. L'image, Tout au contraire, elle vaut pour sa connotation passéiste, son style (trait épais, absence de perspective...) la rappelant immédiatement à son statut d'illustration ancienne. Alors même qu'elle est le fruit d'un effort scientifique (la rationalisation de la mine et de la métallurgie), elle ne vaut plus que pour les valeurs que les auteurs projettent sur son époque

, Entre ces deux icônes hétérogènes, le texte trace une continuité historique en décrivant la tradition des cuiseurs de houille qui, aujourd'hui encore « imitent les premiers fondeurs de minerai qui transformaient l'arbre en braise avant de le placer dans le bas fourneau » 933 . Si les installations n'ont plus rien en commun, un héritage culturel perdure, nous assure-t-on. Pour assurer cette transmission, la double-page suivante place en vis-à-vis quatre images très différentes, que réunit pourtant la valeur-métier (Fig. 23) 934 . La première de ces images, en haut à gauche, est empruntée à L'art de transformer le fer forgé en acier de Réaumur, dans lequel ont largement puisé les Encyclopédistes. Cette gravure a pour toute légende : « une aciérie au XVIII e siècle », comme si la vignette, aussi idéalisée que celle du Dictionnaire, épousait parfaitement la réalité historique. En-dessous, apparaît un produit de cette aciérie : un cliché d'une grille de la Place Stanislas de Nancy par Jean Lamour, suggérant tout à la fois la grande maîtrise technique de ces artisans et la durabilité de ces oeuvres, photographiées deux siècles après sa fabrication. Ces grilles, Réinterprétée hors contexte, sa connotation « historique » prime sur sa dénotation scientifique. Sur la page voisine, une photo d'un haut-fourneau rappelle les codes de la Nouvelle Objectivité, avec ses tuyaux gigantesques courant à travers l'image

R. Barthes, ». Le-mythe, and O. , , p.243

«. Hamp, ». Les-métiers-du-fer, and O. , « La forge, avant l'âge du fer, était une petite industrie forestière ; le minerai y était fondu à l'aide de charbon de bois, pp.82-83, 1556.

, Un cliché de Russell Lee isole également les mains d'une travailleuse, mais celles-ci valent pour ce qu'elles ne montrent pas : elles sont une surface marquée par les empreintes du temps et du labeur 972 . Déformées par le travail, ridées par les ans, brunies par le soleil, les mains apparaissent comme le signe ultime d'un corps meurtri par une existence prolétaire. La main n'est plus, comme dans l'Encyclopédie, l'organe agissant et éthéré d'une acte productif se déroulant essentiellement dans le domaine de l'esprit ; elle est l'extrémité d'un corps tracé par l'histoire

. Dans-les-hommes-du-xx-e-siècles and . Le-photographe-de-cologne, Allemand ouvre son objectif à ses modèles en leur laissant le temps de se présenter à leur guise, afin qu'ils puissent construire et donner à voir leur « masque social », qu'il appartient ensuite au spectateur de déchiffrer. Or d'où vient ce masque ? Quel est l'élément distinctif entre ces types sociaux ? C'est essentiellement leur métier. Comme le note Benjamin, le point de départ de ces photographies est le rapport indissoluble entre l'intérieur et l'extérieur. La croissance, la constitution, l'hérédité déterminent le destin, comme le destin agit sur les lignes de la main, le regard, les traits du visage, etc., pour les transformer, Mais quel destin pourrait provoquer de façon plus constante de tels effets intérieurs et extérieurs que le destin professionnel ? Et où de telles constatations pourraient-elles être plus facilement faites que dans les métiers où des milliers de gens, p.973

C. Lee and . Sander, la profession ne compte plus pour la valeur qu'elle produit mais pour la structure sociale qu'elle représente et qui s'imprime sur les corps des individus : dans leurs images, le sujet est libéré de l

, puisque le corps qui pose est constellé des signes de sa condition : outils, vêtements, décor, expressions traduisent les structures du métier. La photographie s'applique à révéler ces traces sociales dans les individus, non plus en les caricaturant (Larmessin) ou en les soulignant (Mercier) mais en laissant le champ libre au sujet photographié, appelé à se figurer lui-même plutôt qu'à être le 972Russell Lee, Les mains d'une fermière de l'Iowa, Mais cet « être-soi » est aussitôt rattrapé par un « être social, p.236, 1936.

. Benjamin, on notera que dans sa Petite histoire de la photographie, Benjamin continue d'apprécier Sander, tout en s'inquiétant de ce que peut devenir la, Le carrousel des métiers, p.231

, ne cherche pas tant à se faire pourvoyeuse d'inconnu qu'à transmettre les affects joyeux de la reconnaissance, à fabriquer du semblable bourgeois au détriment de l'altérité ouvrière. C'est, dit encore Barthes, la fonction de toute institution

, Après nous avoir rassuré sur l'immuable identité paysanne de l'ouvrier national, le livre nous rassure donc quant à son avenir : l'ouvrier ne rêve rien tant que de s'établir à son compte

, Alors que les portraits de Sander évitent les affects reconnaissables au profit de la présence d'une altérité inassimilable, Kollar, selon une figure récurrente du mythe petit-bourgeois, fabrique du « même » partout où se présente de l'« autre » 977 . Les grèves de 1936 obligeront l'auteur et son école à reconsidérer ces positions, en faisant entendre, non pas le paysan individualiste et isolé, mais les désirs d'une classe ouvrière à son apogée 978 . En attendant, la sauvegarde de cet individualisme et de ses apparences apparaît comme une préoccupation essentielle des éditeurs. Pour Siegfried, c'est l'un des traits les plus marqués du caractère national : « tous les peuples se vantent de l'être, mais nous, Français, nous sommes essentiellement des débrouillards, dont le rendement est d'autant plus forts que nous sommes seuls, abandonnés à notre propre initiative. » 979 Alors que, selon le sociologue, l'Anglais, « empoté et sans initiative quand il est seul », a besoin d'être en organisation pour être productif, le Français, lui, supporte mal la subordination et la perte de son autonomie, p.597

. Le-petit, -bourgeois est impuissant à imaginer l'Autre, ou bien quand il l'imagine, il le transforme en luimême. » Roland Barthes, Mythologies, op. cit, p.239

P. Halévy, S. De, . Et-de, and . Vidal, est forcé de reconnaître que les tentatives de compréhension rationnelle de l'électeur par l'analyse du sol : « Vox populi

, Le Dieu nouveau s'exprime à sa maniere qui n'est pas celle que l'on attendait ; il n'?nonce ni des v?rit?s ni des volont?s

D. Hal?vy and . Pour-l'?tude-de-la-iii-e-r?publique, Cité par Philippe Veitl, pp.119-120, 1937.

L. Siegfried and . Nouvelle, « Et, dans le domaine de l'esprit, notre individualisme est avant tout la revendication de notre être pensant, p.660

, un organisme biologique ; bien plutôt, il est réduit à l'état d'objet : il n'est plus qu'une pièce du grand automate usinier et vaut moins que les pièces qu

, Durant ce ouvriers des années 1930, des ouvriers ont raconté leur expérience de l'usine dans des récits prenant le contre-pied de l'imagerie et de l'imaginaire des Horizons de France

, La revue Commune publie un témoignage de l'un d'eux, Pierre Bochot, qui décrit ce sentiment de se confondre avec la machine : Dans sa cage de fer, l'ouvrier silencieux et presque immobile se confond avec toute la

. L'homme and . Sa-prison-de-fer-ne-font-qu'un, Il n'est plus un homme mais une partie du pont roulant qui transporte les poches les plus lourdes. Pourtant son oeil regarde en bas et voit d'autres hommes qui, comme lui, ne sont plus des hommes, mais des porteurs de pochescomme les jambes métalliques d'un métal qui bout. Il semble que c'est la chair même de l'ébarbeur qui crie sur la meule et jette de la poussière et des étincelles. Le fondeur, lui aussi, n'est plus un homme

, On comprend dès lors que celui-ci ne se transforme pas en « bel organisme humain », mais qu'au contraire, il devient lui-même l'appendice de la machine qu'il manie : dans cet enfer de fumée et d'étincelles, les ouvriers deviennent Le grand changement, par rapport au métier à bas, où déjà l'ouvrier était « fort peu de chose », tient dans la vitesse nouvelle induite par l'usine. L'entre-deux-guerres se caractérise par une « accélération générale » touchant l'ensemble des industries, l'investissement dans des équipements nouveaux ayant servi principalement à intensifier le travail. Dewerpe prend l'exemple des Hauts-fourneaux d'Auboué, où le temps nécessaire à la fabrication d'une tonne de fonte passe de 8h30 (1923) à 3h18 (1929) 1011 . Cette volonté d'augmenter drastiquement l

, Pierre Bochot, écrivain ouvrier de l'A. E. A. R., a été révélé par un concours lancé en 1932 par L'Humanité, « Des ouvriers écrivent », appelant des ouvriers à mettre en récit leur expérience du travail et de la société, p.68, 1933.

. Dewerpe, Le monde du travail de 1800-1950, op. cit, p.140

, Cité par Karl Marx, Le Capital, Livre premier, IV° section, « The Master Spinners' and Manufacturers' Defence Fund, p.17, 1854.

. Ibid, Nous soulignons, pp.28-29

«. Honel, ». Noces, . Communes, and J. N°17, Chez les ouvrierscinéastes des groupes Medvedkine, on retrouve également cette dualité entre le corps et l'esprit, qui sont peu à peu contaminés l'un et l'autre par le travail. Cela va à l'encontre des thèses de Dubreuil, voyant dans l'automatisation un moyen de libérer l, p.433, 1935.

, Alors que Hamp et Kollar mettent « l'âme du travail » dans les mains de l'ouvrier et son application à modeler la matière, à l'usine, l'« âme » est désormais centralisée et s'impose à eux de loin. Comment aimer son travail quand on ne comprend pas ce qu'on fait, quand on perd de vue les conséquences de son pouvoir d'agir ? On notera qu'il paraît important aux auteurs de préserver les apparences et d'affirmer le goût des ouvriers pour la monotonie : « Un homme ne fait, avec autant de calme que de lenteur, qu'un seul geste : huit heures par jour, il protège le volant quand la caisse descend » 1031 , écrit Lauwick ; quant à Hamp, il souligne le goût des braves gens pour la monotonie : « Heureux ceux qui font le pain qui est toujours de même poids et de même forme », un luxe que ne peuvent se permettre les ingénieurs 1032 . Sans doute peut-on entendre ici un écho au Groupe X de l'Exposition de 1867 : le prolétaire aurait l'âme aussi monotone que les produits qu'il fabrique, du dessin industriel, les « deux outils fondamentaux » de l'usine nouvelle 1030

. Peu-après-le-passage-de-kollar-sur-l'île-seguin, est au tour du magazine L'Art vivant de s'y intéresser, suivant un axe différent de celui de l'auteur. Le reportage est illustré de quatre photographies (anonymes) : une vue aérienne de « l'usine-paquebot », un banc d'épreuves, une cheminée en contre-plongée et une chaîne de fonderie 1033

. Taylor, style de Kollar où l'angle de prise de vue rompt avec le regard humain, pour donner un aperçu de la puissance industrielle. Le journaliste décrit l'usine de Billancourt en ces termes : L'organisation taylorienne conduit nécessairement à l'ordre, à la simplicité, et par là elle rejoint l'oeuvre d'art. Elle est une pensée humaine entièrement conduite vers ses fins, loin de la confusion, du désordre et de l'incohérence. L'artiste se fixe un but et il l'atteint avec une 1030Alain Dewerpe, Nous soulignons, p.342

«. Hamp, . Tisserands, and . Filateurs, , p.161

«. Girardet, . Une-oeuvre-d'art-industriel.-l'''île, and . Seguin, , vol.200, p.26, 1936.

. De, . Exit, . En, and . Weil, Le bureau des méthodes, impose à l'ouvrier la manière, le faire, et le cantonne à la tâche d'exécutant, de fonction. Or, dit encore Weil, pour qu'il trouve de la joie dans son travail, il faut « non seulement que l'homme sache ce qu'il fait -mais si possible qu'il en percoive l'usage -, qu'il percoive la nature modifi?e par lui. Que pour chacun son propre travail soit un objet de contemplation » 1045, et plus tard pour Robert Linhart ou les groupes Medvedkine, il est impossible de trouver aucune élévation spirituelle dans la répétition cadencée de gestes privés de sens : « à l'usine, on ne travaille pas, on produit », témoigne en 1935 un ouvrier de Citroën dans L'Humanité 1044

, La Nation, motivation intrinsèque pour les travailleurs

, Alors que Weil ressent une absence profonde de valeur pour sa propre personne, la collection entend pallier à ce manque de valeur réel par une fiction encourageant le courage et l'abnégation, et donnant un sens national à une activité qui n'en a plus, p.lorsque

. Hamp, est-ce pas pour compenser ce que la rationalisation de l'usine ou de la mine a fiat aux hommes : à savoir, la possibilité d'apprécier l'effet de son travail sur les choses ? La collection entend les rendre responsables de la transformation de leur pays et par là leur insuffler un désir profond d'accepter la domination, en trouvant dans leur travail une motivation intrinsèque. L'argument national entend rendre le travail désirable en le décrivant comme participation directe de tous à la construction de la communauté nationale. Quel intérêt à cette nouvelle épithumogénie ? C'est de produire une joie intrinsèque, non-médiatisée par la consommation : les ouvriers sont 1044Cité par Denis Woronoff, p.433

. Weil, Nous soulignons, p.45

«. La, Satisfaction intime est la Joie née de ce que l'homme se considère lui-même et sa puissance d'agir » précise Spinoza en, vol.25

, Au contraire : bien que la condition usinière continue de le réduire à néant, on encense maintenant le savoir-faire de l'ouvrier français. Le discours institutionnel rassure (c'est sa fonction), lui concède enfin une reconnaissance nationale, afin de compenser par une rhétorique patriotique l'expérience quotidienne de la domination. Bien sûr, une telle description fait l'impasse sur l'intermédiaire entre le travail et la nation, le capital, captateur de la puissance des sujets producteurs. Pour être une nation, une société « doit avoir aboli toute segmentation par clans, cité, tribus royaumes

, y a pour ainsi dire pas d'intermédiaire entre la nation et le citoyen : toute espèce de sous-groupe a disparu. De là, on comprend mieux la disparition des entreprises privées, donnant l'impression d'un face à face entre l'ouvrier et la nation. Ce face à face s'appuie sur un mythe selon lequel ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour la Nation 1049 et donc pour ses sujets, que les intérêts -et les désirs -de tous convergent naturellement : sous l'effet de la déformation mythique, doivent être minimisées » 1048 . Enfin, dans les nations les plus achevées

R. Au-chapitre-«-mineurs, Le texte est ponctué de chiffres et paraît comme obsédé par la crainte de voir la France dépassée sur le marché mondial du charbon. « La vente du charbon est l'une des luttes les plus dures de l'économie moderne », rappelle Hamp 1050 : la concurrence entre nations exportatrices l'emporte sur la lutte entre classes. Pour éviter 1047Cf. Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude, op. cit, p.75

. Mauss, ». La-nation, and O. Cit,

, Ce qui est bon General Motors et bon pour l'Amérique ! » Cette déclaration fameuse a été proférée par le président Eisenhower en 1953, pour expliquer sa nomination de Charles Wilson

«. Hamp and . Mineurs, , p.45

, évoquer cette dernière, les salaires des travailleurs ne sont eux jamais cités. Cette omission donne l'impression que les hommes travaillent pour la grandeur de la France, sans contrepartie. Et ce d'autant plus que

. Stéphanois, il ne fait jamais mention des entreprises exploitantes, encore moins des bénéfices qu'elles font chaque année. La valeur économique ainsi créée par les 55 millions de tonnes de houille extraites en 1930 paraît revenir, sans intermédiaire, à l'économie nationale

À. La-même-Époque and A. En, Orwell énumérait toutes les marchandises à l'origine desquelles était le mineur et son labeur souterrain, invisible. Le Quai de Wigan mettait en évidence l'écart entre le mépris symbolique et économique avec lequel était traité le mineur, et son apport absolument indispensables au bon fonctionnement du pays, jusque dans ses loisirs les plus futiles 1053 . Déguster une glace ou regarder un match de cricket, deux activités anodines

, Il faut souligner que l'une des seules occurrences au salaire intervient, de façon négative, pour expliquer les accidents. Ces derniers, en effet, sont souvent dus à la cupidité d'ouvriers ayant orgueilleusement présumé de leurs forces : qu'un ouvrier veuille gagner plus que son dû, et il trouve la mort, comme si, tacitement, on l'incitait à se contenter du plaisir de produire français 1054, Orwell appelait ainsi à réévaluer l'importance d'une classe afin de faire aboutir des revendications politiques

, Eu égard à la puissance du sentiment national, la nationalisation symbolique de l'industrie est régulièrement convoquée en cas de crise. Lors de l'oraison funèbre des victimes de la 1051Dans Germinal (1884), Zola a joué de l'invisibilité de cette caste, dont l'influence sur la vie du mineur est pourtant essentiel. Son roman peut se lire comme une remise au centre d'une sphère du pouvoir, d'un « dieu vivant et mangeant les ouvriers dans l'ombre » qui se tient pourtant par essence à la périphérie. 1052Denis Woronoff, Histoire de l, p.424

. Au-fond, Il est probable que la plupart des gens préféreraient ne jamais en entendre parler. Pourtant, c'est la contrepartie obligée de notre monde d'en haut. La quasi-totalité des activités auxquelles nous nous livrons, qu'il s'agisse de manger une glace ou de traverser l'Atlantique, de cuire un pain ou d'écrire un roman, suppose -directement ou indirectement -l'emploi du charbon

«. Hamp, ». Mineurs, and O. , Catastrophe du 10 mars 1906, le ministre salue, pour calmer la vindicte populaire, « des soldats morts au champ d'honneur. [?] morts pour la Patrie » 1055 . L'Assiette au beurre affichait toute l'hypocrisie de cette diatribe, en mettant en parallèle du discours politique le chantage à l'existence de l'ouvrier, allant à la mort en connaissance de cause : sur l'illustration, un mineur résigné murmure face à une lampiste au visage de mort « Allons-y, puisqu'il faut du charbon pour la Compagnie et du pain pour les mioches ! » 1056 . Et effectivement, il est difficile de trouver meilleur exemple d'une catastrophe prétendument accidentelle ayant en fait été produite par la cupidité actionnariale 1057, p.52

. «-ce-qui-est-terrible and . De-se-dire, pas respecté et glorifié en eux la dignité de la vie, qu'elle les a laissés à l'état de salariés, c'est-à-dire dans une condition inférieure. » 1058 Sous sa plume, les victimes sont ramenées à leur condition sociale de salariés d'une entreprise fautive, non à celui d'une « race » oeuvrant pour la Nation, ou d'un Homme Éternel aux prises avec la Nature 1059 . Mais plus significatif encore, lors du débat parlementaire qui suivra, le 3 avril 1906, le député de Carmaux s'attaque aux concessions accordées aux sociétés privées et réclame que les mines soient nationalisées : La seule sanction pour ceux chez qui le souci du lucre prime le souci des vies humaines, pour ceux qui, en fermant leurs yeux, en bouchant leurs oreilles, ont créé le péril et la mort, est de leur annoncer que, puisqu'ils sont incapables de gérer le domaine que la nation leur avait confié, la nation reprend son domaine pour l'administrer elle-même, p.1060

, Dessin de Gandjouan. 1057Cette explosion est survenue suite à un incendie, commencé cinq jours plus tôt et traité par serrement, pour gagner du temps et continuer l'exploitation sans amoindrir le rendement. Elle fera 1100 morts (officiellement) et constitue aujourd'hui encore la plus grave catastrophe du travail en Europe. Pressée de reprendre le travail après les funérailles, la direction fait cesser au plus vite les recherches de survivants éventuels. La colère éclate lorsque, vingt jours plus tard, treize rescapés remontent à la surface, preuve que beaucoup auraient pu être sauvés. S'en suit une grève extrêmement dure, qui sera sévèrement réprimée par Clemenceau. Plus que jamais, cette catastrophe et son traitement par les autorités capitalistes et étatiques montrent « l'égoïsme bourgeois, Un écart évident oppose Jaurès et Hamp (le second ayant pourtant soutenu le premier) : le 1055L'assiette au beurre, vol.260, p.823, 1906.

L. Jaurès and . Humanité, 1059Dans son récit, la catastrophe est « naturalisée », puisque pour c'est la terre elle-même, anthropomorphisée, qui « ne pardonne pas les blessures qu'on lui fait, p.833

D. Jaurès and . Parlementaire, Nous soulignons, 1906.

, est-à-dire en colonisant chaque moment de la vie sociale, en en déterminant la temporalité et la spatialité. » C'est ce que traduit Prévost quand il s'émerveille de l'efficience des industries françaises : la valeur princeps de l'usine est devenue la norme esthétique nationale et le territoire entier ne vit plus que pour produire ; chaque ouvrier n'existe plus que pour remplir sa fonction dans un gigantesque organisme dédié uniquement à la création de valeur marchande

. Quelle and ?. Dans-la-france-travaille, Une vue d'ensemble d'un hangar dévoile des moules qui s'étalent à perte de vue, au point que l'on se croirait dans les caves du Xanadu de Kane : « La diversité du marché du flaconnage et la puissance de la fabrication automatique exigent un nombre considérable de moules » 1062 , précise la légende. Quelques pages plus loin, un potier est photographié seul sur son tour, avec à sa gauche des dizaines de balles d'argile et à sa droite les marmites prêtes à être séchées. En vis-à-vis, sur la page de droite, une centaine de ces marmites sèchent au soleil 1063 . Cette double-page s'ouvrait sur le lieu de production : une petite poterie provençale typique. La moindre petite boutique devient un modèle de productivité. Entre ces trois images, le corps du texte nous explique l'origine et la production des briques et des tuiles : « venues du fond des âges de l'Egypte pré-pharaonique [?] elles ont toujours été largement utilisées en France : la tuiles. » 1064 En une phrase, l'origine lointaine et la production actuelle sont 1062G. Lechevallier-Chevignard, « Verriers et céramistes », op. cit., p. 260. 1063Ibid., pp. 264-265. 1064Ibid., p. 265. mises sur le même plan, comme un lien de cause à effet. Et l'auteur ne manque pas de rappeler que cette pratique ancestrale exige une « étroite union des mains du céramiste et du bloc d'argile qu'elle façonne... L'apparente soumission de la matière qui s'anime et ses profondes réticences, En plus des nombreuses machines déjà évoquées, Kollar prend soin de montrer, non seulement la fabrication, mais aussi les entrepôts, les arrière-boutiques et autres greniers débordant de marchandises

, Ce mélange entre l'émotion devant des gestes éternels et la productivité, la série l'applique à toutes les branches professionnelles. Cependant, c'est peut-être quand elle aborde les Halles de Paris et son industrialisation de l'agriculture que les sentiments mercantiles qui l'animent se font les plus flagrants

«. Les and . Régionaux, Tout comme l'usine est divisée en ateliers, la production nationale prend la forme d'un grand ensemble où chaque région produit naturellement sa main-d'oeuvre, chaque « pays » produit la « race » adaptée à son industrie, telle la Flandre avec ses mineurs. Hamp note que des pays sont célèbres pour la qualité de leur main. La porcelaine a affiné les doigts des limousins, naturaliser la division du travail sociale à l'échelle nationale

, Il y a des crus du travail comme des crus de vins : Châtellerault et Thiers sont couteliers

, Corrèze fait la pièce détachée pour Saint-Étienne, le Jura est horloger, p.1066

, Cette qualité régionale doit devenir un argument dans la concurrence mondiale, sur le modèle du vin, à la fois icône de l'identité nationale et prolifique industrie capitaliste et exportatrice 1067 : « il est des crus de pierre comme il est des crus de vin » 1068 , affirme lui aussi Léandre Vaillat

. Hamp, Les métiers du Fer, p.128

R. Barthes and ». Mythologies, Barthes ajoute colonisatrice, dans la mesure où les colons impose aux Algériens la culture du vin, alors même que la majorité n'en consomme pas. 1068Léandre Vaillat, « Le bâtiment, p.299

, où sont sortis les parapets du Pont d'Iéna, les murailles de la basilique de Koekelberg : « la pierre qui dort au fond des vallées devient vivante par le génie de l'homme » 1069 . Le cru, c'est la marchandise issue de la conjonction de la bonne Nature et de la bonne main, qui naturalise la division capitaliste du travail. Car on ne fait pas ce que l'on veut avec la nature : « chaque terre appelle sa culture » 1070 et il faut savoir produire en conséquence. Au lieu des paysans immémoriaux, le chapitre « Marchés et ravitaillement des villes » choisit des champs aux tracés géométriques, destinés à produire le mieux possible les marchandises adéquates. Alors que « La vie paysanne » insiste sur la matérialité du travail agricole

, Kollar a les pieds dans les champs) à une vue lointaine et aérienne d'une nature rectiligne, qui rappelle ce que l'on a décrit plus haut comme une supervision. La ligne droite est « une icône virtuelle de la modernité », note Ingold : « elle est un indice du triomphe de la pensée rationnelle et intentionnelle sur les vicissitudes du monde naturel. » 1071 Victoire de la science moderne contre le savoir traditionnel, de l'esprit sur la matière, elle incarne aussi l'indice d'une vision, non plus qualitative, mais quantitative du monde : la ligne sépare, mesure, ordonne et définit le nombre et les proportions 1072 . Pour exploiter ce territoire quadrillé, Vaillat défend, à travers le « régionalisme », une politique de retour à la terre, remède contre la crise économique : « il se peut que la foule des déracinés déçus par l, Cette rectitude des champs figure la marche du progrès, à travers la conquête d'une nature sauvage, fondamentalement non-linéaire. De « La vie paysanne » aux « Marchés », on passe d'une image matérielle, ancrée dans la terre

, Par cette politique, il s'agit tout à la fois de faire face au mécontentement ouvrier et de tirer profit au mieux du territoire, les « nouveaux venus à la terre » troquant simplement la discipline d'usine contre une autre qui, par sa nouveauté, pourrait leur sembler préférable : la région devient alors, véritablement, une alternative à l'usine hors-les-murs, 1073.

, En effet, les marchandises de tous les crus sont centralisées aux Halles pour être vendues

, Si le chapitre « La vie paysanne » rassure le lecteur quant à la conservation d'une « France 1069Léandre Vaillat, « Le bâtiment, p.304

«. Sylvestre, ». La-vie-paysanne, and O. , 1071Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, p.198, 1072.

. Vaillat, ». Le-bâtiment, and O. , Nous soulignons, p.327

, Alors que la vie paysanne demeure prise dans la « roue perpétuelle » d'un temps immémorial, les Halles tournent à plein régime pour nourrir Paris chaque jour. Les villes sont présentées comme des « géants » incapables de se sustenter, dépendants des campagnes environnantes, qui n'ont d'ailleurs d'autre fonction que de nourrir les villes. La France travaille nous présente donc un ordre du monde où les campagnes apparaissent comme les garde-manger des villes, qu'il ne s'agit aucunement de remettre en cause. Tout un peuple d'ouvriers, de cultivateurs, de conducteurs... ne peinent, ne travaillent, n'existent que pour procurer chaque jour aux habitants des villes de la nourriture fraîche. Cet immense labeur s'accomplit sans repos, sans relâche, sans répit. Chez nous, en France, Marchés et ravitaillement » est son versant moderne, relatant ce qu'il advient des récoltes françaises

, Les différentes étapes de ramassage et de livraison du lait sont résumées en cinq clichés mettant l'accent sur la modernité de ces procédés : « Tous les jours à l'aube » dit la légende, les camions ratissent les fermes rurales pour ramasser le lait frais, « trait la veille au soir ou aux premières heures du matin » 1075 . Des citernes ferroviaires convoient le produit à la laiterie centrale, où il est « trié, filtré et pasteurisé ou réfrigéré » ; la dernière photo conclut avec la bouteille de lait sur le pas de la porte du consommateur. Vaches et paysans sont invisibles ici : seules comptent les opérations industrielles censées acheminer et garantir la qualité du lait -« ravitailler une ville en lait n'est rien, assurer que ce lait soit pur est plus délicat » 1076 . Kollar nous montre là encore les mesures d'hygiène -stérilisation et empotage -en quantité industrielle. Dans ces « usines laitières », la technique moderne devient la garante de la fraîcheur et de la qualité des marchandises, Ce lien d'interdépendance a besoin, pour exister d'une organisation radicale du travail et du territoire. Dans de nombreuses industries

«. Barthes and . Le-vin, joyeusement ses ailes dans le ciel clair. [?] Le moulin à vent est bien mort, et le moulin à eau aussi. On ne moud plus de blé entre deux meules. C'est bien plus compliqué, beaucoup moins pittoresque, mais beaucoup plus sûr, Il en va de même pour le pain : Abandonnez vos illusions, si vous vous imaginez voir un petit moulin tournant 1074André Warnod, « Marchés et ravitaillement », op. cit., p. 173. 1075Ibid, p.77, 1076.

, À son tour, le meunier avance au pas de l'usine. Les photographies, plus nombreuses encore que pour le lait, révèlent une dichotomie dans les cadrages

, en vis-à-vis, le test de la farine est effectué par un chimiste seul et individualisé : moulu par des machines, le blé est néanmoins testé scientifiquement, pour en garantir la qualité. La science se porte au secours de la consommation nationale, pour assurer à la fois l'abondance et la qualité. Cela fait d'autant plus sens ici que le pain est un pilier de la culture nationale -« le Français est un mangeur de pain » rappelle l'écrivain : grâce aux machines, il peut en manger tous les jours. Enfin, cette série se conclut sur quatre portraits d'artisans boulangers, préparant les baguettes à la main (tout en profitant du pétrissage mécanique) 1079 . Les proportions de la collection sont ainsi respectées : tandis que la machine assure la quantité, que la qualité du matériau est scientifiquement vérifiée, le savoir-faire artisanal peut s'appliquer à poursuivre la tradition et l'identité culturelle. Le pittoresque a laissé place à la production intensive, mais cette dernière promet d'en conserver les valeurs. Plus largement, la rationalité usinière imprègne l'ensemble des comportements professionnels, Deux photos étalent en perspective des rangées de meules mécaniques et de plansichters, à perte de vue dans la profondeur

, Les « beaux gestes plastiques » d'antan occasionnaient une « grande déperdition d'énergie », que les ouvriers savent désormais éviter 1081 . Le sens de la « mesure », c'est aussi l'efficience

. Quant-au-cultivateur, en suivant le cours du blé par la TSF 1082 . Le paysan de nature économe, connaît la valeur des choses, se plaît à nous dire en substance le chapitre consacré ; désormais, il est quasiment économiste, il a des notions de spéculation : « à Paris, la Bourse aux grains est animée ». Si le chemin de fer a propagé les idées de la République, l'électricité -et la radio -1078André Warnod, « Marchés et ravitaillement, pp.92-93

. Vaillat, ». Le-bâtiment, and O. , , p.298, 1081.

«. Sylvestre and . La, ont diffusé la rationalité industrielle et les affects de la classe bourgeoise, p.94

, (renvoyé essentiellement au chapitre de « La vie paysanne ») en valeur marchande. Les routes, les chemins de fer, les réseaux électriques, mais aussi les cités minières ou cheminotes deviennent autant d'outils de capture et d'organisation de la multitude, mise en marche dans la transformation rationnelle de la nature en marchandise. La puissance mystificatrice du capitalisme vient du fait qu'il se dissout dans les rapports sociaux, rendant invisibles, ou plutôt naturels les rapports qu'il impose entre les êtres, et entre les êtres et les choses. Warnod peut ainsi conclure : « Bon appétit, gens des villes ! Tout un peuple a travaillé pour que vous ne manquiez de rien. Peut-être trouvez-vous que ce peuple est trop nombreux ? Peut-être estimez-vous que vous le payez trop cher ? Mais ceci est une autre histoire... » 1083 Comme Orwell, l'écrivain s'adresse à un lectorat urbain, présumé ignorant de l'origine de sa consommation. Mais Orwell cherchait à mettre en question les processus de création de valeur, L'usine applique donc ses procédés de valorisation à l'ensemble du territoire, qui n'existe plus que pour satisfaire une population urbaine. La ville centralise, organise et rationalise la production rurale

U. ,

. Enfin, la production : la collection s'applique à relier photographiquement le territoire, à travers un maillage dense, à la fois électrique, routier et ferroviaire. Il s'agit de montrer l'implantation de la production dans tout le pays. L'omniprésence des voies de circulation contribue à faire de l'ensemble du territoire une gigantesque usine. Lorsqu'il veut montrer la grandeur et la diversité de la production sur l'Île Seguin, Louis Renault fait juxtaposer des photographies d'ateliers qui se situent en réalité dans des lieux différents, donnant l'impression que tout le processus se déroule au même endroit 1085 . La photo permet de construire ce type de 1083André Warnod, Marchés et ravitaillement, p.100

, « Les gens des Halles aiment le travail en général et le leur en particulier. Riches, ils continuent leur tâche avec la même simplicité. » Ibid, p.77

P. Michel, Images du travail à la chaîne », op. cit. rapprochement, d'enjamber les distances géographiques pour maîtriser l'espace

, La France travaille procède suivant un ordre différent. La série multiplie les juxtapositions, dans un même cadre, de signes modernes et historiques, attestant de l'implantation des réseaux de circulation et

, Guyans) : la photographie montre des panneaux signalétiques modernes, tout juste à l'état d'expérimentation 1086 , dans une région rurale. Ce nouveau type de signes qui parsème le territoire annonce que l'on peut désormais relier Besançon à Morteau par une Route Nationale. Qui plus est, le chapitre nous informe que « la France est le pays possédant le plus beau réseau routier du monde » 1087 . Les images, choisies à dessein, montrent une route de campagne suffisamment générique pour correspondre à n'importe quelle région française : la première représente une route de campagne bien droite et bordée d'arbres ; la seconde la RN 14, avec comme direction Marseille d'un côté

, Plus littérale encore dans sa confrontation des époques, l'image ouvrant « Aux sources des énergies » offre une synthèse symbolique entre tradition et modernité, entre deux croyances : dans un même cadre voisinent la religion et la science

, Elle annonce aussi que la modernité n'est pas une affaire de grande ville : cette image générique, non-assignable, semble dire que même le coin le plus reculé est accessible par la route et à l'électricité. Les photos « typiques » montrant une route au milieu des champs ou un canal traversant la campagne vont dans ce sens : ils affirment le quadrillage complet du territoire, désormais disponible à l'occupation usinière. En réalité, l'enquête réalisée par Kollar accuse de graves disparités géographiques : toute une moitié du pays est ignorée par la collection. Une cinquantaine de départements « seulement », ont été visités. Il apparaît clair qu'il faut donner la priorité à la France industrialisée : 80% des photographies se situent à l'Est de l

, La fée accomplit le trajet en quelques millièmes de seconde. » 1089 Derrière ces images et leurs commentaires, l'idée-force est la répartition égalitaire du courant sur le territoire. Pour ce faire, les auteurs insistent sur le « dispatching, millions d'habitants, premier centre industriel et commercial du pays) 1088, p.351

À. Brest, . Nice, and . Bayonne, , p.1090

, Une bonne partie du chapitre concerne la « houille blanche », l'énergie hydroélectrique. Après la Guerre, tous les secteurs industriels ont opté pour une électrification intense 1091 . Néanmoins, la France manque de grandes entreprises électriques comme General Electrics aux États

. L'électricité-naturelle-ne-couvre-en, malgré son prix d'extraction élevé 1092 . Cela n'empêche pas l'industrie électrique d'être l'une des branches nationales les plus rentables. Sa mise en avant dans l'album est un moyen de vanter les progrès effectués dans la décennie passée, mais aussi de montrer comment l'intelligence de l'homme, à travers la figure de l'ingénieur, très présente dans le chapitre, permet de mettre la France au travail, en tant que territoire, Les barrages sont présentés comme véritables usines, implantées dans des panoramas naturels. Les images impressionnantes, grandioses, tendent à masquer la dépendance énergétique

, Reste que les grands barrages réservoirs qui émergent à cette époque sont extrêmement coûteux. Les industriels qui les font construire doivent absolument revendre le surplus d'électricité. La France travaille leur assure une promotion

A. Lelieur, R. Bachollet, and L. France, p44. Les auteurs arrivent à la répartition suivante entre les grandes régions industrielles : Ile-de-France (40%)

. Fabre, la France connaît une période de rattrapage dans la motorisation de son industrie, la consommation nationale passant de 3,5 à 17,2 milliards de kWh de en 1920 à 1930. E n 1931, 62% de l'énergie qui met en mouvement l'industrie française provient de l'électricité. Cf. Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France, op. cit, Aux sources de l'énergie, pp.382-384, 1090.

, « L'électrochimie et l'électrométallurgie apportent la richesse en des lieux jusqu'alors déshérités », affirme la légende d'un panorama des aciéries électriques d'Ugine (Savoie) 1094 . « On voit surgir des centres sidérurgiques où on les attendait le moins », commente Fabre, tandis qu'une photo montre les lignes électriques qui ont porté le courant jusque dans la vallée. L'implantation de barrages, et notamment de nombreux petits barrages de plaine, a permis l'industrialisation de vallées jusqu'alors laissées pour compte : « Toute la région des Baux-en-Provence a été enrichie le jour où l'aluminium put être tiré électriquement de la bauxite », nous dit Lucien Fabre 1095 . Dans cet exemple, l'électricité transforme littéralement le territoire et sa roche en marchandise. Énergie moderne par excellence, Si les Halles centralisent les marchandises à Paris, l'électricité est présentée comme une source de richesses s'étendant à tout le territoire

, Au départ hésitants, ces paysans découvrent vite les bienfaits de l'électricité qui économise la peine et apporte ses loisirs et ses joies. L'énergie moderne arrive ainsi aux lecteurs emplies d'affects positifs. Grâce à elle, l'artisanat renaît. Le polisseur de diamants, le fabricant de montres, le canut n'ont plus besoin de s'astreindre aux épuisantes journées de l'usine dans les faubourgs. C'est l'usine qui vient à eux ; l'usine de montage qui comprend peu d'ouvriers, qui s'installe à la campagne, qui recueille ses éléments fabriqués à domicile

, Notons que dans les faits, les TPE de cinq salariés ou moins restent largement à l'écart de l'innovation. Cf. Denis Woronoff, Une histoire de l'industrie en France

«. Lecomte, ». Les-métiers-du-livre, and T. Ii, 412, 418, 419, respectivement. ruraux ou semi-ruraux qui sont peu à peu annexés par les grands centres industriels. La banlieue fait office de dépotoir pour la ville : toutes les industries et les populations indésirables (ouvrières, mais aussi et surtout immigrées) y sont renvoyées. En 1912, Saint-Denis compte 256 ateliers jugés « dangereux, insalubres, incommodes » 1101 . On comprend mieux dès lors que l'enquête de Kollar l'amène plutôt à montrer la grandiose colonisation des montagnes, plutôt que ces ateliers et ouvriers, au combien indispensables, que la ville repousse dans ses marges. Promener sa caméra en périphérie pour révéler ce que le centre ne veut pas voir, tel sera le geste politique de Henri Storck, p.398, 1100.

, Quand la raison économique s'impose au monde

, Derrière cette série se dessine également un capitalisme modèle, avec ses principes et ses

, Ces deux magnats, de la génération de l'écrivain, ont en commun d'avoir été avant tout des hommes de terrain ayant plus ou moins échoué (aux yeux de Hamp du moins) en politique. C'est que pour Hamp, la première instance du pouvoir politique est l'entreprise : le patron se doit d'être un meneur d'hommes, capable d'enrôler les désirs en insufflant aux hommes une « foi nouvelle », en étant « celui par qui se maintient la force nationale, héros, patron et ingénieur. S'il a ses saints du travail, Hamp a aussi ses patrons exemplaires, au premier rang desquels l, 1103.

, De façon générale, la frontière se situe plutôt chez lui dans l'opposition entre la théorie et la pratique, la première étant symbolisée par l'École Polytechnique, qui a fourni de regrettables ing?nieurs, satisfaits de l'esprit d'irr?alisme qui se contente du signe des choses ; des hommes qui ont cr?? les habitudes administratives de conclure sur dossier et non sur exp?rience. Assur?s de la sup?riorit? de l'esprit polytechnicien, ils y assujettissent toute activit?, du premier jour o? ils sont en contact avec elle, Il y a chez Hamp un reste de saint-simonisme, une confiance plus grande dans les technocrates pour organiser le monde que chez les politiciens, p.397

U. Hamp and . Nouvel, Ils dessinent la figure que doit avoir la vie, qu'ils ne peuvent plus comprendre que par lignes, p.236, 1103.

. Au-contraire, . Stinnes, and ». Dans-la-main-de-l'homme, est un bon patron car il connaît « l'?cole, l'usine, le commerce. Etudiant, ouvrier, vendeur, il sait calculer le travail, se servir de ses mains, placer la marchandise. C'est la base de la civilisation moderne » 1105 . Enfin, c'est « un homme de travail » : « il ne pense qu'au profit. Mais pour cela il faut qu'il ne pense qu'au travail, 1106.

R. Dans-cette, un sentiment bénéfique, dans la mesure où elle pousse le patron à fédérer les hommes autour de lui, enrôlant leurs désirs sous le sien. Le capitaliste montre alors la voie, devient la tête d'un corps national entièrement dédié au profit -le sien -, but commun à l'ensemble des individus désireux de faire du pays une grande nation-usine, alimentée par l'électricité. L'orientation de la société s'en remet alors à la puissance de quelques individus

À. C'est-cette-leçon-qu'a-oublié-loucheur and . Qui, Hamp reproche d'avoir lâché son empire hydraulique au profit d'un poste au Ministère de la Reconstitution : N'aurait-il pas ?t? un glorieux cr?ateur de la fortune francaise par la captation des forces hydrauliques ? C'est une grande chose : un m?tier

, La force de la France devant l'Allemagne eut ?t? mieux assur?e par l'organisation de

«. Aux-sources-de-l'énergie and ». Le-point-de-vue-d'un-ingénieur, Celui-ci n'apparaît pas à l'image, mais le texte est écrit en son nom -Barthes l'affirmait, le texte est l'instance qui fait autorité. À travers ses yeux, on suit la construction d'un barrage, de l'origine à la fin, en passant par le recrutement et la direction de la main-d'oeuvre, les relations avec les diverses institutions politiques, etc. Plus significatif encore, c'est son émotion que l'on partage quand il 1104Ibid, p.246, 1105.

. De-voir-«-sa-»-centrale-inaugurée, Et tandis que la cérémonie a lieu, Lucien Fabre nous fait partager l'émotion de ce héros oublié là-bas, caché dans son embrasure, et qui se retourne en grimaçant pour ravaler une larme. C'est fini ! Il va falloir partir, quitter le chef d'oeuvre, abandonner cette chose qu'on a faite et aimée, recommencer ailleurs

, Le texte se tourne vers ce hors-champ affectif des cérémonies officielles où « les Gros se congratulent » et où le photographe, Kollar par exemple, immortalise les représentants institutionnels. Mais les affects de l'ingénieur, mettant son génie au service de la collectivité, s'opposent aussi à l'avidité des paysans qui négocient la vente de leurs parcelles et à la paresse d'ouvriers

, Au cours des années 1930, sa position dans l'entreprise et la société est réexaminée : figure d'une classe dirigeante non-possédante, il est l'instance nécessaire à l'installation d'un capitalisme scientifique dirigé contre les ouvriers 1110 . Son savoir lui assure un certain prestige et légitime sa position hiérarchique. Le bon ingénieur doit connaître la terre, reconnaître les crus, deviner le chemin du filon de houille ou relier les vallées aux réseaux électriques : dans la série

L. Mineur, ». Le-métallurgiste-sont-peut-Être-des-«-transformateurs-sociaux, . Laissée-À-fabre, and . Qu, « on ne juge une espèce qu'à son élite » 1112 . Dans le chapitre conclusif, « Aux sources de l'invention », la collection aborde enfin la place du bureau d'études dans l'industrie. Le fil des photographies construit une continuité remarquable entre les portraits de grands savants dans leurs laboratoires (Curie, Branly) et les espaces de recherche des grandes usines : la grande industrie prend ainsi en charge la production de la connaissance, le bien-être de l'humanité 1113 . Le texte entreprend ensuite de nous convaincre 1108Lucien Fabre, « Aux sources de l'énergie, p.423, 1109.

, Weil consacre des pages entières aux débuts de F. W. Taylor et à la mise au point de son système. Selon elle, sa motivation première était de briser la résistance ouvrière, d'isoler les ouvriers

. Fabre, Aux sources de l'énergie, pp.383-384

. Fabre, Jamais nous n'avions vu tant de femmes dans les grèves que dans ces mois-là ! Il faut dire qu'à la maison l'atmosphère y poussait. » 1125 Le fameux slogan en une du Populaire, « Tout est possible », dit bien ce sentiment de puissance : le peuple s'est gonflé d'un orgueil nouveau et imagine désormais qu'il a le pouvoir d'agir sur le monde et de reprendre en main son destin. Ce sentiment de puissance prend une forme nouvelle : l'occupation des lieux de production 1126 . Les photographies d'usines occupées s'apparentent à un reflet inversé des portraits du personnel commandés par le patronat : là aussi, une foule s'est réunie pour poser sur son lieu de travail. Mais la ressemblance s'arrête là : dans ces photos, la figure de l'autorité 1122Simone Weil, « La vie et la grève des ouvrières métallos », op. cit., p. 229. 1123Il faut cependant prendre garde à ne pas caricaturer le mouvement, en supposant qu'il a suffi d'une vague passionnelle générale pour soulever les masses. « Dire que les grèves ont été spontanées, c'est souligner qu'elles ont répondu à des initiatives locales, mais ces initiatives ont été souvent prises par des militants, Sur une double page, trois laboratoires se côtoient : à gauche, celui de l'École Centrale, à Les grèves ont d'abord éclaté dans des industries et des sites où la main-d'oeuvre était jeune et peu syndiquée, peu impliquée politiquement, vol.200, pp.33-54, 1113.

E. Chevalier, . Aux-nouvelles-galerie-de-saint-Étienne, . Citée-par-michèle, and . Zancarini-fournel, 000 ont connu des occupations. a été mise à la porte et l'attitude des sujets est toute différente. À la rigidité des corps crispés s'opposent les poings levés, les sourires ou les danses. Les groupes s'amassent, non sous la contrainte, mais par plaisir, dans des mises en scène variées et détendues. Des poses originales s'inventent, debout sur le portail ou échelonnés sur une grue, ou simplement rassemblés sous l'enseigne, comme pour dire : « ''notre'' usine aussi est en grève, Les luttes et les rêves, op. cit., p. 641. 1125Ibid. 1126Sur plus de 12.000 entreprises en grève dans le pays, près de 9

U. Souvent and L. Ouvrier-brandit-un-journal--le-populaire-ou, Humanité -ou une pancarte précisant la corporation : « les travailleurs de précision sont en grève » ; « Pour le contrat collectif, les cimentiers de la Butte Rouge »? L'une d'elles dit simplement : « Nous voulons être traités comme des être humains, vol.28

, Inscrire dans la loi le financement d'un temps libre équivaut à reconnaître officiellement l'humanité du travailleur et la dignité humaine du travail : « le travailleur est aussi un homme et non un perpétuel besogneux, et son travail lui paie cet accès à la qualité d'homme en tant que tel » 1127 . Par ailleurs, ces occupations renversent les pratiques militantes du siècle précédent. Alors que le mouvement ouvrier fuyait l'usine, en détruisait parfois les machines, les grévistes de 1936 s'y réunissent et entretiennent les moyens de production. En occupant les lieux et en s'y faisant photographier, ils en deviennent symboliquement les patrons. Tout se passe comme si l'usine était enfin ratifiée par les ouvriers, qui n'en rejettent plus le principe, mais les règles actuelles. Pour la première fois peut-être, certains voyagent à leur guise dans les ateliers et organisent même des visites pour leurs familles 1128 . 1936 a aussi produit un renversement des manières de voir : l'ouvrier, habituellement rivé à l'ici et maintenant de sa machine, En se faisant photographier, les travailleurs remettent la main sur le sens de leur action. Ils n'apparaissent plus en peine, mais retrouvent la maîtrise de leur temps et de leur corps, préfigurant les célèbres clichés de l'été, vol.36, p.341

, Weil s'appuiera sur son expérience de l'usine et des grèves pour imaginer une autre organisation du travail qui soit plus gratifiante pour l'ouvrier : qu'il puisse régulièrement inviter sa famille, qu'il prenne connaissance chaque semaine du processus de production, qu'il soit libre d

, constituent autant de propositions tirées de ses observations de 1936 et destinées à changer la perception sur le travail. Cf. Simone Weil, « Condition première d'un travail non-servile, pp.355-372

, Dans les mines, on met des commission paritaires, oui, avec les représentants ouvriers à côté des patrons. Vous vous rendez compte ? On ne va plus pouvoir prendre et renvoyer qui on veut. -Oh ! C'est incontestablement une violation de la liberté

, comme vous disiez tout à l'heure, ils font si bien qu'on est complètement dégoûté, p.1131

, Durant l'été, beaucoup de caricaturistes s'amuseront du voisinage de la bourgeoisie et des ouvriers sur les plages : « quelques jours par an, la condition ouvrière et la condition bourgeoise sont interséquentes » 1132 , résume Robert Castel. À l'usine comme à la plage, le Front Populaire a diminué la ségrégation entre classes. L'orgueil du patronat en a pris un coup, note Weil : « il est doux d'avoir des inférieurs ; il est pénible de voir des inférieurs acquérir des droits, même limités, qui établissent entre eux et leurs supérieurs, une certaine égalité » 1133 . Rappeler ces tensions derrière le souvenir du bonheur unanime est essentiel pour bien comprendre que 1936 n'est en rien un cadeau des classes dirigeantes 1134 . En effet, le patronat oppose une fin de non-recevoir au gouvernement. Il suffit de jeter un oeil aux caricatures du Figaro ou de Candide, de devoir partager la table des négociations avec les représentants syndicaux

, une classe à une existence meilleure, est aussi joyeusement banale pour la classe ouvrière qu'intolérable à une partie des classes moyennes 1135 . Les deux patrons dans le train concluent leur conversation d'un commun « Mais ils le paieront ! », d'un ton haineux qui frappe les oreilles de leur secrète auditrice. Très rapidement en effet, le patronat réclamera vengeance et s'acharnera à faire plier le nouveau pouvoir syndical. Dès l'été 1938, quelques mois après avoir pris la relève de Blum, Daladier clamera haut et fort dans un discours radiodiffusé sa 1131Simone Weil, « Lettres à Auguste Detoeuf, p.255

. Castel, En réalité, les premiers congés payés n'ont pas profité à tout le monde, ne serait-ce que parce qu'après plusieurs semaines de grève, l'argent manque cruellement dans les ménages, p.342

«. Weil and . La, 1134Parmi d'autres, Jean Lacouture décrit des patrons incrédules, faisant pénitence devant les fiches de paye de leurs salariés : « comment avons-nous pu laisser faire ça ? » Jean Lacouture, Le Front populaire, Centre national de la photographie, Photo poche histoire, 2006. 1135Au yeux de la morale chrétienne, ces occupations de la propriété d'autrui sont illégitimes, vol.13, p.323

, S'en suivront des dérogations aux 40 heures, des diminutions du tarif des heures supplémentaires, et la grève consécutive à ces décrets sera violemment réprimée par la mise à pied de plus de 800.000 grévistes. Les photos et les films ont donc contribué à fonder un lieu de mémoire qui masque à quel point 1936 a été un moment de lutte. Paradoxalement, La France travaille prend ici tout son sens, 1136.

, L'ouvrier a certes conquis sa dignité, mais il l'a obtenue au prix fort : en ratifiant pour de bon son statut de fonction au sein du capital. Peut-être est-ce en cela que les photographies de Kollar préfigurent le Front Populaire : non dans son versant progressiste et euphorique -la conquête d'un temps fait pour autre chose que pour le travail -mais dans son envers

, Cette subordination, le Front Populaire la sanctionne au lieu de la subvertir, il la rend supportable, en permettant à l'ouvrier de souffler deux semaines par an. Castel parle d'une « victoire à la Pyrrhus », qui confortera finalement les positions de la toute jeune société salariale 1137 . Contrairement à la Commune qui portait une véritable remise en cause du capitalisme et une promesse d'une démocratie étendue à tous, les réformes du Front Populaire entraînent un renforcement décisif de l'occupation des hommes : son arsenal de mesures sociales soulage l, Ce dernier est certes désormais considéré comme un être humain, il peut compter sur ses délégués discuter avec le patronat, mais il admet définitivement sa position subalterne

». Le-salariat-«-indigne and M. , Pour Castel, « les travailleurs manuels ont été moins vaincus par la lutte des classes que débordés par la généralisation du salariat » 1138 . Certes, nous avons pris l'exemple, minoritaire, du travailleur de le grande industrie décrit par Weil. Mais les notes de la philosophe ne font que pousser à bout la logique de la condition salariale : la conscience aiguë du travailleur manuel d'être cantonné à un rôle subordonné. Accepter d'être « salarié », c'est entrer dans un compromis entre intégration et subordination, c'est accepter d'être cantonné dans des tâches d'exécution, d'être tenu à l'écart du pouvoir, tout en étant protégé par un système de droits et d'assurance sociale, et en ayant accès à partir des années 1930, à une consommation et à des loisirs

, Le Front Populaire a été un moment décisif où la classe ouvrière a vraiment pu croire à la 1136Discours du 21 août 1938. Cité par Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France, op. cit., p. 451. 1137Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, p.324, 1138.

, Ces mêmes structures qui nous incitaient à voir la récente grève des cheminots comme le fait d'une caste égoïste arc-boutée sur des « privilèges archaïques », rendant inaudible l'idée de service public porté par ce mouvement. « Pour comprendre l'importance de ces grèves », écrit encore Weil à propos de 36, il faut avoir « certaines images enfoncées dans l'esprit, produite par des structures informationnelles

, Outre le goût pour ce que l'on pourrait appeler une « écriture embarquée », ces deux auteurs partagent une commune méfiance envers les dogmes, qui les a poussés vers un socialisme hétérodoxe. Pour l'un et l'autre, si le socialisme peine à s'étendre dans les classes populaires, c'est que bien souvent il demeure un texte aride et désincarné. C'est pourquoi Weil appelle les permanents syndicaux à toujours garder en mémoire leur expérience de l'usine, pour se souvenir pourquoi et pour qui ils s'engagent, C'est dire que pour comprendre une situation sociale, il faut avoir éprouvé les affects des acteurs concernés

, De 36 a 68, des deux courts-métrages emblématiques que sont Grèves d'occupation et La Reprise du travail aux usines Wonder, on passe de la joie de la grève à la colère de la reprise, mais aussi peut-être de l'apogée au début de la fin de la croyance dans les grandes organisations. Entre ces deux films, le cin?ma militant a pris un tournant. L'arriv?e conjointe de nouvelles techniques et de nouvelles formes de lutte, contestant l'hégémonie du PCF et de 1140Ibid, La bobine Wonder évoquée en introduction révélait un pareil écart entre la parole des leaders et l'insupportable du quotidien laborieux. Ce qui fait que ce film est un « film r?volutionnaire », pour Rivette, c'est qu'il est irr?cup?rable : une fois cette parole lib?r?e, elle ne peut etre « reprise, p.20, 1981.

C. La, transforme ce cin?ma, l'amenant à se tourner vers les temps faibles de la vie ouvriere et militante. Tangui Perron note ainsi le passage du h?ros ouvrier incarn? par des figures charismatiques (m?tallo, docker, mineur, cheminot

, ouvrier de masse, souvent OS 1142 . La parole descend du commentaire institutionnel au « militant de base », et avec lui, des temps forts et des grandes heures des luttes ouvrieres à la banalité du quotidien

, Dans le film de 36, bien que la joie déborde les limites stricto sensu du programme syndical, le commentaire recadre en permanence les effusions et les pratiques festives et le film se conclut sur un défilé où les manifestants brandissent des pancartes aux effigies de

M. Thorez, H. Barbusse-ou-léon, and . Blum, IDHEC se focalise sur le visage et les mots d'une inconnue qui crie à la face du monde son écoeurement. C'est en cela qu'on peut parler de « scene primitive » d'un nouveau mode de cin?ma militant, d'une nouvelle vis?e d'un cin?ma politique, cherchant à ?chapper au dogmatisme au profit d'une restitution de l'exp?rience du travail. Le role de ce cin?ma marginal sera d'inventer un langage à-meme de dire cette exp?rience ouvriere, un langage « qui ?chappe aux cadres et aux structures, et qui, pour cette raison, ne dispose pas encore d'un langage propre pour se dire » 1143 . Ce cinéma reprend à son compte le programme fixé par Mai 68, tel que l'analyse Michel de Certeau : « le d?voilement d'une insupportabilit? et des m?canismes sources de cette insupportabilit?

. Dans-la-bande-wonder, En ce sens, si ce retour à Wonder est une scène « primitive », ce n'est certainement pas une scène « indépassable ». Bien plutôt, « primitive » doit s'entendre comme « originelle ». Car c'est en partant de ce « balbutiement » que le cin?ma militant post-68 cherchera à montrer la transformation du spontan?isme en engagement

«. Perron, . Vie, ». Cinéma-politique, L. 'homme, and N. La-société, « Aux h?rauts prol?tariens (et h?ros prom?th?ens) des films de la CGT et du PCF des ann?es quarante et cinquante (m?tallos et surtout mineurs et dockers) se substituerent de nombreuses figures incarnant « l'ouvrier masse » : OS, travailleurs immigr?s, jeunes paysans, Palestiniens, femmes, homosexuels, prisonniers, p.18, 1998.

, Derrière les murs

, Puisque l'entreprise peut à loisir les enregistrer pour des films promotionnels ou techniques, pourquoi ne pourraient-ils à leur tour donner leur point de vue sur l'usine ? 1147 Le patronat refusa. Cela n'empêchera pas les ouvriers d'obtenir des images de leur travail, en s'organisant sous la forme de commandos. Bruno Muel, l'un des réalisateurs venus prêter main forte aux Sochaliens n'a pas oublié comment des camarades de la CGT ont occupé la maîtrise et escorté le filmeur jusqu'au poste de Yoyo, l'un des membres du groupe, qui s'est mis au travail devant son objectif 1148 . Pareillement, quand le syndicat a besoin d'images de la chaîne, Christian Corouge, alors OS et militant, s'empare de son appareil et fait appel aux camarades les plus robustes pour le dissimuler et faire diversion. La réalisation d'images qui correspondent au regard du travailleur s'apparente à une guérilla dans sa lutte contre le capital 1149 . Le premier obstacle à surmonter consiste à pénétrer l'enceinte de l'usine. Alors que les ateliers des artisans étaient ouverts aux quatre vents, en prise directe avec la vie de la cité, et toujours susceptibles d'être perturbés par elle, les usines ont été déplacées en périphérie, et des 1147Cf, Après la grève de 1967 à la Rhodia, l'une des revendications les plus étonnantes des ouvriers a été d'obtenir le droit de filmer ou de faire filmer leur poste de travail, p.18, 1148.

A. Desrois and . De-lettre-?-mon-ami-pol-cebe, parle de ce cinéma comme d'un « cinéma de guérilla ». Ernesto Guevara décrit le guérillero comme celui qui, au sein de l'avant-garde armée, bénéficie d'un large appui de la population, combat l'oppresseur et son armée régulière pour « donner corps à la colère du peuple » et « changer le régime social qui maintient tous ses frères désarmés dans l'opprobre et la misère ». Cette définition nous paraît convenir à cette pratique. Cf. Ernesto Che Guevara, 1971.

, En maintenant étanche cette frontière, les films refusent de penser ensemble vie professionnelle et vie privée et adoptent la logique du capital, qui prétend disposer de la force de travail qu'il achète durant un temps donné. Cette logique, nous l'avons vue à l'oeuvre dans les visibilités étudiées durant notre développement : le travailleur y apparaît comme une force motrice individuelle, sans autre vie que celle consacrée au travail ; à l'opposé, le cinéma et l'industrie des loisirs ont essentiellement montré des héros qui ne travaillent pas (et qui, le plus souvent, « la victoire du capital sur le travail réside moins dans la quantité de films produits que dans le maintien de la séparation entre la vie au travail et l'autre vie, considérée comme la seule ''vraie'' » 1151

, Des villes-usines modernes

, Le travail lui-même fait l'objet d'une véritable ségrégation spatiale de la part du patronat

, 1975) démonte la politique d'isolement sciemment mise en pratique par Peugeot à travers l'embauche et le placement des ouvriers sur la chaîne : on aligne un paysan avec un citadin, un républicain espagnol avec un franquiste, un Marocain avec un Algérien, Avec le sang des autres

, Contrairement aux images que l'on a vues jusqu'alors, les films se focalisent sur ces espaces de vie, Cette politique se poursuit dans l'organisation urbaine

. Sochaux, un gag récurrent voit René Le Diguerer, jeune breton récemment descendu à, 1972.

. Sochaux, refaire ses valises à différents moments du film pour déménager de foyer en foyer

. Leblanc, Filmer le travail, 1 er trimestre, La disparition du travail », Images documentaires, n°24, p.52, 1996.

, réponse ouvrière à l'exploitation quotidienne, au refus de dialoguer de la direction et à la provocation de l'État envoyant ses CRS reprendre l'usine occupée 1152

, Cette guerre de classes, nous dit encore Farocki, le cinéma hollywoodien ne l'a pas montrée 1153 . À la place, il a imprimé dans l'imaginaire collectif la figure du bandit, donnant un prétexte au capital pour s'équiper en conséquence : si les caméras ont peu filmé l'usine, les usines, elles

, De l'espace au temps : un glissement vers un cinéma de l'affect

, Pour rendre sensible ce glissement, on peut comparer la façon de faire les comptes d'un film à l'autre. Dans Misère au Borinage (1933), un galibot étale ses quelques pièces de salaire sur la table pour montrer au spectateur de combien sa famille dispose pour vivre. Henri Storck s'ingénie à composer des plans édifiants pour que cette misère nous indigne : enfants entassés, chaussettes rapiécées, ouvrier forcé de mendier, mineurs au chômage cherchant du charbon sur les terrils raccordant avec des panoramiques des tonnes de charbon attendant que le cours du combustible remonte. Pour montrer la misère, Storck met en scène l'espace de la fosse et des corons. Cette misère s'inscrit tragiquement dans les corps ouvriers, Entre le cinéma des années 1930 et celui d'après 68 s'opère un glissement, de l'occupation de l'espace à l'occupation du temps, 1937.

L. Finalement and L. Play-comme-un-microcosme-homogène-À-organiser, Dès lors, l'idée-force d'un soulèvement général des peuples appauvris a du plomb dans l'aile. C'est donc contre une aliénation d'un autre ordre que se révoltent les 1152Signe que cette histoire trotte encore dans la conscience ouvrière, Bruno Lemerle et Christian Corouge ont écrit cette année une courte fiction qui retrace l'histoire des événements, depuis le début du mois de mai jusqu'à la fin-juin. Cette histoire a été distribuée à la sorite de l'usine Peugeot de Sochaux au format épisodique, chaque épisode étant daté d'un jour de 1968 a été distribué le même jour, exactement cinquante ans après, moraliser par des réformes extérieures. Certes, ces réformes sont idéologiquement opposées au leplayisme et le plan final de Misère au, 1916.

«. Comment-dire-qu'un-ouvrier-trouve-le-temps, Le probleme de la maîtrise du temps est pos? des les premiers pas des Medvedkine au cin?ma. Racont?e dans l'espace intime de la cuisine, l'usine semble contaminer cet espace domestique, invisible ou presque dans nos objets d'étude 1155 : même chez lui, elle impose à l'ouvrier un mode de vie

. Le-geste-de-la-machine-semble-hanter-le-travailleur, On pense bien sûr à Chaplin, dont les bras « bégayaient » la chaîne ; mais à la différence de ce dernier, les gestes s'inscrivent ici dans une très longue durée, méthodiquement décomposée par le même homme. Durée de la journée, impliquant 244 fois les mêmes gestes, 8 heures par jour ; durée de la semaine, et les 4 postes de 8 heures, perturbant le sommeil et la faim ; durée de la vie, les mêmes gestes et les mêmes horaires depuis 5 ans. Cette accumulation de quantités infigurables, le film essaie de nous la faire comprendre, de nous la faire sentir, par des exemples quotidiens dont témoignent ensemble les couples interviewés. Parler du travail chez soi, raconter comment l'usine et ses horaires usent les travailleurs, perturbent leur vie de famille est un moyen ?vident de contester la frontiere travail / loisirs, sur laquelle repose la promesse du bonheur fordiste. Au contraire, les loisirs sont ici conditionn?s par le travail : l'un ne peut passer son permis, l'autre ne supporte pas d'etre enferm? et ne va plus voir de spectacle, un autre encore est trop fatigu? pour faire autre chose dans ses temps libres que dormir, celui-ci refait pr?cis?ment ses gestes tout en pr?cisant le temps imparti au changement d'une bobine, le nombre de bobines à changer dans un cycle

, mère OS dans une biscuiterie bisontine) les a éloignés d'elle au point d'en faire à ses yeux de parfaits inconnus. À la description précise des horaires s'ajoute leurs répercussions sur la vie de la famille. Son récit, en off, est entrecoupé de comptines parlant de reines et de princesses. Ces chansons sont montées sur les images de l'usine, barreaux aux fenêtres, vue au travers d'un grillage. L'écart entre les rêves de petites filles propagés par ces chansons et la réalité sociale qui l'attend est criant. L'enfant qui raconte reste invisible dans le court-métrage, mais une autre petite fille apparaît à la fin dans une affiche publicitaire, croquant dans un biscuit, peut-être fabriqué par la mère : la publicité, L'un des films qui parvient le mieux à rendre le tragique de cette emprise temporelle est sans doute Nouvelle Société N°6 1156 : une très jeune fille y raconte comment le travail de ses parents

, Le travail lui-même est dépeint comme un gouffre affectif, source d'un terrible ennui

, Après une journée ainsi passée, un ouvrier n'a qu'une plainte, plainte qui ne parvient pas aux oreilles des hommes étrangers à cette condition et ne leur dirait rien si elle y parvenait

, Sur les images du travail, au milieu d'une usine moderne 1158 , des témoignages racontent le désintérêt et la frustration produits par la répétitivité, loin du goût ouvrier pour la monotonie salué par Pierre Hamp. « Je m'ennuie moralement. À 8h10 je regarde ma montre », avoue l'un. « C'est toujours les mêmes gestes, toujours le même travail... il me semble voir toujours le même film, entendre toujours le même disque », déplore un troisième, pendant qu'à l'image les machines répètent leurs mouvements. « Il faudrait que quelqu'un m'explique l'int?ret qu'il peut y avoir à refaire ce geste-là 244 fois dans la journ?e, Le film de Marker et Marret met tout en oeuvre pour rendre sensible cette durée, 1157.

, L'image se creuse alors des affects des ouvriers : il devient évident que le travailleur n'est pas qu'une force, qu'un geste, mais que pendant qu'il travaille, il pense et ressent. En plus de la dépossession capitaliste de la force de travail, le film montre une aliénation mentale, 1156Cette série, qui prend le format de tracts cinématographiques d'une dizaine de minutes, tire son nom de la politique lancée en 1969 par Jacques Chaban-Delmas

«. Weil and . Expérience-de-la-vie, Nous soulignons, p.339

, Rhodiacéta est le premier producteur français de fibre synthétique, polyester et nylon. directement liée à l'automation, poussée au centième près. Ennui, aspiration à d'autres horizons, fatigue, tristesse... autant d'affects qui contredisent la conception capitaliste qui considère que le temps ouvrier s'achète comme n'importe quelle marchandise

, Comme chez Weil, l'entrée à la Rhodiacéta dans À bientôt commence par un plan sur la pendule de pointage et c'est encore une horloge qui indique à l'ouvrier « à la minute » quand il doit déplacer les bobines. C'est elle aussi qui lui dicte son appétit : « le cerveau électronique a pensé qu'on pouvait aller manger à ce moment-là, parce qu'il y avait un trou dans la production », explique un ouvrier. Un autre, fatigué par les changements de poste incessants

, Tandis que le premier raconte, on voit des bobines qui se vident et se remplissent, le défilement du textile ressemblant au grain d'un sablier : sous l'effet de vase communicant, la vitalité ouvrière semble remplir les marchandises de l'usine. Week-end ? Sochaux met en scene un ing?nieur de retour des Etats-Unis exposant à la maîtrise un moyen d'accroître la productivit?de l'entreprise. L'expos?d?montre à l'aide de schéma précis les moyens d'optimisation du taylorisme : ?limination des gestes improductifs, augmentation progressive des taches sur un meme poste, rationalisation des trajets. Sur le papier, on ne peut que s'incliner devant la d?monstration. Or, la scene suivante joue son application concrete sur le poste d'un ouvrier, sur les besoins physiologiques de l'ouvrier, qui mange et dort en fonction de la production

, les blessures occasionnées et le refus d'une prime de tonnage à l'ouvrier : du tableau et des schémas professoraux à la mise en scène de la situation, les auteurs ajoutent le poids à transporter, son effet sur le corps (une colonne vertébrale déformée) et le compte des bénéfices réalisés, littéralement, « sur le dos de l'ouvrier ». Les décisions abstraites et purement financières se traduisent en conséquences concrètes et physiques. Il ne suffit donc 1159Dans cette s?quence, Le Diguerer, joue son propre role, et Pol Cebe joue le chronom?treur. Ce dernier lui impose trois centièmes de moins par trajet, Le Diguerer énumère le nombre de bidons à transporter et d'aller-retour à faire 1159

, il faut aussi savoir ce que leur maniement quotidien implique pour éprouver l'effet qu'ils peuvent avoir sur le corps qui les manipule. La scène suivante montre une « chaîne » reconstituée dans un hangar -sur fond noir, une dizaine de comédiens amateurs font mine de s'affairer sur deux voitures, portières et coffres grandes ouvertes, sur fond de bruitages mécaniques à l'artificialité assumée. Un jeune OS glisse avec assurance les joints des fenêtres quand un contremaître vient lui expliquer que le Bureau des Méthodes a trouvé une façon plus rapide d

, Remettre en scène les situations de domination dont les manoeuvres sont victimes leur permet non seulement d'en dénoncer l'arbitraire, mais surtout d'en montrer la bêtise

, ils se voient euxmêmes à travers nous », dit à la caméra un jeune OS de Sochaux. Ces reconstitutions minimalistes permettent de prendre une distance salvatrice avec le travail pour mieux en ausculter les dysfonctionnements et en proposer un diagnostic. Alors que l'ouvrier sur la chaîne est noyé sous le rythme des cadences, se revoir à l'écran peut lui permettre de mieux percevoir les causses de sa souffrance : « Un sentiment est d'autant plus en notre pouvoir, et l'esprit en pâtit d'autant moins, qu'il nous est plus connu », écrit Spinoza 1162 . En percevant mieux les causes, en comprenant par exemple que s'il ne parvient pas à s'adapter à la nouvelle 1160Cette négation des aspirations de l'ouvrier s'impose dès le recrutement. Les ¾ de la vie et Week-end à Sochaux remettent en scène l'entretien d'embauche de jeunes ouvriers chez Peugeot : peu importe le diplôme et les années de CAP, ce sont les trente secondes de tests « scientifiques, L'une des motivations des Medvedkine est de tendre aux ouvriers un miroir de ce qu'ils vivent au quotidien : « un film, on les met carrément devant une glace

«. Weil, ». La-rationalisation, and O. , Nous soulignons. 1162(Eth, p.302

, elle a été conçue arbitrairement par une instance déconnectée du réel, l'ouvrier forme de sa peine une idée claire et distincte. Dès lors, les affects tristes qu'il ne concevait que vaguement cessent de freiner la pensée -« un sentiment est mauvais ou nuisible dans la mesure seulement où il empêche l'esprit de pouvoir penser », continue le philosophe -et peuvent être transformés en force mobilisatrice pour tenir tête à sa hiérarchie ou s'organiser politiquement. C'est là une différence essentielle avec la bobine Wonder : revoir les causes de la haine doit permettre de transformer un sentiment paralysant en puissance d'agir, en mobilisation politique. La plupart des films des deux groupes portent des revendications

L. ,

, Quand Eli Lotar promène sa caméra à Aubervilliers (1945), il capte la misère ambiante des taudis et nous montre les mains ouvrières trempant dans les bains chimiques de Saint-Gobain, d'où sortent acide sulfurique ou ammoniaque. Il filme l'ouvrier enlevant ses gants et saisit en un gros plan les mains « dégraissées, décapées », premières victimes des fluides qu'elles fabriquent. « Les mains encore ça va, on peut se rendre compte. Mais je voudrais bien savoir ce que ça donne à l'intérieur », lance le commentaire, se faisant le porte-voix de l'ouvrier. Les doigts gonflés, la peau écorchée, les ongles cassés figurent alors l'invisible des poumons attaqués par les vapeurs abrasives, La chaîne transforme également le rapport à l'insupportable car les destructions et la souffrance qu'elle fait subir aux corps sont de l'ordre de la très longue durée

, usant d'une image scientifique dont on sait qu'il était féru : une radiographie montre « ce que ça donne » dans les bronches d'un artisan en porcelaine de Limoges ; des images filmées au microscope montrent l'effet des particules de silice sur les cellules des poumons d'un mineur, Georges Franju pousse ce dévoilement plus loin encore dans Les poussières, 1954.

, Comment montrer la destruction d'un corps sans effet physique immédiat 1163 ? La chaîne ne provoque pas de mutilation directe -souvent son installation a même réduit le taux d'accidents du travail 1164 . Mais son effet n'en est que plus terrible sur le long terme. À peine entreprend-il de théoriser la division du travail qu'Adam Smith entrevoit les effets désastreux qu'elle aura sur l'ouvrier : Un homme qui passe toute sa vie à remplir un petit nombre d'opérations simples, dont les effets sont aussi peut-être toujours les mêmes [?] n'a pas lieu de développer son intelligence ni d'exercer son imagination à chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se rencontrent jamais ; il perd donc naturellement l'habitude de déployer ou d'exercer ces facultés et devient, en général, aussi stupide et aussi ignorant qu'il soit possible à une créature humaine de le devenir ; l'engourdissement de ses facultés morales le rend non seulement incapable de goûter aucune conversation raisonnable ni d'y prendre part, mais même d'éprouver aucune affection noble, L'effet direct du travail sur les corps atteint peut-être ici son plus haut niveau d'évidence, avec ce regard qui pénètre à l'intérieur des cellules humaines pour en révéler la destruction lente et quotidienne. Mais dans les deux cas, l'ouvrier est d'abord un corps, un corps que l'on exhibe pour témoigner des meurtrissures du travail, p.1165

, Ses mots nous font entendre ce que la théorie smithienne, dont on a dit à quel point elle était issue d'une supervision, d'un « oeil de l'esprit » uniquement préoccupé par les chiffres, implique concrètement dans le corps d'un homme. Bien plus, si Smith présente le dépérissement de l'ouvrier comme une fatalité, la voix de Corouge le décrit comme un long processus contre lequel il n'a de cesse de résister : au bout de cinq ans je ne peux plus me servir de mes mains? j'ai mal aux mains? j'ai un doigt, le gros, j'ai du mal à le bouger? j'ai du mal à toucher Dominique, le soir? ça me fait mal aux mains? la gamine, quand je la change, je peux pas lui dégrafer ses boutons? tu sais, t'as envie de pleurer dans ces moments-là? ils ont bouffé mes mains? j'ai envie de faire des tas de trucs et puis j'me vois maintenant avec un marteau, je sais à peine m'en 1163Nous avons eu l'occasion d'aborder cette question lors de la sortie du film de Manuela Frésil, Le célèbre monologue de Christian Corouge dans Avec le sang des autres peut être entendu comme une réponse faite à l'économiste deux siècles plus tard, pp.26-2013, 1949.

D. Woronoff, Une histoire de l'industrie en France

. Smith, servir? c'est tout ça tu vois? Jamais le locuteur n'apparaît à l'image, mais ses mots, qui peinent à sortir, d?crivent un autre régime de terreur que celui entrevu par Weil : ce n'est pas tant la peur de la hiérarchie, contre laquelle Corouge, délégué syndical, luttera sa vie durant, mais la peur d'assister à la réduction de soi, une réduction aussi progressive qu'inexorable de sa puissance d'agir. Les images de Lotar et Franju montrent un corps blessé, malade du travail, c'est-à-dire un état ; les mots de l'ouvrier décrivent quant à eux un devenir, la parole dévoile le sentiment de la perte progressive de ses capacités et de ses désirs, rend sensible la pétrification lente de l'ouvrier. Si leurs images nous terrifient, on ne sait pas ce que ressentent la manoeuvre d'Aubervilliers qui voit ses mains en lambeaux ou le mineur aux poumons noircis. Ce qui rend ce monologue déchirant, insupportable, c'est que les sentiments qu'il évoque sont des sentiments que nous pouvons partager : on peut s'imaginer avec lui le drame d'un père ou d'un époux que le travail éloigne chaque jour un peu plus de sa fille ou de sa femme. Sa parole sensible porte en elle une possibilité d'imitation affective : celui qui nous parle n'est plus un inconnu, mais un semblable qui sent l'histoire s'imprimer en lui, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, p.186

C. Qu, ils me mutilent encore davantage? la peur que je puisse plus parler un jour? que je devienne muet? j'ai tellement mal aux mains? tellement de grosses mains? mes mains me dégoûtent tellement? et pourtant, je les aime tellement mes mains? je sens que je pourrais faire des trucs avec? mais j'ai du mal à plier les doigts? ma peau, elle s'en va? je ne veux pas me l'arracher? C'est Peugeot qui me l'arrachera, et je lutterai pour éviter que Peugeot me l'arrache? c'est pour ça que je veux pas m'arracher la peau? je veux pas qu'on touche à mes mains? c'est tout ce qu'on a? Peugeot essaye de les bouffer

. Smith, donc à sa propre description : « j'ai de plus en plus de mal à m'exprimer, ça aussi c'est la chaîne? quand t'as pas parlé pendant neuf heures, t'as tellement de choses à dire que t'arrives plus à les dire, que les mots, ils t'arrivent tous ensemble dans la bouche?

, Enregistrer cette tirade saisissante a d'ailleurs demandé un patient travail d'élaboration

, Weil souligne la difficulté du manoeuvre à « dire sa condition » : « le premier effet du malheur est que la pensée veut s'évader ; elle ne veut pas considérer le malheur qui la blesse, 1166.

, Ce à quoi l'esprit tend spontanément, c'est plutôt au déni et à l'imagination de prétextes rendant supportable l'insupportable. En considérant cela, on mesure mieux l'effort effectué par Corouge pour proclamer sa diatribe contre la chaîne : celle-ci ne doit surtout pas être entendue comme une plainte larmoyante proférée sous le coup d'une impulsion accidentelle, mais comme le premier pas d'une puissance qui s'affirme contre l'asservissement du corps et de l'esprit que la chaîne impose. Il faut aussi souligner le soutien qu'il a trouvé chez Bruno Muel, le réalisateur, Spinoza ne dit pas autre chose quand il affirme que l'esprit s'efforce tant qu'il le peut de repousser les causes de tristesse qui diminuent la puissance d'agir du corps 1167

. S'avouer-À-soi-même-son, Car dans un second mouvement, une fois formalisé, l'aveu mortifère se transforme en force politique : Corouge affirme la nécessité de lutter, donne un contenu politique à ses affects en leur assignant un responsable, une cible ennemie au conatus : la chaîne, Peugeot et son ordre social. Là encore, ce monologue a permis à des spectateurs ouvriers de mettre en mots leur maux, de s'avouer à eux-mêmes leur souffrance et de la ressaisir collectivement, c'est-à-dire politiquement. Outre l'enregistrement, les présentations du film ont également été décisives pour l'auteur de ces mots

, Derrière la tragédie du travail, à condition qu'elle soit ressaisie dans un geste commun et 1166Ibid, p.328

«. La, agir de l'homme, c'est-à-dire qu'elle diminue ou empeche l'effort par lequel l'homme s'efforce de pers?v?rer dans son etre ; et par cons?quent elle est contraire à cet effort ; et tout ce à quoi l'homme affect? de tristesse s'efforce, c'est à ?carter la tristesse

C. and M. Pialoux, 266. 1169Notons qu'à partir des années 1980, tout un pan de l'ergonomie et de la psychologie du travail s'empare de la vidéo pour filmer le travail et interviewer les travailleurs. L'image devient un outil pour revoir des scènes du travail individuellement ou en groupe et de susciter une parole, 2011.

. Ne, On ajoutera : ce qui ne choque pas l'oreille non plus, tant dans ces mises en scène, le commentaire de l'intellectuel (Diderot, Le Play, Hamp...) remplace la parole ouvrière

, August Sander s'essaye à une approche sociologique laissant le sujet libre de se mettre en scène. Celui-ci devient une surface sur laquelle le regardeur peut tenter de lire la pluralité des signes que sa condition sociale a imprimés en lui, Pourtant, tandis que Kollar réalise des portraits aux gestes lisibles et aux expressions figées

, Ce « style documentaire » replace donc l'individu au centre du monde social

, Avec Aerospace Folktales, installation de 1973, le photographe entend montrer comment le chômage pèse sur sa famille et détruit l'optimisme petit-bourgeois de son père, cadre dans l'aéronautique. Pour montrer la perte de sens de la vie de ce père forcé à l'oisiveté, Sekula le photographie changeant et réglant sans fin les ampoules de la maison : l', ne dit rien des structures qui tiennent son existence : les forgerons ont beau arborer les traces de leur condition, la photo reste aveugle aux forces entre lesquelles ces individus sont tiraillés et qui forgent leur quotidien

, L'installation se décompose en trois parties : des photographies en noir et blanc, des cadres noirs où un texte explicite la démarche du photographe, et une bande son, constituée d'entretien avec des ingénieurs racontant leurs difficultés à retrouver un emploi 1170

, Cette pratique est portée par la conviction que l'existence des individus est gouvernée par des structures qui forment l'essentiel de leur expérience et informent leur interprétation du monde. Dès lors, pour « documenter comment l'humain invente sa vie dans les structures restreintes tenues par les classes dominantes » (Sekula), le photographe doit renoncer à l'idée d'une réalité pleine et entière saisissable par l'objectif : « Les vérités évidentes appartiennent à la philosophie bourgeoise », dit en Mai 68 le ciné-tract 009. Le photographe s'emploie donc à retrouver et à indiquer les signes par lesquels on devine l'empreinte des forces invisibles sur les individus et leur milieu

A. Sekula, ». Défaire-le-modernisme, and O. Cit, Pour éviter le « vol de mémoire » que risque tout sujet photographié, dès ses premiers travaux, Susan Meseilas accompagne les portraits de ses colocataires d'une biographie qu'elle a demandée à chacun d'eux. Ses installations font

, fait jouer les capacit?s descriptives de la photographie de telle sorte qu'elles pr?levent des fragments de r?el qui sont les indices de la r?alit? imaginaire et concrete du capitalisme avanc?. Chaque image n'agit pas comme une r?alit? pleine, de l'ordre du fait-objet, mais au contraire comme une trace partielle, signe dynamique qui renvoie à une structuration qui n'est pas en elle-meme visible. L'indice n'exprime pas l'objet mais y fait r?f?rence : il n'a pas son caractere plein, destinés à restituer la photographie dans le double contexte de sa réalisation et de sa réception

, En cela, la structure de l'oeuvre mime la complexit? du r?el dans laquelle est pris le travail ouvrier, p.1171

, Au-delà de la seule dénonciation du réelle, sa pratique forge aussi le regard du spectateur, lui apprend à voir au-delà du visible pour remonter aux causes politiques de celui-ci. Lorsqu'il photographie son père, derrière le comportement obsessionnel d'un homme réglant ses luminaires, il documente le désarroi d'un cadre ayant tellement intériorisé les injonctions à la production qu'il devient incapable de réagir rationnellement, Sekula utilise à plein le statut de trace de l'image et c'est l'interprétation du spectateur qui relie la réalité captée par la photographie aux institutions qui organisent cette réalité

». Dans-«-défaire-le-modernisme, . Sekula, C. De, and . Hare, Les cadres de Hare, saisissant les corps des travailleurs dans l'espace (un cadre dans un grand bureau dont les fenêtres ouvrent sur le quartier des affaires de San Francisco, des ouvriers forcés de manger un sandwich l'oeil rivé à un mur de jauges), traduisent la place de chacun dans la hiérarchie de l'entreprise. Mais Hare n'en reste pas là : il s'appuie aussi sur un large corpus de légendes. Ses entretiens révèlent les aspects subjectifs de l'expérience du travail, ce que les photographies ne peuvent que suggérer. Les entretiens autorisent une forme de création de soi que le portrait ne permet que de manière extrêmement limitée et problématique. Le photographe a toujours l'avantage et, après tout, un instant n'est jamais qu'un instant, ici juste un instant visible, chimiste dans une grande entreprise qui a photographié et interviewé tout l'organigramme d'une société, de l'opérateur-raffineur jusqu'au superviseur, p.1172

, De même, le cinéma des Medvedkine est un cinéma de l'écart, du dévoilement, dans la mesure où nous sommes amenés à voir au-delà des corps et à entendre au-delà des discours

. Millo, Le documentaire critique et la repr?sentation du travail ouvrier », Images du travail, Travail des images -Dossier | n°2, 2016.

. Sekula and . Défaire-le-modernisme, avec un film contemporain, Humain trop humain de Louis Malle (1974), tourné à l'usine Citroën de Rennes. Dans l'usine Peugeot, la caméra portée, légère, colle aux corps des OS : lors du premier poste filmé, un plan-séquence suit les va-et-vient du soudeur, p.171

. À-l'inverse and ». Malle-adopte-lui-un-point-de-vue-«-divin, par un long panoramique aérien depuis un pont roulant, dominant les rouleaux de tôle attendant d'être transformés en capots, en portières ou en toits. Dans ce prélude sur fond de choeurs grégoriens, les machines semblent travailler seules, convoyant les pièces d'une presse à l'autre. Alors que les Sochaliens filment à la sauvette et se fixent longuement sur les individus postés, Malle, qui filme avec l'accord de la direction, peut évoluer à sa guise dans l'usine, réalisant par exemple un long travelling longeant tout l'atelier électronique. Ses cadrages sont aussi plus variés : plans sur les pas d'ouvrières marchant au rythme lent et régulier du défilement des sièges suspendus ; gros plans sur des visages où l'on peut discerner un ennui profond, visages de femmes, surtout, qui occupent les postes les plus déqualifiés

, Muel, plus fidèle au rapport à l'espace de l'OS cloué à son poste

, Plus encore, il contribue à instituer le travail en évidence, à faire croire que tout ce qui se joue à l'usine est de l'ordre du visible, et n'affecte l'homme que durant le temps où il s'y trouve. Les films Medvedkine, eux, s'échinent à faire du travail un moment de la vie, d'une vie empêchée

, tout en montrant en même temps ce contre quoi elle s'élève : pressions sur les salaires, horaires de l'usine, isolement ouvrier, mais aussi production de désirs consuméristes et marchandisation culturelle. À chaque fois, l'émission de cette parole semble faire l'objet d'un combat contre une institution, une image, qu'elle affronte ou qui la retient. Benjamin définissait comme « fantasmagorique » la culture bourgeoise, issue d'une société faisant mine d'ignorer que le fondement de son économie reposait sur des rapports marchands. Dès lors, ce cinéma militant s'apparente à une véritable contre-culture. Celui-ci nous rappelle que dans une société capitaliste, on ne parle jamais de nulle part : l'orateur tient non-lieu moderne 1175 , lieu de passage sans histoire, indifférent à tout : les seules traces qu'on y trouve sont des traces de passage. Alors que les typographies stylisées reflètent un ordre du monde tendu vers le progrès, la boue dans laquelle roulent les bus et marchent les ouvriers conteste cette évidence : les usines sortent de terre, mais les hommes s'y enlisent et semblent ramenés à l'archaïsme du chacun pour soi et de la lutte pour la « survie ». Mais c'est aussi de cette boue originelle, ou contre elle que la parole émerge. Deleuze le dit très bien : « il faut maintenir que la parole crée l'événement, le fait lever, et que l'événement silencieux est recouvert par la terre. L'événement, c'est toujours la résistance entre ce que l'acte de parole arrache et ce que la terre enfouit. » 1176 L'événement, la main écrasée

, De Sekula aux Medvedkine, on retrouve un même travail d'imagination demandé à l'observateur, et ce travail s'applique tant aux images du capital, évoquées plus haut, qu'aux formes du travail vécu, dont les signes ne sont bien souvent des signes pauvres, des traces extirpées contre le cours des choses. Ces films peuvent nous apprendre à systématiser cette attitude

. Montand, J. Dans-tout-va-bien-;-de, and . Godard, Des images se forment alors en eux. Ils s'imaginent à leur place au transport ou à la découpe des carcasses. Les récits ouvriers font la part belle aux sens : l'odeur des tripes qui colle au corps et la honte sociale qui en découle, la douleur dans le dos sous la charge de travail. L'écoute du témoignage et l'imagination permettent d'atteindre et de rendre partageables des ressentis subjectifs, séquestrés avec le patron dans une usine à viande, ils écoutent les récits des salariés, 1972.

, L'évidence laisse alors place à l'expérience, qui rompt l'apparente linéarité des choses, pour nous montrer comment les structures agissent en nous. La séquence de Godard, l'installation de Sekula (qu'il présente lui-même comme un « disassembled movie ») et le monologue de Corouge montent la parole ouvrière

, Marc Augé constate la prolifération de ce qu'il nomme des « non-lieux », en opposition aux lieux anthropologiques. Parking, aéroport, aire d'autoroute, supermarché... le non-lieu correspond à cet espace sans passé, sans identité, que l'usage de l'homme ne marque pas de sa trace, et qui se révèle négateur d'histoire. Dans cet anonymat relatif, chacun ne vaut plus que pour ce qu'il fait en ce lieu, et devient moins un individu qu'une « fonction ». Cf. Marc Augé, Non-lieux, 1175Dans son essai pour une « anthropologie de la surmodernité, 1992.

L. Deleuze, Ces films nous touchent aujourd'hui car ils vont bien au-delà de l'usine et de l'industrie pour s'attaquer à la contradiction à la base même de la social-démocratie et de ce qu'elle implique pour le travailleur : l'annexion de sa souveraineté et le renoncement à transformer le travail, quel qu'il soit, en une activité pleinement épanouissante. Si l'on a tendance à faire de cette critique une critique « gauchiste » et bourgeoise, venue de ceux qui ont profité de la société de consommation et n'en on pas tiré les satisfactions promises 1178 , elle a également été formulée par ceux qui vivaient au quotidien le compromis salariat / patronat, des ouvriers de grandes entreprises nationales, p.334

, Leurs ont été des « armes » dans une guerre contre l'imaginaire dominant, mais dans cette lutte chacun a aussi pu puiser pour s'améliorer lui-même. Suzanne Zédet raconte comment, au fur et à mesure de l'expérience Medvedkine, elle s'est sentie capable de tenir tête à son patron, et comment la peur a peu à peu changer de camp : « quand je croise le patron, c'est lui qui baisse les yeux ! », dit-elle fièrement. Corouge explique toute la fierté, la joie que l'on peut tirer de sa capacité à formaliser soi-même sa situation, dans un film, dans un tract, dans une pièce de théâtre 1179 . Les poèmes, pièces, chansons qui émaillent les films disent aussi cette vie sociale et culturelle après laquelle courent leurs auteurs. S'ils ont été conçus dans l'urgence de l'agitation politique, ces films ont aussi procuré une inestimable joie collective, Benjamin évoquait l'importance des images des ancêtres asservis. Les ouvriers-cinéastes ont vécu de plein fouet l'asservissement dans le travail, mais celui-ci est d'une autre nature que celui qu'avait en tête l'auteur des Passages, p.327

, Le cinéma a été un moyen de « relier le corps et l'esprit ensemble » 1180 , explique encore Corouge. Sur ce point aussi

, 1181 qui ont fait naître en eux un furieux désir d'écrire, de filmer et de penser. À travers la peinture et la poésie, le théâtre et le cinéma, ces ouvrières et ouvriers que tout devait restreindre au travail -la banlieue et les horaires, la publicité et les crédits, l'industrie culturelle et les discours politiques -, ont alors pu, un temps, résister à aux stratégies affectives de l'imaginaire dominant. Plus que cela, ils ont documenté leur résistance pour encourager leurs semblables à faire de même 1182 . Leurs films montrent qu'il a été possible de tenir tête au capital et à ses images, Là est peut-être la leçon fondamentale des Medvedkine : des ouvriers malmenés, engourdis par leurs heures de chaîne ont été pris dans un réseau de rencontres et d'émulations très concrètes

, Contre la violence faite au corps humain, à l'environnement, à la capacité des travailleurs à contrôler leurs propres vies, nous avons besoin d'opposer une résistance active, à la fois politique et symbolique, au pouvoir et à l'arrogance grandissants de ce capitalisme

, Si l'on prend Spinoza au sérieux, ce qui détermine l'ordre des choses, ce sont les confrontations affectives et la poursuite conative des désirs et des joies, véritables moteurs de l'histoire. À partir de là, la lutte politique ne peut faire l'économie d'un versant symbolique, mobilisant les imaginaires des travailleurs que le capital cantonne à des joies mineures

, À l'heure où le capital atteint des sommets d'arrogance et de mépris, nous avons grand besoin de cette audace, de « ce désir qui porte un homme à braver, pour accomplir une action, un danger dont ses égaux ont peur » (Éth. III, 40)

, Armand Gatti à Sochaux, le Collectif Cinélutte ou encore le Groupe Dziga Vertov autour de Godard. 1183Allan Sekula, « Défaire le modernisme », op. cit., p. 172. générations futures -comme nous, elles se débrouilleront, armées de leur « faible force messianique ». En revanche, un « rendez-vous tacite » nous lie aux générations précédentes, qui ont une prétention à faire valoir sur notre puissance actuelle 1184 : cette deuxième thèse sur l'histoire entre en résonance avec l'affirmation de Spinoza selon laquelle ce que peut un corps, c'est sa mémoire qui le décide. La dette que nous avons envers nos ancêtres, 1182À ce propos, nous aurions pu choisir d'autres collectifs qui émergent à ce moment-là, comme l'expérience d

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