Cultiver l'absence, trajectoires et relations paysagères en pays Diola (Basse-Casamance, Sénégal méridional) - TEL - Thèses en ligne Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2023

Cultivating absence: landscape trajectories and relationships in Diola country (Lower Casamance, Southern Senegal)

Cultiver l'absence, trajectoires et relations paysagères en pays Diola (Basse-Casamance, Sénégal méridional)

Résumé

Rice fields and rice-growing practices in Lower Casamance (southern Senegal) are as striking for their presence as for their absence. Or rather, they are striking because of their decline, in a context marked by major agro-ecological changes, but also by rural and agricultural abandonment and labour migration. These declines call into question the evolution of the region's historic landscapes, divided between rice fields and villages sheltered under the forest. Since the 1960s, geography studies have consistently shown the extent to which Diola society has been affected by major climatic upheavals. Anthropologists have emphasised the socio-economic changes in lifestyles, and in particular the urban migrations - whether permanent or long-term - that have helped to replace family food-producing agrosystems with societies that are fully integrated into the logic of employment and globalised food practices. What remained to examine was the very large scale, to compare it with the regional logics already described, as well as the local point of view on these upheavals. Few studies are based on extensive ethnographic data, and the Diola point of view on landscape changes has only been the focus of attention in the recent years. This study explores the notion of landscape trajectory, bringing together the contributions of traditional landscape analysis in geography and those of social anthropology via ethnographic methods. Diachronic analysis of satellite images (2003 and 2021) allows to map land use changes in two villages, and clearly shows the extent to which the environmental and socio-economic factors at work are transforming rice-growing landscapes on a very large scale. The surveys, as well as the toponymic study, made it possible to take into account both the current state of the landscapes and the memory of their past states. The qualitative treatment of the interviews and biographical surveys provided major counterpoints to this interpretation based on agro-ecological trajectories. The ethnographic survey highlighted the extent to which rice-growing was both a highly variable practice and a central cultural invariant in family and social organisation. Taking on board the local point of view and the indigenous discourse greatly complicates a landscape analysis based, at first sight, on the materiality of spaces and the temporality of their transformations. The new ways in which the Diola live, work and move around, as well as the changing way in which each individual projects him- or herself within the group, mean that it is no longer the changes in the landscape that need to be examined, but rather the changing timescales according to which individuals live, work or abandon the spaces in question. Landscape trajectories then no longer refer to the dynamics of the material spaces seen and experienced, but to the different ways and timescales in which individuals project themselves into the world. By cultivating absence, the Diola are not ceasing to cultivate rice, or even to form a group. On the contrary, the social dynamics, past and present, individual and collective, show that objects understood as traditional (rice-growing and the associated landscapes) are constantly being reinvested, reworked and reshaped by the environmental, socio-economic and family context. Against the idea of an inexorable degradation of landscapes and ancient agricultural practices, this thesis proposes to combine the contributions of geography and anthropology in order to reinterrogate the notions of landscape trajectories and temporalities, and thus to understand them as individual, relational, phenomenological and resolutely complex objects.
Les rizières et les pratiques rizicoles, en Basse-Casamance (Sénégal méridional), frappent autant par leur présence que par leur absence. Ou, plutôt, elles frappent par le déclin qu’elles connaissent, dans un contexte marqué par des changements agroécologiques importants, mais aussi par la déprise rurale, agricole et les migrations de travail. Ces déprises interrogent l’évolution des paysages historiques de la région, partagés entre rizières et villages abrités sous la forêt. Depuis les années 1960, les travaux de géographie n’ont pas cessé de montrer combien la société diola était en proie à des bouleversements majeurs d’ordre climatique. Les anthropologues ont insisté sur les changements socio-économiques des modes de vie, et notamment sur les migrations urbaines – définitives ou de longue durée – qui ont participé à substituer aux agrosystèmes familiaux vivriers des sociétés parfaitement intégrées aux logiques de l’emploi et aux pratiques alimentaires mondialisées. Restait à interroger la très grande échelle, pour la confronter aux logiques régionales déjà dépeintes, ainsi que le point de vue local sur ces bouleversements. Peu de travaux s’appuient sur des données ethnographiques denses, et le regard des Diola sur ces changements paysagers n’est au cœur des préoccupations que depuis quelques années. Ce travail propose une réflexion sur la notion de trajectoire paysagère, qui confronte les apports de l’analyse paysagère classique en géographie et ceux de l’anthropologie sociale via les méthodes ethnographiques. L’analyse diachronique des images satellitales disponibles (2003 et 2021) a permis de cartographier l’évolution de l’occupation du sol dans les deux villages de l’étude, et montre clairement combien les facteurs environnementaux et socio-économiques à l’œuvre transforment les paysages rizicoles à très grande échelle. Les prospections guidées par les enquêté·es, ainsi que l’étude toponymique, ont permis de prendre en compte simultanément l’état actuel des paysages et la mémoire de leurs états passés. Le traitement qualitatif des entretiens et des enquêtes biographiques a apporté des contre-points majeurs à cette lecture axée sur les trajectoires agroécologiques. L’enquête ethnographique a permis de souligner combien la riziculture était à la fois une pratique très variable et un invariant culturel central dans l’organisation familiale et sociale. La prise en charge du point de vue local ainsi que l’approche par les discours autochtones complexifient grandement une analyse paysagère fondée, de prime abord, sur la matérialité des espaces et les temporalités de leurs transformations. En effet, les nouvelles pratiques d’habiter, de travail, de circulation des Diola, mais aussi la manière changeante dont chacun·e se projette dans le groupe, invitent à interroger non plus les changements des paysages, mais bien les temporalités changeantes selon lesquelles les individus habitent, travaillent ou abandonnent les espaces en question. Les trajectoires paysagères ne renvoient plus, alors, aux dynamiques des espaces matériels vus et vécus, mais bien aux différentes modalités et temporalités selon lesquelles les individus se projettent dans le monde. En cultivant l’absence, les Diola ne cessent pas de cultiver le riz, ni même de faire groupe. Les dynamiques sociales, anciennes et actuelles, individuelles et collectives, montrent au contraire que les objets compris comme traditionnels (la riziculture et les paysages associés) sont constamment réinvestis, remaniés, toujours refaçonnés par le contexte environnemental, socio-économique et familial. Contre l’idée d’une dégradation inexorable des paysages et des pratiques agricoles anciennes, cette thèse propose de croiser les apports de la géographie et de l’anthropologie pour réinterroger les notions de trajectoires et de temporalités paysagères, et ainsi les comprendre comme des objets individuels, relationnels, phénoménologiques et résolument complexes.
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tel-04560323 , version 1 (26-04-2024)

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Paternité - Pas d'utilisation commerciale - Pas de modification

Identifiants

  • HAL Id : tel-04560323 , version 1

Citer

Camille Ollier. Cultiver l'absence, trajectoires et relations paysagères en pays Diola (Basse-Casamance, Sénégal méridional). Sciences de l'Homme et Société. Université Lyon 2 Lumière, 2023. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-04560323⟩
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