4.

Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 – 2002

5. Étude de terrain

 

5.2.  Au lycée Henri Poincaré

5.2.4. Analyse des travaux des élèves

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Précisions techniques et méthodologiques.

Examen des productions.

Groupe 1 : structure séquentielle (six productions)

Groupe 2, premier sous-groupe : structure arborescente à un niveau de profondeur (huit productions)

Groupe 2, deuxième sous-groupe : structure arborescente à deux niveaux de profondeur (trois productions)

Remarques.

 

Précisions techniques et méthodologiques

Nous allons examiner à présent les productions des élèves. Chaque travail est celui d’un groupe de deux élèves appelé ici binôme selon un usage scolaire assez courant qui était celui qu’employait le professeur dans la classe. Chaque binôme est identifié par un pseudonyme que les élèves se sont  attribué eux-mêmes et qu’ils ont utilisé pour nommer les fichiers dans lesquels ils ont sauvegardé leurs productions.

Pour chaque binôme, j’ai dessiné un schéma représentant la structure de l’hyperdocument réalisé par les élèves. A priori, le dessin de ces schémas aurait pu poser de sérieux problèmes d’exécution, en raison précisément du caractère multidimensionnel de l’objet à représenter que nous avions remarqué dans le chapitre consacré à l’hypertexte lui-même, dans la mesure où il aurait fallu réussir la projection d’une structure hyperspatiale dans l’espace à deux dimensions de la feuille de papier. Sauf peut-être pour un cas, il n’en a rien été, ce qui constitue apparemment un premier indice sur la prudence avec laquelle les élèves ont abordé les possibilités spécifiquement hypertextuelles de l’outil qui leur était confié. Ces schémas se sont révélés très commodes pour déterminer la structure retenue par les élèves dans la construction de leur présentation.

Chaque diapositive est représentée par un rectangle porteur de son contenu sémantique, parfois strictement dans les termes utilisés par les auteurs, parfois sous une forme simplifiée. Des flèches symbolisent les liens hypertextuels. Une flèche pleine à deux pointes correspond à un lien bidirectionnel, une flèche en pointillé à une seule pointe, un lien unidirectionnel. Pour ne pas trop charger les schémas, je n’ai pas représenté strictement l’origine des liens hypertextuels dans les boutons ou les hypermots qui les contiennent. Le contenu sémantique de chaque bouton ou hypermot se retrouve dans l’intitulé de la diapositive cible. Une petite étiquette « départ » marque la diapositive de début, celle qui s’affiche quand on lance la présentation. Des commentaires peuvent apparaître dans des bulles elliptiques. Quand ces commentaires concernent des objets précis, ces derniers sont visés par un trait plein terminé par un point.

Dans la mesure où il y en eut tout de même quelques unes, les difficultés d’exécution des schémas sont plutôt venues de certaines erreurs de réalisation commises par les auteurs des productions qui rendent celles-ci parfois délicates à parcourir. Un autre petit problème fut celui de la prise en compte d’une particularité du logiciel. En tant que logiciel de présentation, celui-ci permet au lecteur de passer d’une diapositive à la suivante par un clic de souris alors que le pointeur se trouve n’importe où dans l’écran, en dehors de tout bouton ou hypermot porteur d’un lien hypertextuel. J’appellerai « global » un tel clic de souris. Le même clic effectué en même temps qu’une pression sur une des deux touches « shift » du clavier retourne à la diapositive précédente. Il faut bien comprendre que les diapositives sont rangées dans le logiciel selon un ordre séquentiel que l’auteur peut visualiser dans une « trieuse », une vue d’écran où l’on voit toutes les diapositives (sauf si elles sont trop nombreuses, auquel cas il faut évidemment plusieurs écrans pour les contenir). Il est d’ailleurs possible à l’auteur de déplacer des diapositives directement dans la trieuse, ainsi que d’en supprimer. Par rapport à un clic global, les notions de diapositives suivante et précédente se rapportent donc à leur ordre de rangement dans la trieuse qui peut ne rien avoir à voir avec celui voulu par les auteurs à partir du moment où ceux-ci ont introduit des liaisons hypertextuelles localisées sur des boutons ou des hypermots. Notamment, le retour en arrière par un clic global ne ramène à la diapositive précédente du point de vue du lecteur que dans le cas où aucun saut hypertextuel n’a été fait juste auparavant. Pratiquement, les liaisons représentées sur les schémas par des flèches correspondent seulement à des liens spécifiques posés sur des boutons ou des hypermots, à l’exclusion de celles qui sont produites par un clic global. Des petites pastilles rondes auprès de chaque diapositive indiquent leur numéro d’ordre dans la trieuse et permettent de fait de connaître le parcours éventuellement obtenu par des clics globaux. J’utiliserai ces numéros pour identifier les diapositives sans équivoque possible lors de l’examen qui va suivre.

Un schéma simple aidera à la compréhension (Figure 95). Dans la structure ci-dessous, par une suite clics globaux, le parcours obtenu est 1, 2, 3, 4. Il est à noter qu’un clic global en 4 ramène à 1, provoquant une boucle complète. Par les liaisons portées par les boutons ou hypermots, le parcours est 1, 3, 4, 2. Sachant qu’un clic global avec appui sur une touche shift effectué en 3 conduit en 2, on voit que la diapositive alors affichée par le logiciel n’est pas la précédente au sens où l’entendra le lecteur, puisque pour lui c’est la 1.

Figure 95

Nous soutiendrons éventuellement nos observations par des recoupements avec le dépouillement du questionnaire qui avait été distribué aux élèves après les séances et qu’ils ont pratiquement tous rempli de bonne grâce. Les réponses (visibles en Annexe) obtenues à ce questionnaire feront l’objet d’un examen global ultérieur.

Il apparaît nettement que les travaux des élèves peuvent se ranger en deux groupes en fonction de leur structure, le second groupe se divisant lui-même en deux sous-groupes. Soit cette dernière est strictement linéaire, ou si l’on préfère, séquentielle, soit elle prend la forme d’une arborescence, plus ou moins complexe et plus ou moins profonde. Remarquons dès à présent qu’on ne rencontre jamais de structures différentes de ces deux modèles, telles que l’outil de fabrication d’hypertexte en aurait pourtant permis la construction. J’ai bien sûr examiné ces productions une par une, mais il ne semble pas indispensable de restituer ici complètement cet examen. Je traiterai dans le détail quelques travaux particulièrement significatifs, et plus sommairement ceux qui ressortissent à la même catégorie, quitte à signaler certaines particularités. On trouvera donc un premier groupe de six productions à structure séquentielle et un second groupe de onze productions à structure arborescente lui-même divisé en deux sous-groupes de huit (arborescence à un niveau) et trois productions (arborescence à deux niveaux).

Les pseudonymes des binômes, choisis par les personnes les composant elles-mêmes, sont les suivants : AMERIE, CELMEL, DEDEDO, DELMOR, JOEMA, LOULOUT, MANU, MATMAX, MATTOF, NAJ, NONO, RAEV, SARCARO, SEVMAD, TOMTOM, ULLRAISO et XAVDOM, et correspondent donc à seize productions différentes. Je reprendrai ces dénominations pour chaque production citée en indiquant entre parenthèses les prénoms des élèves concernés. Les réponses aux questionnaires ayant été données individuellement, il peut en effet s’avérer utile de distinguer les deux personnes composant chaque binôme. Les références au questionnaire seront notées [Q Prénom], avec un numéro 1 ou 2 derrière le prénom en cas d’homonymie.

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Examen des productions

Groupe 1 : structure séquentielle (six productions)

Le travail du binôme AMERIE (Marie-Anna, Amélie – Figure 96) porte sur la fécondation in vitro. Il est représentatif de ce premier groupe dont la structure est linéaire ou séquentielle. Il comporte dix diapositives organisées selon une structure strictement séquentielle. Dans chacune d’entre elle, un bouton « suite » provoque le passage à la suivante, mais il n’existe pas de boutons « retour ». Après le  titre (1), on y trouve un plan (2) , une introduction (3), un exposé simplement découpé en pages en fonction de leur remplissage (4-9), et une conclusion (10). La diapositive contenant le plan (2) aurait pu se prêter au placement de boutons vers les parties correspondantes, mais ce n’est pas le cas. AMERIE ne tire donc aucun parti des possibilités hypertextuelles de l’outil et produit un document inspiré de l’organisation classique de la dissertation littéraire.

Lors de la première séance, une élève est seule et tape un texte préparé en dehors de la classe avec sa camarade. Elle fait part au professeur de son incompréhension de la consigne qui leur demande de créer un hypertexte. Les explications données alors par le professeur la conduisent à reconsidérer son projet en fin de séance. Malheureusement, un incident provoquera la perte de tout le travail de frappe qui ne pourra pas être récupéré au début de la deuxième séance. Sans doute un peu découragées, les deux élèves se contenteront de recommencer à saisir le texte perdu, sans en modifier la structure.

Les réponses au questionnaire sont en  phase avec nos constatations : « Personnellement, l’ordinateur ne m’intéresse pas du tout », « je n’aime pas l’ordinateur », « je préfère les formes plus classiques », « je préfère utiliser ma main » [Q Anna-Maria]. Amélie est un peu plus nuancée, car si elle ne trouve « aucun » intérêt à l’exercice et déplore d’avoir eu à « s’énerver sur un clavier », elle admet que « le travail est plus distrayant » [Q Amélie].

Figure 96 - AMERIE

La production de JOEMA (Joséphine, Mélany) traite de la procréation médicalement assistée dans un ensemble de neuf diapositives. Elle comprend un titre (1), un exposé totalement linéaire réparti sur sept diapositives (2-8) et une conclusion (9). Un bouton permet même de revenir au titre depuis la conclusion, formant ainsi une boucle complète.

Ces deux élèves se plaignent d’avoir rencontré des difficultés dans la manipulation de l’outil : « Difficultés en général avec l’ordinateur » [Q Joséphine], « Nous avons trouvé l’ordinateur peu coopérant. » [Q Mélany]. Il est vrai qu’elles ont consacré une grande partie de leur temps à des questions de pure forme graphique, notamment en essayant tous les fonds proposés par le logiciel et une grande quantité de polices de caractères, différant ainsi pendant plus d’une séance le passage à la construction du document proprement dite. Agacée par de nombreux incidents, l’une d’elle s’est plusieurs fois vivement emportée contre les ordinateurs en général et contre le logiciel utilisé en particulier, se déclarant « très fâchée » avec toutes ces machines.

En ce qui concerne MANU (Adeline), seule Adeline a répondu au questionnaire et je n’ai pas retrouvé quel autre élève avait travaillé avec elle. Elle a travaillé seule lors de la deuxième séance, recopiant des textes à la suite dans plusieurs diapositives et déclarant « qu’ils verraient bien ce qu’ils feraient la prochaine fois » tout en faisant connaître clairement son désintérêt autour d’elle. Les réponses qu’elle donne au questionnaire révèlent une appréciation très négative de l’exercice, à tous les points de vue, et qui va jusqu’à s’exprimer dans l’ironie : « travailler mon doigté (très intéressant car je fais du piano » [Q Adeline], étant le seul intérêt qu’elle déclare avoir trouvé dans le travail demandé.

La production, qui traite de la contraception, comprend seulement cinq diapositives rangées séquentiellement dans la trieuse mais sans liens explicites entre elles à l’exception d’un bouton vers une diapositive exposant le but de la contraception (5). Il ne semble pas qu’il y ait à retirer beaucoup de choses de l’examen de ce travail dont la qualité décevante correspond bien aux observations en classe et aux réponses faites au questionnaire par Adeline, sachant que son partenaire ne s’est pas manifesté à son occasion (mais peut-être était-il encore absent).

Le travail de MATTOF  (Virginie, Manu) comprend huit diapositives dont deux (7,8) sont vides et isolées. La présentation lisible n’en comporte donc de ce fait que six. Elles traitent de la contraception selon un plan strictement linéaire.

Ce binôme a perdu énormément de temps avec des difficultés typographiques. Une seule élève étant présente à la première séance, elle a tapé très lentement du texte qu’elle recopiait sur un ouvrage. Lors de la troisième séance, alors que la plupart de leurs camarades de la classe avaient acquis une indubitable familiarité avec le logiciel, j’ai pu constater que ces deux élèves ignoraient qu’il était possible de sélectionner toute une partie d’un texte pour en changer ensuite la police de caractères. Elles effaçaient tout ce qu’elles voulaient modifier, changeaient les paramètres de police et recommençaient à taper le même texte. On mesure le handicap que cette ignorance technique représente. Elles font état de leurs problèmes dans leurs réponses au questionnaire, en évoquant même avec une pointe de malice les limites de la capacité du professeur à les secourir techniquement, parlant des difficultés à « rechercher quelque chose sur ordinateur que le professeur ne trouve pas toujours » [Q Manu].

Le binôme RAEV ( ?, ?) a été le moins productif de tous. L’un des deux participants étant absent lors de la première séance, l’autre s’est déclaré dans l’impossibilité morale d’entreprendre quoi que ce soit tout seul et n’a rien fait. Lors de la deuxième séance, ils ont essayé sans ordre ni raison toutes sortes de couleurs, de polices de caractère et de fonds d’écran. Ce n’est qu’à la troisième séance qu’ils se sont résolus à recopier dans un livre quelques dizaines de lignes de texte répartis en six diapositives.

La production comprend donc six diapositives à propos de la contraception, dont un titre. Il n’y a aucun lien explicite entre elles. Une telle production témoigne sans doute moins de la nature du rapport à cet exercice particulier que d’une attitude générale de ces élèves face à l’enseignement proposé, si j’en crois les confidences du professeur qui m’a soufflé ne pas avoir été surpris du comportement de ces deux jeunes gens qui n’ont pas jugé bon de répondre au questionnaire.

La présentation de TOMTOM (Aline, Edith) traite de l’implantation fœtale en dix diapositives et présentez un intérêt particulier. Comme on pourra le voir sur le schéma (Figure 97), il s’agit en effet d’un document séquentiel comportant cependant quelques branchements extérieurs à la séquence principale. Au cours de la première séance, ces deux élèves avaient tapé à la suite tous les textes qu’elles avaient préparés à la main. Ce travail en lui-même leur a coûté beaucoup d’efforts, comme le rappelle Edith non sans malice : « J’ai eu du mal à trouver le X, le G, le K et le H » [Q Edith].

Au cours de la deuxième séance, elles ont eu une discussion animée avec le professeur sur ce que signifie une organisation « logique » d’un document. Pour elles, ce qui est logique est séquentiel. « Ca se suit, c’est comme une histoire, si vous voulez. » explique l’une d’elles au professeur qui ne réussira pas à les faire changer d’avis. Elles tireront tout de même parti des possibilités de l’outil en proposant un lexique accessible depuis toutes les diapositives. Quelques défauts de réalisation viennent nuire un peu au bon fonctionnement de la présentation : une diapositive manifestement mal placée (4), une série de boutons mal renseignés en (8) et pointant vers les diapositives de (2) à (7) – peut-être une tentative ultime de placer des liens de retour ?- et une deuxième partie de lexique isolée (10).

Figure 97 – TOMTOM

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Groupe 2, premier sous-groupe : structure arborescente à un niveau de profondeur (huit productions)

La production de CELMEL (Céline, Mélanie – Figure 98) est tout à fait représentative d’une structure en arborescence simple, à un seul niveau de profondeur. Constituée de seize diapositives, c’est une des plus importantes quantitativement. Elle traite de la contraception. Après une introduction (1), on passe sans qu’un bouton de retour ne soit prévu à un sommaire (2) comprenant neuf rubriques dont une conclusion. Chaque rubrique constitue un hypermot et permet donc le saut vers la diapositive ou le groupe de diapositives exposant le contenu de ladite rubrique. Si ce contenu tient sur une seule diapositive, un bouton de retour au sommaire y figure. Si le contenu remplit deux diapositives, il n’y pas de bouton de retour sur la première mais un bouton suite qui pointe vers la deuxième et un bouton retour vers le sommaire sur cette dernière. On peut remarquer que l’ordre des diapositives dans la trieuse étant le même que celui du parcours proposé par le sommaire, il est possible de parcourir l’ensemble du travail dans les deux sens sans passer par le sommaire et sans provoquer de branchements aberrants. CELMEL ne se contente pas d’une présentation linéaire et maîtrise correctement l’outil pour produire un plan en arborescence à un niveau de profondeur. Il est vrai que les élèves qui composent ce binôme déclarent n’avoir rencontré « aucunes difficultés », que « la forme en hypertexte est bien » [Q Mélanie], et que « on a  vraiment fait quelque chose de nouveau et de plus intéressant qu’un simple cours. » [Q Céline]. L’observation lors des séances dans la classe montre que cette aisance proclamée ne s’est pas toujours manifestée avec éclat, du moins au début du travail. Ces deux élèves ont passé beaucoup de temps lors de la première séance en hésitations et en petites erreurs de manipulation. Et ce n’est que lors de la deuxième séance qu’elles ont été convaincues par le professeur de ne pas faire une présentation séquentielle de pages numérotées.

Figure 98 - CELMEL

 

Traitant de la stérilité, les auteurs, DELMOR (Delphine 2, Morgane), de cette production qui comporte onze diapositives semblent avoir compris le principe de fonctionnement du logiciel et en tirent parti en se limitant à une arborescence simple à deux branches et un seul niveau. Ils ne sont pas prisonniers de l’ordre des diapositives dans la trieuse, puisqu’on observe notamment que le titre et le sommaire qui se suivent dans la navigation proposée portent les numéros (1) et (8). A l’occasion d’une discussion avec le professeur lors de la deuxième séance, ils ont spontanément pris le point de vue d’un lecteur potentiel de leur travail en se souciant d’une part de son comportement probable en termes de navigation, et d’autre part de son confort en termes d’ergonomie et de qualité graphique. Sans doute ces élèves auraient-elles eu besoin d’un peu plus de temps pour maîtriser l’outil : « Je pense qu’il faut être très patient au début pour connaître les différentes possibilités proposées. Je n’ai pas vraiment cette patience et je n’ai presque pas tapé le dossier, par choix, j’ai préféré dicter à ma camarade » [Q Delphine 1].

La présentation de LOULOUT (Emilie, Stéphanie) qui traite de la contraception ne fonctionne pratiquement pas. Cependant, sa mise à plat par un schéma montre une tentative de construction d’une arborescence simple à un niveau.

On ne sera pas surpris de lire que les élèves ont « éprouvé des difficultés avec l’ordinateur en matière de créer un bouton, de faire un lien entre les différentes diapositives. » [Q Emilie] (repris pratiquement dans les mêmes termes par sa camarade Stéphanie). Si elles semblent bien avoir été capables de concevoir un document arborescent comportant un jeu de boutons en aller et retour depuis un sommaire, il apparaît clairement qu’elles ont assez largement échoué dans l’exécution. Une discussion très argumentée avec leur professeur au cours de la deuxième séance leur a permis de s’interroger utilement sur la structure de l’hypertexte à partir d’une question sémantique sur la distinction entre les boutons et les hypermots dans le logiciel.

NAJ (Nadège, Nathalie) s’est intéressé aux moyens de contraception. La présentation comprend huit diapositives organisées selon une arborescence simple mais convenablement réalisée.

Ces deux élèves ont réussi ce travail quantitativement très modeste mais correctement réalisé malgré d’évidentes difficultés avec le maniement de l’outil. Elles se souviennent de « difficultés à faire des liens. Difficultés dans le maniement du clavier = perte de temps pour recopier. » [Q Nathalie], ou « Difficulté à faire des liens entre les diapositives, plus manque de temps pour recopier avec le clavier de l’ordinateur. » [Q Nadège]. Nathalie, lucide, fait en outre l’observation suivante : « La forme en hypertexte est plus pratique pour le lecteur mais pas pour celui qui rédige, je trouve ça plus simple d’écrire normalement sous forme de livre. » [Q Nathalie]. On aura remarqué l’emploi de l’adverbe « normalement ».

Le travail de NONO (Noëlie, Agnès) est un des plus importants quantitativement. Il comprend en effet dix-neuf diapositives traitant de la contraception. La mise en schéma de la structure montre une tentative de construction en arborescence simple à un niveau de profondeur et à cinq branches. Mais, comme les élèves le disent dans leurs réponse au questionnaire, le travail n’a pas été aussi abouti qu’elles l’auraient souhaité et il y manque beaucoup de liens.

Ces élèves avaient commencé un travail très linéaire, créant une nouvelle diapositive quand elles estimaient que la précédente était remplie. Le résultat, outre qu’il ne tirait aucun parti de l’hypertexte, fut qu’elles obtinrent des diapositives presque illisibles. Elles en prirent conscience avec l’aide de leur professeur et entreprirent de structurer leur travail au cours de la deuxième séance. Il a même été question de créer un deuxième niveau d’arborescence, mais elles ont estimé qu’elles n’en auraient pas le temps. C’est d’ailleurs, comme souvent, le manque de temps associé à l’incompétence informatique qui font l’objet de regrets dans leurs réponses au questionnaire. « C’est plus intéressant que les méthodes classiques, mais on n’avait pas assez de temps. » [Q Noëlie]. « C’est plus intéressant que  des leçons classiques, mais il nous aurait fallu plus de temps pour faire plus d’hyperliaisons. » [Q Agnès].

Portant sur la contraception, la production de SEVMAD (Séverin, Madeleine) se présente comme une arborescence simple, à un niveau de profondeur et à quatre branches. Sa réalisation et son fonctionnement à la lecture sont tout à fait satisfaisants.

Si Séverin estime n’avoir « pas eu trop de problèmes avec le logiciel » [Q Séverin], Madeleine n’a pas tout à fait les mêmes souvenirs et parle d’une tâche « plutôt compliqué[e] ». Elle écrit aussi : « On a sûrement perdu du temps, n’étant pas doués en informatique, nous avons recommencé plusieurs fois » [Q Madeleine]. Il est vrai que pour elle, la seule difficulté signalée fut « de m’entendre avec mon camarade » [Q Madeleine]. Il convient enfin de noter que ces élèves ont su complètement se libérer de l’ordre des diapositives dans la trieuse sans préjudice pour le fonctionnement de leur présentation.

Le binôme ULLRAISO (Déborah, Aurélien) propose un ensemble de neuf diapositives sur la question de la fécondation in vitro. C’est une arborescence simple à un niveau de profondeur.

Déborah a une perception favorable de l’exercice et déclare « avoir beaucoup apprécié ce travail » malgré des difficultés pour « agencer le texte, retrouver d’une semaine à l’autre les mêmes teintes, la même typographie » [Q Déborah]. Son camarade Aurélien se montre nettement moins enthousiaste, déplorant d’avoir perdu du temps et surtout de n’avoir rien appris.

La dernière présentation de ce groupe, celle de XAVDOM (Xavier, Dominique), expose les différents modes de contraception en onze diapositives organisées selon une arborescence simple à un seul niveau de profondeur.

Ces élèves ont en réalité commencé par composer un document totalement linéaire. Lors de la première séance, ils n’avaient rien produit, se bornant à explorer le logiciel. Ensuite un incident s’est produit dont Dominique témoigne avec une belle franchise : « J’avais demandé à Xavier de tout faire. Mais il a été absent un jour, j’ai donc improvisé. J’ai donc fait quelques recherches et j’ai fait l’introduction et j’ai fait le plan. » [Q Dominique]. Il déclarait en effet lors de la deuxième séance qu’il se retrouvait démuni suite à l’absence de son camarade, qu’il « improvisait » et qu’ils « planifieraient tout ça » la semaine suivante. On ne saurait donner tort à Dominique puisque Xavier, assez sûr de lui, affirme que « tout est simple à utiliser » [Q Xavier]. Au cours de la troisième séance, ils ont repris les éléments composés par Dominique et ceux apportés par Xavier, puis ils ont seulement créé les liens depuis le sommaire vers les diapositives initiales de chaque partie de leur plan. La structure en arbre semble donc s’être superposée a posteriori à une première forme proche de celle de la dissertation ou de l’exposé scolaire classique.

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Groupe 2, deuxième sous-groupe : structure arborescente à deux niveaux de profondeur (trois productions)

Le travail du binôme DEDEDO (Dorothée, Delphine 1 – Figure 99) porte sur les moyens de contraception. Il est composé de quinze diapositives et constitue une tentative intéressante, dans la mesure où l’on y voit apparaître un deuxième niveau de profondeur dans la structure arborescente. Il ne s’agit malheureusement que d’une tentative. Comme j’ai pu l’observer, la réalisation technique a posé des problèmes à ses auteurs au point que sa lecture en devient presque impossible. J’ai cependant procédé à un examen attentif qui permet de déceler certaines intentions au-delà des maladresses d’exécution, qui sont peut-être aussi les conséquences d’un manque de temps pour finir convenablement le travail entrepris.

On trouve pour commencer une diapositive de titre (1) et (2) curieusement reproduite en deux exemplaires sans liens entre eux. Il en va de même pour une diapositive « Sommaire » (3) et (4). Aucun lien n’arrive vers cette dernière et aucun n’en part non plus. Elle est donc inaccessible par le jeu des boutons ou des hypermots. Elle l’est en revanche par un clic global à partir de l’introduction, mais un indice montre que ce n’est pas la solution qui avait été prévue. En effet, il existe bien un bouton de suite sur la diapositive d’introduction, mais il pointe par erreur sur une diapositive (5) qui traite de la pilule qui se trouve bien sûr en aval du sommaire dans la structure telle qu’il est possible de la reconstituer. Sept diapositives (5-9) (11, 12) parlant des diverses méthodes de contraception peuvent être lues séquentiellement, mais pas à partir du sommaire comme on pourrait s’y attendre. Il n’y a pas non plus de retour au sommaire dans chacune de ces diapositives.

Jusqu’à présent, nous avons donc affaire à une structure arborescente simple à un seul niveau dont la réalisation n’a pas été menée à bien. Ce qui retiendra notre intérêt, c’est la présence de diapositives de deuxième niveau. On trouve en effet une diapositive « Définitions » (14) et il existe des boutons portant la mention « Définitions » dans chacune des autres diapositives à l’exception du titre et du sommaire. Mais aucun de ces boutons n’est actif, ce qui a pour conséquence de rendre la diapositive « Définitions » inaccessible. Cette dernière possède un bouton « suite » qui renvoie à la première des trois diapositives qui traitent de la pilule (5), ce qui nous montre l’intention qu’ont eue les auteurs de prévoir un retour à la lecture courante après consultation d’une définition. Il s’agit d’une sous-structure en aller-retour qui tire parti des possibilités de l’hypertexte. Néanmoins, il s’agit d’un aller-retour à départs multiples et à retour unique, et nous remarquons ici une difficulté qui n’avait pas été relevée lors de l’analyse a priori. Il faudrait en effet autant de boutons de retour différents et identifiés que de situations possibles (un bouton pour revenir à « pilule », un autre pour revenir à « stérilet », etc.), ce qui est évidemment lourd à mettre en œuvre et très maladroit du point de vue de l’ergonomie de l’utilisation en lecture. La solution de bon sens serait de laisser le lecteur revenir en arrière par un clic global avec une touche shift, mais comment lui faire savoir qu’il doit parfois utiliser ce procédé de navigation et parfois un autre ? On peut penser que ce problème est de nature à augmenter la difficulté cognitive de la réalisation car pour bien se le représenter, il faut réussir à apercevoir la sous-structure comme une partie d’arborescence inversée dans laquelle c’est le retour qui doit faire l’objet d’une spécification et non pas l’aller comme c’est le cas dans une arborescence directe.

D’autres diapositives, « Avantages et inconvénients du diaphragme » (10) et « Avantages et inconvénients du stérilet » (13), existent, mais seule celle concernant ce dernier objet est accessible depuis la diapositive qui en parle, sans possibilité de retour. On a donc encore ici un indice de l’intention qu’avaient les auteurs de construire une structure à plusieurs niveaux relativement complexe et la preuve des difficultés qu’ils ont rencontré pour la mettre en place. Une « Conclusion » (15) reste elle aussi totalement isolée.

Dans leurs réponses au questionnaire, les élèves du binôme DEDEDO font état des difficultés que nous venons de soupçonner : « Le principe de fonctionnement de ce logiciel n’est pas facile à comprendre lorsque l’on est habitué à un ordinateur dont le fonctionnement est classique. » [Q Dorothée]. « Certes, l’hypertexte laisse plus de liberté au lecteur, mais il ne permet pas toujours la clarté » [Q Delphine 1]. D’autre part, l’hypothèse que nous avions faite d’un manque de temps pour achever le réalisation dans la sérénité se confirme : « Il a fallu que l’on retape une bonne partie du travail. Une personne a malencontreusement effacé cette partie en recherchant notre enregistrement. » [Q Dorothée]. « Il a eu des problèmes (effacement de certaines parties) » [Q Delphine 1]. J’ai pu en effet constater la perte du grande partie du travail de DEDEDO au début de la troisième séance. Les deux élèves qui avaient manifestement pris cette tâche à cœur étaient très affectées par cet incident au point que l’une d’entre elles en a pleuré quelques instants. Le professeur est venu les aider à retaper du texte et à cette occasion une discussion s’est engagée entre lui et les élèves sur les avantages comparés d’une exposition linéaire des idées et d’un hypertexte. Alors qu’elles ne semblaient jusque là pas imaginer autre chose que ce à quoi elles étaient habituées par la pratique scolaire, elles ont paru saisir la spécificité de l’hypertexte et ont manifesté de l’intérêt pour une forme permettant, selon l’une d’entre elles, « au lecteur d’aller où il veut ». Elles ont entrepris de reconstruire leur travail en fonction de ce qu’elles venaient de découvrir, mais le manque de temps et l’accumulation d’incidents techniques ne leur auront pas permis de concrétiser cette prise de conscience.

Figure 99 - DEDEDO

 

Le travail du binôme MATMAX (Maxime, Mathieu) porte sur la fécondation artificielle. Proche du précédent dans sa conception, il comprend huit diapositives organisées selon un schéma arborescent à deux niveaux de profondeur et à deux branches, dont l’une est restée embryonnaire. Notons qu’il n’y a nulle part de boutons permettant un retour aux sommaires, partiel ou général.

Cette production témoigne d’une compréhension certaine du principe de l’exercice mais n’a visiblement pas pu être terminée. Il est vrai que lors des deux premières séances, ces élèves ont passé beaucoup de temps à faire des essais de couleurs, de fonds d’écran et de polices de caractère. Il est assez curieux de remarquer que leurs réponses au questionnaire divergent notablement les unes des autres, alors qu’en règle générale, elles sont plutôt homogènes au sein de chaque binôme. Si Maxime affirme qu’il « n’a éprouvé aucune difficulté » [Q Maxime], Mathieu se souvient d’avoir « éprouvé des difficultés à accéder à notre dossier » [Q Mathieu]. Et quand ce dernier déclare que « Cette forme en hypertexte est beaucoup plus claire et rapide à mettre en œuvre » [Q Mathieu], son camarade écrit : « Je ne vois pas l’intérêt de faire des liaisons entre les pages. Autant tout taper comme un cours ou une leçon » [Q Maxime].

Le travail de SARCARO (Caroline, ?) traite de la contraception. Il comprend onze diapositives et constitue une tentative de structure arborescente à trois branches et un niveau de profondeur. On observe cependant une tentative secondaire d’établir un deuxième niveau d’arborescence pour le sujet de la pilule, mais les rubriques du sous-sommaire correspondant ne sont pas actives. Le schéma montre que la structure est convenablement construite. Mais il se trouve que la présentation ne fonctionne pas convenablement et qu’il s’y produit plusieurs branchements aberrants [1].

Je ne dispose que des réponses au questionnaire de Caroline. Elle était seule à la première séance. Elle fait état d’un intérêt modéré pour l’exercice : « Oui, je pense qu’utiliser l’ordinateur change les cours normaux. » [Q Caroline] et de difficultés techniques « à utiliser les zones de texte et faire des liens » [Q Caroline].

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Remarques

Il est possible de faire dès à présent quelques remarques à l’issue de cette série d’examens. En ce qui concerne l’utilisation de l’ordinateur en général et celle du logiciel en particulier, rares sont les élèves qui n’ont pas rencontré de difficultés. Certains ont même été manifestement mis en échec, au moins momentanément.

Pourtant, la plupart d’entre les binômes réaliseront des productions certes incomplètes ou défectueuses mais tout de même construites et convenablement présentées. Le type de structure dominant est de loin celui de l’arborescence simple, à un niveau de profondeur et à un nombre de branches variable, apparemment fonction des particularités du sujet, mais ce dernier point serait à vérifier. La tendance à rédiger un texte linéaire et à se calquer sur le modèle de la dissertation reste très forte et transparaît souvent sous l’arborescence. Cette structure semble en effet avoir été adoptée la plupart du temps après une première conception classique, souvent même dans une sorte de compromis avec le professeur. Nous allons maintenant rechercher dans les questionnaires, question par question, si nous y trouvons un éclairage susceptible d’améliorer notre connaissance du vécu des élèves au cours de ces séances de travail.

 

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[1] Cela tient à la présence de boutons « suite » qui ont été posés dans les diapositives, mais pour lesquels aucune hyperliaison n’a été définie. Ces boutons n’ont donc aucune fonction dans le logiciel et un clic sur eux équivaut à un clic global, provoquant seulement le passage à la diapositive suivante dans l’ordre de la trieuse.