7.1.2 Les campagnes ESA de préparation à SMOS

7.1.2.1 Les campagnes WISE

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FIG. 7.1: Position de la plateforme Casablanca (campagnes WISE et EuroSTARRS) et de la bouée Gascogne (campagne EuroSTARRS) superposées à une carte bathymétrique.


La première campagne WInd and Salinity Experiment (WISE 2000) a eu lieu entre Novembre 2000 et Janvier 2001 et a impliqué le LODYC, le CETP, l’Université Polytechnique de Catalogne (UPC, pour Universitat Politecnica de Catalunya), l’université de Valence, l’Institut des Sciences Marines (ICM, pour Institut de Ciències del Mar) et l’université du Massachusetts (UMass). Cette campagne a été financée (sauf pour la participation de l’UMass) par l’Agence Spatiale Européenne (ESA, pour European Space Agency). Elle était destinée à améliorer la connaissance de l’influence de la salinité et du vent sur l’émissivité de la surface océanique en bande L. Elle a eu lieu sur une plateforme pétrolière (Casablanca) située en mer Méditérranée, à 40 km au large de la ville de Tarragone, sur la côte Espagnole (voir figure 7.1). Des mesures radiométriques en bande L furent effectuées simultanément à des mesures in situ des paramètres océaniques et météorologiques.

Un radiomètre en bande L (LAURA, pour L-band AUtomatic RAdiometer) pleinement polarimétrique (i.e. mesure des quatre paramètres de Stokes) et des stéréocaméras étaient montés sur la plateforme Casablanca. Les stéréocameras ont permis de mesurer le spectre de mer pour les longueurs d’ondes comprises entre plusieurs dizaines de centimètres et plusieurs dizaines de mètres. Néanmoins des mesures pour des longueurs d’onde de 21 cm et moins n’ont pas été possibles en raison de la résolution de l’instrument. La SSS, la SST et le vent ont été déterminés à partir de quatres bouées déployées à proximité de la plateforme, d’images satellites (AVHRR pour la SST et QScat pour le vent), d’un radiomètre infrarouge, de la station météorologique sur la plateforme (mesure du vent à 69 m d’altitude) et des champs analysés du modèle météorologique ARPEGE (Météofrance).

Durant cette campagne, il y eut beaucoup d’interférences radiofréquence (RFI, pour Radio Frequence Interferences) contaminant les données radiométriques, ainsi que des incidents dans le déploiement des bouées rendant certaines d’entre elles inopérantes (voir le calendrier de la disponibilité des différents instruments dans [9]).

La deuxième campagne WISE (i.e. WISE 2001) a eu lieu sur le même site que WISE 2000, en Octobre et Novembre 2001. Une bouée houle a été déployée pour mesurer le spectre de mer pour des longueurs d’onde entre quelques mètres et quelques centaines de mètres. Les données radiométriques furent cette fois-ci moins contaminées par les RFI d’après les responsables de la campagne. Au vu des résultats de mon modèle d’émissivité à deux échelles concernant l’amplitude des Tb,1 et Tb,2, les balayages en azimut ont été réduits au profit de balayages en incidence.

7.1.2.2 La campagne EuroSTARRS
En Novembre 2001, l’ESA a conduit une campagne de mesures radiométriques aéroportées au dessus de l’Océan Atlantique (le 17 novembre) et de la Mer Méditerranée (le 23 novembre). Le vol Atlantique s’est déroulé au dessus d’une bouée météorologique (”Gascogne”) située à 330 km de la côte (voir figure 7.1). On dispose ainsi de données de Tb le long des transits entre la côte et Gascogne ainsi que de longues séquences acquises au cours de vols circulaires autour de la bouée. Des échantillons d’eau de mer ont été prélevés le long du transit (voir figure 7.2) à bord du bateau ”Côte d’Aquitaine” par Sylvain Morvan (LODYC). J’ai ensuite fait la mesure de salinité de ces échantillons en laboratoire (voir section 7.1.2.3). Des cartes de SSS nous ont été fournies à partir du modèle d’hydrodynamique côtière de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER, http://www.ifremer.fr/delao/francais/hydrodynamique/index.htm) par Anne-Marie Jegou. Ce modèle sera indispensable pour interpréter les mesures du STARRS sur le segment longeant la côte en deçà de l’isobathe 100 m, zone de forts gradients de SSS pour laquelle nous ne disposons pas de mesures bateau. Le vent est obtenu à partir du modèle ARPEGE ou de la mesure sur la bouée Gascogne. La SST est obtenue par les mesures continues effectuées sur le bateau et dérivée des données satellitales Advanced Very High Resolution Radiometer (AVHRR).


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FIG. 7.2: Trajet du ”Côte d’Aquitaine” (-) et de l’avion (- -) durant la campagne EuroSTARRS en océan Atlantique.



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FIG. 7.3: Le STARRS installé sur le Donier 228 du DLR (campagnes EuroSTARRS).


Les mesures de Tb sont effectuées à l’aide d’un réseau de six radiomètres observant à différents angles d’incidence (le STARRS, pour Salinity Temperature and Roughness Remote Scanner,[57]) appartenant au Naval Research Laboratory (NRL) qui a été monté sur un Dornier 228 du Deutschen Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR) (voir figure 7.3). Ce dispositif permet d’acquerir des données simultanément dans six directions déterminées électroniquement en ajustant les phases relatives des radiomètres ([90]). Les six radiomètres sont montés sur un support, le long d’une ligne perpendiculaire à l’axe longitudinale de l’avion. Pour définir la direction de chaque faisceau d’antenne, on définit le repère RR = (O;

--->XR  ;

--->YR  ;

                                                         -Z-->R  ) lié au support des radiomètres tel que les directions de visée des six antennes soient dans le plan (O,

--->YR  ,

--->ZR  ). La direction de visée des six antennes, dans le repère RR, est donnée dans le tableau 7.1 (voir aussi la figure 7.4a).


No AntenneIncidence hR (o)Azimut fR (o)



3L 38.5 -90
2L 21.0 -90
1L 6.5 -90
1R 7.5 +90
2R 22.0 +90
3R 38.5 +90



TAB. 7.1: Orientation des antennes du STARRS par rapport à leur support et dans le repère de l’avion lorsque le support n’est pas incliné (i.e. hR = hA et fR = fA ) pendant la campagne EuroSTARRS/transit, d’après les spécifications techniques. Les mesures du diagramme d’antenne donnent des résultats sensiblement différents. hR est l’angle d’incidence, entre la direction de visée de l’antenne et l’axe --->ZR , et fR est l’angle d’azimut, entre la projection de la direction de visée dans le plan --->XR - --->YR et la direction --->XR  .


No antenneIncidence hA (o)Azimut fA (o)



3L 26.5 -90
2L 9.0 -90
1L 5.5 +90
1R 19.5 +90
2R 34.0 +90
3R 50.5 +90



TAB. 7.2: Orientation des antennes du STARRS dans le repère de l’avion lorsque le support est incliné de -12o (i.e. hA = |hR ± 12o| selon que l’antenne pointe à droite/gauche et fA = -fR si l’antenne change de côté après inclinaison) pendant les campagnes EuroSTARRS/Gascogne et EuroSTARRS/Casablanca.


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(a)   
(b)
  

FIG. 7.4: (a) Direction de visée des six antennes du STARRS dans le repère du support des radiomètres (O; -X-->R  ;--->YR  ;                                                                -Z-->R  ) et dans le repère de l’avion (O;-X-->A  ;--->YA  ;                                                                            -Z-->A  ) lorsque le support n’est pas incliné. (b) Direction de visée des six antennes dans le repère de l’avion (O; --->X
A  ;--->Y
 A  ;                                                      -Z-->
                                                       A  ) quand le support des radiomètres est incliné de -12o dans le plan (O; --->Y
A  ;--->Z
 A  ) par rapport à l’avion (i.e. pendant les campagnes EuroSTARRS/Gascogne et EuroSTARRS/Casablanca).



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FIG. 7.5: Repère de l’avion défini par les axes (O;-X-->A  ;          --->YA  ;                                                                                            --->ZA  ).


Pour la campagne EuroSTARRS, le STARRS a été monté sur un avion. On définit le repère RA = (O;

--->XA  ;

--->YA  ;

                                                         -Z-->A  ) lié à l’avion (voir figure 7.5) tel que

l’angle d’incidence hA comme l’angle entre la direction de visée de l’antenne et l’axe

--->ZA et l’angle d’azimut fA comme l’angle entre la projection de la direction de visée dans le plan

--->XA -

--->YA et la direction

--->XA  .

Pendant les campagnes EuroSTARRS/Gascogne et EuroSTARRS/Casablanca, le support des antennes était incliné de -12o dans le plan transversal de l’avion (i.e. le plan (O;

--->YA  ;

--->ZA  )) ; l’orientation des six antennes dans le repère de l’avion devient alors celle donnée dans le tableau 7.2 (voir aussi figure 7.4b).

Les trajets de l’avion pendant les campagnes EuroSTARRS/Gascogne et EuroSTARRS/transit sont tracés sur les figures 7.9 et 7.10. Dans la suite, je m’interesserai essentiellement aux mesures réalisées pendant le vol au dessus de l’Atlantique (”Gascogne”) et pendant le transit en Méditerranée. Il est en effet possible que les mesures au dessus de la plateforme Casablanca aient été polluées par les interférences dues aux activités sur la plateforme et nous avons préféré commencer l’analyse des données sur des trajets à priori moins problématiques.

L’altitude et le cap de l’avion sont montrés sur la figure 7.6 pour les capagnes Gascogne, transit et Casablanca. En pleine mer, l’avion a volé à une altitude supérieure à 2500 m sauf près des côtes où l’altitude était plus basse afin d’acquérir des mesures à plus haute résolution spatiale et de minimiser la perturbation des mesures océaniques par la proximité des terres que voient les lobes secondaires de l’antenne. Tous les vols ont été effectués à la nuit tombante pour éviter les problèmes liés à la reflexion du Soleil.

Les figures 7.7 et 7.8 illustrent les angles de roulis, de tangage et de lacet de l’avion pendant les trois vols EuroSTARRS. Ces angles ont été mesurés sur le radiomètre et sur l’avion. Ceux mesurés sur l’avion se sont révélées être plus précis et ce sont ceux que j’ai utilisés dans la suite des travaux présentés dans cette thèse. Les roulis à -20o correspondent aux périodes pendant lesquelles l’avion a effectué des rotations autour d’un point (dans la zone de la bouée Gascogne ou de la plateforme Casablanca).


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(a)  
(b)
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(c)  
(d)
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(e)  
(f)

FIG. 7.6: Altitude (colonne de gauche, a, c, e) et cap par rapport au nord (colonne de droite, b, d, f) de l’avion pendant les trois vols de la campagnes EuroSTARRS. Pour la campagne Gascogne, l’avion était au dessus de la mer entre 17h10 et 19h40 (tirets verticaux). Pour la campagne ”transit”, l’avion est au dessus de la mer 17h50.



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(a)  
(b)
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(c)  
(d)
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(e)  
(f)

FIG. 7.7: Attitude de l’avion de l’avion pendant les trois vols EuroSTARRS. L’angle de roulis est dans la colonne de gauche (a, c, e) et l’angle de tangage est à droite (b, d, f). Pour la campagne Gascogne, l’avion était au dessus de la mer entre 17h10 et 19h40 (tirets verticaux). Pour la campagne ”transit”, l’avion est au dessus de la mer 17h50.



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(a)  
(b)
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(c)  
 

FIG. 7.8: Attitude de l’avion (angle de lacet) pendant les trois vols EuroSTARRS. Pour la campagne Gascogne, l’avion était au dessus de la mer entre 17h10 et 19h40 (tirets verticaux). Pour la campagne ”transit”, l’avion est au dessus de la mer 17h50.



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FIG. 7.9: Trajet de l’avion pendant la campagne EuroSTARRS au dessus de la bouée Gascogne (codage couleur pour le temps).



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FIG. 7.10: Trajet de l’avion pendant la campagne EuroSTARRS pour le transit en Méditérranée (codage couleur pour le temps).


7.1.2.3 Mesures de salinité de surface en laboratoire à partir d’échantillons prélevés pendant la campagne EuroSTARRS en Atlantique
Dans le cadre de la campagne EuroSTARRS, 93 échantillons d’eau de mer ont été prélevés par Sylvain Morvan (LODYC) sur le trajet allant de la bouée Gascogne à Royan et de Royan à Brest (voir figure 7.11) du 17 novembre 2001 au 20 novembre 2001. J’ai mesuré par la suite au LODYC (entre les 17 et 19 décembre 2001) la salinité de ces échantillons à l’aide d’un salinomètre ”Autosal”.


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FIG. 7.11: Salinité dans la zone de la bouée Gascogne (campagne EuroSTARRS Atlantique) mesurée au laboratoire à partir d’échantillons prélevés à bord d’un bateau.



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FIG. 7.12: Histogramme des mesures de salinité dans la zone de la bouée Gascogne.


Le salinomètre mesure le rapport entre la conductivité de l’échantillon et celle d’une eau étalon, conformément à la définition de la salinité pratique (Practical Salinity Scale de 1978, voir section 1.2 et [53 ]). La définition de la salinité pratique établit que l’eau étalon est une solution de KCl à une température de 15oC et à la pression atmosphérique standard ; le rapport de conductivité est alors appelé K15 . Cependant, dans la pratique, l’eau étalon n’est pas une solution de KCl et elle n’est pas nécessairement à 15oC. En effet, toute eau de mer ayant un K15 = 1 peut elle même servir de solution étalon ([53 ]). J’ai donc utilisé comme solution étalon de l’”eau normale”, dont la salinité et la conductivité étaient respectivement de 35 psu (à la troisième décimale près) et de 1 (à la quatrième décimale près). L’échantillon à mesurer étant thermostaté par le salinomètre à une température proche de celle de la pièce où est effectuée la mesure, dans le but d’assurer une bonne stabilité thermique, la température de l’échantillon T peut être très différente de 15oC (pendant mes mesures, elle était de 24o C ou 27oC selon les jours). Il faut tenir compte de cet écart de température par rapport à 15o C pour déterminer la salinité, car la température influe sensiblement sur la conductivité. Ainsi, j’ai déterminé la salinité des échantillons à partir de la relation suivante ([53 ])

S(0/00)  =      a0 + a1R1/T2+ a2RT + a3R3/T2+ a4R2T + a5R5T/2+
          --T-15--(b0 + b1R1/2+ b2RT + b3R3/2 + b4R2 + b5R5/2),
          1+k(T-15)       T              T       T     T

a0  =   0.0080   b0 =   0.0005
a1  =  - 0.1692  b1 =   -0.0056
a2  =  25.3851  b2 =   -0.0066
a3  =  14.0941  b3 =   -0.0375
a4  =  - 7.0261  b4 =   0.0636
a5  =   2.7081   b5 =   -0.0144
k   =   0.0162

et où RT est le rapport de conductivité à la température T entre un échantillon et l’eau standard. Les coefficients ai , bi (i = 1 --> 5) et k ont été déterminés à partir de mesures d’échantillons d’eau de mer et sont établis pour une salinité comprise entre 2 psu et 42 psu et une température comprise entre -2oC et 35 oC ([53 ]).

Le salinomètre est étalonné en début et en fin de série de mesures (typiquement en début et fin de demi journée) et l’heure de chaque mesure est notée de façon à pouvoir corriger d’une éventuelle dérive. L’étalonnage consiste à mesurer la conductivité d’un échantillon d’eau normale, et à prendre celle-ci comme référence pour le rapport de conductivité. On peut ensuite effectuer une série de mesures. L’eau de l’échantillon à mesurer va circuler dans une cellule immergée dans un bain thermostaté et dans laquelle se trouvent quatre électrodes ; deux électrodes vont imposer un courant électrique et aux bornes des deux autres on va mesurer le rapport de conductance avec l’eau étalon. J’ai effectué au moins quatres mesures de RT par échantillon pour m’assurer de la stabilité des mesures, et j’ai fait plusieurs rinçages entre chaque échantillon. Les mesures de salinité ainsi obtenues sont reportées sur la figure 7.11.

La SSS était peu variable sur le trajet du bateau (de l’ordre de 35 psu), sauf à l’embouchure de la Gironde où elle était de l’ordre de 28 psu. Cependant, les mesures du STARRS si près des côtes sont inexploitables car contaminées par la Tb des terres. En pratique, nous avons exploité des Tb colocalisées avec des salinités comprises entre 34 et 35.5 psu.