1.  

2.  

3.  

4.  

Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 - 2002

5. Étude de terrain

 

5.1. Collège Alfred Mézières

5.5.2. Analyse a priori des tâches prescrites

Les exercices sur l’Italie fasciste avant la deuxième guerre mondiale

 

Retour au sommaire général

Retour au sommaire de l’Etude de terrain

 

Description de la tâche globale.

Analyse détaillée.

Première diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations économiques.

Deuxième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations économiques (deuxième partie)

Troisième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations religieuses.

Quatrième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations sociales.

 

 

Description de la tâche globale

Tirant les conséquences de sa propre expérience, le professeur va modifier considérablement l’exercice proposé par rapport à ce qu’il était pour l’étude du stalinisme de 1928 à 1941. Il en maintient cependant les données fondamentales. Il s’agit toujours pour les élèves volontaires de créer des liens de type hypertextuel dans un ensemble de documents à l’aide du logiciel « Présentation Ô», en travaillant individuellement et à tour de rôle sur des ordinateurs PC. Sur ces bases constantes, l’intention du professeur est de rendre l’exercice plus simple et surtout plus court que le précédent sur le stalinisme. Il n’y aura pas de changement entre le dispositif mis en place pour l’Italie fasciste le 9 décembre et celui retenu pour l’Allemagne nazie le 10 janvier. Pour cette raison, je présente ensemble les travaux des deux séances.

La première modification tient à ce que chaque exercice proposé ne contient qu’une seule diapositive à compléter, au lieu de cinq ou sept. Il y a ainsi cinq exercices distincts sur l’Italie fasciste et deux sur le Nazisme, chaque élève étant libre d’en choisir un. La deuxième modification tient à la suppression des cadres de définition. Il n’est plus question que de créer des liens entre des documents et des passages du résumé. De ce fait, toutes les diapositives se présentent de la même façon et je m’abstiendrai de les reproduire une par une lors de l’analyse de la tâche, me contentant d’en transcrire le contenu textuel. Enfin, il est proposé un choix de trois documents iconographiques pour chaque diapositive au lieu de sept ou huit pour chaque série de cinq ou sept diapositives. On voit que la situation est bien simplifiée, ne serait-ce que du seul point de vue de la combinatoire. Le principe du document intrus est maintenu. Parmi les trois documents iconographiques livrés avec une diapositive, l’un n’a pas sa place. Il est toujours appelé « l’intrus ».

Retour en haut de la page

 

Figure  43

En pratique, pour le travail sur l’Italie fasciste, il existe d’une part cinq fichiers, identifiés « Italie1, Italie2… », contenant chacun une seule diapositive. Cette diapositive ressemble à celles que nous avons rencontrées pour l’étude du stalinisme, à cette différence près qu’elle ne contient jamais de cadre de définition, mais seulement un cadre de résumé et toujours deux cadres de légende correspondant aux deux documents iconographiques à placer. Les cadres de légende portent chacun une flèche oblique que l’élève devra réorienter et le cas échéant raccourcir ou rallonger pour pointer sur un mot ou une expression du résumé qu’il lui appartient de mettre en gras (voir figure 43).

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  44

D’autre part, il existe cinq autres fichiers, identifiés « Italdoc1, Italdoc2… » qui contiennent chacun une diapositive contenant elle-même trois documents iconographiques. On comprend que l’élève qui décide de traiter la diapositive « Italie1 » devra ouvrir le fichier « Italdoc1 » pour afficher une diapositive, et une seule, sur laquelle il verra d’un seul coup d’œil les trois documents soumis à son choix et seulement ces trois là. Dans cette diapositive, chaque document est accompagné d’une étiquette « Doc1, Doc2… Doc15 » qui l’identifie d’une façon univoque (voir figure 44).

Il y a aussi quinze fichiers au format PCX, c’est-à-dire un format d’images directement importable dans une diapositive par le jeu des menus, sans avoir à passer par « sélection, copier, coller » d’un document depuis une diapositive vers une autre. Ces fichiers sont identifiés « Doc1.pcx » à « Doc15.pcx » et leur emplacement sur le disque de l’ordinateur est bien sûr indiqué aux élèves.

Retour en haut de la page

 

Pour le travail sur l’Allemagne nazie, le dispositif est exactement le même, sauf qu’il n’y a que deux diapositives à compléter au choix dans les fichiers « Nazisme1 » et « Nazisme2 », deux diapositives de documents « Nazi1doc » et « Nazi2doc », et six fichiers d’images au format PCX, identifiés « Doc2.pcx » à « Doc7.pcx ». Pour qu’il n’y ait pas de confusion possible entre les fichiers PCX pour l’Italie et ceux pour l’Allemagne, ils sont rangés dans deux répertoires distincts du disque dur, ainsi d’ailleurs que les autres fichiers, de telle sorte qu’un élève trouve tout ce dont il a besoin et seulement cela dans un seul et même répertoire de travail.

Il n’y a pas de version imprimée regroupant les cadres de résumé. Mais comme les élèves ont la permission de consulter leurs manuels dans lesquels se trouvent textuellement les mêmes résumés, ainsi que leurs cahiers personnels, ils ne sont pas dépourvus de ressources extérieures à celles offertes par les ordinateurs. Dans le même ordre d’idées, il faut noter que je ne dispose pas d’une version corrigée par le professeur. Il m’a fait connaître de vive voix ses intentions et m’a indiqué précisément diapositive par diapositive qu’elles étaient les liens attendus, ce qui revient presque au même que de me donner un corrigé, si ce n’est que je ne peux plus montrer ici les reproductions des résultats souhaités par le professeur comme c’était le cas pour l’exercice précédent.

Les consignes sont données verbalement aux élèves, largement en référence à l’exercice sur le stalinisme, un peu comme je viens de le faire ici moi-même. Les élèves sont informés de l’existence et de l’emplacement des fichiers qui sont à leur disposition. Ils peuvent prendre au hasard un fichier de diapositive à compléter, ou les regarder tous et en choisir un à leur goût, parmi cinq ou parmi deux selon la séance. Les noms des fichiers sont inscrits au tableau avec en regard les noms des fichiers d’images (PCX) correspondants. Les élèves savent qu’ils doivent sauvegarder leur travail à la fin sous un nouveau nom qui permettra au professeur de le reconnaître (leur prénom ou leur nom de famille).

Ne disposant ni d’observation, ni de production en regard de la cinquième diapositive sur l’Italie fasciste, je ne procéderai pas à l’analyse a priori de la tâche correspondante.

Retour en haut de la page

 
Analyse détaillée
Première diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations économiques

Les documents

 

Figure  45

 

 

La première image, Doc1, est une photographie sépia qui montre un Mussolini torse nu payant de sa personne parmi les travailleurs des champs. On voit nettement qu’il s’agit des travaux de la moisson. Trois personnages manient avec entrain des gerbes de blé. Exemplaire, le Duce s’active au premier plan. C’est clairement un document de propagande du régime. Il illustre cet épisode de l’histoire agricole italienne connu sous le nom de « bataille du blé ». Le cliché a été pris en 1932. Mais aucun de ces renseignements n’accompagne le document dans la diapositive où il apparaît sous l’étiquette Doc1. Et Mussolini n’est pas très facile à reconnaître sur ce cliché, du moins pour un élève de troisième français aujourd’hui.

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  46

 

La deuxième image, Doc2, est une photographie en noir et blanc, ou très subtilement colorée. On y voit au premier plan un ouvrier travaillant sur des poutrelles métalliques, apparemment à une très grande hauteur sur un chantier de construction. L’arrière-plan montre un paysage urbain typiquement américain, Manhattan peut-être, avec de nombreux buildings. Mais il faut admettre que la netteté de cet arrière plan est loin d’être parfaite. Cette image est « l’intruse ».

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  47

 

Le document Doc3 est une vue en couleurs d’un stade, le Forum Mussolini construit à l’ouest de Rome, avec au premier plan une statue monumentale d’athlète à l’antique comme se plaisaient à en sculpter les artistes fascistes. L’arrière-plan n’est pas très net et il est difficile d’identifier des tribunes et l’entrée d’un stade. En revanche, le plan médian montre nettement une piste d’athlétisme avec ses couloirs pour les courses à pied qui sont familiers aux jeunes gens d’aujourd’hui. En fait, c’est la présence des statues qui pourrait être troublante, car ce genre d’embellissement est somme toute assez rare dans les stades que peuvent fréquenter les élèves des collèges lorrains.

 

 

 

 

Retour en haut de la page

 

La tâche

Dans cette diapositive « Italie1 », le cadre de résumé contient le texte suivant :

1 - Réalisations économiques du fascisme

- les grandes batailles : assèchement des marais (ex : les marais Pontins dans le Latium) en vue d’accroître les surfaces cultivées et la production (bataille du blé).

- politique des grands travaux : construction de routes, de villes nouvelles, urbanisme à Rome (dans le but de retrouver le faste de la Rome antique).

 

Le professeur attend que l’élève associe le document Doc1, le Duce aux champs, avec « bataille du blé » ou avec toute la fin du premier paragraphe : « en vue d’accroître […] ». L’autre association doit se faire entre la photographie du stade, Doc3, et « urbanisme à Rome (dans le but de retrouver le faste de la Rome antique). ». C’est donc Doc2, l’image de l’ouvrier sur le building en construction, qui est rejetée. Pour ce faire, l’élève doit d’abord repérer les indices caractéristiques de l’urbanisme de gratte-ciel. Il doit réaliser un travail de classification du document dans la classe des photographies de chantiers de gratte-ciel, à partir de la coordination de plusieurs éléments, l’ouvrier, les poutrelles, la hauteur, l’arrière-plan, ce qui situe la difficulté à niveau cognitif concret. Ensuite, il est censé savoir que ce type d’urbanisme n’existe pas en Italie avant la guerre. Il lui reste à mettre en œuvre une opération d’implication : la photographie montre la construction d’un gratte-ciel sur fond de gratte-ciel, or on ne construit pas de gratte-ciel en Italie du temps de Mussolini, donc la photographie ne concerne pas l’Italie du temps de Mussolini. Un tel raisonnement relève d’un niveau cognitif fin concret. Il est certain que le repérage des indices perceptifs et leur bonne interprétation est déterminante pour la réussite de l’exercice, les opérations cognitives en elles-mêmes ne présentant en principe pas de difficultés majeures a priori pour un élève de troisième.

Retour en haut de la page

 

Deuxième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations économiques (deuxième partie)

Les documents

 

Figure  48

 

Le document Doc 4 présente un graphique en couleurs de l’évolution des salaires réels en Italie de 1915 à 1943. La source est indiquée mais pratiquement illisible et de toutes façons peu informative : « Storia per la scuola média, SEI, Turin », un manuel scolaire italien, peut-être. Le titre du graphique, « Le salaire réel en Italie », est en revanche tout à fait lisible. On distingue assez bien en abscisse des millésimes et des indices en ordonnée. La surface délimitée par la courbe est nettement séparée en deux zones de couleurs différentes de part et d’autre d’un trait vertical noté en abscisse « 1922 », date de la prise du pouvoir par Mussolini, comme chacun le sait. Dans la zone allant de 1922 à 1942, il est écrit en gros « Italie fasciste ». Les indices ne manquent donc pas pour situer l’information portée par le document dans la période étudiée. Et il apparaît clairement qu’il s’agit des salaires et seulement de cela. Ce document est « l’intrus ».

 

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  49

 

Le document Doc 5 reproduit une affiche de propagande en noir et blanc. La plus grande partie de l’affiche est occupée par une aigle romaine, fier symbole des aspirations Mussoliniennes au retour de la grandeur antique. En bas, on peut lire un slogan sans ambiguïté, « Mussolini ha sempre ragione » que les propagandistes du régime avaient l’habitude fort pédagogique de reproduire partout. En haut, s’inscrit en caractères flamboyants et monumentaux le mot « AVTARCHIA ». On ne peut pas ne pas le voir. Si la compréhension du slogan du bas demande un minimum de connaissance de la langue italienne ou à la rigueur du latin, la parenté entre « Autarchia » et le mot français « autarcie » ne laisse aucun doute, sauf à se méfier de ce que les professeurs de langues appellent les faux amis. Le sens global de l’affiche est simple : l’Italie retrouve sa grandeur passée et n’a besoin de personne pour y parvenir. Et pour faire bonne mesure : le Duce a toujours raison. Il est certain que cette interprétation, pour simple qu’elle apparaisse à un adulte, suppose néanmoins un travail de coordination d’éléments de l’affiche avec des éléments de connaissance extérieurs d’un niveau cognitif au moins fin concret, et peut-être même formel si l’on se place dans le champ des concepts politiques. En revanche, il semble clair qu’une simple correspondance terme à terme de niveau pré-opératoire suffira s’il est demandé d’associer ce document à un texte parlant d’autarcie.

Retour en haut de la page

 

Figure  50

 

Le document Doc 6 est une sorte de schéma scolaire en couleurs opposant d’un côté, à gauche, une représentation des rapports sociaux dans le travail vaguement marxiste, et à droite, celle de l’organisation corporatiste mise en place par le fascisme. Les schémas sont extrêmement simples et bien lisibles. Celui de gauche met en évidence l’opposition de deux classes sociales et les conflits qui éclatent entre elles. Une étincelle rouge jaillit entre les pointes des blocs symbolisant les patrons, en haut, et les syndicats ouvriers, en bas. Un rapport de cause à effet de niveau cognitif fin concret permet au lecteur de passer de la métaphore de l’étincelle à la notion de conflit social violent. Et, pour qui n’aurait pas bien compris la métaphore, l’expression « lutte des classes » figure en toutes lettres par dessus l’étincelle. En coordonnant ces deux indices, le lecteur doit comprendre que cette partie gauche du schéma représente une organisation sociale conflictuelle. A droite, on voit les blocs bien rangés des corporations, avec trois exemples, le textile, la chimie, les métaux. Il n’y a pas d’étincelle. Les patrons sont toujours en haut et les ouvriers en bas, mais on comprend bien qu’il n’y a pas de lutte de classes, puisque tout simplement, il n’y a pas de classes, les corporations étant socialement unifiées et étanches entre elles. Une « chambre des corporations » chapeaute l’ensemble et il est précisé que la « grève [est] interdite ». Par une combinaison de deux implications de niveau cognitif fin concret, le lecteur est censé comprendre que si la grève est interdite et s’il existe des corporations, alors règne l’ordre social. L’origine du document n’est pas indiquée et je ne la connais pas. Il figure tel quel dans le manuel « Hachette ». Son contenu franchement tendancieux pourrait en faire un document de propagande italienne d’époque, mais ce n’est très probablement pas le cas, puisque tout y est écrit en français. Il est clair que les indices permettant d’en saisir le sens sont assez nombreux, et que le mot « corporations » y figure en bonne place, bien lisible, ce qui aura son importance, comme  nous allons le constater tout de suite.

Retour en haut de la page

 

La tâche

Contenu du cadre de résumé :

- corporatisme : les corporations regroupent patrons et anciens syndicats dans le but de collaborer avec l’Etat (règlement du travail, des salaires et des prix).

- pratique de l’autarcie, au lendemain de la crise de 1929 (création de l’IRI, Institut pour la Reconversion Industrielle).

            - la production repart : l’industrie gagne 27% et l’agriculture 10% entre 1927 et 1938.

 

Les liens attendus vont du premier paragraphe, ou spécifiquement de l’un des mots « corporatisme » ou « corporations » vers le document Doc 6, d’une part, et d’autre part du deuxième paragraphe ou du mot « autarcie » vers le document Doc 5. Ce dernier document contient un indice perceptif immanquable. Le mot « AVTARCHIA » attire très fortement l’attention, comme on peut l’attendre de la mise en page d’une affiche de propagande. La similitude lexicale entre ce mot et le mot français « autarcie » qui se trouve au début du deuxième paragraphe rend l’association directe par une très simple correspondance terme à terme d’un niveau cognitif pré-opératoire. Il semblerait qu’il ne soit même pas nécessaire de comprendre le sens de ce mot pour réussir à créer le lien attendu.

La tâche se pose à peu de choses près dans les mêmes conditions pour l’association entre Doc 6 et « corporatisme » ou « corporations ». Ici, l’indice est un peu moins énorme que dans Doc 5, mais le mot « corporations » figure tout de même en bonne place dans le document, sous réserve d’un petit effort visuel ou d’un agrandissement de l’image à l’écran. On en arrivera donc aux mêmes conclusions que précédemment pour la nature de l’opération à réaliser et son niveau cognitif.

La création de ces deux liens semble tellement directe que la question du traitement de l’image intruse devient presque superflue. Pour peu que l’élève ait abordé la tâche en parcourant le texte du résumé dans l’ordre naturel, il aura trouvé « corporations » et « autarcie » et pourra considérer qu’il en a terminé avec l’exercice. Dans l’hypothèse où il partirait plutôt de l’ordre des images que de celui du texte, il pourrait chercher à placer en premier Doc 4, qui porte le premier numéro d’ordre parmi les documents. Le fait que le troisième paragraphe parle d’évolutions de production et que le document montre un graphique dont la légende demande un petit effort visuel pourrait à la rigueur constituer une sorte de piège pour l’élève, son expérience lui ayant appris que les évolutions sont souvent représentées par des graphiques. Mais cette hypothèse est difficilement tenable. On ne voit pas bien comment un élève pourrait atteindre le troisième paragraphe sans au moins apercevoir les deux autres et se trouver frappé par la présence des mots que nous avons notés sans les remarquer dans les documents, surtout en ce qui concerne « autarcie ». Il ne faut pas oublier en effet que les trois images sont visibles simultanément à l’écran.

Retour en haut de la page

 

Troisième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations religieuses

Les documents

 

Figure  51

 

Le document Doc 7 présente une carte de l’Italie en couleurs. On ne saurait bien sûr mettre en doute la capacité d’un élève de troisième  à le reconnaître comme tel. En bas, une légende bien lisible indique qu’il s’agit de la carte des « révoltes paysannes en 1919-1920 ». Il n’y a donc a priori aucune ambiguïté dans ce document et son identification ne devrait poser aucun problème.

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  52

 

Le document Doc 8 présente certainement plus de difficultés. C’est le fac-similé de la couverture d’un journal italien paru en mars 1929, à l’occasion des accords du Latran. Le titre de cette publication, « Simplicissimus », apparaît largement en haut de l’image, en gros caractères noirs dans un bandeau rouge, mais on ne voit ni la date ni le lieu de la parution. Le dessin, car il s’agit d’un dessin, met en scène deux personnages debout de part et d’autre d’un globe terrestre. Dans le contexte, ces deux personnages sont facilement identifiables grâce à des indices assez évidents. On reconnaît le pape à sa soutane blanche. L’autre personnage fait le salut fasciste et porte des faisceaux, on reconnaît bien Mussolini. Il faut un petit peu d’attention, à la portée sans doute d’un élève de troisième, pour comprendre qu’il s’agit d’un dessin satirique. Les traits de Mussolini sont caricaturés, et certains indices plus subtils peuvent éclairer l’interprétation, comme la position relative des bras des personnages par rapport au globe terrestre, le pied de ce même globe en forme de croix, et même la crosse épiscopale dépassant malicieusement des faisceaux. Il s’agit pour l’élève de repérer ces indices et de les coordonner de manière à saisir que la présence simultanée de certains d’entre eux est constitutive de l’intention satirique. Par exemple : en principe, il n’y pas de crosse en haut des faisceaux, or, il y en a une ici. Est-ce une erreur ou est-ce voulu ? S’il y a d’autres anomalies comme celle-ci, on peut penser que c’est voulu. Or, il y une croix sous le globe terrestre, ce qui n’est pas le support habituel. Donc… etc. Une telle série d’implications portant sur des hypothèses négatives ou alternatives demande un fonctionnement cognitif de niveau formel.

Retour en haut de la page

 

Figure  53

 

Une photographie en noir et blanc constitue le document Doc 9. On y voit une scène d’intérieur où deux personnages sont assis derrière un bureau sous le regard de deux autres, qui restent debout. L’un des personnages assis peut être reconnu comme le pape Pie XI et signe un document. Mais cette identification reste bien incertaine. L’autre personnage assis offre le profil de Mussolini. Les deux personnages debout sont un ecclésiastique et un civil. Tous les regards convergent vers la main qui signe. Dans le contexte d’une leçon d’histoire sur l’Italie fasciste, cette photographie contient suffisamment d’indices perceptifs, des ecclésiastiques, Mussolini, une signature, pour évoquer les accords du Latran qui ont normalisé les relations entre la papauté et l’Italie en 1929, avec pour effet notable de faciliter le ralliement de nombreux catholiques au régime du Duce. L’élève doit être capable de coordonner les indices perceptifs présents sur la photographie pour les utiliser ensuite comme critères de classification du document. Un niveau cognitif fin concret est requis.

 

 

Retour en haut de la page

 

La tâche

Contenu du cadre de résumé :

2- Réalisations religieuses

Les accords de Latran (1929) mettent un terme au conflit avec la papauté :

     - reconnaissance de la souveraineté sur le Vatican

     - indemnisation de 4 milliards de lires

     - catholicisme proclamé religion d’Etat (instruction religieuse obligatoire, divorce interdit)

--> le régime se rallie les catholiques.

 

L’exclusion de la diapositive intruse est ici particulièrement simple à faire. Le résumé parle des « réalisations religieuses » du régime fasciste italien et seulement de cela. Le document Doc 7, la carte, est clairement le seul à ne pas être dans le sujet. Il ne semble pas nécessaire de passer par un raisonnement du type de l’implication, mais seulement par une opération de classification. Indépendamment de sa capacité à décoder les indices perceptifs des documents, l’élève n’a besoin apparemment ici que de mettre en œuvre une opération de niveau pré-opératoire, puisque la classification se fait sur un seul critère : le caractère religieux des faits historiques évoqués par les images. Mais ce n’est peut-être pas aussi simple et l’on pourrait arguer d’une part de la nécessité d’un passage du perceptif à l’opératif pour procéder à l’identification du document Doc 7 et d’autre part du caractère très abstrait du critère de religiosité que l’élève doit appliquer. L’exigence cognitive requise serait alors relevée au niveau concret. Mais il semble que cette façon de voir ait quelque chose d’artificiel. En effet, étant donné le très petit nombre d’images à traiter à la fois, on peut raisonnablement faire l’hypothèse que les deux documents dans le sujet sont classés directement comme religieux sur notation des critères perceptifs positifs, et que le document hors sujet se trouve éliminé, si je puis dire, mécaniquement. Ensuite, à la rigueur, son élimination peut être confirmée par la lecture de sa légende, « les révoltes paysannes », ce qui revient à une classification sur un critère négatif, soit une opération de niveau concret. Mais rien n’oblige un élève à procéder à une telle vérification.

Le choix des passages du résumé à mettre en gras et leur association avec l’une ou l’autre des deux images posent probablement plus de problèmes à l’élève que l’élimination du document intrus. Le document Doc 9 devrait être associé à l’expression « Les accords de Latran… », prolongée à la rigueur jusqu’à la fin de la ligne. Une difficulté vient de ce qu’en fait la signature des accords est l’événement clé qui détermine largement tout ce qui est évoqué dans ce résumé. Associer ce document Doc 9 à pratiquement n’importe quel passage du résumé ne sera jamais faux au sens strict, mais seulement inexact, ou plutôt incomplet. Sur le plan cognitif, l’exercice oblige l’élève à comprendre le concept général d’accord diplomatique, ou ici plus précisément celui de concordat (quoique le mot n’apparaisse pas), au-delà des modalités concrètes de son application, mais en limitant l’extension à ce cas particulier que sont les accords du Latran. D’autre part, la photographie montre, ou si l’on préfère, représente la signature des accords, et bien entendu pas les accords eux-mêmes. Éminemment symbolique, la signature fonde l’accord en tant qu’acte diplomatique pour en garantir ensuite la pérennité en tant que trace écrite. La photographie, elle aussi, fonctionne symboliquement, en particulier par le choix de son cadrage qui focalise le regard sur l’acte de la signature, encadré par les attitudes convenues des personnages et la présence des accessoires obligés que sont les encriers, le bougeoir et le buvard. Pour tout adulte habitué aux documents de ce type, cette image est à l’évidence une scène de signature diplomatique et doit être associée aux termes « accords de Latran ». Mais il ne faudrait pas sous-estimer la difficulté pour un élève âgé d’environ quatorze ans qui doit d’un côté interpréter l’image à travers un double niveau symbolique et de l’autre côté saisir dans le texte ce qui désigne le concept correspondant, et pas seulement une de ses parties attributives. Contrairement aux apparences, un tel travail de coordination d’indices symboliques et d’inclusions successives suppose un investissement cognitif de niveau formel, même si, avec un peu de chance et comme on l’a vu plus haut, l’exercice peut être « réussi » au niveau pré-opératoire.

L’association du document Doc 8 avec la ligne « reconnaissance de la souveraineté sur le Vatican » pose un problème de fond. En effet, la formulation ne dit pas qui exerce la souveraineté sur le Vatican : la papauté ? Ou l’Etat italien ? Même s’il ne m’appartient pas d’apprécier les documents sur le fond, je dois tenir compte de cette ambiguïté du texte et faire l’hypothèse qu’elle ne simplifie pas la tâche de l’élève. Il n’en reste pas moins vrai que la symbolique des attitudes des personnages de l’image exprime une problématique de la domination, et partant, d’un jeu réciproque de reconnaissances de souveraineté. Les subtilités politiques et satiriques du dessin peuvent échapper à l’élève, comme, soyons honnêtes, à quiconque n’a pas étudié d’un peu près la question du concordat de 1929. Comme dans l’autre document, il s’agit pour l’élève de manipuler des symboles. Mais ici, il semblerait que la tâche soit facilitée par le fait que la symbolique de la reconnaissance de souveraineté apparaît directement dans les attitudes respectives des personnages et que l’expression elle-même figure en toutes lettres dans le texte du résumé. La superposition en chaîne du globe terrestre, de la main du pape et du bras du Duce faisant le salut fasciste peut être traitée comme un enchaînement de causes à effets sur des indices symboliques. Un fonctionnement cognitif au niveau fin concret paraît vraisemblable.

Retour en haut de la page

 

Quatrième diapositive sur l’Italie fasciste : les réalisations sociales

Les documents

 

Figure  54

 

Le document Doc 10 est une photographie en noir et blanc. Une famille, le père, la mère et leurs huit enfants, pose pour une circonstance manifestement officielle. C’est l’hiver, les petits sont chaudement vêtus. La mère porte modestement un manteau noir qui contraste avec les vêtements clairs du nourrisson qu’elle a dans les bras. Le père et les plus grands des garçons sont en uniforme. On a visiblement affaire à une famille nombreuse, méritante et bien engagée dans les œuvres du fascisme. En termes cognitifs, il y a là matière à une relation de cause à effet fondée sur des indices perceptifs concrets certes, mais tout de même multiples, dont on peut situer le niveau au début de stade concret. Il pourrait s’agir d’une mise en scène, mais il n’y a aucune raison de le soupçonner ici, les photographes italiens de cette époque ne devaient pas manquer d’authentiques familles volontaires pour illustrer les valeurs familiales du régime, ce que fait parfaitement ce document.

 

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure  55

 

Le document Doc 11, également une photographie en noir et blanc, est occupé largement par la statue grandiose d’un athlète nu portant une torche. Devant cette statue, on voit trois gamins en uniforme d’été occupés à souffler dans de longues trompettes habillées d’étendards nazis. Sans être connaisseur, on pense reconnaître la tenue des jeunesses hitlériennes. Quant à la statue, elle évoque immanquablement les exaltations plastiques de Leni Riefenstahl dans « Les dieux du stade » et donne à croire que le cliché date des jeux olympiques de Berlin. Mais il s’agit là d’une interprétation. Un élève de troisième n’a pas forcément ces références présentes à l’esprit, mais en revanche, il sait reconnaître les croix gammées qui ornent les trompettes. A partir de là, il devrait identifier facilement ce document comme l’intrus, sur un simple indice perceptif.

 

 

 

Retour en haut de la page

 

Figure   56

 

Dans le document Doc 12, une photographie en noir et blanc montre des gamins en uniforme qui défilent au pas cadencé devant une tribune officielle. Encadrés par des cheftaines à l’allure martiale, ils tournent la tête vers la tribune, comme il est d’usage dans les défilés militaires. Debout sur une estrade, on aperçoit la silhouette guerrière de Mussolini. Le cliché a été pris le 24 mai 1935, mais l’élève ne le sait pas. Il immortalise un défilé de l’organisation de jeunesse fasciste, les fils de la Louve. L’identification sommaire de ce document demande une coordination d’indices perceptifs matériels d’un niveau cognitif début concret.

 

 

Retour en haut de la page

 

La tâche

Contenu du cadre de résumé :

3 - Réalisations sociales du fascisme

- embrigadement de la jeunesse

- encadrement des loisirs par un syndicat fasciste : le dopolavoro

- interdiction d’émigrer sauf dans les colonies

- politique nataliste (allocations familiales)

--> la consommation baisse parce que les salaires diminuent plus vite que les prix.

 

Comme dans la diapositive précédente, l’identification du document intrus ne devrait pas présenter de difficultés aux élèves. Les emblèmes nazis les plus évidents, des croix gammées, sont visibles en trois exemplaires et situent d’emblée la photographie dans le domaine de l’histoire de l’Allemagne alors que l’on traite maintenant de celle de l’Italie. Que ce document ait un sens en tant que témoignage de l’embrigadement de la jeunesse par un régime totalitaire alors qu’il doit être rejeté par l’élève pose un problème d’un autre ordre que nous examinerons plus tard. Dans le cadre restreint de la leçon sur l’Italie fasciste, il est rejeté puisqu’il montre une image de l’Allemagne nazie. L’opération relève d’une simple classification de niveau début concret sur un critère négatif à partir d’un indice perceptif que l’on peut considérer comme direct, tellement la signification symbolique de la croix gammée est évidente, y compris pour un élève de troisième.

Sous le titre, « Les réalisations sociales du fascisme », le résumé aligne cinq rubriques que l’élève va parcourir. La première, « embrigadement de la jeunesse » peut être associée au document Doc 12 par une substitution. Aucune autre formule du résumé ne conviendrait et c’est bien celle-ci quoi doit être mise en gras et reliée à la photographie des fils de la Louve. L’autre formule à mettre en évidence est « politique nataliste », avec un lien depuis le document Doc 10 où pose une famille nombreuse. Si l’élève comprend que l’expression signifie que les couples sont encouragés à avoir beaucoup d’enfants, il peut opérer une substitution entre elle et la photographie qui montre effectivement un couple avec beaucoup d’enfants. Il peut également raisonner en termes de cause à effet à partir de la parenthèse « allocations familiales » dont on sait que le versement est lié au nombre d’enfants d’une famille, ce qui suppose en amont une opération de cause à effet comme : s’il y a des enfants, alors, des allocations familiales sont versées, ou inversement, si des allocations familiales sont versées, alors il y a des enfants. Remarquons en passant qu’une telle opération de cause à effet de niveau concret ne doit pas être confondue avec une implication. Elle correspond en fait à la mise en œuvre intellectuelle de l’opération logique d’équivalence, qui est directement réversible, alors que l’implication correspond à l’opération logique homonyme d’implication dite matérielle, qui n’est réversible que par contrapposition, et dont la maîtrise complète relève d’un niveau formel accompli. L’élève peut enfin fonctionner de façon très économique au niveau pré-opératoire en réalisant une correspondance terme à terme entre ce qu’il perçoit comme une photo de famille et le seul mot « familiales » qui se trouve dans le résumé.

 

Retour en haut de la page

Suite : exercices sur l’Allemagne nazie

Retour au sommaire de l’Etude de terrain

Retour au sommaire général