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Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 – 2002

5. Étude de terrain

5.2.  Au lycée Henri Poincaré

5.2.3. Le déroulement des trois séances

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Première séance.

Deuxième séance.

Troisième séance.

 

Les observations portent sur les deux groupes. Il n’y aura que très peu de différences observables entre les deux. Les élèves constituent des binômes. De petits ajustements seront nécessaires en raison de quelques absences différentes à chacune des trois séances.

Première séance

06/02/97 - Groupe 1 - 15h/16h30 - Groupe 2 - 16h30/18h

Une brève séance de prise en main du logiciel a eu lieu une ou deux semaines auparavant. Les binômes ayant été constitués à cette occasion, les élèves ont créé des fichiers vides sauvegardés sur chaque machine dans un répertoire appelé LA1 préparé par le professeur.

Les élèves ont apporté leur propre documentation, faite de livres et de revues empruntés au CDI ou dans d’autres bibliothèques. Les documents passeront de mains en mains et il deviendra rapidement impossible à l’observateur d’en repérer l’origine. Toute cette documentation porte sur le domaine choisi par le professeur, la maîtrise de la reproduction. Elle se décline en thèmes plus précis comme la fécondation in vitro, la procréation médicalement assistée ou la contraception. Chaque binôme doit travailler sur un thème particulier.

Une fiche mode d’emploi du logiciel est distribuée. Les élèves du premier groupe la laisseront près des machines à la disposition de leurs camarades du second. Elle contient une liste des commandes indispensables à la réalisation de la tâche.

En ce qui concerne la tâche proprement dite, c’est-à-dire la réalisation d’un hyperdocument, le professeur rappelle les consignes d’une manière très générale, en faisant référence à la séance de prise en main. Avec le deuxième groupe, il prendra la précaution de rassembler les élèves sur les bancs face au tableau pour leur donner les consignes avant de les convier à se retourner et à travailler avec les ordinateurs. Il avait en effet négligé cette précaution avec le premier groupe et nombre d’élèves avaient lancé le fonctionnement de leur machine tout en écoutant les consignes, au détriment vraisemblable de l’attention qu’ils pouvaient alors porter à ces dernières. Je noterai moins de questions et une mise au travail effectif plus rapide dans le second groupe. Il n’est pas illégitime d’y voir un effet de cette meilleure diffusion des consignes, mais il faudrait peut-être aussi tenir compte de la différence significative d’effectif ou de simples variations individuelles dans les compétences ou les comportements scolaires.

Le professeur ne distribue pas de consignes par écrit, ni sur papier, ni au tableau. Il s’agit de créer « un hypertexte », dit-il, présentant le thème choisi par chaque groupe. Cet hypertexte doit être créé entièrement. Il n’existe pas d’images ou de textes préalablement stockés sur le disque dur des ordinateurs et dans lesquels on pourrait se servir pour fabriquer le document demandé. En cela, on remarquera une différence considérable avec la situation que nous avons observée au Collège Alfred Mézières de Jarny où le professeur avait mis à disposition des élèves un certain nombre de textes et d’images sous forme de fichiers informatiques. Ici, la documentation disponible est sur papier. Il faudra donc taper les textes. La question des images s’était posée au professeur. Il aurait fallu installer un scanner dans la classe. Mais cela posait un problème insoluble dans l’état de l’art de l’informatique au lycée Poincaré à cette époque. La salle n’étant pas équipée en réseau, le scanner aurait dû être relié à un poste et un seul. La transmission des fichiers obtenus aurait alors nécessité l’utilisation de disquettes. Or, des consignes extrêmement strictes émanant des responsables informatiques de l’établissement interdisaient les disquettes, toujours suspectes de transporter des virus capables de mettre les installations en péril. Il n’y aura donc aucune image dans les productions réalisées.

On peut souligner l’importance de cette contrainte technique pour les limitations pédagogiques qu’elle fait naître. Certes, les thèmes traités pouvaient supporter l’absence d’images. Et le professeur m’a confié qu’il aurait redouté une inflation d’images provoquée par un engouement prévisible pour l’utilisation du scanner. Néanmoins, l’impossibilité d’intégrer des images modifie en profondeur le processus de mise en relation des éléments constitutifs de la notion à traiter, en les plaçant exclusivement dans un registre verbal. Or on ne saurait s’interdire de contester le bien fondé du bannissement systématique des disquettes. Il n’est bien sûr pas faux qu’elles présentent des risques, mais il est tout aussi vrai que quelques précautions relativement simples à mettre en œuvre suffisent à les rendre inoffensives. On soupçonne que le véritable problème n’est pas tout à fait un simple problème technique. Si cela ne se trouvait pas trop à la périphérie de notre sujet de recherche, il aurait été probablement intéressant d’étudier la question des rapports humains entre les professeurs et les responsables informatiques de l’établissement, souvent professeurs eux-mêmes, en termes de confiance mutuelle et de représentations réciproques des compétences de l’autre.

Dès le début, dans le premier groupe, cinq binômes au moins, plus de la moitié donc, sont en difficulté pour simplement retrouver leur fichier et l’ouvrir dans le logiciel. Ils sollicitent beaucoup le professeur pour les dépanner. Le fait que plus de la moitié des binômes rencontre des problèmes d’ouverture de fichier constitue un indice très défavorable sur la familiarité de ces élèves avec l’outil. On peut en effet remarquer que la présence d’un seul élève compétent par binôme suffit à rendre celui-ci efficace. Il y a donc dans la classe entre dix et quatorze élèves, plus ou moins un, que la seule manipulation du système met dans l’embarras. La situation est tout à fait comparable dans le deuxième groupe.

D’une façon générale, les élèves rencontrent de nombreuses difficultés dans l’utilisation du logiciel, notamment avec tout ce qui concerne les formats de mise en page, de paragraphes ou de caractères. Il est vrai qu’ils se montrent très soucieux des apparences, des polices de caractères, des couleurs, ou des images du fond de chaque diapositive. Leurs difficultés dans ce domaine sont le plus souvent résolues par une intervention du professeur ou de l’un ou l’une des rares élèves compétents. De plus, l’apprentissage de ces fonctionnalités est rapide et personne n’a besoin de se faire dépanner deux fois pour le même problème. Il n’en va pas de même pour la maîtrise des notions de liens, de boutons et d’hypermots (un terme que l’on rencontre dans les menus du logiciel) qui laisseront perplexes une bonne partie des élèves au moins jusqu’à la fin de cette séance.

L’impression globale que donnent les binômes est celle d’une grande improvisation. A de rares exceptions près, ils procèdent par essais et erreurs, avancent pas à pas, et ne semblent aucunement suivre un plan préétabli. Ils sauvegarderont leurs fichiers avant de quitter la salle.

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Deuxième séance

13/02/97 - Groupe 1 - 15h/16h30 - Groupe 2 - 16h30/18h

Des documents ont été rassemblés au CDI et apportés en classe par autorisation exceptionnelle de la documentaliste. Ils viennent compléter utilement ceux des élèves.

Le professeur revient rapidement sur les consignes générales et développe quelques points particuliers. Il s’efforce d’expliquer ce qu’est un « hypermot », notion décidément problématique dans ce logiciel. Il insiste sur l’avantage que présente l’attribution de titres à chaque diapositive pour le positionnement des liens. Il invite les élèves à faire un projet écrit sur papier avant de travailler avec le logiciel d’hypertexte. Il répond à des élèves qui auraient souhaité un scanner en leur présentant les arguments que nous avons vus nous-mêmes plus haut.

Les problèmes rencontrés par beaucoup d’élèves restent liés à la manipulation du logiciel et à la représentation de la tâche. Ils ont bien du mal à imaginer ce que doit être leur production, et ce qui en fera la spécificité par rapport à un travail plus habituel comme un support d’exposé.

Ils passent beaucoup de temps à taper du texte, un membre du binôme étant au clavier sous la dictée de l’autre. Certains élèves cherchent les lettres sur le clavier et tapent avec un seul doigt. Ils se perdent aussi souvent dans des manœuvres intempestives concernant la mise en forme des paragraphes, les changements de police de caractère, la création des boutons et des liens. Il est assez clair que le maniement de l’outil leur demande à lui tout seul un très fort investissement cognitif et que les capacités qu’ils pourraient mettre au service de la tâche de fond s’en trouvent diminuées d’autant.

A ces difficultés, viennent s’ajouter pour certains quelques déboires dans la récupération de leur fichier. Au-delà de la perte de temps, la disparition d’une partie de son travail est évidemment très démotivante et provoque des réactions parfois vives à l’encontre des ordinateurs, de l’informatique, voire des techniques modernes en général, assorties d’éloges des bonnes vieilles méthodes manuelles proclamées plus sûres et moins aliénantes.

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Troisième séance

06/03/97 - Groupe 1 - 15h/16h30 - Groupe 2 - 16h30/18h

L’état d’avancement des travaux varie bien sûr assez fortement d’un binôme à l’autre. Certains élèves ont manifestement travaillé en dehors des heures de S.V.T., soit à leur domicile, soit au lycée. Ils ont préparé des textes qu’ils doivent encore taper. L’impossibilité d’utiliser des disquettes interdit à ceux qui en auraient eu la possibilité de s’avancer dans leur travail de saisie. Un binôme a quasiment tout rentré en machine dès la deuxième séance et se consacre uniquement à l’établissement des liens, mais c’est là une exception. A l’inverse, certains en sont encore à tâtonner laborieusement et s’embrouillent dans la manipulation de l’outil. A une exception près, les incidents de perte de fichiers ont disparu. Le professeur a pris la précaution de séparer en deux le répertoire de sauvegarde d’origine, de manière à ce que chaque groupe ait le sien et ne vienne pas faire de dégâts dans celui des autres.

Dans l’ensemble, l’esprit de la tâche semble maintenant assez bien compris et de nombreuses discussions argumentées à propos des choix de structure des productions se développent, souvent avec la participation du professeur. Des prises de conscience tardives provoquent des remises en cause des projets et des débuts de leurs réalisations qui empêcheront la plupart des élèves de terminer leur travail à la fin de cette troisième et dernière séance. Ils demanderont au professeur la permission de finir plus tard, donc la possibilité d’accéder à la salle et aux machines lors de séances de travaux pratiques ultérieures pour lesquelles cette modalité n’était pas prévue. Cela leur sera cependant accordé et une grande partie des productions atteindra un niveau de finition convenable, comme nous le verrons un peu plus loin. Le professeur a interprété cette volonté des élèves à terminer leur travail comme un signe d’adhésion forte à sa démarche innovante.

 

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Suite : Analyse des travaux des élèves

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