4.6.1 La température de brillance pour une surface océanique plane

On a vu dans la section 2.3 un modèle simple pour la température de brillance de la surface océanique, qui consiste à considérer que la surface est plane. Comme on l’a vu dans la section 4.4, ce modèle est insuffisant pour atteindre la précision que l’on cherche sur la SSS, mais il permet néanmoins de calculer la contribution principale à Tbmer car l’effet du vent constitue une ”petite” correction (voir la section 4.4). De plus, l’essentiel du signal en SSS et SST est contenu dans Tbplat (voir la section 5.1). J’ai donc calculé Tbplat à partir de (2.22) pour évaluer la sensibilité de Tbmer à ces paramètres.

Tbplatne dépend, à une fréquence donnée, que de la SSS et de la SST, à travers er, et de h. J’ai utilisé le modèle de constante diélectrique KS ([47]) dans cette section, les résultats obtenus avec les autres modèles de er étant discutés dans la section 5.1.


PIC
FIG. 4.30: Variation de la température de brillance d’une surface océanique plane avec l’angle d’incidence, à une SST = 15oC et une SSS = 35 psu, en polarisations verticale (Tv) et horizontale (Th ).


Conformément à ce j’avais obtenu sur la figure 2.4, lorsque h augmente la température de brillance à une SSS et une SST données augmente en V-pol jusqu’à environ 84o d’angle d’incidence et diminue en H-pol (figure 4.30). Pour les deux polarisations, la variation de Tbplat avec h est plus forte à h élevé qu’au nadir où la variation est très faible (sauf en V-pol près de 84o ).


PIC
FIG. 4.31: Variation de la température de brillance à 1.41 GHz au nadir avec la salinité, pour des SSTde 0o C, 10o C, 20oC, et 30oC, pour une surface océanique plane.



PIC 
PIC
n = 2.65 GHz  
n = 14 GHz
 
FIG. 4.32: Variation de la température de brillance avec la salinité à 2.65 GHz et 14 GHz au nadir, pour des SST de 0oC, 10oC, 20oC, et 30oC, pour une surface océanique plane.


Tbplatvarie quasiment linéairement avec la SSS (ce qui n’est pas le cas avec la SST, voir paragraphe suivant), et sa sensibilité à la SSS augmente à mesure que la SST augmente (figure 4.31). Au nadir, une augmentation de SSS induit toujours une diminution de Tbplat, car elle induit une augmentation de la conductivité ionique sion, donc de |er''| et par conséquence du coefficient de réflexion de la surface océanique (voir la figure 4.5.b). J’ai reporté la variation de Tbplat avec la SSS aux fréquences 2.65 GHz et 14 GHz sur la figure 4.32 ; l’avantage de la bande L sur les plus hautes fréquences pour la mesure de la salinité est évident.


PIC
FIG. 4.33: Variation de la température de brillance avec la température à 1.41 GHz au nadir, pour des SSS de 32 psu, 34 psu, 36 psu, et 38 psu, pour une surface océanique plane.


Au nadir toujours, Tbplat augmente quand la SST augmente dans les mers froides, et diminue quand la SSTaugmente dans les mers chaudes (voir la figure 4.33). Dans les mers dont la température est de l’ordre de 15o C, Tbplat est insensible à la SST. Ce maximum de Tbplat se situe en fait à des températures un peu plus faible dans les mers très salées et plus forte dans les mers peu salées. Une augmentation de SSTinduit toujours une diminution de l’émissivité e, car elle induit une augmentation de la conductivité ionique sion , donc de |er''| et par conséquence du coefficient de reflexion de la surface océanique (voir la figure 4.5.b). Mais Tbplat = SST × e, et, la diminution de e avec la SST croissante n’étant pas linéaire, dans les mers chaudes la diminution de e l’emporte sur l’augmentation de SST, tandis que dans les mers froides l’augmentation de SST l’emporte sur la diminution d’émissivité.


PIC 
PIC
(a)  
(b)
 
FIG. 4.34: Sensibilité de la température de brillance à la salinité en fonction de la température, en polarisations verticale (a) et horizontale (b), à différents angles d’incidence.


Lorsque l’angle d’incidence h augmente, la sensibilité de Tbplat à la SSS augmente en polarisation verticale (figure 4.34.a) et diminue en polarisation horizontale (figure 4.34.b), particulièrement pour les mers chaudes. Au nadir, la sensibilité de Tbplat à la SSS est de -0.2 K.psu-1 à 0oC, et de -0.7 K.psu-1 à 30o C. À 60o d’angle d’incidence et SST = 30oC, la sensibilité de Tbplat à la SSS est de -1 K.psu-1 en V-pol, et de -0.4 K.psu-1 en H-pol. Ces résultats sont obtenus pour une SSS de 35 psu et dépendent peu de la SSS .

La variation de sensibilité de Tbplat à la SST lorsque l’angle d’incidence h varie est illustrée pour une SSSde 35 psu sur les figures 4.35.a pour la V-pol et 4.35.b pour la H-pol. Au nadir, la sensibilité de Tbplat à la SST est de 0.1 K.oC-1 à 0oC et de -0.16 K.oC-1 à 30oC. Près de 15oC, Tbplat est insensible à la SST mais cette température dépend un peu de l’angle d’incidence, surtout pour la V-pol. À forte incidence (i.e. h = 60o ), la sensibilité de Tbplat à la SST en V-pol est plus forte qu’au nadir dans les mers froides (i.e. elle est de 0.25 K.oC-1 à 0oC) et est plus faible dans les mers chaudes (i.e. elle est de -0.15 K.oC-1 à 30oC), alors qu’en H-pol une augmentation de h induit presque toujours10 une diminution de la sensibilité de Tbplat à la SST (0.04 K.oC-1 à 0oC et -0.11 K.oC-1 à 30oC). Cependant, la sensibilité de Tbplat à la SST dépend sensiblement de la SSS comme on peut le voir sur les figures 4.36 et 4.37.


PIC 
PIC
(a)  
(b)
 
FIG. 4.35: Sensibilité de la température de brillance à la température en fonction de la température, en polarisations verticale (a) et horizontale (b), à différents angles d’incidence. La SSS vaut 35 psu.



PIC 
PIC
(a)  
(b)
 
FIG. 4.36: Sensibilité de la température de brillance à la température en fonction de la température, en polarisations verticale (a) et horizontale (b), à différents angles d’incidence. La SSS vaut 31 psu.



PIC 
PIC
(a)  
(b)
 
FIG. 4.37: Sensibilité de la température de brillance à la température en fonction de la température, en polarisations verticale (a) et horizontale (b), à différents angles d’incidence. La SSS vaut 38 psu.



PIC
FIG. 4.38: Carte globales de SST, SSS et U. En haut, la SSS moyenne pendant le mois de juillet sur 2.5o x2.5o d’après la climatologie Levitus. Au milieu, idem pour la SST d’après la climatologie Reynolds ([76 ]). En bas, le vent moyen sur la première semaine de juillet et sur 2.5ox2.5o d’après les mesures du satellite QSCAT.



PIC
FIG. 4.39: Carte globale de Tbplat (i.e. Tbmer pour un vent nul) dérivée des SST climatologiques de Reynolds et des SSS climatologiques de Levitus, au nadir.



PIC
FIG. 4.40: Carte globale de Tbplat (i.e. Tbmer pour un vent nul) dérivée des SST climatologiques de Reynolds et pour une SSS fixée partout à 35 psu, au nadir.



PIC
FIG. 4.41: Carte globale de Tbplat (i.e. Tbmer pour un vent nul) dérivée des SSS climatologiques de Levitus et pour une SST fixée partout à 15oC, au nadir.


Cette étude de sensibilité montre que la Tbmer est peu sensible à la SST, particulièrement pour des SST moyennes de l’ordre de 15oC. En revanche, la sensibilité de Tbmer à la SSS est très dépendante de la SST: au nadir elle augmente pratiquement d’un facteur 3.5 entre 0oC et 30o C. Lorsque h augmente de 0o à 60o, la sensibilité à la SSS augmente en V-pol d’un facteur 1.4 et diminue en H-pol d’un facteur supérieur à 1.4. J’ai utilisé des cartes globales (voir les figures 4.38) de SST et SSS climatologiques (respectivements issues des climatologies Reynolds, [76 ], et Levitus, [7]) pour estimer la Tbplat globale et sa variabilité spatiale (figure 4.39). On distingue clairement un signal en SSS, notamment avec une augmentation de Tbplat dans les zones de fortes précipitations (par exemple à 80oO, 5oN et dans le golfe du Bengale à 90oE, 15o N) et près des embouchures des grands fleuves (par exemple à l’embouchure de l’Amazone, 50o O,0o ) ou avec une diminution de Tbplat dans les zones de faibles précipitations (par exemple dans la zone des gyres sub-tropicaux, 40oO, 25oN). Il peut être difficile de différencier les effets respectifs de la SSS et de la SST qui peuvent aller dans le même sens (par exemple la faible T bplat en mer Méditérranée causée à la fois par une forte SSS et une forte SST). Les cartes 4.40 et 4.41 sont obtenues en supprimant la variabilité respectivement de la SSS (la SSS est fixée à 35 psu) et de la SST (la SST est fixée à 15oC). On constate que la variabilité de la SST entraîne une variation globale de Tbplat de l’ordre de 2 K alors que celle de la SSS entraîne une variation globale de l’ordre de 6 K. L’écart type des Tbplat sur la carte de la figure 4.40 est de l’ordre de 0.38 K et celui des Tbplat sur la carte de la figure 4.41 est de l’ordre de 0.74.

L’incertitude sur l’estimation de la SSS à partir de mesures de Tbmer induite par les sensibilités exposées dans cette section (qui vont peu varier avec le vent) et par les incertitudes sur la connaissance de la SST et sur la mesure de Tbmer sera discutée dans la section 5.2. On a vu que la SST induisait un signal relativement faible sur Tbmer, mais un autre paramètre géophysique va induire du bruit sur la mesure ; c’est le vent.