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1.1 Contraintes instrumentales sur la mesure de l'humidité et de la salinité

1.1.1 Avec un radar ou un radiomètre ? A quelle longueur d'onde?

Dans le domaine des hyperfréquences, les instruments de télédétection peuvent être classés dans deux grandes familles : celle des radars, instruments actifs, et celle des radiomètres, instruments passifs. Ces instruments ont en commun qu'ils mesurent le rayonnement électromagnétique, pour une longueur d'onde donnée, provenant de cibles éloignées. Le but est de déduire les caractéristiques physiques des cibles observées, ici l'humidité ou la salinité de surface, en choisissant au mieux le type d'instrument et la longueur d'onde utilisée.

Onde électromagnétique, Longueur d'Onde, Domaine micro-onde, Bande L La lumière visible est une onde électromagnétique dont la longueur d'onde est située dans la bande visible . Chaque couleur que nous percevons indique une longueur d'onde différente : les deux valeurs extrêmes que nous pouvons distinguer sont 0.4 $ \mu \textrm{m}$ (violet) et 0.7 $ \mu \textrm{m}$ (rouge).
Le domaine des hyperfréquences, dit encore des micro-ondes, s'étend dans des longueurs d'onde beaucoup plus grandes. Ce domaine est lui même divisé en bande, la bande L s'étendant entre 20 cm et 80 cm, soit, en fréquence, entre 0.390 GHz et 1.550 GHz.

Les radars sont des instruments actifs. Une onde électromagnétique est envoyée par une antenne sur une cible qui, suivant ses propriétés physiques, va plus ou moins absorber ce rayonnement. Cette même antenne (ou une antenne différente) est alors utilisée pour mesurer la puissance du signal renvoyé et l'on en déduit ainsi les caractéristiques de la cible. Lorsque la cible est une surface naturelle, la puissance rétro-diffusée est toutefois très sensible à la topographie de la surface observée (rugosité du sol, de la végétation ou de la mer) qui doit donc être prise en compte pour interpréter les mesures.

La seconde famille est celle des instruments passifs. Aucune onde n'est envoyée, l'antenne d'un radiomètre ne fonctionnant qu'en réception. Seule l'émission naturelle du rayonnement par la surface est mesurée : cette émission naturelle est caractérisée par une quantité appelée température de brillance ($ T_b$ ).

Corps noir et Température de Brillance Un corps noir est un corps idéal absorbant toute l'énergie électromagnétique qu'il reçoit : s'il n'est pas chauffé, il n'émet aucun rayonnement, il est donc noir. Lorsqu'il est chauffé, il rayonne pour contrebalancer l'énergie qu'il reçoit et, tout comme la braise d'un feu de cheminée, la longueur d'onde de ce rayonnement (sa couleur ) change en fonction de la température.
Dans un cas idéal, MAX PLANCK a montré, en 1900, que l'énergie rayonnée par un corps noir à une longueur d'onde donnée ne dépend que de sa température.
L'énergie rayonnée par une surface quelconque, elle, ne dépend pas que de sa température. La température de brillance de cette surface est la température qu'aurait un corps noir rayonnant la même énergie.

Comme il le sera précisé dans les paragraphes suivants, la précision contraignante sur la mesure de l'humidité et de la salinité, ainsi que les effets importants de la topographie des surfaces observées, font que les radiomètres sont dans ce cas préférés aux radars. D'autre part, l'utilisation de la longueur d'onde $ \lambda_0~=~21~\textrm{cm}$ (fréquence centrale $ f_0 = 1.41~\textrm{GHz}$ ), au sein de la bande L, offre plusieurs avantages :
- cette partie de la bande L est dite protégée c.-à-d. qu'il est (normalement) interdit d'émettre (relais et téléphones portables, radars d'aéroport...) autour de cette fréquence.
- l'atténuation du signal par la vapeur d'eau et l'eau liquide, contenue notamment dans les nuages, est quasi-nulle - la température de brillance dépend fortement de la présence d'eau à la surface du sol (3 à 5 cm de profondeur contre seulement 1 cm à plus haute fréquence)
- la sensibilité radiométrique à la salinité de surface est optimale.

Température de brillance $ T_b~[\textrm{K}]$ En 1900, MAX PLANCK établit grâce à une loi empirique la variation de la luminance $ \mathcal{L}$ d'un corps noir en fonction de sa température $ T$ et de la longueur d'onde $ \lambda$ du rayonnement émis Ulaby:

$\displaystyle \mathcal{L}(\lambda,T) = \frac{\displaystyle 2 h c^2 \lambda^{-5}} {\displaystyle \exp \left( \frac{hc}{\lambda k T}\right)-1}$ (1.1)

où la luminance $ \mathcal{L}$ est une puissance par unité surface, par stéradian et par longueur d'onde ( $ [\textrm{W.m}^{-2}.\textrm{sr}^{-1}.\textrm{m}^{-1}]$ ), $ c$ est la vitesse de la lumière ( $ [\textrm{m.s}^{-1}]$ ), $ k$ la constante de BOLTZMANN et $ h$ la constante de PLANCK ( $ [\textrm{J.s}]$ ).
Dans le domaine micro-onde, le rapport $ (hc)/(\lambda k T)$ est de l'ordre de $ 2\times10^{-4}$ pour $ \lambda~=~21~\textrm{cm}$ et $ T = 300~\textrm{K}$ , l'approximation de Rayleigh-Jeans est alors possible :
$\displaystyle \frac{hc}{\lambda k T} \ll 1$ $\displaystyle \Rightarrow$ $\displaystyle \exp \left(
\frac{hc}{\lambda k T}\right) \approx 1 + \frac{hc}{\lambda k T}$ (1.2)
  $\displaystyle \Rightarrow$ $\displaystyle \mathcal{L}(\lambda,T) =
\frac{\displaystyle 2 c k T}{\lambda^4}$ (1.3)

Alors que le rayonnement du corps noir est isotrope (identique dans toutes les directions), celui d'un corps réel peut dépendre de la direction d'observation $ (\theta,\phi)$ (coordonnées sphériques traditionnelles). L'émissivité $ e$ est introduite pour faire le lien entre la luminance d'un corps réel et celle du corps noir :

$\displaystyle e (\lambda,T,\theta,\phi) = \frac{\displaystyle \mathcal{L}_\text...
...bda,T,\theta,\phi)} {\displaystyle \mathcal{L}_\textrm{corps noir} (\lambda,T)}$ (1.4)

La température de brillance $ T_b(\theta,\phi)$ d'une surface quelconque est la température $ T$ que devrait avoir un corps noir pour que sa luminance soit semblable à celle de ce corps réel.
La température de brillance est donc telle que :

$\displaystyle \mathcal{L}_\textrm{corps réel} = \frac{\displaystyle 2 c k T_b (\theta,\phi)}{\lambda^4}$ (1.5)

Donc, d'après (1.3) :

$\displaystyle e (\lambda,T,\theta,\phi) \frac{\displaystyle 2 c k T}{\lambda^4} = \frac{\displaystyle 2 c k T_b (\theta,\phi)}{\lambda^4}$ (1.6)

Soit la relation entre la température de brillance et la température physique, pour une longueur d'onde fixée:

$\displaystyle T_b(\theta,\phi) = e (\theta,\phi) T$ (1.7)

avec $ 0 \leqslant e \leqslant 1$ .

1.1.2 Télédétection de l'humidité des sols

La température de brillance ($ T_b$ ) d'une surface continentale dépend principalement de l'humidité de surface du sol $ \textrm{w}_s$ [ $ \textrm{m}^3/\textrm{m}^3$ ], de l'épaisseur optique de la couverture végétale $ \tau~[\textrm{Nepers}]$ et de sa température de surface $ T_s~[\textrm{K}]$ Wigneron1 Wigneron2. D'autres effets comme la topographie, la rugosité du terrain, le type de sol ou encore la nature de la couverture végétale sont aussi à prendre en compte. Cependant, étant donné qu'ils sont constants dans le temps, des données externes (modèles numériques de terrain, données satellites...) peuvent être utilisées pour corriger ces contributions.

En bande L, le modèle de transfert radiatif du premier ordre dit modèle $ \tau-\omega$  , où $ \omega $ est l'albédo de la végétation) relit indirectement les trois paramètres physiques ( $ \textrm{w}_s,~\tau~\textrm{et}~T_s$ ) à $ T_b$ . La couverture végétale est le principal obstacle entre l'instrument et le sol. Il est impératif de disposer de mesures indépendantes de $ T_b$  pour des configurations variées, en terme d'angles d'incidence, de polarisation ou de fréquence pour pouvoir éliminer la contribution de la canopée, la capacité de mesure multi-angulaire étant sans doute la plus efficace Wigneron3. A cette condition, l'humidité de surface des sols reste mesurable pour une densité surfacique de la biomasse inférieure à 5 kg  $ \textrm{m}^{-2}$ , ce qui représente 65$ \%$ des terres émergées Kerr1. Une fois l'humidité de surface connue avec une précision suffisante, il est possible de retrouver l'humidité du sol dans la zone vadose, la zone dans laquelle la végétation va puiser une partie de son eau Calvet1.

\resizebox{16cm}{!}{
\psframebox{
\begin{tabular}{p{\textwidth}}
En conclusion, ...
...
recherchée pour la mesure est 0.04~$\textrm{m}^3/\textrm{m}^3$.
\end{tabular}}}

1.1.3 Télédétection de la salinité des océans

La salinité est définie comme le rapport entre la masse de sel et la masse d'eau de mer, en gramme de sel par kilogramme d'eau de mer : $ 1\textrm{g}/\textrm{kg}= 1\textrm{psu}$ , pratical salinity unit. Or, la situation est différente du cas de la mesure de l'humidité. En effet, la salinité de l'eau de mer fait peu varier la température de brillance des océans1.1. Même si, là encore, la bande L semble la plus indiquée, le signal reste faible. Cette donnée, combinée avec une contrainte forte sur la précision de la mesure (0.1 psu), conduit à faire de la modélisation du problème direct une étape majeure dans le processus d'estimation de la salinité de surface des océans (SSS pour Sea surface Salinity) à partir des températures de brillance.

La température de brillance des océans va varier en fonction de 3 facteurs principaux : la salinité, bien sûr, mais aussi la température de surface (SST pour Sea Surface Temperature) et enfin la rugosité de la mer, principalement liée à la vitesse du vent. Ainsi, $ {T_b}_{\textrm{océan}}$ peut être vu comme la somme de deux contributions :

$\displaystyle {T_b}_{\textrm{océan}}= {T_b}_{\textrm{plat}}+ {T_b}_{\textrm{vent}}$ (1.8)

La contribution principale $ {T_b}_{\textrm{plat}}$ est celle d'une mer sans vague, une mer idéale plate. La contribution secondaire $ {T_b}_{\textrm{vent}}$ est celle de la rugosité de la mer : la formation des vagues, de l'écume et de la houle induite par le vent va apporter une correction non négligeable aux valeurs obtenues par le modèle précédent.

Même si le radiomètre possède une sensibilité de l'ordre du Kelvin, ce qui, on le verra dans la section suivante, représente une forte contrainte instrumentale, l'erreur sur l'estimation de la SSS est alors de 2 psu. Or, la précision doit être de l'ordre de 0.1 psu pour que la salinité soit utilisable scientifiquement.

Afin d'atteindre ce seuil, des mesures élémentaires indépendantes devront être moyennées. Il est donc important de pouvoir obtenir le maximum de mesures indépendantes pour un même pixel au cours d'un seul passage de l'instrument.

Ces mesures pourront aussi être moyennées spatialement, sur des zones de 200 km $ \times$ 200 km, et temporellement, sur 10 jours. Contrairement à ce qui se passe pour l'humidité, ce n'est donc pas tant la résolution spatiale que la stabilité et l'étalonnage de l'instrument qui devront être le trait dominant du radiomètre, sans pour autant négliger la sensibilité radiométrique.

De même que pour l'humidité, des données de SST et de vent (vitesse et direction) issues de mesures satellites ou de sorties de modèles météorologiques doivent être intégrées avec une précision suffisante afin de pouvoir inverser la relation établie entre la température de brillance et la salinité.

\resizebox{16cm}{!}{
\psframebox{
\begin{tabular}{p{\textwidth}}
En conclusion, ...
...sur 10 jours et une
sensibilité radiométrique de l'ordre de 1~K.
\end{tabular}}}


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2005-03-31