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Apprendre en construisant des hypertextes ? – Christian Euriat – Université Nancy 2 – 2002

5. Étude de terrain

 

5.2.  Au lycée Henri Poincaré

5.2.2. Analyse a priori de la tâche prescrite

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Le logiciel  

      Examen détaillé des activités prescrites 

 

Le logiciel

Le logiciel utilisé lors des séances observées au lycée Poincaré est le même que celui qui a servi à celles du collège Alfred Mézières de Jarny, « Présentation Ô» de l’éditeur « Asymétrix ». Il ne sera donc pas nécessaire de revenir ici sur ce que nous avons pu en dire lors de l’analyse de la tâche des élèves de ce collège. On pourra se référer à ce passage en cas de besoin. Il en va de même pour les considérations générales sur le rapport entre l’ordinateur et son utilisateur, et notamment pour les références à Simondon, Rabardel ou aux travaux conduits par Levy à l’INRP.

Néanmoins, la tâche demandée aux élèves de Poincaré elle-même étant assez différente de celle de Jarny, il se trouve qu’elle requerra la mobilisation de nouvelles fonctionnalités et la mise en œuvre de manipulations que nous n’avons pas encore examinées. Les élèves devront en effet construire un ensemble organisé de diapositives sur un thème sans que rien, ni textes, ni images, n’ait été préparé par le professeur. Il leur faudra créer chaque diapositive et notamment entrer eux-mêmes au clavier les textes qu’ils souhaiteront y placer. Il leur incombera bien sûr de définir la structure de leur travail et de placer aux bons endroits les liens utiles entre les diapositives.

 

Examen détaillé des activités prescrites

Les élèves doivent créer complètement un hyperdocument. Il n’y a pas de fichiers contenant des textes ou des images préparés à l’avance par le professeur. Comme nous le verrons un peu plus loin, ce sont les élèves eux-mêmes qui créent leur fichier de travail sous « Présentation » et en exécutent la sauvegarde à la fin de chaque séance et l’ouverture au début de la suivante. Il leur faut en effet assurer la pérennité de leur production tout au long de l’exercice qui s’échelonne sur trois séances hebdomadaires, sachant que d’autres utilisateurs ont accès aux machines entre temps. Nous avons déjà examiné la question de la manipulation des fichiers lors de notre étude sur Jarny et ce qui a été dit à cette occasion peut être repris maintenant, sans avoir à le répéter. La même remarque doit être faite à propos du déplacement ou du redimensionnement éventuel d’objets comme des cadres ou des flèches, ainsi que sur l’affichage des diapositives à l’écran.

Sur ce dernier point cependant, les élèves de Poincaré auront à gérer des nombres de diapositives a priori plus grands que ce n’était le cas pour leurs jeunes camarades de Jarny. Ils auront besoin d’utiliser ce que le logiciel appelle la trieuse, en fait un mode d’affichage qui permet de voir simultanément à l’écran toutes les diapositives d’une composition, de les déplacer les unes par rapport aux autres, de les recopier ou de les supprimer.

La saisie de texte en elle-même prendra ici une grande importance. Aucune image n’étant disponible et aucun texte n’étant enregistré à l’avance, ce sera aux élèves eux-mêmes qu’il écherra de taper au clavier la totalité des informations qu’ils souhaiteront intégrer à leur composition. Il semble très probable que la question de la compétence dactylographique qui était très secondaire à Jarny risque de devenir cruciale ici. On ne peut bien entendu pas dire que la recherche des touches sur le clavier, en y promenant le regard et le doigt pour chaque lettre à taper, nécessite en soi un investissement cognitif de haut niveau. Elle mobilise cependant l’attention au détriment de la tâche, fait perdre évidemment beaucoup de temps et peut devenir aussi une cause de nervosité, de lassitude précoce, et somme toute de démotivation.

Un aspect particulier de la saisie de texte mérite notre attention. Dans la mesure où, comme son nom l’indique, ce logiciel est un logiciel de présentation, il offre une fonctionnalité de création de « points » qui apparaissent comme des titres de rubriques ou de sous-rubriques à l’écran ou lors de la projection du document. Ces points peuvent être créés un par un en passant par un menu « Point » qui permet aussi de les supprimer, de les incrémenter pour mettre en évidence la structure d’un plan, ou de leur attribuer des propriétés comme celle de n’apparaître à l’écran qu’à la suite d’un événement défini comme un clic de souris par exemple. Au moins en ce qui concerne les deux premières de ces trois possibilités, la transparence opérative, au sens de Rabardel [RABARDEL 95, pp. 189-190], est apparemment assez grande. La distance entre le sujet et l’objet de son action reste courte, puisque le menu « Point » et la diapositive sur laquelle on travaille sont visibles en même temps et que les effets produits par les commandes sont immédiats. Le contrôle de l’action est alors direct et simple, une fausse manœuvre (mais une seule) pouvant être rectifiée par un clic dans le menu « Edition – Annuler » dont l’existence aura été dûment signalée par le professeur sur une fiche récapitulative des commandes utiles. Quant aux schèmes opératifs nécessaires, ils sont ceux requis pour la construction d’un plan simple, activité qui ne devrait pas dépasser les possibilités cognitives d’élèves de première littéraire.

Ce qui fait la nouveauté de la présente tâche à étudier et de ses implications dans l’utilisation du logiciel, c’est la commande passée aux élèves de construire un document hypertextuel composé de plusieurs diapositives reliées entre elles par un ensemble de liens en permettant la lecture par navigation. L’indication « plusieurs diapositives » n’est certes pas tellement précise, mais il se trouve que les consignes du professeur ne comprennent pas davantage de précision sur ce point, alors qu’il est pourtant d’un usage scolaire bien établi d’indiquer au moins approximativement le nombre de pages souhaité pour la production d’un dossier ou pour celle de tout texte écrit sur papier.

Les fonctionnalités du logiciel utiles pour la pose de liens hypertexte sont la création de « boutons », la création d’« hypermots » (un terme employé dans les menus du logiciel) et l’établissement des liens proprement dits depuis l’un ou l’autre des points de départ précédemment cités et une diapositive de destination.

La procédure de création de boutons et celle d’hypermots sont assez voisines tout en comportant une différence notable peut-être propre à augmenter la difficulté de l’opération. Pour créer un bouton, il faut d’abord aller cliquer sur une icône visible en permanence à l’écran et représentant précisément un bouton. Il s’agit du dessin d’un rectangle gris offrant une illusion de relief relativement facile à identifier comme le symbole d’un bouton parmi un groupe d’autres icônes servant à la création de cadres de texte ou de figures géométriques. En tout état de cause, il est sans aucun doute facile à reconnaître par un élève auquel le professeur ou un camarade l’aurait montré au moins une fois. On amène ensuite le pointeur de la souris à l’endroit où l’on souhaite placer le coin supérieur gauche du bouton, on enfonce le bouton gauche de la souris, on fait glisser le pointeur vers ce qui deviendra le coin inférieur droit du bouton, et on relâche la pression sur le bouton de la souris. Pendant cette opération, un rectangle en pointillé qui apparaît sous le pointeur permet de visualiser le résultat de la manœuvre. Il demeure ensuite toujours possible de sélectionner le bouton par un clic de souris pour le déplacer ou pour en modifier les dimensions par un glissement du pointeur. Ces manœuvres sont aujourd’hui devenues triviales pour les utilisateurs des interfaces graphiques des ordinateurs de bureau et il pourrait sembler superflu de les évoquer ici. Elles exigent cependant de la part d’utilisateurs débutants comme le sont la plupart des élèves concernés à Poincaré un effort d’attention relativement important et surtout peut-être de la patience pour recommencer calmement sans crispation de la main lors des inévitables échecs dus à une mauvaise synchronisation des mouvements des doigts et de l’avant-bras.

Le bouton créé, il faut lui assigner la fonction d’hyperliaison, selon le terme même du logiciel. A cette fin, après avoir sélectionné le bouton voulu par un clic de souris, on doit ouvrir le menu « effets » dans le bandeau supérieur de l’écran et y sélectionner le sous-menu « hyperliaison ». Un cadre s’ouvre alors dans lequel on peut choisir de placer un lien vers une autre diapositive de la présentation, une diapositive dans une autre présentation, ou vers une autre application. Dans le cas présent, seule la première option présente une utilité. En l’activant, on fait apparaître la liste numérotée des noms des diapositives déjà créées dans la présentation et l’on choisit celle que l’on veut en cliquant sur son nom.

En ce qui concerne les hypermots, la méthode est identique à celle qui précède, à cette distinction près qu’il faut sélectionner un mot dans un cadre de texte au lieu d’un bouton. Il faudra donc avoir préalablement créé un cadre de texte et y avoir tapé effectivement du texte.

On aura compris à la lecture de cette description délibérément fastidieuse que si chaque opération reste fort simple et ne demande a priori qu’un investissement cognitif modeste, leur enchaînement devient rapidement complexe au point d’engendrer de réelles difficultés à partir du moment ou une seule fausse manœuvre viendrait embrouiller l’utilisateur. Une méthode de travail semble indispensable pour maintenir l’exigence cognitive à un niveau acceptable. Un simple exemple : la désignation de la destination d’une hyperliaison se fait sur le nom ou le numéro d’ordre des diapositives. Ce nom est extrait du titre de la diapositive par le logiciel. Or, il est très facile de supprimer le cadre prévu pour le titre, soit par erreur, soit volontairement. La diapositive n’est plus alors identifiable que par son numéro d’ordre, ce qui n’est guère significatif. Il convient donc de s’imposer la discipline de donner un titre à toute diapositive, quelle qu’elle soit, dès sa création. Si la consigne n’en est pas donnée expressément, ce qui est la cas, on peut douter que les élèves pensent à le faire.

En termes de transparence opérative, au sens de Rabardel, on peut s’attendre à ce qu’elle soit faible pour nos élèves dans le cas de la mise en place des hyperliens, alors qu’elle semble au contraire plutôt grande dans celui de la création des boutons, où l’on voit l’objet grandir, diminuer ou bouger en relation directe avec les mouvements de main qui tient la souris. En effet, on ne peut apercevoir l’effet produit par la création d’un hyperlien qu’en faisant basculer le logiciel en mode de présentation par une pression sur la touche « F3 » du clavier. L’utilisateur du logiciel dans sa fonction de création devient alors utilisateur final du logiciel dans sa fonction de présentation et peut effectuer un contrôle de conformité du fonctionnement avec ce qu’il avait souhaité réaliser. Certes, il s’agit bien sûr du même logiciel mais les actions possibles pour l’utilisateur y sont différentes.

Comme nous l’avons déjà évoqué, la question du placement d’images n’a pas à être traitée puisque les élèves n’ont pas d’images numérisées à leur disposition. En somme, on peut s’attendre à de nombreuses difficultés dans la réalisation de la tâche, non pas, répétons-le, que chacune de ses parties exigeât un niveau cognitif élevé, mais parce que sa complexité est importante et que sa transparence opérative est faible sur le point crucial que représente la création des hyperliens.

 

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