La "modernisation de l'Etat", indifférente à l'expertise des services en territoires : la réforme de l'Administration Territoriale de l'Etat dans les domaines de la Cohésion sociale et du Développement durable (2009-2015) - TEL - Thèses en ligne Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2020

“State modernization” is oblivious to the expertise present within state territorial services : the reform of the Territorial State Administration in the fields of Social Cohesion and Sustainable Development (2009-2015)

La "modernisation de l'Etat", indifférente à l'expertise des services en territoires : la réforme de l'Administration Territoriale de l'Etat dans les domaines de la Cohésion sociale et du Développement durable (2009-2015)

Résumé

The "modernization of the State" is a recurring theme of successive country leaders. The Reform of the State Territorial Administration (2010) is bringing about a lasting change in the organization of the State administration and decentralized services. Here we show its contradictory dynamics. First, the reform is based on certain objectives and tools of new public management (Hood 1981) : performance of public action, reduction of costs and staff, mergers of services, sharing of support functions, development of agencies, and digitization of public services. However, it neglects other principles of this doctrine : territorial expertise, evaluation of public action, territorial nodality, collection of information on social issues, and bottom-up feedback. The reform strengthens the decentralized regional level, which is in charge of steering, leading, coordinating, observing and evaluating public policies (in particular the DREALs and DRJSCSs). But development of this rare, high-level expertise faces many challenges : training civil servants to carry out these new missions, uncertainty generated by the dissociation between regional (maintained under ministerial supervision) and departmental (supervised more closely by the prefecture) decentralized services, competition for legitimacy between weakened decentralized services, strengthened agencies (notably in their budgetary prerogatives) and territorial authorities benefiting from transfers of competencies. “Déconcentration” appears to be declining in the French system, while the links between the State and local decentralized authorities are underused. Finally, the reform conveys a deeply institutional, centralized vision and methods : with negotiations at the top of the State, top-down application logic, short timescales, strengthening of prefectoral supervision, hierarchical coordination, and institutional isomorphism. Focused on the institutional project, the reorganization excludes a reflection on local expertise, professional content of projects, and partisan mutual adaptation between stakeholders. There have been successive reforms, which have had a lasting impact on the sense of action and autonomy of professional groups in the field, causing many agents to suffer, and leaving the services in uncertain and transitory situations. It is therefore doubtful that the overall objective of public performance of the reform will be achieved. Our analysis of public sector work is based on a triple focus on institutions, organizations and professions. Thus, we show that the concrete work of the agents of these merged decentralized services has been overlooked in the reforms. This thesis illuminates the current situation of tensions in the administrative field, between the "modernization" carried out by the executive government, the Ministry of the Budget, the "Nobility of the State" (high ranking officials) on the one hand; and on the other hand, the competition between various sectoral ministries and territorial services to maintain their functions and their vision of the State. Here we use three public policy analyses to address this issue. In the new field of "social cohesion", we show that the convergence of sheltering and access to housing policies for disadvantaged people is mainly carried out at the departmental level (the case of Ile-de-France is not studied). Our study of the elimination of the Popular Education and Youth Adviser role (CEPJ) raises the question of how knowledge and expertise can be maintained in advising and communication about territorial issues within the State. The case of housing energy renovation policies presents a complex landscape, located between several public policy sectors (housing, energy-climate, industry, and social policies), clearly illustrating the difficulty inherent in coordinating the many existing national and local mechanisms in the field of "sustainable development" or "energy transition"
La « modernisation de l’État » est une thématique récurrente des exécutifs qui se succèdent à la tête du pays. La Réforme de l’Administration Territoriale de l’État (2010) modifie durablement le paysage des services déconcentrés et porte des dynamiques contradictoires. D'abord, la réforme s’appuie sur certains objectifs du new public management (Hood 1981) : performance de l’action publique, réduction des coûts et des effectifs, fusions de services, « mutualisation des fonctions supports », développement d’agences, informatisation du service public. Mais elle délaisse d’autres principes de cette doctrine : expertise territoriale, évaluation de l’action publique, nodalité territoriale, prélèvement d’informations sur le social, remontées d’expérience. Ensuite, la RéATE renforce un échelon régional déconcentré chargé du pilotage, de la coordination, de l’observation et de l’évaluation des politiques publiques (notamment les DREAL et DRJSCS). Mais le développement de cette expertise rare, de haut niveau, se heurte à de nombreux défis : celui de la formation des fonctionnaires pour assurer ces missions ; celui de l’incertitude générée par la dissociation entre services régionaux (maintenus sous la tutelle ministérielle) et départementaux (rapprochés de la tutelle préfectorale) ; celui des concurrences de légitimités entre des services déconcentrés affaiblis, des agences renforcées dans leurs prérogatives budgétaires et des collectivités territoriales bénéficiant de transferts de compétences. La déconcentration apparaît en déclin dans le système institutionnel français, alors que les interfaces entre l’État et les collectivités territoriales sont peu investies. Enfin, la réforme véhicule une vision et des méthodes profondément institutionnelles et centralisatrices : négociations au sommet de l’État, logique d’application descendante, timing serrés, renforcement de la tutelle préfectorale, coordination hiérarchique, isomorphisme institutionnel. La réorganisation institutionnelle exclut une réflexion sur l’expertise locale, les contenus professionnels des missions, les ajustements mutuels partisans entre acteurs. Les réformes se succèdent, impactant durablement le sens de l’action et l’autonomie des groupes professionnels sur le terrain, mettant beaucoup d’agents en souffrance et laissant les services dans une situation d’incertitude. On peut dès lors douter de l’atteinte du niveau de performance globale de l’action publique affiché par la réforme. Appuyant notre analyse du travail dans le secteur public sur le triptyque institutions, organisations, professions, nous montrons que le contenu concret du travail des agents des services déconcentrés fusionnés reste un impensé des réformes. Cette thèse se situe dans la perspective du récit de tensions existantes dans le champ bureaucratique, entre la « modernisation » portée par l’exécutif, le ministère du Budget, la « haute noblesse d’État » d’une part, et la lutte des ministères sectoriels et des services territoriaux pour maintenir leurs fonctions et leurs conceptions de l’État d’autre part. Trois analyses de politiques publiques sont mobilisées pour traiter cette problématique. Dans le nouveau champ de la « cohésion sociale », nous montrons que la convergence des politiques d’hébergement et d’accès au logement des personnes défavorisées s’effectue principalement à l'échelon départemental (le cas de l’Ile-de-France n’est pas étudié). L’étude de l’extinction du corps des Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ) pose la question du maintien d’une expertise de conseil et de relais des problématiques territoriales au sein de l’appareil d’État. Le cas des politiques de rénovation énergétique de l’habitat présente un paysage complexe, situé entre plusieurs secteurs de politiques publiques (logement, énergie-climat, industrie, politiques sociales), montrant la difficulté à construire une coordination des dispositifs nationaux et locaux dans le champ du « développement durable »
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Citer

Sylvère Angot. La "modernisation de l'Etat", indifférente à l'expertise des services en territoires : la réforme de l'Administration Territoriale de l'Etat dans les domaines de la Cohésion sociale et du Développement durable (2009-2015). Sociologie. Université Paris-Est; Pollet, 2020. Français. ⟨NNT : 2020PESC2004⟩. ⟨tel-02877768⟩
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