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Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 - 2002

5. Étude de terrain

 

5.1. Collège Alfred Mézières

5.5.2. Analyse a priori des tâches prescrites

Remarques sur les exercices sur le stalinisme

 

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Il ressort de cet examen détaillé que l’exigence cognitive de la tâche atteint dans son ensemble un niveau de difficulté relativement élevé pour des élèves de quatorze ans. Tant qu’il s’agit du traitement des définitions, on se trouve généralement en présence d’un travail qui requiert une opération de substitution de niveau concret ou parfois une classification du même niveau. Quelquefois, l’opération à effectuer se ramène à une correspondance terme à terme de niveau pré-opératoire, ce qui est le cas si « on est amené à effectuer des liens directs entre des éléments, sans transformation de ceux-ci » [HIGELÉ 97, p. 48]. D’autre part, les définitions étant fixées à l’avance dans une diapositive et une seule, la difficulté demeure à peu près constante pour chaque diapositive tout au long de l’exercice. Le fait d’avoir ou de n’avoir pas déjà traité d’autres diapositives à un moment donné ne modifie pas les données du problème. Bien sûr, l’élève est probablement amené à mettre en œuvre en amont de ces opérations de substitution ou de correspondance terme à terme des capacités cognitives de niveau plus élevé pour saisir le sens des expressions et des définitions en jeu, supposées acquises en classe de troisième.

On ne saurait passer sous silence le problème de la gestion par l’élève du niveau auquel il opère. Plusieurs appariements peuvent se réaliser, on l’a vu, aussi bien par une correspondance terme à terme de niveau pré-opératoire allant jusqu’à faire fi du sens des contenus en jeu, que par une substitution ou une classification nécessitant un traitement symbolique ou même parfois conceptuel. L’élève va-t-il choisir un niveau ? Et dans ce cas, lequel ? Le niveau le plus bas en terme de développement n’est pas forcément celui dans lequel l’élève va se trouver le plus à l’aise. Et s’agit-il à proprement parler d’un choix ? Il se peut en effet que l’élève décide consciemment d’une façon de procéder après un examen de la tâche de caractère méta-cognitif d’un niveau élevé, il se peut également qu’il se lance spontanément dans une direction sans jamais imaginer une autre possibilité. Enfin, rien n’oblige l’élève à choisir, il peut jouer des deux niveaux. Une hypothèse serait qu’il utilise par exemple les correspondances terme à terme de niveau peu élevé pour, en quelque sorte, trouver des pistes, et qu’il s’investisse ensuite cognitivement davantage pour confirmer ou infirmer ces pistes, et surtout pour donner du sens à ce qu’il fait et augmenter ainsi ses chances d’apprendre effectivement quelque chose au cours de son travail.

Pour le traitement des documents iconographiques, on constate, pour le moment, que l’exercice est très certainement plus difficile qu’il n’y paraît à première vue. Certes, certains appariements sont assez facilement réalisables par des substitutions de niveau début concret. Mais avant d’avoir en présence l’une de l’autre une image et un passage du texte pouvant se substituer l’un à l’autre, il est souvent indispensable de passer par un travail de choix négatif et d’élimination, puisque le travail porte sur l’ensemble des diapositives ou du moins sur celles qui restent à un moment donné. Cela peut requérir la mise en œuvre d’opérations de classification à des niveaux concret ou formel tout en mobilisant fortement la mémoire. Par ailleurs, on a vu en examinant le cas de chaque diapositive que certaines permettent des choix faciles parmi les documents et que leur traitement simplifie la suite du travail en limitant le nombre de documents à regarder. D’autres en revanche laissent place davantage à l’interprétation et peuvent même provoquer des erreurs en série à partir d’un choix erroné. Il faut considérer que rien n’empêche un élève de parcourir la série de diapositives dans le désordre et de les traiter en fonction de la facilité à le faire qu’il y trouve. Cette façon de faire peut conduire à diminuer l’exigence cognitive dans l’exécution pas à pas de la tâche, mais suppose a contrario et auparavant une manipulation de l’ensemble des objets et du jeu des opérations possibles ou souhaitables. D’une certaine manière, il s’agit pour l’élève de construire et de suivre une sorte d’algorithme plus ou moins défini d’avance.

Par exemple, dans la deuxième série de diapositives, nous avons remarqué que quatre documents sur huit (Doc 8, Doc 9, Doc 14, et Doc 15) pouvaient raisonnablement être pressentis pour illustrer la première diapositive (diapositive 9) alors qu’un seul convient vraiment (Doc 15), bien entendu. Soit l’élève décide de retenir un document, avec trois chances sur quatre de se tromper, soit il suspend son jugement et passe à la diapositive suivante en ayant toujours huit documents à placer, mais sur quatre diapositives seulement, tout en sachant qu’il lui faudra garder un document parmi Doc 8, Doc 9, Doc 14, et Doc 15 pour la première diapositive. Le traitement de la diapositive 10 permet en principe une avancée dans la mesure où nous avons considéré que seul le document Doc 8 pouvait y être associé. L’élève place alors Doc 8 sur cette diapositive 10 et passe à la suivante en sachant qu’il n’en reste plus que quatre pour sept documents, dont trois possibles réservés pour la première. La diapositive 11 doit recevoir deux documents. Pour l’un des deux emplacements, Doc 14 peut être choisi sans difficulté. Pour l’autre, Doc 9, Doc 11 et Doc 15 peuvent convenir. Admettons que l’élève reconnaisse l’intrus, Doc 11. Il lui reste Doc 9 et Doc 15, qui peuvent aller aussi sur la diapositive 9, la première. Il suspend toujours son jugement et il passe à la diapositive suivante (diapositive 12) avec encore cinq documents pour trois diapositives, auxquelles il faut ajouter la première non encore traitée et un emplacement dans la troisième. La diapositive 12 permet de placer facilement Doc 10 et Doc 13. Puis la diapositive 13, la dernière, permet de placer aussi facilement Doc 12. L’élève doit alors revenir sur les diapositives 9 et 11 pour y placer judicieusement les documents Doc 15 et Doc 9.

On l’aura remarqué, la tâche n’est pas simple, alors même que nous faisons ici l’hypothèse optimiste que l’élève ne commet pas d’erreurs d’interprétation sur les documents eux-mêmes. En particulier, il apparaît que l’élève doit gérer une grande quantité d’incertitude vers le milieu de l’exercice. Si l’on fait référence aux quatre opérations de la pensée que distinguaient les logiciens de Port-Royal, on constate que l’élève doit ici les mettre toutes en œuvre, concevoir, juger, raisonner et ordonner. Ce qui, mis en des termes plus contemporains, veut dire que l’exécution de cette tâche implique pour lui un investissement cognitif considérable et une montée en charge progressive de la mémoire de travail en cours d’exercice susceptible d’obérer ses capacités cognitives disponibles.

On l’aura compris, tout cela rend délicate l’appréciation a priori du niveau cognitif global de la tâche, car, si elle est jusqu’à un certain point itérative, elle n’est pas pour autant répétitive. Une seule erreur d’interprétation ou de jugement survenant au début de l’exécution de l’exercice peut provoquer une sorte de réaction en chaîne et conduire l’élève à s’embrouiller et à augmenter lui-même considérablement la difficulté. En tout état de cause, dans l’hypothèse d’un déroulement sans incident de l’activité et de sa conduite pas à pas par l’élève, on ne saurait estimer la difficulté cognitive de l’ensemble de la tâche en dessous du niveau fin concret, avec des passages possibles par des opérations de niveau formel. A supposer qu’un élève y parvienne, la maîtrise globale et planifiée de l’ensemble de la tâche requiert le niveau formel, en raison du travail de manipulation mentale sur le rapport des cas possibles aux cas réels qu’elle nécessite. Un retour sur l’activité des élèves en classe et un examen de leurs productions devraient nous permettre maintenant d’avancer dans cette étude.

 

 

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