4.3.4 Description de la mer du vent

Le vent U à la surface de la mer va interagir avec elle, si bien que l’atmosphère et l’océan vont se tranférer mutuellement de l’énergie à travers la dynamique des vagues de surface. Les vents que rencontrera SMOS à la surface du globe sont illustrés par des cartes et des histogrammes dans la section 4.6.2 déduits des mesures sur un jour et à 25 km de résolution du diffusiomètre QSCAT. Le module du vent à une hauteur de dix mètres au dessus de la surface de l’océan (U10) est en moyenne sur tout le globe d’environ 8 m.s-1 et l’écart type du module du vent est de 3.5 m.s-1 (d’après les mesures QSCAT).

L’action du vent est dans un premier temps de créer des vagues de petite longueur d’onde auquelles il va transférer de l’énergie. Ces petites vagues (de l’ordre de quelques centimètres), qui se forment rapidement sous l’action du vent et qui sont très vite saturées en énergie, vont ensuite former des vagues de plus grande longueur d’onde par interactions entre vagues tant que le vent fournira de l’énergie. Ainsi, au cours du temps, une partie de l’énergie fournie par le vent aux petites vagues est transférée à des vagues de longueur d’onde de plus en plus grande et une autre partie est dissipée par viscosité ou turbulence. Le développement des grandes vagues finira par atteindre une limite en longueur d’onde cp au delà de laquelle la vitesse de phase de la vague est tellement rapide que le vent ne lui apporte plus d’énergie. Le spectre de puissance va donc rapidement décroître au delà de cp (ou en deça de kp = 2p/cp), ce qui va aboutir à la présence d’un pic d’amplitude pour le spectre en c = cp (ou k = kp). Les vagues résultant de l’action du vent local et récent constituent la mer du vent, par opposition au vagues de la houle qui ont voyagé sur une longue distance depuis le lieu de génération par le vent.

Lorsque, pour des vagues ayant une longueur d’onde donnée, les termes d’entrée d’énergie et de dissipation se compensent, ces vagues sont à l’équilibre. Pour qu’une mer soit à l’équilibre, il faut que le vent soit constant sur une durée et une distance suffisamment grands pour que toutes les longueurs d’onde du spectre soient à l’équilibre. Les vagues de quelques dizaines de mètres peuvent mettre plusieurs dizaines d’heures pour atteindre l’équilibre ([46]) et nécessiter que le vent souffle sur une distance de plusieurs dizaines de kilomètres de façon stationnaire ce qui fait qu’une mer n’est jamais rigoureusement à l’équilibre.

Le spectre de la mer du vent a des propriétés de symétrie par rapport à la direction (U) du vent qui a donné naissance aux vagues ; je vais donc utiliser la forme polaire du spectre de puissance donné en (4.19) qui va me permettre de séparer la composante moyenne du spectre sur toutes les directions (spectre omnidirectionnel) de la variation azimutale. Le vecteur d’onde k a une norme (i.e. le nombre d’onde) k et fait un angle f0 avec le vecteur vent (U) dans le plan de référence. On décompose alors Y sous la forme polaire suivante

          1-
Y(k,f0) = kS(k)P(k,f0)
(4.26)

S(k) est la composante omnidirectionnelle du spectre de puissance, et P(k,f0) est la fonction d’étalement angulaire, normalisée de sorte que

 integral  2p
    P(k,f0)df0 = 1.
 0
(4.27)

On a ainsi

 integral  2p                     integral  2p
    kY(k,f0)df0  =   S(k)    P(k,f0)df0                 (4.28)
 0                        0
                 =   S(k)                               (4.29)

et

P(k,f ) = ---kY(k,f0)----.
     0     integral 20pkY(k,f0)df0
(4.30)

C’est le spectre en fréquences spatiales k = 2p/xi qui est utilisé pour les calculs de diffusion des ondes électromagnétiques à la surface de l’océan, mais c’est souvent le spectre en fréquences temporelles n = 1/t qui est mesuré (voir la section 7.1.2.1 avec les mesures du spectre des grandes vagues par la bouée houle par exemple). On relie ces deux spectres dans le domaine des grandes vagues par ([31 , 52 ])

S(k) dk = S(n)dn = S(w)dw,
(4.31)

avec w = 2pn, la pulsation, et avec la relation de dispersion suivante

       (           )
            ( k )2
w2 = gk  1+   k--    ,
               m
(4.32)

km =  V~ ---
reg/Te avec re la densité de l’eau de mer, g l’accélération de la pesanteur et Te la tension superficielle (km est de l’ordre de 360 rad.m-1 pour g = 9.81 m.s-2, Te = 0.078 N.m-1 et re = 1025 kg.m3 qui sont des valeurs typiques de l’eau de mer). Une discussion sur le passage du spectre temporel au spectre spatial pour les hautes fréquences (i.e. les petites vagues) est donnée dans [52 ].

On déduit de (4.21) et de (4.22) respectivement les variances des hauteurs et des pentes de la mer du vent en coordonnées polaires

        integral  + oo     integral  2p
s2h  =       kdk     Y(k,f0)df0                      (4.33)
        integral 0       integral 0
 2       + oo       2p  2
ss  =   0   kdk  0  k Y(k,f0)df0                    (4.34)

En introduisant (4.26) dans (4.33), on obtient la variance des hauteurs suivante

        integral         integral 
s2  =    + oo  kdk  2p(1/k)S(k)P(k,f )df                  (4.35)
 h      0        0               0   0
        integral  + oo       integral  2p
    =       S(k)dk    P(k,f0) df0,                     (4.36)
        0          0

d’où l’on déduit, d’après la normalisation (4.27), que

     integral  + oo 
s2h =     S(k)dk.
     0
(4.37)

De même, en introduisant (4.26) dans (4.34) on obtient la variance des pentes

         integral  + oo     integral  2p
s2s =        kdk     k2(1/k)S(k)P(k,f0)df0                (4.38)
         integral 0       0
          + oo  2
    =    0   k S(k)dk.                                   (4.39)

Les pentes sont a priori anisotropes, car il n’y a pas de raison pour qu’elles soient identiques le long du vecteur U et dans des directions différentes, en particulier dans la direction transverse à U. De plus, on verra que les pentes des petites vagues sont différentes selon qu’elle sont sur le côté face-au-vent ou sur le côté sous-le-vent d’une grande vague (phénomène de modulation hydrodynamique). La modulation hydrodynamique ne peut être restituée par le spectre défini en (4.19) ; elle sera prise en compte par un modèle empirique (voir la section 4.3.6).

Je vais déterminer l’expression de la variance des pentes su2 et sc2 respectivement dans la direction du vent (direction face au vent eu, pour upwind) et le long de la direction transverse au vent (direction vent de travers ec, pour crosswind). On écrit alors k = kueu + kcecku = k cosf0 et kc = k sinf0. On déduit ensuite de (4.34)

        integral  + oo     integral  2p
s2s  =       kdk     Y(ku,kc)(k2u + k2c)df0                 (4.40)
        integral 0+ oo     integral 02p
    =       kdk     Y(k,f0)k2cos2 f0df0
        0        0
          integral  + oo     integral  2p       2  2
       +  0   kdk  0  Y(k,f0)k sin f0 df0                (4.41)
    =  s2 +s2                                           (4.42)
        u   c

d’où l’on dérive les expressions suivantes

         integral  + oo         integral  2p
s2u =        k2S(k)dk    P(k,f0)cos2f0 df0 , et            (4.43)
         integral 0           integral 0
  2       + oo  2        2p          2
 sc =    0   k S(k)dk 0  P(k,f0)sin f0df0.                 (4.44)

Dans les sections qui suivent, je séparerai le spectre en différents domaines. Il y a tout d’abord, comme on l’a vu au début de cette section, une séparation liée à la physique des vagues en différents domaines de longueur d’onde, dans lesquels les vagues ne sont pas générées et entretenues par les mêmes phénomènes physiques (gravité, capillarité, ... voir la section 4.3.5). Mais il y a aussi une séparation liée à l’interaction des ondes EM avec les vagues. En effet, la manière dont cette interaction va se faire dépend de la taille des vagues par rapport à la longueur d’onde de l’instrument (c0). On distinguera donc les vagues dont la taille est supérieure à c0 , ce que j’appellerai les grandes échelles (GE) et les vagues dont la taille est de l’ordre de et inférieure à c0, ce que j’appellerai les petites échelles (PE) (voir les sections 4.3.6 et 4.4).