7.3.3 Sensibilité de la Tb au vent

7.3.3.1 Observations qualitatives de l’effet du vent pendant la campagne EuroSTARRS/transit en Méditérranée


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FIG. 7.23: Vent QSCAT co-localisé avec le trajet du STARRS pendant le transit Méditérranéenx.



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FIG. 7.24: Mesures de SSS faites par l’IRD le 28 novembre.



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FIG. 7.25: Mesures de SSS faites par l’IRD le 28 novembre.



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(a)
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FIG. 7.26: Température d’antenne mesurée par le STARRS et simulée avec le modèle d’émissivité (a) et angle d’incidence de la mesure (b) pendant le transit Méditérranéen, pour l’antenne 1L.



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FIG. 7.27: Température d’antenne mesurée par le STARRS et simulée avec le modèle d’émissivité (a) et angle d’incidence de la mesure (b) pendant le transit Méditérranéen, pour l’antenne 3L.


La version finale des données des campagnes EuroSTARRS nous étant parvenues récemment (novembre 2002), il n’a pas été possible de les traiter et de les interpréter quantitativement. Par conséquent, je vais présenter ici des résultats basés sur les mesures du STARRS pendant le transit en Méditérranée qui sont très préliminaires et qui nécessiteront une étude plus approfondie.

Les données acquises pendant le vol de transit vers l’Allemagne ont ceci d’intéressant que l’avion à traversé un très fort gradient de vent. J’ai reporté sur la figure 7.23 le vent déduit des mesures du satellite QSCAT sur le trajet de l’avion du DLR pendant ce vol au dessus de la Méditérranée, et sur les figures 7.24 et 7.25 les mesures de SSS et SST effectuées par l’IRD sur un bateau d’opportunité cinq jours après la campagne. Entre 17:05 et 17:10, le vent a augmenté de 18 m.s-1 en passant de 4 m.s-1 à 22 m.s-1. J’ai reporté sur les figures 7.26.a et 7.27.a, les mesures de TA effectuées par le STARRS pendant ce transit, respectivement pour les antennes 1L et 3L. J’ai superposé aux mesures les simulations de Tbmer effectuées avec le modèle d’émissivité, pour les mêmes conditions géophysiques. Le mélange des polarisations est ici négligé, mais son influence est de toute façon faible car pendant ce vol l’avion était proche de la position horizontale (voir les figures 7.7.c et 7.7.d). L’angle d’incidence est calculé sans prendre en compte l’angle de lacet (on suppose que hR = 0, ce qui est justifié par la figure 7.8.b), et est reporté pour les antennes 1L et 3L respectivement sur les figures 7.26.b et 7.27.b. L’angle d’incidence des deux antennes oscille la majeure partie du temps autour d’une valeur moyenne qui est de l’ordre de l’angle d’inclinaison des antennes par rapport à l’avion (i.e. h'), c’est à dire respectivement de l’ordre de 6.5o et 38.5o (voir le tableau 7.1), car l’avion est presque à l’horizontale. Entre 17:20 et 17:25, on observe une variation rapide de h créée par une variation de l’angle de roulis qui est due à un changement de cap de l’avion (voir les figures 7.6.d et 7.7.c).

La température d’antenne (TA) mesurée à faible angle d’incidence (par l’antenne 1L) est fortement accrue lorsque le vent augmente, de l’ordre de 10 K, alors que celle mesurée à plus fort angle d’incidence (par l’antenne 3L) est beaucoup moins sensible au vent, l’augmentation étant de l’ordre de 4 K. Comme l’angle de roulis était très faible pendant le transit, la mesure du STARRS est très proche d’une mesure en V-pol. Par conséquent, l’effet du vent au nadir et à h proche de 40o devrait être sensiblement le même. Ce n’est visiblement pas le cas. De plus, l’influence du vent sur les mesures de l’antenne 1L est beaucoup plus forte que celle prédite par les simulations (elle est plus forte d’un facteur deux que celle dérivée du modèle de spectre DV2). Une telle variation ne peut être expliquée par les variations de SSS ou de SST qui sont faibles dans cette zone (voir les figures 7.24 et 7.25). Depuis les premières versions des données sur lesquelles nous avons travaillé, les TA des antennes 1L et 1R semblent souffrir de biais et de bruits particulièrement élevés. Il semblerait donc que les mesures de ces antennes soient peu fiables. Par conséquent, il paraît exclu de quantifier une influence du vent sur Tbmer avec les mesures de ces antennes. Néanmoins, le gradient observé par l’antenne 1L est très cohérent temporellement avec les mesures de vent et avec le gradient observé par l’antenne 3L ; cela tendrait à prouver qu’il y a un effet du vent sur Tbmer pour des incidences proche du nadir, même s’il n’est pas quantifiable.

La TA de l’antenne 3L est très sensible aux variations de l’angle d’incidence, comme cela est prévu par les modèles pour les mesures à fort angle d’incidence. On peut remarquer la bonne corrélation entre les oscillations de la TA pour cette antenne et la Tbmer simulée. Au contraire, les variations de h, et notamment la forte variation entre 17:20 et 17:25, sont invisibles sur les mesures de l’antenne 1L: ceci s’explique par le fait que près du nadir, la Tbmer varie peu avec l’angle d’incidence.

L’effet du vent mesuré par les antennes 2L, 2R et 3R est du même ordre de grandeur que celui mesuré par l’antenne 3L (voir l’article reproduit dans la section 7.3.4).

7.3.3.2 Étude quantitative de l’effet du vent sur Tbmer (campagnes WISE et EuroSTARRS)


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FIG. 7.28: Comparaison du vent ramené à 10 m de hauteur à partir des mesures de vent à 69 m de hauteur (station météorologique de Casablanca) en supposant une atmosphère neutre (axe des ordonnées) ou en prenant en compte la stabilité de l’atmosphère (axe des abscisses). Les données sont issues de la campagnes WISE 2000.



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FIG. 7.29: Variation du rapport entre le vent ramené à 10 m de hauteur à partir des mesures faites à une hauteur de 2 m (bouée ICM) et de celles faites à une hauteur de 69 m (station Casablanca), en fonction de la stabilité, pendant la campagne WISE 2000


Nous avons fait des études quantitatives de l’effet du vent à partir des données WISE 2000, WISE 2001 et EuroSTARRS (antennes autres que 1L et 1R). Pour comparer la sensibilité de Tbmer deduite des mesures WISE et du modèle d’émissivité, nous avons ramené toutes les mesures de vent (bouée et station météorologique sur Casablanca) à une hauteur de 10 m, à l’aide de la relation (4.79). La figure 7.28 illustre l’influence de la stabilité sur le calcul du vent à 10 m de hauteur pour les données de la campagne WISE 2000. Cette influence est faible et l’atmosphère sera supposée neutre par la suite. Nous avons comparé (voir la figure 7.29) les vents ramenés à 10 m de hauteur issus des mesures de la bouée ICM (UICM)(mesure à 2 m de hauteur) et de la station météorologique (UMS) sur Casablanca (mesure à 69 m de hauteur). Les vents ICM ramenés à 10 mètres sont systématiquement plus faibles que les vents MS ramenés à 10 mètres (de l’ordre de 20%). Nous n’avons trouvé aucune influence sensible de la stabilité, calculée à partir de l’humidité relative et de DT (la différence de température entre l’air et l’eau était comprise essentiellement entre -2oC et 0oC) sur le désaccord entre les deux sources de données.


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FIG. 7.30: Comparaison des sensibilité Tbmer au vent dérivées des mesures WISE 2000 et simulées avec un modèle d’émissivité deux-échelles, en utilisant trois modèles de spectre différents. Les modèles de spetres de mer utilisés sont les modèles ELF (tirets), DV (tirets-points) et DV2 (points) (voir la section 5.1.3). Le calcul de la sensibilité et des barres d’erreurs est expliqué dans le texte.


La sensibilité de Tbmer au vent, c’est à dire @Tbmer/@U calculée avec les UMS, est illustrée en polarisation verticale sur la figure 7.30 pour les mesures WISE 2000 et pour des simulations faites en utilisant trois spectres de mer différents et les conditions de vent et température observées. Cette sensibilité a été déterminée à partir de la pente de la régression linéaire de Tbmer en fonction du vent pour U compris entre 0 et 10 m.s-1, pour les modèles ainsi que pour les mesures. Étant donné l’imprécision des vents, la sensibilité pourrait être sous-estimé d’environ 20%. Les barres d’erreurs sur les mesures traduisent à la fois le bruit de mesure et la non-linéarité de la variation de Tbmer avec U. Les simulations de Tbmer ne sont évidemment pas bruitées, mais elles ne varient pas linéairement avec le vent, surtout lorsque l’on utilise le spectre ELF. Ainsi, les barres d’erreur sur les simulations représentent la variation de T bmer autour de la régression linéaire. On constate que les barres d’erreur des modèles sont beaucoup plus grandes pour le modèle ELF, qui induit une Tbmer fortement non linéaire en vent, que pour les modèles DV et DV2, sauf à fort angle d’incidence où les modèles DV et DV2 induisent une variation de Tbmer en V-pol également non linéaire. La sensibilité de Tbmer déduite des modèles de spectre DV et ELF semble sous-estimée, alors que celle déduite du modèle DV2 semble plus en accord avec les mesures. Cependant, la sensibilité calculée en utilisant le spectre ELF est très diminuée par la présence du plateau (i.e. la faible sensibilité au vent) entre 3 m.s-1 et 7 m.s-1. Pour des vents supérieurs à 7 m.s-1, la dépendance en vent déduite du spectre ELF est comprise entre celles déduites des spectres DV et DV2. Une comparaison similaire entre la sensibilité au vent prédite par des modèles et déduite à partir de mesures à 1.43 GHz (Hollinger, [39]) et 2.65 GHz (Blume et al., [5]) a été faite par Boutin et al. ([6 ]). Les mesures à 1.43 GHz étaient trop bruitées pour tirer une conclusion sur la validité des spectres, mais les mesures à 2.65 GHz indiquaient, de même que les données WISE 2000, une trop faible sensibilité des Tbmer simulées en utilisant le modèle de spectre DV.


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FIG. 7.31: Variation de la somme des Tbmer en V- et H-pol avec le vent, d’après les mesures WISE 2001 et des simulations en utilisant le spectre ELF. Les points noirs sont les mesures WISE 2001 moyennées sur les angles d’incidence variant de 35oà 50o, les barres d’erreurs donnant l’écart type par rapport à cette moyenne. Les courbes bleues sont obtenues par simulation sans écume à h = 35o (trait plein) et h = 50o (tirets). Les courbes rouges sont obtenues par simulation avec écume (voir texte) à h = 35o (trait plein) et h = 50o (tirets)


La figure 7.31 illustre la variation de l’inflence du vent sur le premier paramètre de Stokes(i.e. T1 vent= T v vent + Thvent) déduite des mesures WISE 2001 et du modèle d’émissivité en utilisant le spectre ELF. L’avantage d’utiliser T1 vent plutôt que Tv vent et Thvent est que sa sensibilité au vent varie peu avec l’angle d’incidence, ce qui permet de combiner les mesures faites à différents h (voir l’article section 7.3.4). Les mesures sont décalées pour être ajustées par le modèle à U = 7 m.s-1 , car on ne peut déduire précisement le Tbvent = Tbmer - Tbplat mesuré à cause de l’incertitude sur Tbplat. Ces comparaisons ont donc pour but de valider la sensibilité de Tbmer au vent, comme c’était le cas avec les comparaison des mesures WISE 2000, et non pas la valeur de T bmer qui dépend à la fois du vent et de la constante diélectrique. La variation simulée de T bmer avec le vent, sans prendre en compte l’effet de l’écume, est plutôt en accord avec les mesures pour les vents supérieurs à 7 m.s-1. Cependant, le plateau entre les vents de 3 m.s-1 à 7 m.s-1 n’a pas été observé, écart est grand entre le modèle et les mesures pour cette gamme de vents. La prise en compte de l’écume, en utilisant le taux de couverture mesuré pendant la campagne WISE 2001, c’est à dire la relation (7.4), et le modèle d’émissivité de Stogryn (voir la section 4.5.2), induit un écart entre les mesures et le modèle, surtout à fort vent (de l’ordre de 3 K) qui ne peut pas être expliqué par le calage arbitraire de Tbplat (si l’on avait ajusté les simulations sur les mesures à 3-4 m.s-1, les courbes simulées seraient décalées d’environ 1K). Il semblerait donc que l’effet de l’ecume sur la campagne ait été peu sensible.


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(a)  
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(d)

FIG. 7.32: Comparaison de l’effet du vent sur les données EuroSTARRS et de celui prédit par les modèles. DTb est l’accroissement de la température de brillance induite par le vent indiqué en abscisse. (a, b, c, d) Les points verts et rouges, avec barres de variation rms sur les données moyennées, sont les données respectivement des antennes 2L (~ 21o d’incidence) et 3R (~ 39o d’incidence), les droites vertes et rouges sont des régressions linéaires à travers ces points. Les courbes noires sont les données simulées avec comme modèle (a) DV pour le spectre et pas d’écume, (b) ELF pour le spectre et pas d’écume, (c) DV2 pour le spectre et pas d’écume et (d) ELF pour le spectre et écume (couverture mesurée pendant la campagne).


D’autres comparaisons entre les mesures WISE 2001 et EuroSTARRS et le modèle d’émissivité sont reportées dans l’article reproduit dans les pages suivantes. Ces comparaisons montrent la sur-estimation de l’effet du vent sur Tbmer obtenu à partir du modèle de spectre DV2 (figure 4 de l’article). Cet article met en évidence l’importance de corriger de l’influence de la SST et de la SSS sur T bmer pour étudier l’influence du vent. L’utilisation du modèle de permittivité KS permet d’ailleurs une très bonne réduction du bruit causé par les variations de SST et SSS. Enfin, la figure 9 de l’article suggère la présence d’un signal en SSS sur les mesures EuroSTARRS qui n’a pas pu être approfondi faute de temps, les données définitives nous étant parvenues récemment (novembre 2002). Cependant, les données utilisées sur cette figure étaient préliminaires (pas d’angle hL fourni) et les corrections exposées dans la section 7.2 n’étaient pas toutes effectuées (seul le calcul de l’angle d’incidence, sans prendre en compte le lacet, a été fait). Il est probable qu’une fois les données correctement traitées, le signal sera moins bruité.

Enfin, la figure 7.32 illustre la comparaison de l’effet du vent mesuré pendant le transit EuroSTARRS et celui prédit par les modèles. Le plateau entre 3 et 7 m.s-1 prédit par le modèle de spectre ELF n’est pas observé, le modèle de spectre DV prédit un effet du vent trop faible par rapport à celui observé et le modèle d’écume surestime largement l’effet de celle-ci, s’il y en a un. Le modèle de spectre DV2 donne une dépendance en vent réaliste. Cependant, il faut noter qu’au delà de 7 m.s-1 le spectre ELF prédit une dépendance au vent similaire à celle prédite par le spectre DV2, et qu’il est impossible actuellement de départager ces deux modèles (et d’autres) à cause de la précision des mesures radiométriques. Ces mesures sont néanmoins très prometteuses, le STARRS etant en cours de perfectionnement de sorte de nous offrir à l’avenir des mesures moins bruitées.