4.1 Vecteur de Stokes et polarisation d’une onde électromagnétique

On a vu dans la section 2.1.1 et dans l’annexe A que les champs électrique et magnétique d’une onde plane sont contenus dans le plan orthogonal à la direction de propagation k, que l’on appelle le plan de polarisation Pp, et qu’ils sont orthogonaux entre eux (voir la figure 4.1).


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FIG. 4.1: Définition du plan de polarisation. La direction k est une direction quelconque dans laquelle se propage l’onde EM. Les vecteurs E et H sont orthogonaux entre eux et avec k; E et H définissent le plan de polarisation.


Il existe cependant une infinité de directions dans le plan de polarisation et l’on va définir deux d’entres elles comme directions de référence. On définit tout d’abord le plan d’incidence Pi comme étant le plan formé par la normale à la surface de la Terre Z et par la direction de propagation de l’onde k (voir figure 4.2).


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FIG. 4.2: Définition du plan d’incidence. Le vecteur Z est normal à la surface de la Terre. La direction k est une direction quelconque dans laquelle se propage l’onde EM. Le plan d’incidence est défini par les vecteurs k et Z.


On définit la direction verticale v, aussi appelée parallèle, comme appartenant à Pi et Pp , et la direction horizontale h, aussi appelée perpendiculaire, comme étant orthogonale à Pi et appartenant à Pp. L’onde EM est dite polarisée verticalement (V-pol) ou horizontalement (H-pol) selon que le champ E soit respectivement le long de v ou de h1. Les polarisations horizontale et verticale sont illustrées sur la figure 4.3. On peut ainsi décomposer les vecteurs E et H en composantes polarisées verticalement et horizontalement, ce qui conduit à

E   =  E  v+ E h,                             (4.1)
         v    h
H   =  Hvv + Hhh,                             (4.2)

Ev et Hv sont respectivement les amplitudes des champs E et H en V-pol et où Eh et Hh sont les amplitudes de ces mêmes champs en H-pol.


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FIG. 4.3: Polarisations horizontales et verticales. La polarisation verticale v est dans le plan d’incidence Pi et la polarisation horizontale h est orthogonale à Pi.


Lorsque l’on se place dans un plan de polarisation donné (i.e. à z = constante si l’onde se déplace le long de z = k / ||k ||), les extrémités des vecteurs E et H décrivent au cours du temps des courbes dans le plan de polarisation. Ces courbes vont caractériser la polarisation de l’onde EM. Lorsque les extrémités des vecteurs décrivent une droite, c’est à dire lorsque que le champ varie en amplitude mais est toujours orienté dans la même direction, l’onde est polarisée linéairement. Les polarisations verticale et horizontale sont des exemples de polarisation linéaire. Lorsque les extrémités des vecteurs décrivent un cercle ou une ellipse, l’onde est polarisée respectivement circulairement ou elliptiquement ; les polarisations circulaire et elliptique peuvent toujours être décomposées comme la superposition de deux polarisations linéaires othogonales entre elles ([90 ]). Les polarisations linéaires, circulaires et elliptiques caractérisent des ondes totalement polarisées.

Lors de processus radiatifs naturels, comme l’émission thermique par exemple, les ondes EM émises ne sont pas totalement polarisées et ne sont donc pas décomposables comme la somme d’ondes polarisées linéairement, circulairement et elliptiquement. Pour décrire la polarisation d’une onde EM totalement, partiellement ou non polarisée, on utilise les quatres paramètres de Stokes ([48, 11]) qui définissent le vecteur de Stokes. Les paramètres de Stokes décrivent la puissance totale transportée par l’onde et la répartition de cette puissance parmi les composantes de l’onde polarisées linéairement et circulairement. Le vecteur de Stokes s’écrit sous la forme

        |_     _| 
          I
--->         Q
IS  =   |_  U  _| 
          V

où le premier paramètre de Stokes, I, représente la puissance totale transportée par l’onde, c’est à dire la puissance transportée par les composantes polarisées et non polarisées. Le second paramètre de Stokes, Q, est définit comme la différence de puissance entre deux polarisations linéaires, orientées le long de deux directions de référence ; ces polarisations linéaires de référence sont V- et H-pol, c’est à dire que Q est la différence de puissance entre les polarisations verticale et horizontale. U est la différence de puissance entre les polarisations linéaires orientées à +45o et -45o de la polarisation verticale. V est la différence de puissance entre les polarisations circulaires gauche et droite2 . Les deux premiers paramètres de Stokes (i.e. I et Q) donnent la décomposition de la puissance sur les V- et H-pol, et les deux derniers paramètres (i.e. U et V ) donnent la corrélation des champs en V- et H-pol.

On définit les paramètres de Stokes normalisés à la puissance totale I pour obtenir la répartition relative de la puissance sur les différentes polarisations. Les quatres paramètres de Stokes normalisés sont défini par i = I/I = 1,q = Q/I,u = U/I et v = V/I. On décompose alors n’importe quelle polarisation sur une base de quatres vecteurs de Stokes normalisés choisis parmi:

(1, 1, 0, 0) onde polarisée linéairement en V-pol,
(1,-1,0,0)onde polarisée linéairement en H-pol,
(1,0,1,0) onde polarisée à 45o de la polarisation verticale,
(1, 1, -1, 0)onde polarisée à -45o de la polarisation verticale,
(1, 0, 0, 1) onde polarisée circulairement à gauche,
(1, 1, 0, -1)onde polarisée circulairement à droite.
Si  V~ ---
q2+u2+v2 < 1 (ou  V~ -----------
 Q2 + U 2 + V2 < I), l’onde est partiellement polarisée. Si i = 1, q = u = v = 0, il n’y a pas de corrélation entre les composantes verticales et horizontales des champs et la puissance moyenne de l’onde est identique dans toutes polarisations. Une telle onde est non-polarisée (cas de la lumière naturelle). Enfin, si  V~ -----------
  q2 +u2 + v2 = 1, l’onde est totalement polarisée.

Pour relier I,Q,U et V au champ EM, il faut déterminer la puissance transportée par une onde EM. La puissance transportée par une onde EM à travers une surface est déterminée par le flux du vecteur de Poynting à travers cette surface ([16]). Le vecteur de Poynting instantanné en notation complexe Sci est donné par

Sci = E × H*.
(4.3)

On déduit de (4.3) le vecteur de Poynting moyen Scm sur une période de l’onde EM ([48]), qui caractérise le flux de la puissance moyenne transportée par l’onde

      <  >    1- integral  P     *
Scm =  Scit = P  0 E × H  dt
(4.4)

P est la période de l’onde et <...>t désigne une moyenne temporelle. Pour une onde plane monochromatique dont les champs électrique et magnétique sont définis par (A.8) et (A.12) (i.e. une onde qui varie sinusoïdalement avec le temps), on obtient ([78, 90, 89])

       1      *
Scm =  2 E × H .
(4.5)

Comme le vecteur d’onde k est orthogonal à E et H, on en déduit que la puissance transportée est le long du vecteur d’onde. De plus, H est orthogonal à E et son amplitude |H| est égale à 1/j|E | (voir l’annexe A). On en déduit le flux réel de la puissance moyenne transportée par l’onde

       {    }       {     *}
Sm = Re  Scm  = 1Re  E .E-*  k-,
                2        j   |k|
(4.6)

soit

        {    }
          -1-    2-k-
Sm  = Re  2j*  |E ||k|.
(4.7)

Le flux de puissance transportée par une onde EM est donc proportionnel à |E2|. Lorsque le signal n’est plus une onde monochromatique mais un bruit thermique filtré dans une bande de pulsations de largeur Dw, les paramètres de Stokes sont définis par ([104])

 |_  I  _|        |_  <| Ev |2>+ <|Eh|2>  _| 
  Q        1   <| Ev |2>- <|Eh|2>
 |_  U  _|  =  j  |_   2Re <EvE*>    _| 
  V              2Im <EvEh*>
                         h

<...> désigne une moyenne d’ensemble (les variations temporelles du champ E dans la bande de pulsations Dw sont statistiques et non plus harmoniques comme pour une onde monochromatique) et j est l’impédance (réelle) de l’air.

Les mesures effectuées par un radiomètre polarimétrique permettant de déterminer des températures de brillance sur deux polarisations orthogonales entre elles, on va modifier les paramètres de Stokes précédemment définis pour se ramener à ces quantités. On va donc premièrement définir des paramètres de Stokes modifiés Iv et Ih ([11, 89]), qui donnent respectivement la puissance radiative en V- et H-pol. On a ainsi le vecteur de Stokes modifié

 |_     _|        | _   <    >    _| 
  Iv             <|Ev|2>
  Ih    =   1     |Eh|2
 |_  U  _|      j |_  2Re <EvE*h>  _| 
  V            2Im <EvE*h>

avec Iv + Ih = I et Iv -Ih = Q. Deuxièmement, on va relier la température de brillance d’une source à sa puissance radiative, c’est à dire à Iv,Ih,U et V .

On définit la température de brillance en polarisation x (Tbx) d’une source ayant une brillance spectrale (i.e. émettant une puissance par unité de surface, d’angle solide et de fréquence) Bn,x en polarisation x comme la température physique du corps noir qui aurrait une brillance spectrale (Bx cn /Dn) en polarisation x identique à Bn,x. La puissance émise par un corps noir (Bcn) en fonction de sa température est donnée en (2.13). Comme l’émission d’un corps noir n’est pas polarisée, seule la moitié de cette puissance émise l’est en polarisation x, d’où

  cn        cn
B-x-  =  1 B--,                              (4.8)
 Dn      2 D*n
      =  k-T-.                               (4.9)
          c20

On en déduit

     c20
Tbx = k*Px
(4.10)

et

        |_     _|         |_   <    >    _| 
         Tv              <| Ev |2>
T   =    Th    =   C-     | Eh |2     .
 b      |_  T3  _|     j  |_  2Re<EvE*h>  _| 
         T4            2Im<EvE*h>

      2
C  = c0
     k*
(4.11)

est la constante qui permet de passer d’une brillance spectrale à une Tb, k* = 1.3805 × 10-23JK-1 est la constante de Boltzmann et c0 est la longueur d’onde du radiomètre. On définit de plus T1 = Tv + Th et T2 = Tv - Th qui sont les équivalents en température de brillance des premier et second paramètres de Stokes I et Q.

On peut, comme dans la section 2.3, exprimer la Tb en terme d’émissivité e, et par conséquent en terme de reflectivité R comme

 |_     _|                         |_  (  )          _| 
  Tv                              1
 |_  Th  _|  = SST  × e =   SST ×  |_   1     -  R   _| .
  T3                              0
  T4                              0

Les sections suivantes de ce chapitre sont consacrées au problème de la modélisation de l’émissivité, et donc de la réflectivité R, de la surface océanique. Par la suite, je parlerai de Tb et de R respectivement pour les éléments de Tb et de R, c’est à dire respectivement pour Tv,Th,T3 ou T4 et Rv,Rh,R3 ou R4 .