation horizontale. Il faut noter aussi que la sensibilité de Rv et Rh varie avec la SST (non montré) ; la sensibilité de Tbmer aux différents paramètres géophysiques est détaillée dans la section 4.6.


PIC
FIG. 2.4: Coefficients de Fresnel à 1.4 GHz pour une SSS et une SST moyennes, en polarisations verticale (V-pol) et horizontale (H-pol), pour des angles d’incidence variant de 0oà 90o. Le modèle utilisé pour er est [47].



PIC
FIG. 2.5: Variation des coefficients de Fresnel avec la SSS à 1.4 GHz et pour une SST de 15oC. La différence entre le coefficient de Fresnel à une SSS donnée en abscisse et celui à une SSS de 30 psu est reportée en ordonnée. Le modèle utilisé pour er est [47].


Pour restituer la SSS à partir de la Tb, il faut connaître précisément la dépendance de e à la SSS et à la SST en bande L (voir sections 4.2 et 5.1). De plus, même si la relation entre er et la SSS et la SST était parfaitement connue, il resterait une incertitude sur la SSS estimée résultant des incertitudes sur la mesure de la SST et de la Tb. Il en résulte une incertitude sur la SSS restituée qu’il faut évaluer (voir section 5.2). Enfin, le modèle décrit par (2.22) est très insuffisant pour estimer la Tb de l’océan car la surface océanique n’est pas plane et la Tb est sensible à la structure de la surface (voir section 4.6). Le coefficient R doit donc prendre en compte des paramètres comme le vecteur vent à la surface de l’océan, la quantité et l’émissivité de l’écume, la présence de houle, etc ...

On voit qu’il existe plusieurs sources d’incertitude lors de l’estimation de la SSS à partir de mesures radiométriques. Je traiterai principalement dans cette thèse des questions relatives à la modélisation de la T b de l’océan en bande L. J’exposerai aussi plus succintement les problèmes des sources parasites et de la traversée de l’atmosphère. Concernant le bruit instrumental sur la mesure de la Tbpar SMOS, j’utiliserai les estimation effectuées par P. Waldteufel (voir chapitres 3.1 et 5.2).