1.  

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3.  

4.  

Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 - 2002

5. Étude de terrain

 

5.1. Collège Alfred Mézières

5.1.3. Analyse des travaux des élèves

Jean-Pierre

(deux observations, sur le stalinisme et l’Italie fasciste, les deux productions correspondantes, pas d’entretien)

 

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Observation de Jean-Pierre lors de la séance sur le stalinisme.

Examen de la production de Jean-Pierre sur le stalinisme.

Observation de Jean-Pierre lors de la séance sur l’Italie fasciste.

Examen de la production de Jean-Pierre sur l’Italie fasciste 

 

Observation de Jean-Pierre lors de la séance sur le stalinisme

Jean-Pierre travaille sur la deuxième série de diapositives, celle qui porte sur l’aspect politique et social de la période stalinienne d’avant guerre. La première partie de la tâche, le traitement des définitions, lui prend une dizaine de minutes. La deuxième, le traitement des documents iconographiques, lui prendra près de quarante minutes, vérification comprise. Il n’a pas été possible de rencontrer Jean-Pierre pour un entretien.

Tout au début, il est perplexe devant la place vide destinée au document iconographique sous le cadre de légende de la première diapositive (numéro 9). Ayant peut-être mal entendu ou mal compris les consignes, il demande des éclaircissements au professeur, qui les lui fournit de bonne grâce de telle sorte que d’autres élèves installés à côté en profitent. Il parcourt alors une fois toutes les diapositives pour en lire les cadres de résumé. Il revient à la première où il place les liens des trois définitions. C’est-à-dire qu’il modifie les flèches pour qu’elles pointent sur les expressions de son choix et qu’il met ces dernières en gras. Il prend le texte du résumé imprimé et le gardera sous les yeux tout au long de l’exercice. Il avance pas à pas, une diapositive après l’autre, dans l’ordre qu’elles occupent dans la série. A chaque fois, il modifie les flèches et met les expressions choisies en gras. Il ne rencontre visiblement pas de difficultés avec le logiciel.

Pour la deuxième partie de l’activité, il suit le conseil du professeur et se constitue une grille d’idées, c’est-à-dire pour lui une liste d’intitulés hypothétiques pour chacun des documents. A cette fin, il étudie chaque document l’un après l’autre en faisant parfois des retours en arrière d’exploration et de vérification. Il parcourt ainsi la série d’images. Il passe méthodiquement de l’écran au livre et à sa liste ou grille d’idées. Pour le document représentant la statue de l’ouvrier et de la kolkhozienne, il manifeste clairement une réminiscence, ouvre son livre et retrouve très vite la page où se trouve cette photographie. Quand il a construit sa liste, il reprend dans l’ordre les diapositives et y met des expressions en gras, en fonction du souvenir des documents qu’il vient de regarder. C’est du moins ce qu’il me déclare spontanément. Il va chercher les documents un à un et les place dans chaque diapositive avant d’écrire quelques mots dans les cadres de légende à partir du contenu de sa grille d’idées. Il passe du temps sur la diapositive 10 qui semble lui poser problème. Il hésite, écrit quelque chose dans le cadre de légende, l’efface aussitôt. Il repasse en revue tous les documents.

Il réalise complètement la tâche et prend même la précaution de procéder à ce qu’il appelle lui-même une vérification, c’est-à-dire qu’apparemment, il s’assure que tous les cadres de définition et de légende ont bien été reliés à une expression du résumé. Il se plaint de la qualité médiocre des documents iconographiques, surtout de celle des fac-similés de textes qu’il est obligé tour à tour d’agrandir pour pouvoir les lire ou de rétrécir pour réussir à les placer dans les diapositives. Il peut avoir des réactions spontanées assez vives dont il se reprend vite. Par exemple, à la vue du document 15 sur lequel la couleur rouge des fleurs offertes par les enfants bave comme du sang sur le buste de Staline, il s’exclame « oh, ils buttent Staline ! », pour en rire aussitôt, aidé en cela par son voisin moqueur qui s’empresse de lui faire savoir que lui, bien sûr, avait compris tout de suite qu’il s’agissait d’un défaut d’affichage. Nous allons à présent examiner ses productions.

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Examen de la production de Jean-Pierre sur le stalinisme

 

Diapositive 9

Figure 64

Formellement, cette diapositive est correctement traitée. La définition « plusieurs partis, élections libres » pointe juste devant le mot « multipartisme » qui a été mis en gras. Dans le corrigé du professeur, ce qui est en gras et visé par la flèche est « démocratie à l’occidentale », ce qui englobe à la fois « multipartisme » et « élections libres ». « Multipartisme » correspond bien à « plusieurs partis », cela relève d’une substitution, comme je l’avais proposé dans l’analyse a priori. Mais la définition contient aussi « élections libres ». Or, si les élections libres sont bien entendu le complément politiquement logique du multipartisme, on ne peut pas pour autant considérer que l’expression « élections libres » elle-même entre dans la définition de « multipartisme ». C’est pourtant ce que fait ici l’élève quand il fait pointer le cadre de définition sur ce seul mot. Par une sorte d’économie cognitive, il se contente de faire correspondre entre elles deux occurrences d’un seul attribut du concept de démocratie. Est-ce ainsi qu’il va construire comme on l’attend de lui un concept scolairement satisfaisant de la « démocratie à l’occidentale » ?

Le cadre qui définit « le PC, guide du pays » pointe en revanche sur « totalitarisme ». Il y a ici une autre erreur, comparable à la précédente, où l’on peut dénoter une confusion entre ce qui peut être légitimement considéré comme une composante du totalitarisme, l’existence d’un parti unique, et la notion de totalitarisme elle-même. En d’autres termes, le concept est confondu avec un de ses attributs.

Le document, le numéro 8 sur les purges du régime, n’est pas celui qui convient. Nous avions remarqué lors de l’analyse a priori que l’élève pouvait être tenté de le choisir. On ne peut pas soupçonner ici une erreur sur le sens du document puisque le cadre de légende contient l’expression « statistique des maintenus de (sic) postes et des victimes de purges ». La flèche vise le mot « héritier », ce qui ne peut guère avoir de sens. Sans doute pointe-t-elle en fait globalement sur le passage qui parle de Staline, sans plus de précision. On peut se demander pourquoi elle ne pointe pas sur la phrase « Staline se démarque de Lénine par une personnalisation du pouvoir », pourtant mise en gras et proche de l’idée de culte de la personnalité par sa signification. Il n’est pas impossible que le rapport entre le document 15, Staline fleuri, et la notion de culte ait été aperçu plus ou moins clairement. Mais il aura été supplanté dans l’esprit de Jean-Pierre par ce qui est peut-être un effet de typicalité entre le concept général de politique répressive et la pratique typique des purges, ou même, par un double effet de typicalité, si je puis dire, entre Staline comme représentant typique de la catégorie des hommes politiques répressifs et sa réputation d’organisateur de purges en tant que méthode typique des politiques répressives.

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Diapositive 10

Figure 65

Cette diapositive est également formellement bien remplie. Les correspondances avec « NKVD » et « Goulag » sont justes. « Aveu extorqué […] » devrait certes plus exactement pointer sur « procès truqués », mais, comme nous l’avons dit lors de l’analyse a priori, peut sans dommage viser la parenthèse explicative qui suit, ce qui est ici le cas. En ce qui concerne le document, on constate une erreur. C’est le document 9, Premier mai, qui a été choisi au lieu du document 8 sur les purges. Il est vrai que ce dernier venait d’être mobilisé à tort dans la diapositive précédente. Le contenu du cadre de légende nous instruit clairement : Jean-Pierre n’a pas reconnu le premier mai sur la Place rouge dans le document 9, il a pris la foule rassemblée et les militaires qui défilent pour des prisonniers parqués dans un camp. A partir de là, l’association avec « les camps du Goulag » devient tout à fait légitime et explique l’erreur. Et l’on voit que le souci de vérification dont a fait preuve cet élève ne l’a pas mis à l’abri de se tromper. Sans doute s’agissait-il d’une vérification formelle consistant à s’assurer que tous les cadres avaient été traités plutôt que d’un travail sur le fond. Il reste néanmoins à savoir pour quelles raisons Jean-Pierre a pu confondre un Premier mai sur la Place rouge avec une foule de prisonniers au Goulag. Il semblerait qu’il s’abstienne de coordonner les indices dont il dispose. Toujours économe, il se fixe sur un élément bien connu du texte, le Goulag, et cherche une image qui puisse convenir. Celle d’une foule peut effectivement susciter des correspondances mentales avec le Goulag, en passant par la représentation intermédiaire d’un système répressif de masse. Ce que l’élève ne fait pas, c’est prendre en compte certains indices de l’image comme la cathédrale ou les drapeaux qui auraient dû lui éviter l’erreur. Il ne prend en compte que la foule. Il ne coordonne pas les éléments dont il dispose et procède à une classification hâtive de la photographie dans la catégorie des images de Goulag à partir d’un seul critère positif, la présence d’une foule (dans le contexte d’un passage du résumé traitant de la répression stalinienne, il ne faut pas l’oublier). Et si cette analyse est juste, il fonctionne alors au niveau cognitif pré-opératoire.

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Diapositive 11

Figure 66

Cette diapositive est traitée complètement. Un œil exercé aperçoit un fin trait vertical dans le cadre de légende de droite. C’est en fait un cadre vide intempestif très réduit qui témoigne d’une maladresse de manipulation du logiciel dont la trace n’a pas pu être tout à fait supprimée par l’élève. La présence de cette scorie montre que même un élève qui maîtrise l’outil comme Jean-Pierre n’est pas tout à fait à l’abri de quelques petites erreurs. Une fois dissimulées comme c’est le cas ici, ces petites erreurs pourraient avoir un statut comparable à celui de la rature dans une composition classique.

On se souvient que Jean-Pierre avait reconnu la photographie de la statue de l’ouvrier et de la kolkhozienne (document 14) et l’avait retrouvée dans son livre de classe. L’exactitude et la précision du contenu du cadre de légende l’attestent. Ici, tout problème d’identification du document ayant été écarté, le lien se fait avec l’expression « la sculpture, la littérature, les artistes » par attirance vers la solution la plus simple, une correspondance terme à terme entre l’image d’une sculpture et le mot lui-même qui est contenu dans l’expression, comme nous l’avions pressenti dans l’analyse a priori, alors que le corrigé du professeur pointe sur « réalisme socialiste ». Ici encore, l’élève se sera montré économe et se sera contenté de mobiliser une opération de niveau pré-opératoire, alors que l’établissement d’un lien vers « réalisme socialiste », pédagogiquement souhaité par le professeur, lui aurait demandé un investissement conceptuel de niveau formel.

L’autre document intégré dans cette diapositive est l’intrus, le défilé militaire des années 1980, document 11. Une phrase entière « Les grandes fêtes sont aussi l’occasion de célébrer le régime : le 1er mai ou le 7 nov (révolution bolchevique) » est associée au document et le cadre de légende contient un texte cohérent « démonstration de force à l’occasion d’une fête ». Le document attendu était le numéro 9, premier mai sur la Place rouge, déjà pris sur la diapositive précédente parce qu’interprété par l’élève comme un rassemblement de prisonniers dans un camp. Cette erreur est intéressante. Le document 11 choisi est le seul qui convienne parmi ceux qui lui restent au moment où l’élève traite cette diapositive. Et il montre bel et bien ce qu’exprime la phrase du résumé associée. C’est même très probablement un premier mai ou un sept novembre, mais pas dans la bonne période. Du point de vue de sa fonction d’attribution, à travers sa représentation documentaire, de l’attribut « célébration du régime par la démonstration de force » au concept de régime autoritaire ou de totalitarisme, on peut dire que l’erreur est ici une réussite. Il se trouve juste que le critère d’exclusion du document retenu par le professeur était un indice perceptif supposant un certain coup d’œil technique, et non perçu par l’élève, ce que l’on aurait appelé en logique aristotélicienne un attribut accidentel, et non pas un attribut essentiel du concept en cause. Bien sûr, il demeure une conséquence indirecte de cette erreur, c’est que l’élève, satisfait de son choix sur cette diapositive, n’a aucune raison de remettre en cause celui de la précédente et de réinterroger la photographie de la Place rouge qu’il prend pour un camp de prisonniers. Mais alors, il aurait été amené à manipuler l’opération d’implication sur des hypothèses : « si cette diapositive n’est pas la bonne, alors cela entraîne que l’autre ne l’est pas non plus, sauf si la première est l’intruse… ». Et il aurait dû fonctionner à un niveau cognitif plus élevé, fin concret, voire même formel dans le cas où plusieurs hypothèses négatives viendraient à s’enchaîner.

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Diapositive 12

Figure  67

C’est une diapositive correctement traitée, encore que l’on puisse apercevoir un petit rectangle vide très fin dans le cadre de résumé, à l’avant-dernière ligne devant la date « 1930 ». C’est, comme dans la diapositive précédente, la marque d’une petite erreur de manipulation du logiciel. Les deux documents placés là sont ceux attendus par le professeur et ils pointent vers des expressions qui leur correspondent bien. Tout au plus remarquera-t-on que le texte proposé par l’élève dans le cadre de légende de droite est bien discutable. Le document ne reproduit pas un « décret », mais bien au contraire, un passage de livre ou d’article très critique pour la situation du logement en URSS à cette époque. Rappelons que ces fac-similés sont assez peu lisibles à l’écran alors qu’ils sont irréprochables dans les manuels scolaires. Le professeur d’histoire aura peut-être regretté qu’une telle confusion entre des types de documents si différents ait été rendue possible par la mauvaise qualité d’un affichage. Mais il nous faut observer aussi que, à supposer que l’élève n’ait pas été dissuadé de le faire par ce défaut technique, il lui aurait fallu fonctionner au niveau concret pour identifier la nature du texte, alors qu’il était possible de réaliser la tâche plus économiquement au niveau pré-opératoire. On est même en droit de se demander ce qui, entre la difficulté à déchiffrer et la propension à l’économie de moyens cognitifs, aura été le plus déterminant dans le choix tactique de l’élève. On pressent ici un danger pédagogique dont il nous faudra reparler : s’il existe un moyen économique de réaliser une tâche, l’élève est tenté de le choisir au détriment de la procédure à partir de laquelle un apprentissage est escompté, mais qui est d’un niveau cognitif élevé.

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Diapositive 13

Figure 68

C’est la dernière diapositive de la série. Elle est également bien complétée, ce qui fait que Jean-Pierre aura formellement accompli la tâche demandée de bout en bout, selon la démarche méthodique que j’avais observée. Notons encore un petit rectangle intempestif dans le cadre de définition sous le mot « Nomenklatura », troisième et dernier témoin de quelques petites difficultés avec le logiciel. La correspondance terme à terme entre « marxisme » et « théorie énoncée par K. Marx » ne pose pas de problème. En revanche, Jean-Pierre ne semble pas avoir associé la définition « logement […], salaire élevé. » à la notion de privilège. La flèche pointe à vrai dire un peu n’importe où. Mais le mot « Nomenklatura » est mis en gras, ce qui tendrait à indiquer que c’est lui qui est concerné. Je rappelle que le professeur accepte certaines divergences entre son corrigé et les productions de élèves, considérant que plusieurs solutions sont parfois possibles. C’est probablement le cas ici, où, avec ou sans jeu de mot, les « logement et voiture de fonction, datcha à la campagne, restaurants particuliers [et] salaire élevés » sont au moins autant les attributs de la Nomenklatura que ceux du concept général de « privilège ». Concernant le document, le lien est établi convenablement. Le contenu du cadre de légende « comparaison des contrastes existant entre les paysans et les autres métiers » mérite un peu d’attention. On y trouve en effet le mot « paysans », qui apparaît dans le document et dans le résumé. On y lit également le mot « contraste », qui est aussi dans le résumé. On pourrait être amené à penser que l’élève a procédé ici par une double correspondance terme à terme entre les mots repérés. Or, un indice nous pousse à considérer qu’il a mis en œuvre une procédure de niveau cognitif plus élevé. Le document ne présente pas d’une part les paysans et d’autre part les autres métiers, mais une liste de métiers parmi lesquels il y a les paysans. Parler des « autres métiers » dans le cadre de légende suppose donc un travail préalable de classification de niveau concret (d’un côté les paysans, de l’autre le reste), puis une substitution également de niveau concret, procédure moins économique que la correspondance terme à terme, pour cette fois.

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Observation de Jean-Pierre lors de la séance sur l’Italie fasciste

Au cours de la séance sur l’Italie fasciste, Jean-Pierre choisit la quatrième diapositive, celle qui traite des réalisations sociales du fascisme. Il rencontre au début une petite difficulté technique avec l’utilisation du logiciel. Il se trouve en effet que, par défaut, ce logiciel prévoit l’importation de fichiers d’images au format « BMP ». Or, les fichiers préparés par le professeur sont au format « PCX », qui convient aussi bien que l’autre, mais à condition de le choisir dans un menu déroulant préalablement à toute tentative de chargement. Cette condition n’étant pas remplie, les noms des fichiers n’apparaissent pas dans l’affichage du contenu du répertoire indiqué par le professeur. Jean-Pierre est amené à croire que le répertoire qu’il a ouvert est vide, soit qu’il n’ait pas lui-même ouvert le bon, soit que, hypothèse certes plus irrévérencieuse, le professeur se soit trompé dans ses manipulations ou dans ses consignes. Appelé à la rescousse, ce dernier règle le problème rapidement tout en l’expliquant à Jean-Pierre qui manifeste clairement sa compréhension, dans les deux nuances du terme. Il est à noter que ce fonctionnement de l’affichage des noms de fichiers dans le système WindowsÔ peut entraîner de véritables difficultés en raison des problèmes d’ordre cognitif qu’il pose, quels qu’en soient par ailleurs les avantages pour un utilisateur averti.

En dehors de cet incident mineur, Jean-Pierre ne rencontre aucune autre difficulté. Il lit le texte du résumé et s’en procure une version écrite sur papier en ouvrant son cahier de manière à l’avoir toujours sous les yeux, même si un autre écran est affiché par l’ordinateur. Il fonde ensuite sa démarche sur l’observation des documents. Il repère très vite les « jeunes qui défilent » (Doc 12), selon ses propres termes, et y associe l’idée de l’embrigadement de la jeunesse. Il hésite un petit peu entre les deux autres documents, mais pas longtemps. Il remarque assez rapidement les insignes nazis sur la photographie Doc 11et en tire argument pour l’éliminer. Il ne se contente pas de retenir Doc 10 par défaut. Il se donne la peine de vérifier que le thème de la photographie correspond bien à une partie du résumé, « politique nataliste ». Il place les flèches, met les expressions choisies en gras et écrit des légendes dans les cadres prévus à cet effet sans rencontrer de difficulté apparente. Il s’acquitte de l’ensemble de la tâche en un quart d’heure.

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Examen de la production de Jean-Pierre sur l’Italie fasciste

 

Figure 61

La production de Jean-Pierre sur les réalisations sociales du fascisme italien est conforme aux attentes du professeur. La diapositive ne montre pas de traces d’erreurs de manipulation, ce qui confirme qu’une fois surmontée la petite difficulté due aux formats des fichiers d’images, il a complètement maîtrisé le logiciel. On ne le voit pas bien sur la reproduction ci-contre, mais les expressions en gras sont « embrigadement de la jeunesse » et « politique nataliste ». Les flèches pointent bien sur ces expressions. Le choix des documents est également le bon.

Pour l’avoir observé, on sait qu’il a opéré une substitution assez directe entre ce qu’évoquaient pour lui la photographie des enfants qui défilent et l’expression choisie. Le contenu du cadre de légende semble assez révélateur : « une armée de jeunes soldats ». Il faut noter que, aussi belliqueux qu’ait pu se révéler le régime fasciste italien, il ne semble pas que des enfants de huit ans aient été employés comme soldats, au sens strict. La formule inventée par Jean-Pierre a donc quelque chose d’historiquement abusif. Il n’en est pas moins certain que la scène montrée par le document relève à l’évidence de la manifestation à caractère militaire. Et, même si le concept d’embrigadement n’implique pas nécessairement des objectifs de militarisation de la jeunesse, l’étymologie le suggère fortement et l’histoire offre de nombreux témoignages de pratiques qui vont dans ce sens, notamment en Italie et en Allemagne aux époques étudiées. On pourrait peut-être dire que l’intersection entre le domaine sémantique de la photographie et celui de l’expression serait pour Jean-Pierre le thème de l’armée. La substitution ne serait pas aussi directe qu’elle ne le paraît au premier regard, mais passerait en fait par un troisième terme médian, ici l’idée d’armée, qui réunirait les deux autres par une forme d’inclusion, ou par une double substitution. Cette petite complication aurait pour effet de déplacer la difficulté cognitive légèrement vers le haut, sans pour autant lui faire dépasser le niveau concret. En matière de construction d’un concept, cette question méritera qu’on y revienne plus loin.

L’autre document, Doc 10, est également celui qu’attendait le professeur, après l’exclusion directe du document Doc 11, en raison des indices le classant dans le domaine de l’étude de l’Allemagne nazie, donc en dehors de celle de l’Italie fasciste. S’il s’agit bien d’une substitution, il semblerait qu’elle passe par la notion de famille qui est présente dans le résumé (« allocations familiales »), et dans la perception de la photographie par l’élève, si l’on se réfère au contenu qu’il place dans le cadre de légende : « une famille au complet ». Nous serions probablement dans la deuxième hypothèse de l’analyse a priori où il était envisagé que l’élève fasse une relation de cause à effet de niveau concret entre les allocations familiales et le grand nombre d’enfants sur la photographie. Néanmoins, le fait que la flèche pointe au début de la ligne peut donner à penser qu’il appréhende la notion de politique nataliste en elle-même, se plaçant pour le coup à un niveau cognitif beaucoup plus élevé. Mais il faut reconnaître que l’indice est ici, à la lettre, bien mince, et que l’incertitude demeure faute d’un entretien ultérieur qui aurait pu permettre d’essayer de la lever.

 

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Suite : Johann

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