Modélisation biogéochimique du système ”Irrigation-sol-plante-nappe” Application à la durabilité du système de culture du foin de Crau
Résumé
L’étude de la durabilité d’un agro-système nécessite une vision dynamique spatio-temporelle de son évolution. Les mécanismes l’acquisition de la composition chimique de l’eau constituent le fil directeur de l’approche intégrée proposée. Le système « eau d’irrigation – prairie (plante) – sol –nappe », représenté par les prairies permanentes de Crau (sud-est de la France) et irriguées par les eaux de la Durance depuis le 16ième siècle, a fait l’objet d’un suivi de terrain et d’une modélisation. L’étude de terrain comprend des suivis de la qualité des eaux de surface et souterraines et de la qualité du foin. La modélisation est fondée sur l’interfaçage d’un modèle de croissance des cultures, STICS, et d’un modèle géochimique, PHREEQC et prend en compte l’ensemble des compartiments de l’agro-système. Elle est capable de représenter les processus majeurs agissant sur la qualité des eaux et d’établir des indicateurs de risques environnementaux. L’analyse de la composition minérale du foin sur la période 1960-2013 montre une très grande stabilité pour l’ensemble des coupes et des années, malgré une augmentation de température moyenne de l’air de l’ordre de 2° C. La composition floristique sur les trois coupes de 2015 indique que ce sont les graminées qui jouent le rôle prépondérant dans la teneur en éléments minéraux du foin dont l’abondance détermine la séquence C3 > C2 > C1. Les analyses sur les eaux de surface (bassin versant de la Durance et canaux de Crau) montrent que le barrage de Serre-Ponçon homogénéise la qualité des eaux qui varie saisonnièrement mais reste constante spatialement dans les canaux en Crau. La modélisation STICS-PHREEQC montre que les besoins en éléments minéraux du foin sont couverts par les apports d’éléments dissous dans l’eau d’irrigation avec de légers déficits en K et P, qui sont compensés par les engrais phospho-potassiques et le pâturage hivernal des prairies par les ovins. Les principaux processus déterminants la composition chimique des eaux depuis les canaux jusqu’à l’aquifère sont : la concentration des eaux par évaporation, l’équilibration avec la CO2 du sol, le prélèvement par les plantes (modélisé comme un « minéral négatif » dans PHREEQC), l’ajout des engrais phospho-potassiques, le pâturage hivernal par les ovins, les interactions minéraux – solution dans les formations superficielles jusqu’à l’aquifère. Avec quatre années de données (2012-2015) on montre que la qualité des eaux souterraines mesurée est statistiquement indiscernable de la qualité des eaux souterraines simulée par le modèle à partir de la qualité des eaux d’irrigation mesurée. Face aux changements globaux (climat, usage des terres), l’acidification des sols, la salinisation des sols et des eaux, la raréfaction de la ressource (quantité et qualité) par le non renouvellement des eaux de la nappe représentent les principaux risques environnementaux de ce territoire. L’agro-système des prairies irriguées rend ces risques secondaires à condition que son extension territoriale et sa conduite en matière d’irrigation soient préservées.
