7.3.5 Les travaux effectués et les résultats obtenus

Durant ma thèse, j’ai codé et utilisé un modèle d’émissivité de la surface océanique qui a été validé à des fréquences plus élevées que la bande L (i.e. 19 GHz et 37 GHz) pour déterminer la sensibilité de la mesure radiométrique aux conditions océaniques que sont la SSS, la température de surface (SST), la rugosité de la surface induite par le vent (U) et l’écume. Ce modèle d’émissivité fait intervenir un modèle de constante diélectrique de l’océan, d’état de surface de la mer, de diffusion des ondes électromagnétiques par une surface rugueuse telle que celle de l’océan et d’écume (émissivité et taux de couverture de la surface de la mer). J’ai aussi utilisé un modèle de transfert radiatif à travers l’atmosphère pour déterminer l’influence de l’atmosphère sur la mesure radiométrique et la variation de cette influence avec les paramètres atmosphériques que sont la température, la pression et l’humidité relative.

Quand j’ai commencé cette étude, on savait que Tbmer en bande L dépendait sensiblement de la SSS et de la SST , et que la sensibilité à la SSS était environ trois fois plus forte dans les eaux chaudes que dans les eaux froides. Ces estimations de sensibilité étaient dérivées d’un modèle de constante diélectrique de l’eau de mer assez ancien. J’ai montré que la sensibilité de la Tbmer à la SST est relativement faible, particulièrement pour des eaux dont la SST est proche de 15oC et que la Tbmer globale est plus sensible à la SSS qu’à la SST. J’ai également montré que des modèles de constante diélectrique plus récents prédisent des Tbmer sensiblement différentes, la différence pouvant atteindre 1 K. J’ai montré que cette différence induite par les différents modèles de constante diélectrique ne pouvait être assimilée à un biais et que, par conséquent, de nouvelles mesures de constante diélectrique en bande L avec une précision de l’ordre de 0.3 % étaient souhaitables.

L’effet de la rugosité de la surface océanique (induite par le vent) sur Tbmer en bande L était mal connu et souvent ignoré car supposé faible. Ces estimations de l’effet de la rugosité reposaient sur des prédictions de modèles d’émissivité basés sur l’approximation de l’optique géométrique. En effet, ces modèles ne prédisent aucune influence sensible de la rugosité pour des incidences faibles et modérées (jusqu’à 40o d’angle d’incidence environ). De plus, à plus haute fréquence (à partir de quelques GHz), l’effet du vent sur Tbmer est essentiellement lié à l’écume, la rugosité jouant un rôle secondaire. Cependant, les modèles d’optique géométrique ne prenne en compte que l’effet induit par les grandes vagues. À l’aide d’un modèle d’émissivité à deux échelles de rugosité, j’ai montré que l’effet sur Tbmer en bande L des petites vagues (par diffusion de Bragg) est très sensible (de l’ordre de quelques dixièmes de K.m-1.s), particulièrement au nadir où les petites vagues sont les seules à influencer Tbmer.

J’ai montré que l’effet de la rugosité dépend fortement du modèle de spectre de vagues utilisé. Cet effet sur la T bmer omnidirectionnelle peut varier d’un facteur deux entre les différents modèles. Bien qu’il soit environ deux fois plus faible en bande L qu’à plus haute fréquence (i.e. 37 GHz), il est indispensable de le prendre en compte car il induit des variations de Tbmer supérieures à celles induites par les variations de SSS. J’ai montré que la Tbmer en moyenne globale sera sensiblement accrue par la présence de vent (de l’ordre de 2 K pour l’estimation la plus forte) ainsi que sa variabilité. La sensibilité de la Tbmerà la direction du vent est très différente selon le modèle de spectre utilisé (jusqu’à un facteur cinq entre les différents modèles). Cependant, les différents modèles s’accordent sur le fait que cette dépendance est relativement faible (inférieure à ± 0.5 K) et très inférieure à celle observée à plus haute fréquence (19 GHz et 37 GHz). À mon sens, si des mesures précises de T bmer en bande L pour différents vents permettront certainement de valider la dépendance en vent de la Tbmer omnidirectionnelle, la dépendance azimutale par rapport à la direction du vent requiert une précision radiométrique difficile à obtenir, et il est peu probable qu’elle puisse être identifiée avant le lancement de SMOS au cours de campagnes préparatoires.

Le vent peut également influencer la Tbmer par l’intermédiaire de l’écume, que j’ai étudiée à l’aide de modèles théoriques et empiriques. L’effet de l’écume est très incertain en bande L, les différents modèles d’émissivité de l’écume prédisant des effets sensiblement différents. Cependant, il est probable que l’effet de l’écume soit beaucoup plus faible en bande L qu’à plus haute fréquence, à cause de l’épaisseur de la couche d’écume qui est faible devant la longueur d’onde 21 cm. Les mesures disponibles à basse fréquence ne semblent d’ailleurs pas indiquer un effet très sensible de l’écume, du moins pour les vents modérés. De plus, j’ai montré que dans un modèle empirique d’émissivité de l’écume assez ancien, l’effet de la diffusion de Bragg avait été attribué à l’écume, surestimant ainsi l’effet de l’écume.

J’ai montré que les effets atmosphériques sur la mesure de SMOS, bien que faibles, ne sont pas négligeables et que leur variation avec les conditions météorologiques (température, pression et humidité relative) est très faible (la variation la plus forte étant due aux variations de pression). Par conséquent, ces effets devraientt pouvoir être corrigés à partir d’estimations de pression, issues de modèles météorologiques. Contrairement à ce qui a été montré à plus haute fréquence (89 GHz et 157 GHz), en bande L, la dépendance en vent du signal atmosphérique réfléchi par la surface de la mer est négligeable.

Pour analyser la validité de mon modèle d’émissivité en bande L, j’ai étudié l’effet de la rugosité sur Tbmermesuré pendant les campagnes EuroSTARRS et WISE. Une comparaison de l’effet du vent sur T bmer déduit des mesures WISE 2000 et 2001 et de celui prédit par mon modèle d’émissivité m’a permis de déterminer un ordre de grandeur de l’effet du vent, environ 0.2 K.m-1.s pour des angles proches du nadir, incompatible avec l’un des modèles de spectre étudiés. Cependant, les mesures sont trop bruitées pour déterminer cet valeur avec précision. En outre, les Tbmerprédites par l’un des modèles de spectre étudiés sont peu crédibles et en désaccord avec les mesures WISE 2001pour des vents compris entre 3 m.s-1 et 7 m.s-1. La forte différence de dépendance azimutale prédite par les différents modèles n’a pu être étudiée à cause du bruit des mesures. L’exploitation des mesures EuroSTARRS, qui n’ont été disponibles en version finale que depuis peu (novembre 2002), apportera certainement des enseignements supplémentaires, bien que mes études mettent en évidence que les mesures de certaines antennes du STARRS semblent plus bruitées que d’autres. Il est sûrement préférable dans un premier temps d’exploiter les données des antennes les moins bruitées. Un effet sensible de l’écume n’a pas pû être mis en évidence à partir de ces ensembles de données. Bien que des conclusions définitives sur l’effet du vent en bande L n’aient pu être tirées, des progrès ont été fait dans sa connaissance.

À l’aide de mon modèle d’émissivité et des caractéristiques de l’instrument SMOS (bruit radiométrique, résolution spatiale et échantillonnage temporel, mesure multi angulaire grâce au champ de vue 2D), nous avons estimé l’erreur sur la SSS restituée. L’erreur sur une estimation élémentaire (sur un pixel de 40 km de résolution et sur une mesure instantanée, i.e. intégrée sur 1.5 s) de la SSS provient essentiellement du bruit radiométrique et de l’incertitude sur le vent (95% de l’incertitude provient de ces deux paramètres). Une fois la SSS moyennée sur des pavés de 200 km de côté et sur une période de 10 jours (selon les recommandations GODAE), son incertitude est inférieure à 0.1 psu sur tout le globe à condition de disposer d’une estimation du vent à haute résolution temporelle. Dans les zones à faible variabilité temporelle du vent, la précision sur la SSS n’est pas dégradée par l’utilisation d’un vent moyen sur 10 jours. En revanche, l’absence totale d’estimation du vent conduit à une incertitude sur la SSSqui la rend difficilement exploitable. La possibilité de s’affranchir de l’effet Faraday en utilisant des mesures du premier paramètre de Stokes au lieu de mesures polarimétriques a été étudiée: l’incertitude sur la SSS est peu dégradée par cette méthode, ce qui montre que la rotation Faraday ne devrait pas être un obstacle majeur à la restitution de la SSS à partir des mesures SMOS. Cependant, il est probablement possible de corriger l’effet Faraday: une étude est en cours à l’IPSL en collaboration avec l’ESA/ESTEC pour déterminer plus précisément les différents moyens possibles pour prendre en compte cet effet sur la mesure SMOS.