2.1.2 Que mesure un radiomètre et quel est le lien avec la permittivité ?

On a vu dans la section précédente que l’océan rayonne de l’énergie, en quantité identique à celle qu’il absorbe. La puissance qu’il émet par unité d’angle solide et de surface s’appele la brillance (B) et se mesure en Watts par stéradian et par mètre carré (Wsr-1m-2). On note que ce que l’on appele couramment ”brillance” en télédétection hyperfréquence correspond à la définition rigoureuse de la ”luminance” (ou radiance en anglais). Rigoureusement, la brillance est la puissance reçue, par unité d’angle solide et de surface du capteur. On définit couramment la puissance rayonnée par la mer en terme de température de brillance (Tb), qui représente la température du corps noir qui aurait, à la fréquence n, la même brillance que la mer. Un corps noir est un objet qui absorbe tout le rayonnement incident à sa surface, et par conséquent dont la réflectivité est nulle. Sa brillance spectrale Bncn (i.e. la brillance par unité de fréquence, en Wsr-1 m-2 Hz -1) à la fréquence n lorsqu’il est à la température T est donnée par la loi de Planck
 cn   2hn3        1
Bn  = -c2- exp-(hn/(k*T-))---1,
(2.11)

c = 2.997925 × 108 m.s-1 est la vitesse de la lumière dans le vide, h  -~ 6.62 × 10-34 est la constante de Planck et k*  -~ 1.38 × 10-23JK-1 est la constante de Boltzmann. Dans le domaine de fréquences qui nous intéresse, hn « kT, aussi on utilise l’approximation basses fréquences de Rayleigh-Jeans qui conduit à l’expression suivante pour la brillance d’un corps noir dans une bande de fréquence Dn

 cn     2kT-
B    =   c2 Dn                              (2.12)
        2kTb-
     =   c2  Dn.                            (2.13)


PIC
FIG. 2.1: Définition de l’angle d’incidence h et d’azimut f de la direction P dans le repère lié à l’océan Ro . L’axe Z est normal à la surface de la Terre, le vecteur P est la direction que l’on veut définir dans le repère Ro. L’angle h est défini comme l’angle entre les vecteurs Z et P, l’angle f est l’angle entre une direction de référence X dans le plan (O,X,Y) orthogonal à Z et la projection de P dans ce plan. La direction X sans importance, car on suppose pour l’instant que la surface de la mer est isotrope. Elle sera définie dans le chapitre 4.


La brillance de la mer n’est pas isotrope et sa variation avec la direction (h,f) (voir la figure 2.1 pour la définition des angles) va dépendre de la structure de la surface de la mer. Ainsi, la brillance de la mer dans une bande de fréquence Dn et dans la direction (h,f) est donnée par

B(h,f) = Bn(h,f)Dn.                            (2.14)

On a ainsi la définition de la Tb d’après (2.13) et (2.14) qui conduisent à

B(h,f) = 2kTb(h,f)Dn.
             c2
(2.15)

Un corps noir (dont la Tb est par définition sa température physique) à l’équilibre thermodynamique est le corps qui émet le plus d’énergie ; la Tb d’un milieu est donc au plus égale à sa température physique (la SST pour le cas de la surface océanique). On définit alors l’émissivité e du milieu comme le rapport entre la brillance du milieu et celle d’un corps noir à la même température que le milieu. On déduit ainsi de (2.15) que l’émissivité de l’océan vaut

e(h,f) = Tb(h,f)/SST.
(2.16)


PIC
FIG. 2.2: Passage de la température de brillance à la température d’antenne.


Une grande partie de ma thèse a porté sur la modélisation de la température de brillance de la mer en fonction de plusieurs paramètres géophysiques (voir chapitre 4). Cependant, un radiomètre ne mesure pas directement la Tb d’une cible, mais une température d’antenne (TA), qui est définie comme la température à laquelle une résistance délivrerait au récepteur de sortie une puissance de bruit thermique identique à celle délivrée par l’antenne. Pour relier la TA à la Tb, on va distinguer deux étapes dans les processus qui conduisent de la puissance émise par la mer à la puissance mesurée par l’antenne (voir figure 2.2). Le premier processus à considérer est que plusieurs sources émettent vers l’instrument à partir de directions (ha,fa) différentes, et que l’océan n’est que l’une d’entre elles (voir chapitre 6). Ces différents rayonnements vont traverser un milieu susceptible de les modifier, l’atmosphère terrestre, avant d’atteindre l’antenne. À l’entrée de l’antenne, on a donc pour toutes les directions (ha,fa) des ”températures apparentes”, TAp(ha,fa), qui vont toutes contribuer plus ou moins à la TA. Le deuxième processus à considérer est que l’antenne est directive, c’est à dire que la fraction de puissance arrivant à l’antenne qui va être captée puis transformée en puissance de sortie dépend de la direction (ha,fa) d’où provient le rayonnement.

Seule une fraction de l’énergie arrivant dans la direction (ha,fa) est captée par l’antenne à cause des interférences destructives liées à la forme du capteur. De plus, de l’énergie va se dissiper dans le milieu à pertes que constitue l’antenne. La répartition angulaire de la puissance captée (Pc) par l’antenne (i.e. sans prendre en compte les pertes) définit le diagramme d’antenne normalisé Fn(ha,fa). Il s’agit de la puissance captée Pc(ha,fa) normalisée à la Pc maximale parmi toutes les directions. On en déduit la directivité (D), qui traduit la Pc(ha,fa) normalisée à la Pc moyenne sur toutes les directions. Ainsi,

D(h ,f ) = -----F integral n integral (ha,fa)------,
   a  a    1/(4p)  _O_ Fn(ha,fa)d_O_

d_O_ = sin hdhdf est l’angle solide élémentaire. Pour une antenne idéale sans pertes, on a alors

      integral  integral 
TA =    TAP (ha,fa)D(ha,fa)d_O_.
      _O_
(2.17)

Ainsi, la TA résulte de la somme des TAP pondérées par la directivité de l’antenne dans toutes les directions. En réalité, une antenne présente toujours des pertes par dissipation thermique et l’on définit le gain de l’antenne G comme

G(ha,fa) = jD(ha,fa),
(2.18)

ja est l’efficacité de l’antenne définie comme le rapport entre la puissance captée et la puissance en sortie de l’antenne.