Dans le domaine des hyperfréquences, les instruments de télédétection peuvent être classés dans deux grandes familles : celle des radars, instruments actifs, et celle des radiomètres, instruments passifs. Ces instruments ont en commun qu'ils mesurent le rayonnement électromagnétique, pour une longueur d'onde donnée, provenant de cibles éloignées. Le but est de déduire les caractéristiques physiques des cibles observées, ici l'humidité ou la salinité de surface, en choisissant au mieux le type d'instrument et la longueur d'onde utilisée.
Onde électromagnétique, Longueur d'Onde, Domaine
micro-onde, Bande L
La lumière visible est une onde électromagnétique dont la
longueur d'onde est située dans la bande
visible
.
Chaque couleur que nous percevons indique une longueur
d'onde différente : les deux valeurs extrêmes que nous
pouvons distinguer sont 0.4
(violet) et 0.7
(rouge).
Le domaine des hyperfréquences, dit encore des
micro-ondes, s'étend dans des longueurs d'onde beaucoup
plus grandes. Ce domaine est lui même divisé en bande, la bande L
s'étendant entre 20 cm et 80 cm, soit, en fréquence, entre
0.390 GHz et 1.550 GHz.
Les radars sont des instruments actifs. Une onde électromagnétique est envoyée par une antenne sur une cible qui, suivant ses propriétés physiques, va plus ou moins absorber ce rayonnement. Cette même antenne (ou une antenne différente) est alors utilisée pour mesurer la puissance du signal renvoyé et l'on en déduit ainsi les caractéristiques de la cible. Lorsque la cible est une surface naturelle, la puissance rétro-diffusée est toutefois très sensible à la topographie de la surface observée (rugosité du sol, de la végétation ou de la mer) qui doit donc être prise en compte pour interpréter les mesures.
La seconde famille est celle des instruments passifs. Aucune
onde n'est envoyée, l'antenne d'un radiomètre ne
fonctionnant qu'en réception. Seule l'émission naturelle du
rayonnement par la surface est mesurée : cette émission
naturelle est caractérisée par une quantité appelée température de brillance (
).
Corps noir et Température de Brillance
Un corps noir est un corps idéal absorbant toute l'énergie
électromagnétique qu'il reçoit : s'il n'est pas chauffé, il
n'émet aucun rayonnement, il est donc noir.
Lorsqu'il est chauffé, il rayonne pour contrebalancer
l'énergie qu'il reçoit et, tout comme la braise d'un
feu de cheminée, la longueur d'onde de ce rayonnement (sa
couleur ) change en fonction de la
température.
Dans un cas idéal, MAX PLANCK
a montré, en 1900, que l'énergie rayonnée par un corps
noir à une longueur d'onde donnée ne dépend que de sa
température.
L'énergie rayonnée par une surface quelconque, elle, ne
dépend pas que de sa température. La température de
brillance de cette surface est la température qu'aurait un
corps noir rayonnant la même énergie.
Comme il le sera précisé dans les paragraphes suivants, la
précision contraignante sur la mesure de l'humidité et de la
salinité, ainsi que les effets importants de la topographie
des surfaces observées, font que les radiomètres sont dans ce
cas préférés aux radars. D'autre part, l'utilisation de la
longueur d'onde
(fréquence
centrale
), au sein de la bande L,
offre plusieurs avantages :
- cette partie de la bande L est dite protégée c.-à-d. qu'il est (normalement)
interdit d'émettre (relais et téléphones portables, radars
d'aéroport...) autour de cette fréquence.
- l'atténuation du signal par la vapeur d'eau et
l'eau liquide, contenue notamment dans les nuages, est
quasi-nulle
- la température de brillance dépend
fortement de la présence d'eau à la surface du sol (3 à 5 cm
de profondeur contre seulement 1 cm à plus haute fréquence)
- la sensibilité radiométrique à la salinité de
surface est optimale.
Température de brillance
En 1900, MAX PLANCK établit grâce à une loi empirique la
variation de la luminance
d'un corps noir en fonction de
sa température
et de la longueur d'onde
du
rayonnement émis Ulaby:
![]() |
(1.1) |
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(1.5) |
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(1.6) |
![]() |
(1.7) |
La température de brillance (
) d'une surface continentale
dépend principalement de l'humidité de surface du sol
[
], de l'épaisseur optique
de la couverture végétale
et de sa température de
surface
Wigneron1 Wigneron2. D'autres effets comme la
topographie, la rugosité du terrain, le type de sol ou encore
la nature de la couverture végétale sont aussi à
prendre en compte. Cependant, étant donné qu'ils sont
constants dans le temps, des données externes (modèles
numériques de terrain, données satellites...) peuvent être
utilisées pour corriger ces contributions.
En bande L, le modèle de transfert radiatif du premier ordre dit modèle
, où
est l'albédo de la
végétation) relit indirectement les trois
paramètres physiques (
) à
.
La couverture végétale est le principal obstacle
entre l'instrument et le sol. Il est impératif de
disposer de mesures indépendantes de
pour des configurations
variées, en terme d'angles d'incidence, de polarisation ou
de fréquence pour pouvoir éliminer la contribution de la
canopée, la capacité de mesure multi-angulaire étant sans
doute la plus efficace Wigneron3. A cette
condition, l'humidité de surface des sols reste mesurable pour une
densité surfacique de la biomasse inférieure à
5 kg
, ce qui représente 65
des terres
émergées Kerr1. Une fois l'humidité de surface
connue avec une précision suffisante, il est possible de
retrouver l'humidité du sol dans la zone vadose, la zone
dans laquelle la végétation va puiser une partie de son eau Calvet1.
La salinité est définie comme le rapport entre la masse de
sel et la masse d'eau de mer, en gramme de sel par
kilogramme d'eau de mer :
, pratical
salinity unit. Or, la situation est différente du cas de la mesure de
l'humidité. En effet, la salinité de l'eau de mer fait peu
varier la température de brillance des océans1.1. Même
si, là encore, la bande L semble la plus indiquée, le signal
reste faible. Cette donnée, combinée avec une
contrainte forte sur la précision de la mesure (0.1 psu),
conduit à faire de la modélisation du problème direct une
étape majeure dans le processus d'estimation de la salinité
de surface des océans (SSS pour Sea surface
Salinity) à partir des températures de brillance.
La température de brillance des océans va varier en fonction de 3
facteurs principaux : la salinité, bien sûr, mais aussi la
température de surface (SST pour Sea Surface
Temperature) et enfin la rugosité de la mer,
principalement liée à la vitesse du vent. Ainsi,
peut être
vu comme la somme de deux contributions :
![]() |
(1.8) |
Même si le radiomètre possède une sensibilité de l'ordre du Kelvin, ce qui, on le verra dans la section suivante, représente une forte contrainte instrumentale, l'erreur sur l'estimation de la SSS est alors de 2 psu. Or, la précision doit être de l'ordre de 0.1 psu pour que la salinité soit utilisable scientifiquement.
Afin d'atteindre ce seuil, des mesures élémentaires indépendantes devront être moyennées. Il est donc important de pouvoir obtenir le maximum de mesures indépendantes pour un même pixel au cours d'un seul passage de l'instrument.
Ces mesures pourront aussi être moyennées spatialement,
sur des zones de 200 km
200 km, et
temporellement, sur 10 jours. Contrairement à ce qui se passe pour
l'humidité, ce n'est donc pas tant la résolution spatiale que
la stabilité et l'étalonnage de l'instrument qui devront
être le trait dominant du radiomètre, sans pour autant
négliger la sensibilité radiométrique.
De même que pour l'humidité, des données de SST et de vent (vitesse et direction) issues de mesures satellites ou de sorties de modèles météorologiques doivent être intégrées avec une précision suffisante afin de pouvoir inverser la relation établie entre la température de brillance et la salinité.