Universit´e Paris IV - Sorbonne ´Ecole doctorale V "Concepts et Langages" N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Th`ese pour obtenir le grade de Docteur de l'Universit´e Paris IV Discipline : Philosophie pr´esent´ee publiquement et soutenue par Benjamin ´Eric Quasar SYLVAND le 10 D´ecembre 2005 Concept et Changement de concept Concept, contenu et inf´erence Bases pour une approche dynamique du concept Directeur de th`ese : Prof. Pascal Engel Jury Mr. Jacques Dubucs, IHPST, Universit´e Paris I - UMR 8590 CNRS Mr. J´er^ome Dokic, EHESS Prof. Pierre Livet, Universit´e de Provence, Aix-en-Provence Prof. G¨oran Sundholm, Universit´e de Leiden Concepts et Changement de concept Bases pour une approche dynamique du concept Benjamin Sylvand 2005 2 3 `a Pascal Engel 4 5 « Un couteau sans lame auquel il manque le manche. » [Georg Christoph Lichtenberg, Le couteau sans lame Collection romantique n 72 Jos´e Corti, 1999, p. 54] «Non ci sono indizi, n´e prove, n´e motivazioni. Siamo di fronte a un omicidio ma non c'`e il morto, non c'`e nemmeno il movente e manca l'arma del delitto.» [«C'est comme si je me trouvais dans un proc`es pour homicide sans qu'il y ait de cadavre, d'arme du d´elit ni de mobile.»] [Silvio Berlusconi, Lib´eration, 18 - 06 - 2003] «Quand les jumeaux demand`erent `a quoi servaient les boutons de manchette et s'entendirent r´epondre, par Ammu, que c'´etait pour «boutonner les manches», pareille logique linguistique, dans ce qui, jusqu'ici, leur avait paru ^etre une langue illogique, les r´ejouit au plus au point. bouton + manchette = bouton de manchette. Seules la rigueur et la logique des math´ematiques pouvaient pr´etendre rivaliser avec un tel ph´enom`ene.» [Arundhai Roy, Le Dieu des Petits Riens, Folio Gallimard, 1998, p. 81] «Lorsqu'il retira son masque, en sortant dans l'air frais du matin, il se rendit compte qu'il venait d'absorber une dose massive d'un lointain recoin de la r´ealit´e dont une grande majorit´e du pays ne soup¸connait m^eme pas l'existence. Cela jeta une lumi`ere enti`erement neuve sur le concept de dinde de No¨el garnissant un rayonnage de supermarch´e.» [Tristant Egolf, Le seigneur des porcheries, Folio, Gallimard, p. 218] « Du palais royal je ne dirais rien, parce que nous ne l'avons aper¸cu que de loin et n'avons appris que ce que les Chinois nous en ont dit, choses si extraordinaires qu'il est `a craindre de les rapporter. C'est pourquoi je n'en traiterai pas pour l'instant, car je dois plus avant faire le r´ecit de ce que nous v^imes dans celui de la ville de P´ekin, et j'avoue redouter d´ej`a d'avoir `a rendre compte du peu m^eme que nous en observ^ames. Non que cela puisse para^itre ´etrange `a qui a vu les autres merveilles de ce royaume de Chine, mais parce que je crains que ceux qui voudront mesurer l'abondance de ce qui se trouve dans les contr´ees qu'ils n'ont point vues `a l'aune du peu qu'ils voient dans les contr´ees o`u ils ont grandi ne veuillent opposer le doute - ou peut-^etre refuser tout cr´edit - `a ces choses, qui ne s'accordent pas `a leur entendement et `a leur pauvre exp´erience.» [Fern~ao Mendes Pinto, P´er´egrination, Minos, La Diff´erence, 2002, 88, pp. 327-328] 6 Table des mati`eres Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Liste des figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 I Avant-Propos 15 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Remarques Typographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 II Probl`eme 23 1 Pr´esentation et port´ee du probl`eme 25 2 Analyse du probl`eme 35 2.1 Contenu non-conceptuel et contenu conceptuel . . . . . . . . 35 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel . . . . . . 37 2.2.1 Repr´esentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.2.2 Caract`ere ´epist´emique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 2.2.2.1 Caract`ere ´epist´emique fort . . . . . . . . . . 41 2.2.2.2 Caract`ere ´epist´emique faible . . . . . . . . . 41 2.2.2.3 Caract`ere non-´epist´emique fort . . . . . . . . 42 2.2.2.4 Caract`ere non-´epist´emique faible . . . . . . . 43 2.2.3 Sens/R´ef´erence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 2.3 Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 2.3.1 Individuation du concept . . . . . . . . . . . . . . . . 45 2.3.2 Cat´egoricit´e du concept . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 2.3.3 Combinaison de concepts . . . . . . . . . . . . . . . . 54 2.3.4 Apprentissage du concept . . . . . . . . . . . . . . . . 59 2.3.5 Publicit´e du concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 8 TABLE DES MATI`ERES 3 Conceptions du concept 69 3.1 Th´eorie classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 3.2 Th´eorie-th´eorie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 3.3 Exemplaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 3.4 Prototypes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87 3.5 Empirisme conceptuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 3.6 Atomisme conceptuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 3.7 R^oles conceptuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 III Bases pour une approche dynamique du concept 119 4 Liminaires 121 5 Inf´erence 141 5.1 La distinction des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept . . . . . . . . . . . . . 147 5.3 Inf´erence et compositionalit´e . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts . . . . . . . . . . . . . . . . 162 6 Changement conceptuel 181 6.1 Raisons pour de changer de concept . . . . . . . . . . . . . . 184 6.1.1 De la non pertinence av´er´ee du concept . . . . . . . . 184 6.1.2 Deux concepts cor´ef´erentiels diff´erents entra^inent la r´evision ou l'abandon de l'un des deux au moins. . . . 186 6.1.3 L'affaiblissement ou le renforcement des raisons garantissant l'usage du concept entra^ine la r´evision de celui-ci . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190 6.1.4 La modification de l'extension du concept modifie celui-ci . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192 6.1.5 Toute suspicion sur l'usage ou l'application du concept doit conduire `a sa r´evision . . . . . . . . . . . . . . . . 193 6.2 R´equisits d'un changement de concept . . . . . . . . . . . . . 195 6.2.1 Les concepts d'un agent doivent ^etre consistants . . . 199 6.2.2 Les concepts d'un agent doivent ^etre clos inf´erentiellement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 6.2.3 Principe de remise en cause positive . . . . . . . . . . 201 TABLE DES MATI`ERES 9 6.2.4 Principe de remise en cause n´egative . . . . . . . . . . 202 6.2.5 Principe de pr´ef´erence dans le changement . . . . . . . 203 6.2.6 Principe de minimalisation dans le changement . . . . 204 6.2.7 Principe de correspondance cat´egorielle . . . . . . . . 205 7 Concept et croyance 209 7.1 Expansion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 7.1.1 Expansion de croyance . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 7.1.2 Expansion de concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 7.1.2.1 Expansion de l'application du concept . . . . 210 7.1.2.2 Expansion de l'usage du concept . . . . . . . 210 7.1.2.3 Pourquoi parler de changement de concept plut^ot que de remplacement ? . . . . . . . . . 212 7.2 Contraction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 7.2.1 Contraction de croyance . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 7.2.2 Contraction de concept . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 7.2.2.1 Contraction d'application de concept . . . . 214 7.2.2.2 Contraction d'usage du concept . . . . . . . 215 7.3 R´evision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 7.3.1 R´evision de croyance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215 7.3.2 R´evision de concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216 7.3.2.1 R´evision de l'application du concept . . . . . 216 7.3.2.2 R´evision d'usage du concept . . . . . . . . . 217 7.3.2.3 Changement de conception . . . . . . . . . . 218 8 Conclusions et perspectives 221 8.1 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 8.2 Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 IV Annexes 229 9 Connaissance et incertitude. 231 10 Tracking Agency 239 10.0.1 Abstract . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 10.1 Individuation : Creating and Maintaining Reference . . . . . 240 10.1.1 Reference to Objects vs. Reference to Agents in Infants240 10 TABLE DES MATI`ERES 10.2 Perceptual Tracking of Individuals . . . . . . . . . . . . . . . 243 10.2.1 Object Files and Their Dynamics . . . . . . . . . . . . 244 10.2.2 From Object Files to Infants' Representation of Objects245 10.2.2.1 Proto-objects vs. commonsense objects . . . 245 10.3 Perceptual Tracking of Agency . . . . . . . . . . . . . . . . . 246 10.3.1 Extending the File Notion to Agents . . . . . . . . . . 248 10.3.1.1 Agent Files vs. Agency Cues . . . . . . . . . 249 10.4 Object vs. Agent Tracking : Empirical Directions . . . . . . . 250 10.4.1 Object vs. Agent File Fixation Cues . . . . . . . . . . 250 10.4.2 Object vs. Agent File Preserving Properties . . . . . 252 10.4.2.1 An Objectual Bias in Agent Files Preservation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 10.4.3 Object vs. Agent File Content . . . . . . . . . . . . . 254 10.5 Are There Really Agent Tracking Mechanisms ? . . . . . . . . 255 10.6 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257 11 Percept 259 11.0.1 Abstract . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 11.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259 11.2 The conceptual and non-conceptual contents . . . . . . . . . 260 11.2.1 The epistemic and non-epistemic levels . . . . . . . . 262 11.2.2 The representational aspect . . . . . . . . . . . . . . . 265 11.2.3 Proto-judgments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 11.3 The use of proto-judgments in explaining the M¨uller-Lyer illusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270 11.3.1 The theoretical levels of experience . . . . . . . . . . 273 11.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 Bibliographie 279 Index 302 Liste des tableaux 3.1 Table de v´erit´e de la conjonction . . . . . . . . . . . . . . . . 94 5.1 Table de v´erit´e de la conjonction . . . . . . . . . . . . . . . . 165 12 LISTE DES TABLEAUX Table des figures 2.1 Illusion de constance de taille (image : David Falco) . . . . . 35 2.2 Constance de taille (image : David Falco) . . . . . . . . . . . 36 2.3 Contraste dans l'illusion de constance de taille (image : David Falco) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 8.1 Sch´ema r´ecapitulatif de la structure du niveau conceptuel et du niveau non-conceptuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228 10.1 Playing`footsie' and agent individuation . . . . . . . . . . . . . . 247 10.2 The Asteroids Game : objects vs. agents . . . . . . . . . . . . . . 251 11.1 M¨uller-Lyer illusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271 14 TABLE DES FIGURES Premi`ere partie Avant-Propos Remerciements Le travail pr´esent´e ici est une th`ese de philosophie. Il ne faut pas le consid´erer comme une oeuvre de philosophie, mais comme un exercice d'´ecole. Je le consid`ere comme un travail autonome, mais aussi dans la continuit´e de mes m´emoires de ma^itrise - « La querelle des id´ees abstraites entre Locke et Leibniz et ses prolongements dans le d´ebat contemporain » - et de DEA (Dipl^ome d'´Etudes Approfondies) - « Le probl`eme des abstraits math´ematiques chez Frege, Husserl et dans la philosophie de l'arithm´etique contemporaine », tous deux pr´esent´es `a l'universit´e Paris 4 Sorbonne. Cette th`ese achevant un cycle de formation en philosophie, j'aimerais en profiter pour remercier tous ceux qui m'auront initi´e `a cette discipline et me l'auront enseign´e. J'ai b´en´efici´e durant les ann´ees 2001 `a 2004 d'une Allocation de Recherche de la part du Minist`ere Fran¸cais de la Recherche, ce qui m'a permis de financer durant ces ann´ees cette recherche. Cette allocation ´etait coupl´ee `a un Monitorat `a l'Universit´e Paris 4, ce qui m'a permis de m'initier `a l'enseignement. Je voudrais remercier ici ces institutions, mes coll`egues et les ´etudiants qui auront suivi mes enseignements et de qui j'ai beaucoup appris en retour. Depuis 2001, l'Institut Jean Nicod (cnrs/ehess/ens) m'a accueilli parmi ses ´etudiants. J'avoue avoir trouv´e l`a une atmosph`ere et des conditions de travail sans lesquelles ce travail n'aurait jamais les formes qu'il a actuellement, et peut-^etre resterait-il une th`ese sans sujet ni chapitre. Ces ann´ees pass´ees `a l'institut furent capitales dans ma formation, notamment en sciences cognitives, et les divers s´eminaires, universit´es d'´et´e, conf´erences et autres modes de collaboration ont ´et´e autant de possibilit´es de partage d'id´ees extr^emement stimulants. Je tiens `a remercier chaleureusement 18 l'ensemble des membres de l'institut. Je ne compte pas le nombre de discussions et d'´echanges divers que j'ai pu avoir durant ces ann´ees, je voudrais remercier tous ces interlocuteurs, et en particuliers mes co-auteurs et collaborateurs `a la European Review of Philosophy : Dario Taraborelli, Nausicaa Pouscoulous, Christine Van Geen, `Angeles Era~na, Nivedita Gangopadhyay, Paul ´Egr´e, Nicolas Bullot, Damian Justo, Julien Dutant, Beno^it Hardy-Vall´ee, David Nicolas. Merci ´egalement `a David Falco pour ses images. Je tiens `a remercier l'ensemble des membres du jury qui ont lu et examin´e ce travail : G¨oran Sundholm, Pierre Livet, Jacques Dubucs, et Pierre Jacob. Merci aussi `a ´Elisabeth Pacherie pour son avis sur une version pr´eliminaire de ce travail. Merci `a J´er^ome Dokic et Pierre Livet d'avoir r´edig´e les pr´e-rapports de ce travail. S'il me fallait formaliser ma dette envers Pascal Engel, je serais oblig´e d'employer un quantificateur universel non restreint, tant je lui dois. Je ne sais comment le remercier. Ce travail lui est est d´edicac´e. Remarques typographiques Le symbolisme utilis´e a vocation de faciliter la lecture. Dans la mesure du possible toute introduction de signe logique a ´et´e expliqu´ee et toute formule paraphras´ee, de sorte que le texte devrait se suffire `a lui-m^eme. Typographie Les petites capitales d´esignent des concepts. Les italiques d´esignent des propri´et´es. Les `guillemets simples' encadrent des termes lexicaux. Symboles ¬ n´egation : inverse la valeur de v´erit´e de la formule pr´efix´ee de ce signe. conjonction : la formule est vraie lors que le terme imm´ediatement `a gauche et le terme imm´ediatement `a droite de ce signe sont vrais. disjonction inclusive : correspond au `ou' de la langue fran¸caise. La formule est vraie si au moins un des termes situ´es imm´ediatement `a gauche ou imm´ediatement `a droite du signe est vrai, fausse sinon. implication : la formule est vraie si le signe situ´e `a droite de la fl`eche est vrai ou si le terme `a gauche et le terme `a droite du signe sont tous les deux faux. biconditionnel : la formule est vraie si et seulement si les termes `a gauche et `a droite du signe ont la m^eme valeur de v´erit´e. inclusion : le terme situ´e `a gauche du signe appartient au terme situ´e `a droite du signe. - barre de jugement : la formule pr´efix´ee de ce signe est un jugement. 20 barre d'assertion : la formule pr´efix´ee de ce signe est un jugement tenu pour vrai. barre de d´en´egation : la formule pr´efix´ee de ce signe est un jugement tenu pour faux. |= barre de tautologie : la formule pr´efix´ee de ce signe est logiquement vraie. 2 n´ecessit´e : la formule pr´efix´ee de ce signe est vraie dans tous les mod`eles. 3 possibilit´e : la formule pr´efix´ee de ce signe est vraie dans au moins un mod`ele. intersection ensembliste : les ´el´ements communs aux ensembles situ´es `a droite et `a gauches du signe forment un ensemble. union ensembliste : les ´el´ements des ensembles situ´es `a gauche et `a droite du signe forment un ensemble. x, y, z . . . variable : le symbole peut ^etre subsitut´e dans la formule par n'importe quelle constante d'ensemble qu'elle repr´esente. a, b, c . . . constante : le symbole vaut pour un individu. A, B, C constante de pr´edicat : le symbole vaut pour un pr´edicat. , . . . formule : le symbole vaut pour une formule. lambda : la variable li´ee par ce symbole est abstraite de la formule dans laquelle elle appara^it. op´erateur de Hilbert : la formule pr´efix´ee de ce symbole a une extension. op´erateur de Russell : la variable pr´efix´ee de ce symbole ne vaut que pour un seul individu. , , . . . constante de concept : le symbole vaut pour un concept. indication de concept : la formule entre ces crochets est un concept. a1, an indice : num´eration de la constante indic´ee. , , . . . constante de jugement : le symbole vaut pour un jugement. compatibilit´e : le terme `a gauche du signe est compatible avec le terme `a droite du signe. incompatibilit´e : le terme `a gauche du signe n'est pas compatible avec le terme `a droite du signe. 21 quantificateur existentiel : un individu au moins substitu´e `a la variable li´ee par ce symbole v´erifie la formule pr´efix´ee. quantificateur universel : tous les individus substitu´es `a la variable li´ee v´erifient la formule. contradiction : la formule est simultan´ement vraie et fausse. d´erivation conceptuelle : la formule `a droite du signe est un concept d´eriv´e de la formule situ´ee `a gauche du signe. non d´erivation conceptuelle : la formule `a droite du signe est un concept qui ne peut pas ^etre d´eriv´e de la formule situ´ee `a gauche du signe. inclusion conceptuelle : le concept situ´e `a gauche du signe est compris dans le concept situ´e `a droite du signe. exclusion conceptuelle : le concept situ´e `a gauche du signe n'est pas inclus dans le concept situ´e `a droite du signe. r´evision : la formule expos´ee de ce signe est r´evis´ee. - ´elimination conceptuelle : la formule situ´ee `a gauche du signe est retir´ee de la formule situ´ee `a droite du signe. variable non-conceptuel : le symbole indique un contenu nonconceptuel. F fonction : le symbole vaut pour une fonction. f fonction de correction : le symbole vaut pour une fonction de correction. M mod`ele : le symbole d´esigne le mod`ele d'´evaluation d'une formule. Ponctuation L`a o`u il a ´et´e jug´e n´ecessaire de clarifier le texte, des symboles de ponctuation ont ´et´e introduits. ( ) parenth`eses : les termes `a l'int´erieur des parenth`eses forment une formule. Toujours sym´etriques. [ ] crochets : remplacent les parenth`eses lorsque la profondeur est ´egale ou sup´erieure `a deux. Toujours sym´etriques. { } accolades : les termes `a l'int´erieur des accolades forment un ensemble. Toujours sym´etriques. 22 , virgule : dans les formules, s´eparent les termes list´es. < > crochets pointus : les termes entre ces signes sont ordonn´es. Toujours sym´etriques. Citations Les citations ont ´et´e laiss´ees en langue originale dans le corps du texte et traduites en note. La traduction est personnelle et seul l'original est tient lieu de r´ef´erence. Deuxi`eme partie Probl`eme Chapitre 1 Pr´esentation et port´ee du probl`eme La question de savoir ce qu'est un concept court `a peu pr`es tout le long de la philosophie. Essayer de faire une histoire de cette notion revient plus ou moins `a faire une histoire de la philosophie. Comprendre ce qu'est un concept c'est tout simplement vouloir comprendre comment il se fait que je pense que l'objet qui est devant moi est une tasse lorsque c'est une tasse, et que vous - qui ^etes diff´erents de moi - pensiez aussi que c'en est une, si bien que nous pouvons communiquer, ´echanger quelque chose `a propos du monde. En bref : comment un agent cognitif peut penser `a quelque chose `a propos du monde ? Cette question para^it na¨ive et pas bien diff´erente de celles que posent les enfants et qui agacent les adultes. C'est pourtant `a cette question que cette ´etude s'attaque. Plus sp´ecifiquement encore, la question centrale de ce travail est le changement de concept. Comment un agent cognitif qui poss`ede un concept peut le modifier en fonction de l'exp´erience et d'informations nouvelles qu'il pourrait avoir. Mais bien s^ur, une exp´edition, aussi bien pr´epar´ee soit elle, se r´ev`ele toujours ^etre diff´erente que pr´evue, sur le terrain. Le plan initial de cette recherche ´etait de comprendre qu'elle ´etait la structure logique du concept, ´etant entendu que celui est l'entit´e mentale qui permet `a un agent cognitif qui la poss`ede de pouvoir penser `a plusieurs ´el´ements diff´erents poss´edant une m^eme propri´et´e. Cet angle d'attaque s'inspirait de recherches pr´ec´edemment men´ees, d'une part sur les id´ees abstraites et la querelle 26 Pr´esentation et port´ee du probl`eme `a leur propos chez Locke, Leibniz et ses prolongements dans le d´ebat contemporain, notamment chez Putnam et Goodman, et une ´etude sur la fonction des entit´es abstraites dans les math´ematiques, en partant de Frege, Husserl jusqu'`a la philosophie de l'arithm´etique contemporaine. Croisant ces deux ´etudes, le concept devait ^etre quelque chose comme une entit´e abstraite ayant la m^eme fonction qu'un terme g´en´erique, mais restait `a savoir comment cela se passait dans l'esprit. Les ´etudes sur le concept sont tr`es nombreuses depuis une trentaine d'ann´ees, motiv´ees par la linguistique d'une part, les avanc´ees de l'intelligence artificielles et de la psychologie d'autre part. Ces terrains de recherches n'ont pas toujours travaill´e de concert, mais s'ils sont regroup´es, parfois un peu artificiellement, sous le label « science cognitives ». Les donn´ees dans tous ces domaines sont si nombreuses et vari´ees qu'il aurait ´et´e impossible m^eme d'esp´erer de les traiter toutes. Ma formation ´etant philosophique, l'axe choisi est philosophique. Il se fixe particuli`erement autour de trois auteurs : Jerry Fodor, auteur du Concepts, Where Cognitive Sciences Went Wrong de 1998, qui a fait grand bruit, Jesse Prinz, avec son Furnishing the Mind : Concept and Their Perceptual Basis de 2002, qui est une r´ef´erence qu'il faut discuter m^eme si son ouvrage est imparfait sous bien des aspects, et le A Study of Concepts de 1992, de Christopher Peacocke, qui reste sans doute l'ouvrage le plus aboutit sur la question des concepts. Cette pr´esente ´etude s'en inspire beaucoup et en reprend l'approche normative et th´eorique. Mais comme les exp´editions polaires, alors que l'on planifiait un p´eriple de cent cinquante kilom`etres, l'avance sur le terrain est d'une petite dizaine seulement. Ce qui pourrait se prendre comme un ´echec sur le papier, peut cependant se r´ev´eler suffisant dans la pratique. L'objet de ce travail a donc ´evolu´e durant ces quatre ann´ees, et au final c'est un probl`eme dans le probl`eme qui se retrouve au centre de l'analyse : le changement de concept. Comment un agent cognitif poss´edant un concept peut adapter celui-ci `a son exp´erience ou `a ses autres concepts ? Que devient par exemple le concept baleine que Paul poss´edait lorsqu'il pensait que les baleines ´etaient des poissons et qu'il sait maintenant que ce sont des mammif`eres ? Qu'est-ce qui a chang´e dans la repr´esentation du monde du fils de Carolyn qui ne nommait `canards' tous les oiseaux aquatiques et qui maintenant 27 appelle certains `h´erons' et d'autres `sternes' ? Est-ce que Pascal a modifi´e quelque chose dans sa mani`ere de voir le monde lorsque Pierre lui apprend les r`egles d'arbitrage du sabre ? Quels changements s'op`erent dans les agents cognitifs lorsqu'ils passent d'une cosmogonie g´eocentrique `a une cosmogonie h´eliocentrique ? La dame qui se plaignait d'arthrite en se frottant la cuisse, a-t-elle toujours mal `a la cuisse ou doit-elle avoir des douleurs dans le genou maintenant que le m´edecin lui a dit que l'arthrite ´etait une inflammation articulaire ? ´Evidemment, pour pouvoir examiner la question du changement de concept et savoir s'il est possible de parler de changement au niveau du concept - le changement impliquant une dynamique et la conservation de certains ´el´ements au sein du concept alors que d'autres sont modifi´es selon certaines conditions - ou bien s'il n'y a qu'un remplacement de concept par un autre lors d'un changement de situation, il faut savoir ce qu'est un concept. La premi`ere partie de cette ´etude, « Analyse du probl`eme », porte sur la notion de concept et sur son domaine, en particulier de ce qui distingue le concept de ce qui ne l'est pas, en d'autres termes, le non-conceptuel. De cette distinction de domaines, se d´egagent les caract´eristiques de ce qu'un concept doit avoir pour ^etre un concept. `A partir de cela, dans la section « Litt´erature sur le concept », je pr´esente bri`evement et discute les positions les plus saillantes et dominantes des trois derni`eres d´ecennies sur les concepts. Cette discussion n'est pas exhaustive et, m^eme si elle se veut franche et honn^ete est certainement caricaturale. La principale conclusion on s'en doute est qu'aucune de ces th´eories en parvient r´eellement `a rendre compte du probl`eme du changement de concept. De fait, dans une seconde partie, « Bases pour une approche dynamique du concept », en particulier dans le chapitre « Liminaires » je propose une structure pour comprendre plus finement l'entit´e mentale qui permet `a un agent qui la poss`ede `a la fois de d´esigner des objets de l'environnement dans lequel il ´evolue, et de mettre en relations ces repr´esentations entre elles. Le concept se retrouve ^etre une entit´e complexe dot´ee d'une extension - une application `a un objet diff´erent du concept - et d'une intension - des liaisons inf´erentielles avec d'autres concepts ou entit´es mentales. De plus, il faut supposer que l'agent poss`ede une sorte de th´eorie cognitive 28 Pr´esentation et port´ee du probl`eme na¨ive, qu'il soit en mesure de penser le point de vue d'un autre agent sur l'objet qu'il repr´esente. Par exemple, face `a un animal, je peux penser que l'objet en question est un ours polaire, dans ce cas j'applique le concept ours polaire `a cet objet, je peux ^etre en mesure de me dire que si l'objet en question fait tel ou tel mouvement ou a telle r´eaction alors je vais tirer une salve de semonce, dans ce cas je relie inf´erentiellement le concept ours polaire au concept danger, et je peux me dire qu'un biologiste par exemple pourrait corriger ma repr´esentation en me disant que ce n'est pas un ours polaire mais un renne par exemple. Mais cela implique d'une mani`ere ou d'une autre que je me pose la question de ce qu'un scientifique penserait de l'objet que j'ai en face de moi. Cela para^it ^etre une contrainte tr`es forte. Elle l'est. Mais cela ne signifie pas que pour chaque repr´esentation que l'agent a du monde, il se pose effectivement la question. La contrainte dit simplement qu'il doit pouvoir le faire. C'est l`a l'un des traits fondamentaux de la th´eorie des concepts d´efendue ici, et c'est ce qui distingue le concept des niveaux non-conceptuels du traitement de l'information qui provient de l'exp´erience, et ce qui distingue aussi la th´eorie des concepts d´efendue ici des autres th´eories des concepts, en particulier de celles expos´ees dans la premi`ere partie. Cette analyse du concept est th´eorique et a priori, c'est ce qui en fait sa faiblesse sans doute - et pourquoi les psychologues se demandent `a quoi elle peut servir - mais ´egalement ce qui en fait sa force, dans la mesure o`u elle permet de faire un certain nombre de pr´edictions, qu'il ne serait sans doute pas inint´eressant de valider ou d'infirmer exp´erimentalement. Mais c'est l`a un prolongement qui reste `a faire. Chaque chose en son temps. La structure complexe du concept expos´ee dans les « Liminaires » de la seconde partie, repose sur la notion d'inf´erence et de l'importance accord´ee aux relations entre les concepts. L'inf´erence est une certaine relation entre des entit´es compatibles, c'est une notion logique qu'il faut expliquer et examiner plus avant, afin de comprendre comment sa structure implique certaines contraintes sur les entit´es auxquelles elle s'applique. En simplifiant beaucoup on pourrait dire que les th´eories des concepts se soucient d'abord peu ou pas du tout de la notion de non-conceptuel et ne cherchent pas `a diff´erencier ces deux notions, mais ´egalement qu'elles consid`erent que le seul but ou du moins la vocation principale du concept est de cat´egoriser 29 le monde. Ainsi la th´eorie du concept devient une th´eorie de la classification. Il y a deux mani`eres, pour le dire rapidement, de ranger une chambre : l'une consiste `a prendre des bo^ites sur lesquelles on ´ecrit ce qu'elles doivent contenir et on cherche dans le bazar s'il y a quelque chose qui entre dans la bo^ite, ou bien on fait des tas `a partir des jouets ´eparpill´es en fonction de ressemblances qu'ils peuvent plus ou moins avoir entre eux, et lorsque les tas sont suffisamment gros, on les met dans des bo^ites. La premi`ere m´ethode est intensionnelle, la seconde extensionnelle. Il m'a toujours sembl´e surprenant que suivant la m´ethode choisie, la chambre n'´etait pas du toute rang´ee de la m^eme mani`ere. En un sens cela semble ´evident, mais d'un point de vue logique, on pourrait se dire qu'en d´efinitive, comme il s'agit des m^emes objets et de la m^eme personne qui les range, le r´esultat devrait ^etre plus ou moins le m^eme. Et bien non. Pire, les deux m´ethodes ne sont pas compatibles sur la totalit´e de leur d´eveloppement, et pourtant pour finir de ranger la chambre, c'est-`a-dire, pour la ranger compl`etement, il faut faire appel aux deux. Ce sont ces derniers objets dont on ne sait jamais quoi faire et qu'on met arbitrairement dans une bo^ite ou dans une autre `a la fin du rangement. Cela s'explique logiquement, c'est ce que montre le th´eor`eme de Ramsey - ce r´esultat de logique combinatoire ´etablie simplement que si l'on d´ecide de ranger un certain nombre d'objet dans un nombre plus petit de boites, alors forc´ement plus au moins deux objets se retrouveront dans une m^eme boite, ce r´esultat est na¨ivement trivial, mais logiquement il dit que pour tout coloriage de n-uplets d'entiers en un nombre fini de couleur, il existe un ensemble infini homog`ene et cela cause un probl`eme lorsque dans une classification on remplace les couleurs par des labels et les entiers par des objets, cela cr´e´e des boucles qui emp^eche de retrouver certains objets pourtant class´es. Or si le concept nous permet effectivement de classer les ´el´ements du monde, il ne fait pas que cela, parce que lorsqu'on met les derniers objets qui ne ressemblent `a rien dans une bo^ite au hasard en se disant que de toute mani`ere il y a peu de chance qu'on en ait besoin tout de suite, on poss`ede bien un concept de ces choses-l`a. Tout ce qui nous appara^it en fait est d´ej`a conceptualis´e. La mani`ere d'expliquer des deux aspects du concept, le fait qu'il s'applique `a un objet et qu'il est reli´e `a d'autres, est de rendre compte de son aspect intensionnel. L'aspect intensionnel du concept est l'ensemble des relations qu'il entretient avec d'autres concepts. De sorte que les concepts forment des trames, des conceptions, sur lesquelles se d´eveloppent 30 Pr´esentation et port´ee du probl`eme les croyances, les connaissances, les jugements, les d´esirs, les plans d'actions et tout autre ´etat mental d'ordre sup´erieur. Cela implique que la th´eorie des concepts soutenue ici est holistique, du moins partiellement. Les connexions au niveau de la trame sont inf´erentielles, ce qui explique le chapitre « Inf´erence » consacr´e `a cette question. Le point de focal de l'´etude du concept men´e ici est le changement de concept. Pourquoi avoir choisi cet axe ? Parce qu'il suppose de comprendre non seulement ce qu'est un concept, mais ´egalement comment un agent cognitif le poss`ede et l'apprend, et aussi comment les agents peuvent partager et communiquer des repr´esentations mentales. C'est donc un angle relativement complet sur le concept. C'est aussi une question qui n'est pas ou que tr`es peu abord´ee d'un point de vue philosophique. Il existe des ´etudes, notamment le livre de Susan Carey, Conceptual Change in Childhood de 1987 sur la question, mais g´en´eralement le concept est consid´er´e de mani`ere statique, et il est surprenant de ne pas trouver, ne serait-ce dans les trois ouvrages de Fodor, Prinz et de Peacocke, pr´ec´edemment cit´es, de th´eorie pr´ecise sur la question. Quant aux ´etudes sur les changements de concepts th´eoriques, telles que celles de Thomas Kuhn par exemple, elles ne rel`event pas de la question des concepts au sens entendu ici, mais du remplacement de termes th´eoriques au sein de th´eories scientifiques. Je pr´etends que ces changements s'op`erent au niveau des conceptions et non pas au niveau des concepts eux-m^emes. Quelqu'un m'objectait lors d'une conf´erence qu'une th´eorie du changement de concept devait trancher la question de la nature corpusculaire ou ondulatoire de la lumi`ere, au sens ou il y a deux concepts de lumi`ere pour un m^eme ph´enom`ene. Je continue `a penser que dans ce cas nous avons deux concepts mutuellement exclusifs d´ecrivant un m^eme ph´enom`ene suivant des points de vue diff´erant. En appliquant l'un ou l'autre nous ne changeons pas le concept lumi`ere mais nous changeons de concepts, nous passons du concept lumi`erecorpuscule au concept lumi`ereonde comme on passe du concept ours polaire au concept renne lorsqu'on s'est tromp´e dans l'identification d'un objet du monde. Lorsqu'il est question ici de changement de concept, il est question de changement au sein d'un m^eme concept. Par exemple, est-ce que le fait de se retrouver dans un environnement o`u vous devez porter un fusil 7,62 et constamment scruter `a la jumelle le paysage pour ´eviter les ours 31 polaires, ajoute quelque chose `a votre concept ours polaire. Je pense que oui. Je pense que quelqu'un qui a d´ej`a eu en face de lui un ours polaire n'a pas le m^eme concept que celui qui n'a pas fait cette exp´erience. Or nous parlerons bien de la m^eme chose, nous utiliserons bien de la m^eme mani`ere le m^eme concept, mais n'en aurons pas le m^eme contenu. La diff´erence des contenus li´es `a l'exp´erience, d´epend de ce que j'appelle ici le contenu cognitif du concept. Mais lorsque nous communiquons, lorsque nous parlons par exemple des ours polaires, nous discutions en postulant - c'est l`a qu'intervient la th´eorie na¨ive de l'esprit - que notre interlocuteur entend la m^eme chose que nous par ce concept, ou par le terme lexical li´e `a celui-ci. Lorsque je parle des ours polaires je ne m'imagine pas que vous ayez d´ej`a ´evolu´e au Svalbard avec un fusil `a l'´epaule, et que m^eme si vous n'avez pas crois´e d'ours, le simple fait de devoir le craindre ait ajout´e quelque chose `a votre concept. Je m'imagine que vous poss´edez au moins le concept commun d'ours polaire, ce que j'appelle ici le contenu canonique du concept. Contenu qui se situe au niveau du sens commun. L'id´ee d´efendue ici est que le concept peut ´evoluer. Que je peux avoir un concept d'ours polaire qui peut ´evoluer dans le temps, suivant l'exp´erience et la connaissance que je peux avoir des ours polaires. Dire que le concept change c'est dire que quelque chose reste commun `a la nouvelle version du concept et `a sa ou ses versions pr´ec´edentes. Par exemple je peux savoir toujours la m^eme chose biologiquement de l'ours polaire, mais ne pas appliquer ce concept aux m^emes objets du monde, ou au contraire l'appliquer aux m^emes objets mais changer mes croyances ou connaissances `a son sujet. Dans le chapitre « Changement conceptuel » j'examine ce qui peut conduire un agent cognitif `a changer de concept, qu'elles sont les raisons qui d´eterminent ou devraient d´eterminer ce changement, et comment ce changement doit ou devrait se faire pour parler de changement au sein du concept et non pas de changement de concepts, c'est-`a-dire du remplacement d'un concept par un autre. La distinction entre le concept et la conception, c'est-`a-dire entre l'entit´e isol´ee qui permet `a un agent qui la poss`ede de repr´esenter le monde d'une part, et la trame form´ee par l'ensemble ou une partie des concepts poss´ed´es par cet agent, implique d'expliquer les diff´erences entre ces deux niveaux, 32 Pr´esentation et port´ee du probl`eme au moins sur la question du changement. L'id´ee suivie dans le chapitre « Concept et croyance » est de prendre comme cas paradigmatique de conception, les croyances, et d'expliquer en quoi le changement de croyance est diff´erent du changement de concept. Si le concept est consid´er´e comme l'entit´e mentale qui permet de constituer des ´etats mentaux d'ordres sup´erieurs, que la croyance se situe `a un niveau sup´erieur que le concept, le changement de croyance doit ^etre plus sp´ecifique que le changement de concept. Il reste `a savoir s'il est possible d'isoler le concept et de l'´etudier ind´ependamment de toutes ses applications ou utilisations. Si les croyances, les connaissances, les jugements, les d´esirs, les plans d'actions et autres ´etats mentaux sont constitu´es de concepts, c'est que leurs ´etudes et analyses requi`erent n´ecessairement de se pencher sur le concept. Ils en sont en quelque sorte d´ependants. Cependant, le concept est-il ind´ependant de ces ´etats mentaux ? Un agent cognitif a-t-il des concepts et ensuite des ´etats mentaux d'ordre sup´erieur, ou bien poss`ede-t-il directement des ´etats mentaux d'ordres sup´erieurs qui sont compos´es en partie de concept ? Y a-t-il un concept sans croyance ? L'´etude pr´esent´ee ici reste ambigu¨e sur cette question. L'analyse abstraite du probl`eme et la structure propos´ee du concept, sont th´eoriques et a priori, ce qui permet de parler du concept de mani`ere isol´ee. D'un autre c^ot´e, la th´eorie pragmatique mise en avant ici, en insistant sur la nature inf´erentielle du concept, suppose que le concept est toujours utilis´e avec d'autres concepts, c'est-`a-dire au niveau des conceptions, et si les ´etats mentaux se situent au niveau des conceptions, cela signifie que le concept est toujours utilis´e, pratiquement, dans une croyance, un jugement, un d´esir, un plan d'action ou quelque chose de cet ordre-l`a. C'est la position que je tiendrais pour le moment sur cet aspect de la question. Reste aussi celle de savoir si les agents cognitifs dont il est constamment dans cette ´etude sont des agents humains ou non. ´Evidemment ce sont des agents humains, du moins je ferai l'hypoth`ese que les humains poss`edent des concepts. Mais les concepts agent cognitif et agent humain ne sont pas strictement synonymes, et rien n'emp^eche que d'autres esp`eces - en particulier parmi les grands primates - soient compos´ees d'agents cognitifs, du 33 moment que ces agents soient capables de r´epondre aux r´equisits de possession du concept, en particulier avoir une th´eorie na¨ive de l'esprit qui leur permet d'attribuer `a autrui des repr´esentations mentales similaires aux leurs. Cette remarque tient compte de la distinction que je fais entre les contenus conceptuels et non-conceptuels, et en particulier avec la notion de percept qui est non-conceptuelle mais permet d´ej`a une forme de cat´egorisation et d'inf´erence `a un niveau diff´erent que le niveau conceptuel. D'autres esp`eces, et en principe toute entit´e dot´ee d'un syst`eme d'´echange d'information avec son environnement - que ce soit une an´emone ou un robot - poss`ede un traitement non-conceptuel du contenu de cette information, et si elle est dot´ee d'un syst`eme de m´emoire et de r´ecup´eration de l'information stock´ee dans cette m´emoire, elle peut m^eme poss´eder des percepts. La possession de concept requiert un traitement de la repr´esentation au sens de correction d'´evaluation d'application ou d'utilisation du traitement de l'information. Cette conception du concept disqualifie un certain nombre d'entit´es comme ´etant pourvues de concepts. Par exemple une machine capable de classer automatiquement des ´echantillons sonores suivant leurs morphologies ne poss`ede pas n´ecessairement de concepts, mais est un syst`eme de cat´egorisation automatique performant, c'est tout. Cela ne veut pas dire que l'ours polaire qui me regarde ne poss`ede pas le concept bruyant avec son fusil ou bon `a manger. Le fait est que je reste neutre sur ce point dans ce travail, et que cette neutralit´e ne nuit, ce me semble, `a aucun moment, `a l'analyse th´eorique et normative du concept, telle qu'elle est men´ee ici. 34 Pr´esentation et port´ee du probl`eme Chapitre 2 Analyse du probl`eme 2.1 Contenu non-conceptuel et contenu conceptuel Dans une exp´erience, un agent cognitif traite deux types de contenus diff´erents au moins. Le premier sera dit ^etre non-conceptuel et le second conceptuel. Soit l'exp´erience suivante : Fig. 2.1 - Illusion de constance de taille (image : David Falco) 36 Analyse du probl`eme Deux personnages se tiennent dans un paysage. Les deux personnages sont per¸cus comme ayant des tailles diff´erentes. Le contenu non-conceptuel dans cette exp´erience correspond aux donn´ees de la perception qui permettent `a l'agent cognitif de voir quelque chose dans l'image. L'agent voit deux personnages du fait d'un certain agencement de formes et de contrastes qui sont capt´es et trait´es par son syst`eme visuel. Le contenu conceptuel de cette exp´erience correspond aux jugements, croyances, d´esirs, actions ou tout autre ´etat mental que l'agent peut entretenir du fait cette exp´erience. Par exemple l'agent peut dire qu'il y a deux personnages dans l'image, que le paysage derri`ere est celui du nord de la Norv`ege ou bien que les deux personnages sont de tailles diff´erentes. Imaginons qu'un agent, face `a cette image, pense que les deux personnages sont de tailles diff´erentes. Imaginons maintenant que des informations compl´ementaires sont donn´ees `a propos de cette image. Une l´egende pourrait par exemple indiquer qu'il s'agit d'une illusion de perception, ou bien quelqu'un pourrait dire `a l'agent qu'en fait les deux personnages dans l'image ont la m^eme taille, ou bien le fond de l'image pourrait dispara^itre et ne laisser visible que les deux personnages : Fig. 2.2 - Constance de taille (image : David Falco) 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel 37 Ces nouvelles informations peuvent faire changer le jugement que l'agent porte sur l'image. `A partir du contraste entre les deux types d'information, l'agent peut revenir sur son jugement selon lequel les deux personnages sont de tailles diff´erentes, et dire maintenant qu'ils sont de la m^eme taille. Fig. 2.3 - Contraste dans l'illusion de constance de taille (image : David Falco) En y regardant de plus pr`es, on s'aper¸coit que l'illusion de constance de taille perdure malgr´e ces nouvelles informations. Le jugement de l'agent a chang´e, mais cela n'a pas affect´e l'impression laiss´ee par l'exp´erience perceptive. Cette exp´erience montre la distinction entre le contenu non-conceptuel, qui se situe au niveau des informations capt´ees et trait´ees par le syst`eme perceptif de l'agent, et le contenu conceptuel qui se situe au niveau de la pens´ee et des ´etats mentaux entretenus par cet agent `a propos de cette exp´erience. 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel 2.2.1 Repr´esentation La principale diff´erence entre le contenu non-conceptuel et le contenu conceptuel est que le second est repr´esentationnel alors que le premier ne l'est pas. 38 Analyse du probl`eme La repr´esentation est le fait de rendre un ´el´ement pr´esent `a quelqu'un en le montrant ou en le faisant savoir, `a travers la restitution de traits fondamentaux de cet ´el´ement. La repr´esentation est donc une fonction qui assigne un code `a un ´el´ement. Ce code se base sur les traits fondamentaux qui caract´erisent cet ´el´ement. De fait, peut repr´esenter l'´el´ement a si est caract´eris´e par la propri´et´e p qu'instancie a. sera dit repr´esenter a s'il existe une fonction telle que : f : a : 1 si et seulement si a instancie p 0 sinon (2.1) Le contenu repr´esentationnel est donc descriptible en termes propositionnels Peacocke [1983, p. 8], et l'agent ne peut poss´eder ce contenu que s'il est en mesure de le d´ecrire, ce qui satisfait `a la contrainte de possession d'un concept, telle qu'elle est donn´ee par Peacocke [1992]. Cette contrainte affirme qu'un agent poss`ede un concept s'il poss`ede un ´etat cognitif qu'il ne peut poss´eder sans pouvoir ^etre en mesure de le d´ecrire. Mais un caract`ere plus int´eressant encore d´ecoule de la formulation de la repr´esentation telle qu'elle est ´enonc´ee ici. Si la repr´esentation est une fonction qui attribue `a un ´el´ement un code en fonction des caract`eres fondamentaux que poss`ede cet ´el´ement - par exemple le concept cheval repr´esentera Rossinante du fait que Rossinante poss`ede les caract`eres de la ´equidit´e - cela signifie que la fonction de repr´esentation est elle-m^eme ´evaluable. C'est-`adire qu'il est possible de savoir si repr´esente bien a. L'´evaluation de la fonction d'assignation, est appel´ee « correction ». La correction est l'action de rectifier, d'amender ou de ramener `a une r`egle ou une norme un ´el´ement s'il ne s'y conforme pas. L'´evaluation de la fonction d'assignation f se fait sur la base du caract`ere p que a doit v´erifier pour ^etre . Pour toute fonction de repr´esentation f il existe donc une fonction de correction ou d'´evaluation f qui permet de dire si f s'applique correctement entre a et . f : f 1 si et seulement si a instancie p 0 sinon (2.2) 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel 39 C'est du fait de cette fonction de correction, qui caract´erise la repr´esentation, que la repr´esentation peut-^etre corrig´ee et modifi´ee en fonction des nouvelles informations et la mise en ´evidence d'une erreur. En comparant les deux images, celle des deux personnages avec le fond et celle des deux m^emes personnages sans le fond, l'agent peut se rendre compte qu'en fait les deux personnages ont la m^eme taille, mais qu'une illusion intervient lorsque le fond est ajout´e. Cette illusion est caus´ee par le conflit entre les propri´et´es saillantes, qui correspondent au traits caract´eristiques qui interviennent dans la correction, propri´et´es saillantes des deux personnages d'une part, et celles de la profondeur issue des lignes fuyantes d'autre part. L'illusion dispara^it lorsque le conflit est annul´e, c'est-`a-dire lorsque le fond est supprim´e. Cependant elle r´eappara^it et persiste lorsque le fond est replac´e. Le jugement a ´et´e modifi´e entre-temps, c'est-`a-dire la repr´esentation que l'agent a de la sc`ene, mais pas l'impression par la perception. De fait le contenu conceptuel peut-^etre corrig´e, parce qu'il est repr´esentationnel. Le contenu non-conceptuel lui, n'est pas modifi´e sans une intervention sur l'exp´erience elle-m^eme - en supprimant le fond pas exemple - et donc n'est pas repr´esentationnel. Si les ´etats mentaux d'ordre sup´erieurs, tels que les jugements, croyances, connaissances, d´esirs, plans d'action ou autres peuvent ^etre modifi´es et corrig´es, c'est parce qu'ils sont compos´es de concepts. Le concept, contrairement aux ´el´ements non-conceptuels, comme le percept par exemple, est donc une entit´e repr´esentationnelle. C'est parce qu'il peut ^etre corrig´e et modifi´e qu'il est possible de parler de changement de concept. La condition de correction du concept ne conduit cependant pas n´ecessairement `a endosser une th´eorie v´erificationiste au sens fort du terme. Une th´eorie v´erificationiste consisterait `a dire que pour poss´eder un concept, l'agent devrait savoir sous quelles conditions quel concept s'applique `a tel objet. Or cela signifierait que l'agent aurait un acc`es `a la propri´et´e de l'objet ind´ependamment du concept, et en ce sens le concept deviendrait inutile. Cela serait le cas si l'agent ´etait omniscient ou assur´e de la v´erit´e de sa connaissance. Le fait qu'un agent puisse se tromper, en pensant que les baleines sont des poissons ou en prenant un chien pour un loup, montre que l'erreur est possible. 40 Analyse du probl`eme Une th´eorie v´erificationiste du concept s'oppose `a une th´eorie relativiste qui v´erifierait la th`ese de la ratification de Peacocke [1992] : Ratification Thesis : When someone possesses a particular concept, the correctness of his judgement of whether a given object falls under the concept is not determined by any of the circumstances surrounding his judgement of whether others fall under it 1 .[Peacocke, 1992, p. 193] C'est-`a-dire que la v´erit´e de l'assignation du concept ne reposerait pas sur les propri´et´es des objets, mais sur la simple utilisation du concept par l'agent. Cette th`ese refuse une objectivit´e de la signification et du contenu du concept. Or si les baleines sont des mammif`eres, c'est certainement bien du fait d'une certaine configuration de l'´etat du monde dans lequel ce concept est utilis´e. Une th´eorie qui respecterait la th`ese de la ratification s'appuie la v´erit´e de l'application du concept sur les autres concepts et ´etat mentaux poss´ed´es par l'agent. C'est-`a-dire que l'agent pense que les baleines sont des poissons du fait ce qu'il pense des poissons et ainsi de suite. Cela conduit `a un holisme g´en´eral, et tombe sous le joug des critiques faites par Fodor and Lepore [1992] selon lequel ce type de th´eorie ne d´ecrit d'autre que ce qu'elle veut bien d´ecrire. Le probl`eme est que si les baleines sont des mammif`eres, la th´eorie peut bien dire que ce sont des poissons, il n'en reste pas moins qu'elle dira quelque chose de faux. Le v´erificationisme entendu sous cette forme est en fait l'importation de la th´eorie de la preuve math´ematique, dans la th´eorie des concepts. Dans une th´eorie math´ematique de la preuve, un ´enonc´e est vrai s'il d´ecoule logiquement d'autres ´enonc´es consid´er´es comme axiomes. Une th´eorie des concepts calqu´ees sur la th´eorie de la preuve ou une th´eorie axiomatique, est bien trop na¨ive, car elle ne tient ni compte de l'´etat du monde, ni compte de l'´etat de l'agent. En somme cela revient `a dire qu'un agent est une machine qui se contente de traiter des ´enonc´es. Une th´eorie de l'esprit bas´ee sur cette conception peut se trouver chez Turing [1950]. Cependant l'esprit n'est pas une machine. Il doit prendre en compte l'environnement et le rapport que l'agent a avec lui. De fait une th´eorie 1 "Th`ese de ratification : Lorsque quelqu'un poss`ede un concept particulier, la correction de son jugement selon lequel un objet donn´e tombe ou non sous le concept n'est d´etermin´ee par aucune des circonstances entourant son jugement selon lequel d'autres objects tombent ou non sous ce concept." [NdA toutes les traductions des citations sont personnelles, l'original faisant r´ef´erence.] 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel 41 des concepts ne peut pas accepter telle quelle la th`ese de la ratification [Peacocke, 1992, p. 194]. Cela n'emp^eche pas que le concept ait des conditions d'application et que ces conditions doivent se conformer `a un principe de correction. Ce que cela signifie c'est simplement que l'intension du concept n'est pas suffisante pour d´eterminer le concept. Cependant la r´ef´erence seule n'est pas non plus suffisante puisque l'agent n'est pas omniscient. D'un c^ot´e il y a l'´ecueil du holisme, de l'autre celui de l'omniscience. La seule chose que nous pouvons dire, c'est que le concept se tient entre ces deux extr^emes. Quoi qu'il en soit, la repr´esentation n'est pas suffisante pour comprendre le concept. 2.2.2 Caract`ere ´epist´emique Si le concept est repr´esentationnel au sens donn´e pr´ec´edemment (2.2.1), cela implique que l'agent doit avoir acc`es au concept qu'il poss`ede. Cet acc`es est le caract`ere ´epist´emique du concept. Le caract`ere ´epist´emique a deux formes : une faible et une forte. 2.2.2.1 Caract`ere ´epist´emique fort Un ´etat mental est ´epist´emiquement fort si l'agent qui le poss`ede a acc`es `a ce contenu et poss`ede la connaissance de cet acc`es, c'est-`a-dire qu'il peut donner les raisons de cet acc`es et de cette possession 2. 2.2.2.2 Caract`ere ´epist´emique faible Un ´etat mental est ´epist´emiquement faible si l'agent qui le poss`ede a acc`es `a ce contenu mais ne poss`ede pas la connaissance de cet acc`es, c'est-`a-dire qu'il ne peut pas donner les raisons de cet acc`es .3 Le caract`ere ´epist´emique fort correspond `a la d´efinition classique de la connaissance comme croyance vraie justifi´ee. Le caract`ere ´epist´emique faible correspond `a une connaissance au sens commun du terme, au sens d'avoir acc`es `a quelque chose ou ^etre conscient de cette chose sans ^etre en mesure de le justifier. Cette forme de connaissance est celle que manifeste un agent 2 Cela correspond `a un crit`ere internaliste de la connaissance. 3 Cela correspond `a un crit`ere externaliste de la connaissance. 42 Analyse du probl`eme lorsqu'il dit que ce qui se tient devant lui est une chaise, sans qu'il soit capable de donner la d´efinition exacte (si tant est qu'il y en ait une) de ce qu'est une chaise. La distinction entre les deux niveaux d'´epist´emicit´e recoupe la distinction faite par Dretske [1969] entre ´epist´emique et non-´epist´emique. Cette distinction correspond `a la diff´erence qu'il y a entre le fait de voir quelque chose et le fait de voir que c'est quelque chose. Cependant, la distinction telle qu'elle est propos´ee par Dretske n'est pas suffisante. Elle ne permet pas de rendre compte de la diff´erente qu'il existe entre le fait d'^etre en mesure de dire pourquoi ce que l'on voit comme rouge est rouge. C'est-`a-dire de rendre compte du fait d'une connaissance non explicitement justifi´ee. Le type d'´epist´emicit´e faible pr´esent´ee ici est sans doute trop faible pour formuler la connaissance au sens classique du terme. Il permet cependant d'expliquer en quoi une croyance est d´ej`a une prise de position sur le monde et un d´ecoupage de l'environnement qui peut servir de base `a la connaissance, c'est-`a-dire au sens fort de l'´epist´emique donn´e ici. Le concept, en tant qu'il est repr´esentationnel doit satisfaire le caract`ere ´epist´emique faible au moins. Demander qu'il satisfasse ´egalement le caract`ere ´epist´emique fort serait trop exigeant, car cela reviendrait `a consid´erer que le concept est d´ej`a une connaissance, or tous les ´etats mentaux ne sont pas des connaissances, et si le concept est le constituant de ces ´etats mentaux, il ne peut ^etre si fort ´epist´emiquement. Si le concept est ´epist´emique, et si cette ´epist´emicit´e faible est la marque de la repr´esentation, cela signifie que le contenu non-conceptuel n'est pas ´epist´emique. Mais il y a dans l'exp´erience une attention au niveau nonconceptuel qui si elle n'est pas ´epist´emique est cependant accessible `a l'agent. Dans l'image des deux personnages avec le fond (figure 2.1), la perception discrimine bien les personnages du fond sans n´ecessairement les repr´esenter comme ´etant des personnages. Deux niveaux de caract`eres non-´epist´emiques doivent donc ^etre distingu´es. 2.2.2.3 Caract`ere non-´epist´emique fort Un ´etat mental est non-´epist´emiquement fort si l'agent qui le poss`ede n'a pas acc`es `a ce contenu mais ne poss`ede aucune la connaissance de cet acc`es, c'est-`a-dire qu'il ne peut en donner les raisons. 2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel 43 2.2.2.4 Caract`ere non-´epist´emique faible Un ´etat mental est non-´epist´emiquement fait si l'agent qui le poss`ede peut faire attention `a ce contenu mais ne poss`ede aucune la connaissance de cet acc`es, c'est-`a-dire qu'il ne peut en donner, ni ne peut l'identifier. Le caract`ere non-´epist´emique au sens fort correspond `a un processus infra-personnel inconscient. Par exemple la posture est engendr´ee par un syst`eme vestibulo-visuo-kinest´esique complexe dont l'agent n'a aucune id´ee lorsqu'il est en oeuvre. Dans l'exp´erience de l'image avec les deux personnages, cela correspond aux donn´ees physiques capt´ees et trait´ees par le syst`eme visuel de l'agent. L'agent ne peut en aucun cas modifier ou changer ces informations sans devoir agir sur le mode m^eme de pr´esentation , c'est-`adire sur le contexte de l'exp´erience m^eme. Il est certain que si l'agent ´eteint la lumi`ere, son exp´erience de l'image sera diff´erente, mais cela correspond `a une autre exp´erience et non pas `a un changement de position de sa part quant `a l'image. Le caract`ere non-´epist´emique au sens faible est plus compliqu´e `a saisir. Sa formulation m^eme le rapproche de la formulation du caract`ere ´epist´emique faible et il n'est pas ´evident que l'on puisse distinguer les deux. Cependant la diff´erence entre les caract`eres faibles de l'´epist´emique et du non-´epist´emique se comprend mieux si on les ´eclaire avec la notion de repr´esentation donn´ee pr´ec´edemment. Il y a dans l'exp´erience des donn´ees dont l'agent qui les poss`ede est conscient sans qu'il puisse agir dessus. Dans un raccourci rapide on dira que l'agent est passif quant au non-´epist´emique alors qu'il est actif dans quant `a l'´epist´emique. Un agent peut ^etre attentif au fait qu'un arbre soit vert par exemple, c'est-`a-dire de discrimin´e la couleur verte de l'arbre de la couleur bleu du ciel sans pour autant savoir que c'est du vert ou de quelle nuance est cette couleur. La discrimination est donc plus faible que l'identification telle qu'elle est exig´ee par la repr´esentation et le caract`ere ´epist´emique. Il faut d'ailleurs noter que c'est du fait de cette identification, et donc de la repr´esentation et du caract`ere ´epist´emique, que la contrainte de g´en´eralit´e de Evans [1982] s'applique au concept. Thus, if a subject can be credited with the thought that a is F, then he must have the conceptual resources for entertaining the thought that a is G, for every property of being G of which he has a conception. This 44 Analyse du probl`eme is the condition I call `The Generality Constraint' 4 . [Evans, 1982, p. 104] Il y a une diff´erence entre voir du vert et voir que c'est du vert sans ^etre capable de dire pourquoi c'est du vert. C'est cette diff´erence qu'il y a entre le caract`ere ´epist´emique faible et le caract`ere non-´epist´emique faible. 2.2.3 Sens/R´ef´erence Le concept est donc une entit´e repr´esentationnelle et ´epist´emique au moins au sens faible du terme. Le concept cheval s'applique `a Rossinante du fait qu'il repr´esente Rossinante et que l'agent qui le poss`ede a acc`es `a cette repr´esentation. Mais ce n'est pas suffisant pour caract´eriser le concept. Le concept cheval s'applique bien `a Rossinante si Rossinante est un cheval, c'est-`a-dire qu'il manifeste toutes les qu'un objet du monde doit manifester pour ^etre un cheval. Le concept cheval est donc une fonction qui s'applique aux objets de l'environnement qui sont des chevaux : cheval x 1 si x est un cheval 0 sinon (2.3) Cette assignation correspond `a la d´enotation du concept, c'est-`a-dire `a sa r´ef´erence. En somme la r´ef´erence du concept est l'ensemble de tous les ´el´ements dans l'environnement dans lequel est appliqu´e ce concept qui rend vrai la propri´et´e qui est associ´ee `a ce concept. La r´ef´erence du concept peut se ramener `a l'extension du pr´edicat de cette propri´et´e. Par exemple, les chevaux sont tous les ´el´ements du monde qui v´erifient le pr´edicat « ^etre un cheval ». Mais la d´enotation d´epend de l'´etat actuel de l'environnement auquel le concept est appliqu´e. Il se pourrait tr`es bien que Rossinante ne soit pas en fait un cheval, et alors le concept cheval ne s'y appliquerait pas. Ou bien si Rossinante est un cheval et donc que c'est un mammif`ere parce que les chevaux sont des mammif`eres, cela est vrai du fait de l'agencement des ^etres vivants dans cette configuration-l`a du monde, mais il pourrait tr`es bien se faire que les chevaux soient des poissons, et alors dire que Rossinante est 4 "Ainsi, si un sujet peut ^etre cr´edit´e de la pens´ee que a est F, alors il doit poss´eder les ressources conceptuelles pour recevoir la pens´ee que a est G, pour toute propri´et´e d'^etre G de ce dont il a la conception. C'est cette condition que j'appelle `la contrainte de g´en´eralit´e'." 2.3 Concept 45 un mammif`ere parce que c'est un cheval serait faux. Il faut donc distinguer l'extension, ce que le concept d´enote dans le monde, de la mani`ere dont il le fait, c'est-`a-dire de son sens ou de son intension. L'intension n'est pas la r´ef´erence actuelle du concept, mais l'ensemble des conditions qui permettent au concept de s'appliquer `a l'objet, c'est-`adire les possibilit´es de v´erit´e du concept [Gallin, 1975]. Le concept cheval s'applique aux ´el´ements qui ont telles et telles propri´et´es qui font d'eux des chevaux. De cette mani`ere on ne parle pas d'objet, mais de propri´et´es, de traits fondamentaux qu'ils doivent satisfaire pour tomber sous le concept. La liste de ces propri´et´es est la fonction caract´eristique du concept. Et cette fonction caract´eristique correspond au terme abstrait associ´e au concept [Church, 1956, Prior, 2002]. Terme abstrait car il ne d´epend d'aucun ´el´ement pr´esent dans l'environnement, mais permet de caract´eriser des ´el´ements de cet environnement. Le terme abstrait `cheval' est ce qui peut se penser de Rossinante et de Joly Jumper, sans qu'il ne soit sp´ecifiquement l'un ou l'autre. La fonction caract´eristique est not´ee : (2.4) o`u est l'op´erateur d'abstraction, et la liste des propri´et´es que doit satisfaire un ´el´ement pour ^etre caract´eris´e par cette fonction. 2.3 Concept Le concept doit se conformer aux r´equisits de la repr´esentation, de l'´epist´emicit´e et de la distinction entre le sens et le r´ef´erence. Cependant, ces caract`eres ne sont pas suffisants pour rendre compte du concept. En effet, si le concept est le composant des ´etats mentaux tels que les croyances, connaissances, d´esirs, ou plans d'action, alors il faut que la structure du concept lui permette d'entrer dans la composition de ces ´etats mentaux. 2.3.1 Individuation du concept Si un concept entre dans la composition d'un ´etat mental alors il doit pouvoir ^etre individu´e. Dans le vocabulaire de Fodor [1998], dire qu'un concept est indivudable c'est dire que c'est un particulier mental : 46 Analyse du probl`eme Concepts are mental particulars ; specially, they satisfay whaterver ontological conditions have to be met by things that function as mental causes and effect 5 . [Fodor, 1998, p. 23] Fodor consid`ere, de pars son nativisme que l'individuation du concept est naturelle, du fait de la relation causale entre le concept en tant qu'entit´e mentale et l'objet dans le monde auquel il r´ef`ere. L'agent cognitif qui poss`ede le concept ne joue aucun r^ole dans l'individuation de celui-ci. Cependant il est difficile de voir quelle est l'individuation du concept baleine dans l'esprit d'un agent qui pense que ce sont des poissons. Est-ce qu'il poss`ede le concept baleine en tant qu'il d´esigne des animaux dans le monde qui sont des mammif`eres et sans trop savoir comment il se fait que dans l'esprit de cet agent, ce concept d´esigne des poissons, ou bien est-ce que cet agent ne poss`ede pas le concept baleine mais le concept paleine qui d´esigne des animaux qui ont toutes les propri´et´es des baleines except´e le fait que ce sont des poissons, ou bien est-ce que l'agent poss`ede le concept baleine qui d´enote bien des animaux qui sont des mammif`eres, mais l'agent individue mal ce concept en pensant que ce sont des poissons ? Selon Peacocke [1992], un concept est individu´e par ses conditions de possession. Simple Account : When a thinker possesses a particular concept, an adequate psychology should explain why the thinker meets the concepts possession condition "Compte simple : Quand un penseur poss`ede un concept particulier, une psychologie ad´equate devrait expliquer pourquoi le penseur atteint les conditions de possession des concepts.". [Peacocke, 1992, p. 177]. Les conditions de possession du concept indiquent l'application du concept - quand celui-ci s'applique `a l'objet - et son usage - ses relations aux autres concepts [Peacocke, 1992, p. 182]. De fait, un principe d'inviduation du concept peut se faire `a partir des conditions d'application et d'usage du concept. Concept F is that unique concept C to possess which a thinker must meet condition A(C) .6 . [Peacocke, 1992, p. 6]. 5 "Les concepts sont des particuliers mentaux ; plus sp´ecialement, il satisfont les conditions ontologiques, quelles qu'elles soient, qui doivent ^etre remplies par les choses qui fonctionnent comme cause et effet mental." 6 "Le concept F est cet unique concept C que pour poss´eder un agent doit rencontrer le condition A(C)." 2.3 Concept 47 o`u C est une variable sur les conept et A une lettre sch´ematique. Chaque condition sp´ecifique d'usage et d'assignation d´etermine donc un unique concept. Cette individuation du concept est diff´erente de celle propos´ee par Fodor [1998], puisque les conditions d'individuation ne se fondent pas uniquement sur la r´ef´erence du concept, mais ´egalement sur la prise en compte des ´etats mentaux de l'agent qui poss`ede ce concept. La possession d'un concept peut donc modifier l'application ou l'usage d'un autre concept. C'est parce que l'agent pense que les poissons sont tout les animaux qui vivent dans l'eau et qui n'ont ni ailes ni pattes, qu'il pense que les baleines sont des poissons. C'est-`a-dire que son application et son usage du concept poisson a des r´epercussions sur l'usage et l'application de son concept baleine. Donc les concepts ne sont pas ind´ependants les uns des autres, comme le soutient l'atomisme de Fodor, mais sont reli´es, au moins partiellement, entre eux, comme l'affirme le holisme local de Peacocke. Formulation for Local Holism : Concepts F1, . . . , Fn are those concepts C1, . . . , Cn to possess which a thinker must meet the conditions A(C1, . . . , Cn) 7 . [Peacocke, 1992, p. 10] Ces relations entre les concepts indiquent que la possession d'un concept peut modifier la possession d'un autre concept. Ce holisme local, c'est-`a-dire que plusieurs r´eseaux de concepts peuvent coexister dans une conception qui elle doit ^etre consistante, permet d'expliquer l'existence de domaines `a l'int´erieur d'une conception. Ces domaines correspondent aux th´eories na¨ives du sens commun. Dans une biologie na¨ive par exemple, tout animal qui vit dans l'eau, qui nage et qui n'a ni aile ni patte, est un poisson, et en ce sens les baleines sont des poissons. Ce n'est que lorsque l'on pr^ete attention `a des caract`eres qui ne sautent pas n´ecessairement aux yeux, que l'on d´eveloppe une th´eorie scientifique. Le concept d´epend d'une part de son application, c'est-`a-dire de sa r´ef´erence, et d'autre part de son usage, c'est-`a-dire des relations qu'il entretient avec les autres concepts. Pour rendre compte du concept il est donc n´ecessaire d'expliquer ces deux aspects du concept. 7 "Formulation pour le holisme partiel : Les concepts F1, . . . , Fn sont ces concepts C1, . . . , Cn que pour poss´eder l'agent doit rencontrer les conditions A(C1, . . . , Cn)". 48 Analyse du probl`eme 2.3.2 Cat´egoricit´e du concept La r´ef´erence du concept est souvent consid´er´ee, dans la litt´erature, comme une forme de cat´egorisation. Dire que les ´el´ements a1, . . . , an rel`event du concept est pens´e d'un point de vue ensembliste : les ´el´ements a1, . . . , an sont inclus dans l'ensemble dont le label est . Dans la mesure o`u le concept a une extension, l'interpr´etation ensembliste va de soit. Cette interpr´etation est toute fois ´etendue en un sens plus large. Le concept est une cat´egorie en tant qu'il est un d´ecoupage de l'environnement qui permet `a l'agent qui le poss`ede de comprendre cet environnement. Par exemple, un rapide coup d'oeil dans la pi`ece me fait voir qu'il y a des livres, des ´etag`eres, une table et une chaise. Pour comprendre cette sc`ene, il me faut poss´eder les concepts livre, ´etag`ere, table et chaise, et que les donn´ees issues de ma perception au niveau non-conceptuel s'arrangent pour activer ces concepts. Je per¸cois une certaine forme, et cette forme correspond `a un ´el´ement subsum´e par le concept livre. Le caract`ere cat´egoriel du concept concerne son extension mais ´egalement sa fonction cognitive : le r^ole du concept est de permettre de composer des ´etats mentaux d'ordre sup´erieur comme les croyances, les connaissances, les d´esirs ou les plans d'action. Le concept est le d´ecoupage du monde en ´el´ements sur lesquels ces ´etats mentaux vont s'attacher. Cet aspect du concept ´etant jug´e central dans la litt´erature sur le domaine, une ´etude du concept se transforme donc assez rapidement en une ´etude sur la classification. Un exemple frappant de ce type est les t^aches demand´ees dans les exp´eriences psychologiques. Le plus souvent il s'agit de demander si l'objet x pr´esent´e est un ou un . T^ache qui se r´esume `a mettre l'´el´ement en question dans l'ensemble qui lui correspond. Cependant, une ´etude rigoureuse de la classification montre les probl`emes formels qui y sont li´es [Gordon, 1981, Estes, 1994]. Le probl`eme le plus emb^etant est qu'aucune classification ne peut ^etre exhaustive. Ce probl`eme est en fait une forme du probl`eme de l'auto-r´ef´erentialit´e, plus connu sous le nom de paradoxe de Russell . Ce paradoxe dit simplement que si tous les objets du monde peuvent ^etre mis dans des ensembles ou des classes, la classe qui contient tous ces objets est un objet du monde qui n'entre dans aucun ensemble, donc tous les objets du monde ne sont pas compris dans un ensemble. 2.3 Concept 49 Il y a deux mani`eres d'aborder la cat´egorisation. La premi`ere est dite bottom up ( de bas en haut), la seconde, top down (de haut en bas). L'id´ee est assez simple : chaque objet appartient `a un ensemble d'objet `a un niveau et il est possible d'inclure des ensembles d'objets dans des ensembles `a un niveau sup´erieur, sch´ematiquement cela donne un graphe orient´e ou bien un arbre. Dans la m´ethode bottom up, les ´el´ements du monde sont inclus dans l'un des ensembles en fonction de leur ressemblance. C'est-`a-dire que des ´el´ements qui se ressemblent seront regroup´es ensemble pour faire une classe. La ressemblance entre les ´el´ements est calcul´ee `a l'aide d'une fonction de similitude appel´ee principe contrastif [Tversky, 1977] : (Principe contrastif) Sim(I, J) = af(I J) - bf(I - j) - cf(J - i) (2.5) o`u I et J sont respectivement l'ensemble des traits caract´eristiques de i et de j, et a , b, et c sont les valeurs pond´er´ees de diff´erents traits distinctifs. Cette m´ethode est utilis´ee par la th´eorie empirique des concepts d´efendue par Prinz [2002], et les th´eories des exemplaires et des prototypes. L'inconv´enient de cette approche est qu'elle maltraite les cas particuliers. Certains ´el´ements relevant bien d'un concept ne partagent parfois que tr`es peu de traits caract´eristiques avec les autres ´el´ements subsum´es par le concept. Si l'on consid`ere certains traits jug´es caract´eristiques, les baleines sont plus proches des requins ou des dorades que des chiens et des chats. Le premier probl`eme est donc choix - et par cons´equence la pertinence - des traits caract´eristiques et de leur pond´eration. La cladistique et la syst´ematique connaissent bien ce probl`eme. Plusieurs cladogrammes peuvent ^etre ´etablis `a partir d'un m^eme ensemble de caract`eres. Il s'agit donc de choisir l'un de ces graphes, ce qui rend relatif la cat´egorisation. D'un autre c^ot´e, le choix dans les traits caract´eristiques et leur pond´eration est ´evident lorsque l'on consid`ere que la cat´egorisation, et donc le d´ecoupage du monde `a l'aide de concepts, est faite en fonction d'un but et d'une utilit´e. L'int´er^et de poss´eder le concept table et de pouvoir agir d'une certaine mani`ere avec les objets du monde qui sont des tables. Un autre probl`eme est l'homologie entre des traits caract´eristiques d'ensembles disjoints. D'un certain point de vue il y a un point commun entre un Airbus A-380 et un moineau : les deux ont des ailes. ´Evidemment les ailes 50 Analyse du probl`eme d'un avion n'ont pas grand-chose `a voir avec celle d'un oiseau, cependant, si le trait caract´eristique retenu est « ce qui permet de planer dans l'air », alors les avions et les oiseaux se retrouveront dans une m^eme cat´egorie. Et si en plus de ce caract`ere, celui d'^etre un objet manufactur´e ou un ^etre vivant est pris en compte, alors les ´el´ements compris dans les ^etres vivants auront un point commun avec les objets manufactur´es, ou bien certains ´el´ements qui sont des ^etres vivants ne seront pas pris en compte parce qu'ils n'ont pas l'aile. Le probl`eme non seulement du choix et de la pertinence des traits caract´eristiques se pose, mais ´egalement la question de la coh´erence des traits entre eux. La consistance de l'ensemble implique une forme de holisme. Or pour r´esoudre le probl`eme de la coh´erence et de la consistance des caract`eres, il ne faut plus tenir compte des ´el´ements dans le monde, mais des relations entre caract`eres. C'est l`a l'objet de la m´ethode top down. Avant de consid´erer les ´el´ements `a cat´egoriser, la m´ethode descendante pr´econise de se doter d'un ensemble consistant de caract`ere et de les appliquer ensuite au monde. Le probl`eme devient alors de fait de savoir si une description ne s'applique pas `a l'environnement, c'est du fait de la pauvret´e de l'environnement ou bien de l'impossibilit´e d'aucun ´el´ement `a s'y conformer quel que soit l'environnement. Par exemple qu'en est-il des dahus et des licornes ? L'id´eal sans doute serait d'associer les deux m´ethodes, cependant cela conduit `a des paradoxes, paradoxes qui se rapprochent de celui de Russell. Imaginons qu'il soit possible d'assigner un label unique pour chaque ´el´ement du monde que l'on cherche `a cat´egoriser. Un label de ce type est un nombre de G¨odel ou un nom propre par exemple. Autrement dit, on ´etablit la liste exhaustive des ´el´ements du monde `a la mani`ere d'un plus pur nominalisme. Cela signifie qu'un ´el´ement du monde est repr´esentable si et seulement s'il existe une fonction f qui assigne `a chacun des ´el´ements de l'environnement un tel label, et que sinon cet ´el´ement n'appartient pas `a cet environnement : v[(v, n1, . . . , nk) v = f : l (n1, . . . , nk)] si (n1, . . . , nk) E, alors (n1, . . . , nk) si (n1, . . . , nk) E, alors ¬(n1, . . . , nk) (2.6) Un ´el´ement de (n1, . . . , nk) appartient `a l'environnement E si la fonction f lui assigne un label l, sinon il n'y appartient pas. Mais s'il est possible de dire qu'un ´el´ement n'appartient pas `a l'environnement E c'est qu'un label lui a 2.3 Concept 51 attribu´e, et donc qu'il entre dans la description des ´el´ements qui ne d´ecrivent pas cet environnement. Donc la fonction f qui assigne `a cet ´el´ement le label indiquant qu'aucun label ne s'applique `a cet ´el´ement : v[(v, l) v = ¬] (2.7) d'o`u = ¬ (2.8) ce qui est contradictoire [Tarski et al., 1953]. La conclusion - qui est similaire `a celle du th´eor`eme de Ramsey - indique tout simplement qu'il n'existe pas de m´ethode exhaustive de cat´egorisation. De fait un choix doit ^etre fait au d´epart sur la mani`ere dont l'environnement est conceptualis´e. Le concept cependant, contrairement `a une classification scientifique ou formelle, est une entit´e cognitive. La fonction du concept au sein de la cognition peut d´eterminer la cat´egorisation. Les ´el´ements d´etermin´es par les concepts proviennent en partie au moins du donn´e de l'exp´erience, c'est-`a-dire du traitement non-conceptuel. Cela permet de mettre en ´evidence le caract`ere inn´e de certains concepts au moins. Le concept devient alors une cat´egorisation du contenu de la perception qui se d´eclenche automatiquement sous forme de routines [Fodor, 1998, p. 24]. La notion de routine, appliqu´ee au concept pose un certain nombre de probl`emes. Une routine est un processus qui s'enclenche de mani`ere automatique d`es qu'apparaissent certaines conditions stimuli. Cette mise en route bas´ee sur un sch´ema cause/effet convient parfaitement `a la s´emantique causale du concept telle qu'elle est d´efendue par Fodor. Comme pour Fodor il y a un lien direct et n´ecessaire entre le concept et l'objet qu'il d´esigne, il est naturel de penser que lorsque l'objet appara^it, le concept appara^it lui aussi. D'une certaine mani`ere la conception de Peacocke du concept permet une interpr´etation de celui-ci en terme de routine. L'agent per¸coit d'abord une sc`ene qui est d´ecrite en termes de proto-propositions puis en termes propositionnels et donc conceptuels. La diff´erence est que le lien causal est indirect et passe par ce premier d´ecoupage, ce qui permet de penser qu'un 52 Analyse du probl`eme objet rectangulaire pourrait ^etre d´ecrit proto-propositionnellement comme un cube, et ^etre interpr´et´e ensuite comme ´etant une table, ou bien comme ´etant une caisse. La relation indirecte entre l'objet de la perception et l'objet conceptualis´e laisse une place `a l'erreur ou au changement. L'agent peut d'abord penser que c'est une caisse puis ensuite penser que c'est en fait une table sans que l'objet de l'exp´erience ait chang´e. Si le lien causal est direct, comme dans la conception atomiste de Fodor, l'agent doit penser directement que c'est une table si l'objet en question est une table. Il serait contradictoire que deux concepts diff´erents puissent s'appliquer causalement et directement `a un m^eme objet. L'automaticit´e de la routine sugg`ere que l'agent n'est pas conscient - au sens de porter attention - au fait qu'il cat´egorise l'environnement de la mani`ere dont il le fait. En un sens cela est ind´eniable, lorsque je pose un gobelet sur la table je ne me dis pas en m^eme temps « ceci est un gobelet, ceci est une table », je fais une action plus ou mois automatiquement `a l'aide d'´el´ements que je rep`ere et identifie de mani`ere automatique. Ce type d'interaction avec le monde peut se faire avec des objets manufactur´es complexes. Avec l'habitude, je tape sur le clavier sans n´ecessairement regarder les touches, ou bien je puisse conduire et changer de vitesse sans regarder le pommeau ni me dire « tiens il faudrait peut-^etre changer de vitesse pour ralentir ». Les r´eflexes conditionn´es peuvent ^etre tr`es compliqu´es et se baser sur un apprentissage de normes et de r`egles complexes. Un escrimeur doit faire un certain nombre de gestes pr´ecis et particuliers dans un laps de temps durant lequel il ne peut pas r´efl´echir `a son action. La routine ne signifie donc pas une forme de nativisme ou d'inn´eisme. Cependant, toute la question r´eside dans l'attention et l'acc`es `a cette routine que peut avoir l'agent. S'il s'agit d'une routine inconsciente, alors cela signifie que l'application du concept - l'identification de l'objet per¸cu comme ´etant une table - est non-´epist´emique, au sens donn´e plus haut. Or nous avons dit que le concept devait ^etre ´epist´emique s'il ´etait une repr´esentation. Fodor [1998, p. 15] affirme que le concept est repr´esentationnel, mais il ne reconna^it pas le caract`ere de correction du concept tel qu'il est rattach´e dans l'interpr´etation donn´ee ici, `a la repr´esentation. Dire que le concept est une routine peut se comprendre en tant qu'il est un processus mental qui marche ind´ependamment de toute volont´e de l'agent. De 2.3 Concept 53 cette mani`ere le concept pourrait ^etre ramen´e `a un pr´ec^ablage ou a un c^ablage issu de l'apprentissage. Mais alors, cela signifierait que le niveau proto-propositionnel de Peacocke correspondrait `a ce niveau de routine tel que d´ecrit par Fodor. Or pour poser un gobelet sur une table, effectivement j'ai besoin d'individuer le gobelet, la table et la relation entre les deux, mais je n'ai pas besoin de les identifier en tant que tels. C'est-`a-dire que l'individuation peut-^etre non-´epist´emtique et non-conceptuelle mais alors ce ne sera pas avec des gobelets ou des tables que je performerais l'action, mais avec des ´el´ements ayant des propri´et´es saillantes auxquelles mon syst`eme perceptif est sensible, et qui d´eclencheront des routines d'action c^abl´ees ou pr´ec^abl´ees suivant qu'elles sont inn´ees ou apprises, `a un niveau non-conceptuel. Un r´eflexe ne fait intervenir aucune d´elib´eration de la part de l'agent, mais un conditionnement de celui-ci, et le r´eflexe se mette en branle si et seulement si des propri´et´es saillantes particuli`eres et pertinentes sont pr´esentes dans l'environnement compte tenu du mode de pr´esentation de l'exp´erience en question. Autrement dit un r´eflexe peut se d´eclencher dans des conditions non optimales d'exp´erience, alors qu'il n'y a pas lieu. Mais c'est l`a au niveau non-conceptuel que cela se passe. Or Fodor n'accepte pas l'existence d'un tel niveau. Les routines dont il parle pourraient ^etre en r´ealit´e non-conceptuelles, c'est-`a-dire des proto-jugements [Sylvand and Gangopadhyay, submitted], et non pas des jugements. Cependant la reconnaissance d'un objet comme ´etant une table ne fait pas l'objet d'une d´elib´eration. Certains traits caract´eristiques des objets per¸cus semblent ^etre imm´ediatement raccord´es `a un concept. Une table est imm´ediatement reconnue comme ´etat une table, donc l'objet `table' d´eclenche de lui-m^eme, de par ses propri´et´es saillantes, le concept table. Mais si le concept est lanc´e sous forme de routine, il n'en reste pas moins vrai cependant qu'il peut ^etre r´evis´e. Quelqu'un peut poser son verre sur un objet qu'il prend pour ^etre une table, c'est-`a-dire que son concept table c'est activ´e en pr´esence de l'objet, et la ma^itresse de maison d'intervenir en disant qu'il ne s'agit pas d'une table, mais d'une oeuvre d'art contemporain, l'agent peut changer sa pens´ee au sujet de l'objet et donc le concept li´e `a celui-ci. Seule la cat´egorisation de l'objet par l'agent a chang´e, pas l'objet. Donc un m^eme objet peut supporter deux concepts contradictoires, donc le lien r´ef´erentiel entre l'objet et le concept n'est pas direct. 54 Analyse du probl`eme Si le concept est effectivement une routine, il faut distinguer les routines au niveau non-conceptuel et les routines au niveau conceptuel. Au niveau conceptuel, l'agent peut modifier la sortie de la routine en la corrigeant pour la conformer `a la situation, alors qu'il ne le peut pas au niveau nonconceptuel. 2.3.3 Combinaison de concepts Les concepts sont les constituants des croyances, des connaissances, des d´esirs, des plans d'action, et de tout autre ´etat mental d'ordre sup´erieur. Les concepts sont donc comme des briques de pens´ee que l'on assemble et combine pour faire des ´etats mentaux. Cela suppose que les concepts se composent ensemble. La combinatoire des concepts peut se comprendre `a deux niveaux : les concepts peuvent se combiner ensembles pour former des ´etats mentaux dont la nature est diff´erente de celle des concepts : Compositionality : concepts are the constituents of thoughts and, in indefinitely many cases, of one another. Mental representations inherit their contents from the content of their constituents 8. [Fodor, 1998, p. 25]. ou bien les concepts peuvent se combiner entre eux pour former de nouveaux concepts. La combinatoire des concepts est h´erit´ee de la conception fr´eg´eenne de la pens´ee selon laquelle le contenu de la pens´ee issu de la composition est compr´ehensible `a partir du contenu de ses constituants. Ainsi, le terme complexe `poisson rouge' est compris `a partir des termes `poisson' et `rouge'. Le terme compos´e est dit ^etre complexe ou mol´eculaire et le composant est dit simple ou atomique. Dire que les ´el´ements qui constituent la pens´ee se composent entre eux, signifie souscrire `a la th`ese d'un langage de la pens´ee [Fodor, 1974] structur´e comme une grammaire g´en´erative `a la Chomsky. Mais accepter cette th`ese n'est pas neutre. En effet, si la pens´ee est structur´ee de mani`ere `a 8 "Compositionalit´e : les concepts sont les constituants des pens´ees et, dans un nombre ind´efini de cas, des uns des autres. Les repr´esentations mentales h´eritent leurs contenus des contenus de leurs constituants." 2.3 Concept 55 permettre une combinatoire de ses composants, alors il faut accepter la structure logique qui permet cette composition. Cette structure doit ^etre propositionnelle. Hume avait d´ej`a imagin´e une forme de combinaison des id´ees en formant l'id´ee complexe de `montagne d'or' `a partir des id´ees de `montagne' et de `or'. Mais pour permettre une telle combinaison, il faut que les termes combin´es soient complets et autonomes, c'est-`a-dire des termes g´en´eraux ou, en d'autres termes, des termes abstraits. En effet, lorsque nous parlons de poissons rouges ou de montagne d'or, nous ne sommes pas en train de prendre la sole meuni`ere de notre assiette et le rouge de la couverture du Code Civil et essayons de les coller ensemble. Ce que nous faisons c'est que nous prenons les caract`eres fondamentaux des poissons et ceux de la couleur rouge, c'est-`a-dire les concepts correspondants `a ces instances, et regardons comment ces caract`eres peuvent s'associer de mani`ere consistante. Ce qui se combine donc ce n'est pas la r´ef´erence des termes, mais la d´esignation de cette r´eservation, en d'autres termes la fonction caract´eristique. En effet, si les concepts complexes sont compos´es `a partir de concepts simples, et que le concept complexe re¸coit son contenu `a partir de ses constituants, alors cela signifie que chaque occurrence d'un m^eme concept est substituable par une autre dans tous les contextes o`u elle appara^it. De sorte que la compositionalit´e des concepts doit pouvoir s'´enoncer en terme de logique combinatoire, suivant les r`egles suivantes : S = x.(y.(z.xz(yz))) K = x.y.x I = x.x (2.9) o`u S correspond `a la substitution d'un terme appliqu´e `a un autre, par un troisi`eme ; I correspond `a l'identit´e, c'est-`a-dire qu'un terme qui substitu´e `a lui-m^eme redonne ce m^eme terme ; K correspond `a la concat´enation : `a partir de deux terme, un seul est retenu. Fodor pr´esente la compositionalit´e du concept en termes atomistiques. Suivant cette approche les concepts sont pris de mani`ere globale, avec leur contenu, est sont assembl´es tels quels et doivent ainsi se retrouver dans le compos´e. Cette conception, qu'il appelle « cart´esienne » est selon lui la seule capable d'expliquer la compositionalit´e, contrairement aux vues qu'il 56 Analyse du probl`eme appelle « pragmatiques », conception qui prend en compte ma mani`ere dont la r´ef´erence concept est d´eriv´ee [Jacob, 2005]. C'est sur cette base que Fodor critique toutes les conceptions extensionnelles du concept, c'est-`a-dire les th´eories qui constituent le concept `a partir de ses instances notamment `a travers l'exp´erience et la saisie qu'en a l'agent. C'est ainsi que selon lui la th´eorie des prototypes est incapable de rendre compte d'un concept complexe tel que poisson rouge (l'exemple canonique de Fodor ´etant `pet fish' qui n'a pas d'´equivalent direct en fran¸cais, mais correspondrait `a `poisson de compagnie', qui typiquement est un poisson rouge). Mais les th´eories pragmatiques ne sont pas aussi na¨ives et caricaturales que Fodor veut bien le laisser entendre. La th´eorie des prototypes soutient que le concept est construit par l'agent qui le poss`ede `a partir des instances de ce concept que cet agent a d´ej`a per¸cu, et qu'il correspond `a l'ensemble des points communs, consid´er´es alors comme traits caract´eristiques, partag´es pas ces instances. De sorte qu'un ´el´ement appara^it qui se tient au point d'´equilibre des traits caract´eristiques de ces ´el´ements. Imaginons qu'un agent ait surtout vu des truites dans la vie et quelque poissons de mer, alors son concept poisson aura surtout les traits des truites, et un peu des autres poissons qu'il aura vu, et si son concept rouge est issu surtout des tomates et des coquelicots, alors il devrait s'en suivre, que le concept complexe poisson rouge devrait correspondre pour cet agent `a une truite peinte de couleur rouge tomate, ce qui n'est pas vraiment ce `a quoi ressemble un poisson rouge. Mais lorsque la th´eorie des prototypes aborde la question de la compositionalit´e des concepts, elle ne dit pas qu'il faut composer les prototypes en tant qu'ils seraient des instances r´eifi´ees - d'ailleurs le prototype n'est pas n´ecessairement instanci´e, il a le statut d'abstrait et n'a de r´ealit´e que dans l'espace cognitif de l'agent qui le poss`ede - mais que cette composition fonctionne comme l'union de deux prototypes, `a la mani`ere d'une intersection ensembliste. L'intersection de deux ensembles doit respecter la contrainte que l'ensemble r´esultant de cette intersection doit lui-m^eme ^etre un ensemble, en particulier ^etre consistant. De fait ne seront combin´es ensemble que les caract`eres compatibles de ces ensembles [Krivine, 1998]. De m^eme, nous dit Hampton [2004], seuls les caract`eres pertinents et compatibles seront combin´es dans la composition des prototypes. Ainsi donc, la composition de deux prototypes se fera comme la construction d'un prototype `a partir des caract`eres pond´er´es 2.3 Concept 57 deux prototypes `a combiner, ce qui donnera un nouveau prototype, avec une liste de caract`eres propres, qui ensuite sera appliqu´e au monde et corrig´e suivant les occurrences rencontr´ees. De cette mani`ere, le prototype « poisson rouge » r´ef`ere bien aux poissons rouges tels qu'ils tournent dans les bocaux et non pas `a des truites barbouill´ees au jus de tomate. La critique de Fodor du traitement de la composition des concepts par les th´eories pragmatiques semble oublier que la constitution du concept r´esulte d'un processus qui est `a l'oeuvre m^eme dans le cas des concepts complexes. Ce n'est pas la r´ef´erence elle-m^eme qui est compos´ee, mais la d´esignation, la mani`ere de r´ef´erer. De cette mani`ere, le contenu du concept compos´e ne d´epend qu'indirectement du contenu de ses constituants, tout en gardant les caract`eres de d´esignation de ceux-ci. Le concept compos´e n'est pas alors un concept de seconde zone, mais un concept `a part enti`ere, avec ses propres r`egles d'application et d'usage. Il est vrai qu'une th´eorie purement extensionnelle du concept - qui ne se baserait que sur instances du concept aurait du mal `a rendre compte de la compositionnalit´e du concept. Cependant, et nous le verrons lorsque nous examinerons la th´eorie empirique des concepts, qu'une telle th´eorie aurait tout simplement du mal `a rendre conte du concept tout court. La composition passe par la fonction caract´eristique du concept, et associe les caract`eres pertinents et compatibles de concepts pour former un nouveau concept. Imaginons que et soient les fonctions caract´eristiques respectivement des concepts et , et que ci d´esigne un caract`ere. Imaginons maintenant que : := {c1, c2, c3} := {c4, c5, c6} (c3 c4) alors il est possible de construire une fonction caract´eristique telle que : := := {c1, c2, c5, c6} Cette construction est possible, et comme `a tout concept correspond une fonction caract´eristique (cf chapitre 4), cette fonction d´etermine un concept. Mais elle permet de d´eterminer l'usage du concept, c'est-`a-dire son r^ole 58 Analyse du probl`eme inf´erentiel, elle ne garantit que ce concept a une extension dans l'environnement de l'agent. C'est ici qu'intervient la r´ef´erence postul´ee, introduite au chapitre (4), c'est-`a-dire que si la fonction caract´eristique est consistante, l'agent est en droit de penser qu'il est possible que dans un monde possible au moins, un objet est subsum´e par ce concept. C'est le cas du concept dahu par exemple. Contrairement `a la th´eorie fr´eg´eenne de la composition du contenu, ici la composition ne se fait qu'au niveau de la fonction caract´eristique. Admettons que soit le concept compos´e des concepts et . Alors la fonction caract´eristique de , tout comme la fonction caract´eristique de apparaissent dans la fonction caract´eristique de , de sorte que est une fonction de fonction, ou plus exactement une fonction de la valeur d'une fonction, `a savoir celle et de . est elle-m^eme la valeur de la fonction F de et : (Fonction de composition) F = (). (2.10) F est dite ^etre la fonction de composition [Sch¨onfinkel, 1976]. Appliqu´e `a l'exemple pr´ec´edent, cela donne : F := () () := () := {c1, c2, c5, c6} Pour composer deux concepts pour en obtenir un troisi`eme, il suffit de combiner les fonctions caract´eristiques de ces concepts, en appliquant le principe de consistance. De fait deux concepts contradictoires, ou de types diff´erents ne pourront donner une fonction caract´eristique consistante et donc ne se composeront pas. Contrairement `a ce que soutient Fodor, la distinction entre un point de vue cart´esien ou pragmatique n'intervient pas dans la question [Jacob, 2005], une distinction entre l'intension et l'extension serait plus appropri´ee ici. Seules les intensions se combinent, et non l'extension. Toutefois l'extension du concept ainsi form´ee appartiendra aux deux concepts combin´es : un poisson rouge est bien un poisson et est bien rouge. 2.3 Concept 59 2.3.4 Apprentissage du concept La combination de concept est importante pour expliquer l'acquisition de nouveaux concepts et de nouveaux ´etats cognitifs d'ordres sup´erieurs, par l'agent. Since our repertoire of primitive, unstructured concepts is finite, these will be at least one set of concepts that does not stand in the asymetrical relation of dependence to any other set. It is very plausible that perceptual, relatively observable concepts are elements of one such set of concepts that does not depend asymetrically on any others. A theory of concepts must explain the nature and the possibility of such conceptually basic sets 9. [Peacocke, 1992, p.61] Si l'agent cognitif ne poss`ede qu'un certain nombre de concepts primitifs, c'est-`a-dire qui sont donn´es avec l'appareillage cognitif lui-m^eme, cela signifie que d'autres concepts que peut poss´eder l'agent doivent ^etre appris [Fodor, 1998, p. 27]. L'asym´etrie de d´ependance entre les concepts signifie simplement que pour poss´eder certains concepts, l'agent doit n´ecessairement en poss´eder d'autres - pour poss´eder un concept complexe, l'agent doit en poss´eder les composants - alors que certains concepts peuvent ^etre poss´ed´es sans requ´erir la possession d'aucun autre - le cas des concepts primitifs. Il y a deux mani`eres de consid´erer les concepts primitifs : ou bien ils sont inn´es, ou bien ils sont acquis de mani`ere directe. Le concept dur pourrait ^etre acquis par la simple exp´erience, au moins dans une acception na¨ive. Les concepts primitifs correspondent chez Peacocke [1992] aux concepts bas´es sur les proto-concepts, de d´ecoupage pr´e-conceptuel de l'environnement en sc`enes avec des proto-objets comme des volumes simples par exemple, qui permettent une interaction avec l'environnement sans exiger aucune connaissance de celui-ci. Ce d´ecoupage se situe `a un niveau non-conceptuel de haut niveau, et fait appel `a des propri´et´es saillantes s´electionn´ees par la per- 9 "Puisque notre r´epertoire de concepts primitifs, non structur´es, est fini, il y aura au moins un ensemble de concepts qui ne se tient pas dans la relation asym´etrique de d´ependance avec aucun autre ensemble. Il est tr`es probable que les concepts perceptuels, relativement observables, soient des ´el´ements d'un tel ensemble de concepts qui ne d´ependent pas asym´etriquement d'aucun autre. Une th´eorie des concepts doit expliquer la nature et la possibilit´e de tels ensembles conceptuellement basics". 60 Analyse du probl`eme ception. Les proto-concepts sont des percepts [Sylvand and Gangopadhyay, submitted] (cf. Chapitre 11). L'inn´eisme soutient qu'il n'est pas possible d'apprendre quelque chose `a partir de rien. Or s'il faut d´ej`a poss´eder quelque chose pour pouvoir apprendre autre chose, ou bien cela est possible et donc il y a des ´el´ements que l'agent poss`ede sans apprentissage, ou bien alors cela conduit `a une r´egression `a l'infini et l'agent ne poss`ede rien. Mais comme l'agent poss`ede des concepts, alors certains concepts au moins ne sont pas appris. Sous cette forme, l'inn´eisme des concepts implique de nativisme [Fodor, 1998, McDowell, 2002]. L'apprentissage de nouveaux concepts - c'est-`a-dire de concepts non inn´es - se r´eduit alors `a la compositionalit´e du concept. Ainsi un agent peut apprendre le concept bouton de manchette `a partir des concepts bouton et manchette suivant la fonction de composition (2.10) ´enonc´ee pr´ec´edemment. Suivant cette conception, le concept appris peut se r´eduire aux concepts primitifs qui le composent, et si ces concepts sont inn´es, c'est-`a-dire d´ej`a poss´ed´es par l'agent, alors l'agent n'enrichit pas son vocabulaire conceptuel. Cependant, et contrairement `a Fodor, si la composition ne concerne pas le contenu mais la d´esignation de ce contenu, c'est-`a-dire que la composition ne s'op`ere qu'au niveau de la fonction caract´eristique, alors le nouveau concept a une application et un usage propre. Applications et usages qui ne d´ependent pas des composants, mais de l'ensemble des concepts poss´ed´es par l'agent. Fodor s'opposerait ´evidemment `a cette forme de holisme. Cependant si le concept appris `a partir d'une composition de concepts est un concept, il poss`ede alors ses propres conditions d'application et d'usage ou bien alors est redondant avec un concept d´ej`a poss´ed´e et alors ne sera pas utilis´e et, par ´economie, sera ^ot´e du vocabulaire conceptuel de l'agent (cf. chapitre 6). L'application et l'usage sont alors appris par l'agent. Un agent peut parfaitement former le concept bouton de manchette et ne pas savoir `a quoi ce concept r´ef`ere et comment il s'emploie, l'agent, alors, ne sera pas dit ma^itriser le concept. L'application fait appel `a l'extension du concept, c'est-`a-dire `a la r´ef´erence cognitive ou canonique, postul´ee `a partir de la fonction caract´eristique. La composition de concept n'est donc pas suffisante pour rendre compte de l'apprentissage du concept m^eme si elle peut y participer. 2.3 Concept 61 Une autre mani`ere d'expliquer l'acquisition du concept est l'apprentissage par exp´erience. Il ne s'agit plus alors de soutenir que certains concepts sont inn´es mais qu'ils sont primitifs, c'est-`a-dire qu'ils peuvent ^etre poss´ed´es directement, sans m´ediation d'un autre concept. Locke et les empiristes contemporains comme Prinz soutiennent que l'exp´erience seule permet d'acqu´erir des concepts. Les donn´ees de la perception sont agr´eg´ees en ensemble et `a partir d'une certaine masse critique, un label est associ´e `a l'ensemble qui devient alors un concept. Cette m´ethode d'acquisition de label d'ensemble est celle utilis´ee en intelligence artificielle pour l'apprentissage automatique [Cornuj´eols and Miclet, 2003]. Une machine ´equip´ee de capteurs, d'un syst`eme de traitement du signal et d'une m´emoire, est capable de constituer des classes de stimuli. Cependant, m^eme si l'exp´erience joue ou peut jouer un r^ole fondamental dans la constitution du concept, elle n'est pas suffisante non plus. Imaginons une machine capable de classer des ´echantillons sonores sur la simple base de la fr´equence du signal per¸cu. Une telle machine peut, apr`es un nombre cons´equent de stimulation, ´etablir une carte d'´echantillons sonores, tr`es fine [Sylvand, 2002] mais s'av`ere incapable de faire quoi que ce soit de cette indexation sans indication ext´erieure. Par exemple, si la machine a regroup´e ensemble tous les sons produits pas une trompette, elle est incapable de dire qu'il y a un point morphologique commun entre ces sons et ceux produits par un trombone, combien m^eme par ailleurs la machine aurait cr´e´e trois classes, une regroupant les sons de trompette, la seconde, les sons de trombone et la troisi`eme les sons de trompette et de trombone. Le probl`eme est que toutes les classes sont au m^eme niveau, et donc qu'aucune inf´erence de classes en classes n'est possible. Or ces inf´erences sont n´ecessaires pour d´eterminer l'usage du concept. Ce probl`eme est celui que rencontre la th´eorie empiriste de Prinz [2002]. Le proxytype correspond tout au plus `a un percept, c'est-`a-dire `a une propri´et´e saillante de la perception, mais pas `a un concept. Que l'exp´erience joue un r^ole crucial dans l'apprentissage du concept, ou du moins de certains types de concepts, cela semble ´evident. Il est difficile d'imaginer que les concepts perceptuels soient compl`etement s´epar´es de toute exp´erience. Cependant, si le contenu ou l'application peut passer par l'exp´erience, l'usage du concept d´epend de la relation que ce concept entretient avec les autres concepts et ´etats mentaux dont l'agent dispose. 62 Analyse du probl`eme Il est possible d'imaginer un sc´enario dans lequel un agent apprendrait `a discriminer et `a reconna^itre la couleur rouge par exemple, ce qui signifierait au moins qu'il poss`ede le percept `rouge', voire le concept s'il est en mesure d'identifier les instances de cette couleur. L'identification, contrairement `a la discrimination, requiert en effet le concept, dans la mesure o`u elle est une repr´esentation satisfaisant le principe de correction. Alors que la discrimination implique de reconna^itre que deux propri´et´es dans un mode de pr´esentation sont diff´erentes, suivant un principe contrastif , l'identit´e suppose s'assigner une propri´et´e `a un objet alors qu'il appara^it sans contraste avec aucun autre dans un mode de pr´esentation. Unless a creature has the resources to make contrastive identification and/or comparisons among different instantiations of one and the same visual attribute or property, she will not be able to recognize or re-identify the property or attribute in question 10. [Dokic, 2002] (Principe d'identit´e) z(x = z):(zx = zy) (2.11) Si le contexte de l'exp´erience ne requiert pas n´ecessairement de concept, du fait que le traitement de l'information des donn´ees sensorielles s'effectue au niveau non-conceptuel, `a travers la s´election de propri´et´es saillantes et de proto-jugements, l'exp´erience ne peut fournir que des percepts ou ce que Peacocke appelle des proto-concepts ou ce que Prinz nomme des proxytypes. Comme dans le cas de la composition des concepts, ces percepts doivent ^etre individu´es, au sens fort de l'identification, `a partir de leurs traits fondamentaux, c'est-`a-dire de leur fonction caract´eristique. La profondeur de la d´etermination de la fonction caract´eristique, ce que l'on appelle ´egalement le « grain » de la description, d´ependant du nombre de fonctions caract´eristiques consid´er´ees. L'identification des percepts se fait `a l'aide d'un abstrait correspondant aux propri´et´es saillantes d´eterminant les percepts. Le passage `a l'abstrait [Church, 1956] conduit `a la repr´esentation et `a l'´epist´emicit´e tels que d´efinis pr´ec´edemment, c'est-`a-dire au niveau concep- 10 "`A moins qu'une cr´eature ait les ressources pour faire une identification contrastive et/ou des comparaisons parmi diff´erentes instantiations d'un et du m^eme attribut ou propri´et´e visuelle, elle ne sera pas capable de reconna^itre ou de r´e-identifier la propri´et´e ou l'attribut en question." 2.3 Concept 63 tuel [Lewis, 1970a, McDowell, 2002]. L'abstrait est requis pour permettre la cat´egorisation et la combinaison. Le concept doit permettre de subsumer n'importe quel objet poss´edant les propri´et´es fondamentales qui apparaissent dans la fonction caract´eristique du concept, et de ce fait le concept ne doit pas d´ependre, pour son application ou son usage, d'aucune de ses instances. Des auteurs comme McDowell ou No¨e affirment que la conceptualisation implique que le contenu de l'exp´erience contient d´ej`a les concepts qui permettent de la d´ecrire, sans cela aucune connaissance n'est possible [Lewis, 1970a]. En somme ces auteurs refusent toute notion de contenu nonconceptuel de l'exp´erience. Or il semble qu'il y ait bien quelque chose comme un tel contenu (cf. section 2.1). Cependant le concept pourrait ^etre g´en´er´e `a partir d'un contenu de perception, contenu non-conceptuel mais structur´e en percepts c'est-`a-dire en propri´et´es saillantes auxquelles l'agent peut porter attention sans en avoir de connaissance, et d'un traitement de cette information `a partir d'une capacit´e `a faire des inf´erences, c'est-`a-dire une sorte de « module de la logique » - logique cognitive et non pas math´ematique ´evidemment. L'apprentissage artificiel, en intelligence artificielle, ne donne des r´esultats probants que s'il est supervis´e. Un apprentissage est « supervis´e » lorsqu'`a un robot dot´e de capteur sensoriel et d'un syst`eme de traitement du signal tel qu'il est capable de former de lui-m^eme des ensembles d'´echantillon similaire, est donn´ee une liste de descripteurs avec des caract´eristiques associ´ees. Pour reprendre l'exemple des instruments de musique, on peut donner un descripteur « cuivre » par exemple, et indiquer que les ´echantillons avec telle morphologie (avec un certain timbre et une certaine fr´equence par exemple) sont produits par les cuivres. Le robot confronte alors ses propres classes avec les descripteurs donn´es et revisite celle-ci `a partir des contraintes de ceux-l`a. Il en r´esulte une classification automatique tr`es performante, et ce principe n'est autre que celui utiliser dans les bases de donn´ees dynamiques. Cependant, il faut donner des descripteurs `a la machine, et ces descripteurs font office de concept, et c'est en ce sens que les opposants au contenu nonconceptuel soutiennent qu'un apprentissage non supervis´e, c'est-`a-dire sans concept, n'est pas possible. Une autre mani`ere de superviser l'apprentissage ne serait pas de donner des descripteurs mais des relations entre ensembles. Ces connecteurs n'auraient aucun contenu, mais permettraient de relier des ensembles entre eux 64 Analyse du probl`eme de mani`ere `a pouvoir former des inf´erences. Des inf´erences apparaissent au niveau non-conceptuel sous forme de r´eflexes et de routines, comme l'illusion de persistance de taille le montre (cf. section 2.1). Ces connecteurs ne seraient donc pas conceptuels, mais utilis´es par le niveau conceptuel. 2.3.5 Publicit´e du concept L'apprentissage du concept tel qu'il est expos´e dans la section pr´ec´edente, correspond en fait `a l'acquisition de concept. Une autre mani`ere d'apprendre un concept passe par la communication. Si Paul pense que les baleines sont des poissons mais que Pascal lui dit que ce sont des mammif`eres, Paul peut corriger son concept, ou bien si Paul demande ce que sont des animaux qui nagent l`a-bas, et que Pascal lui dit que ce sont des baleines, Paul peut apprendre ce concept. Mais pour que cela soit possible, il faut qu'une communication soit possible entre agents cognitifs. La communication passe pas un code de signes qui v´ehiculent un sens. Le terme lexical `baleine' r´ef`ere `a ce qui d´esigne les baleines dans le monde, c'est-`a-dire le concept baleine. Le concept est diff´erent du terme lexical, puisque deux termes lexicaux diff´erents peuvent d´esigner un m^eme concept, il suffit de penser `a la traduction de langue `a langue par exemple, le terme `baleine' en fran¸cais et le terme `whale' en anglais d´esignent tous deux le concept baleine. La communication suppose le partage de concepts entre agents cognitifs : le concept doit donc ^etre public [Fodor, 1998, p. 28]. Un concept est public s'il peut ^etre poss´ed´e par deux agents cognitifs distincts. Paul et Pascal partagent tous deux le concept baleine si dans chacun des espaces cognitifs r´eciproques de Paul et de Pascal appara^it ce concept. Le probl`eme est que l'application et l'usage du concept d´ependent des autres concepts poss´ed´es par l'agent et de l'exp´erience que celui-ci `a de l'environnement. Un agent qui aura d´ej`a vu des baleines et qui est sp´ecialiste de faune marine n'aura probablement pas les m^emes pens´ees, et donc le m^eme concept, qu'un agent qui n'en aura jamais vu. L'exemple de Paul et de Pascal, o`u Paul pense que les baleines sont des poissons et Pascal pense que ce sont des mammif`eres r´ev`ele que le concept baleine est diff´erent dans l'espace cognitif de l'un et de l'autre. Comment comparer ces concepts ? 2.3 Concept 65 L'´enonc´e : Les baleines sont des poissons (2.12) sera tenu pour vrai par Paul et faux par Pascal. L'application du concept pour l'un et pour l'autre pourrait ^etre ´equivalente - Paul et Pascal pourraient d´esigner les m^emes objets de l'environnement en pensant que ce sont des baleines - mais les inf´erences qu'ils tirent de ces concepts sont diff´erentes, donc l'usage du concept diff`ere d'un espace l'autre. Intensionnellement ces deux concepts seront donc distincts. Cependant Pascal peut corriger le concept de Paul, en lui apprenant que les baleines sont des mammif`eres et non pas des poissons, mais pour cela il faut que Pascal comprenne que Paul souhaite parler des baleines et non pas d'autre chose. Imaginons que Paul pense que le terme lexical `baleine' s'applique aux daurades, alors l'´enonc´e ci-dessus est vrai, mais le terme `baleine' n'a pas sa signification normale. La difficult´e de la publicit´e du concept est qu'elle passe par la communication, et que la communication est r´egie par des normes et des r`egles. Cette communication n'est pas n´ecessairement verbale une action ou une gestuelle peut servir `a communiquer une pens´ee et donc v´ehiculer des concepts. Il faut distinguer le terme lexical du concept, tout comme l'application et l'utilisation du terme lexical de celles du concept [Sperber and Wilson, 1986]. La question de la publicit´e du concept rejoint la question de la « division du travail linguistique » soulev´ee par Putnam [1975], et la mani`ere dont deux agents cognitifs d'une m^eme communication linguistique partage l'usage et la r´ef´erence d'un terme lexical. Lorsqu'une dame se plaint de son arthrite en se frottant la cuisse, ce qu'elle veut exprimer, c'est-`a-dire ce qu'elle pense, est qu'elle a mal `a la cuisse, et que sa maladie a un nom et qu'elle pense que le terme `arthrite' s'applique `a la maladie qui lui cause cette douleur. Or cette dame ne peut souffrir d'arthrite dans la cuisse pour la simple raison que l'arthrite est une maladie articulaire et qu'il n'y a pas d'articulation dans la cuisse. Un m´edecin peut comprendre et postuler ce que la dame essaie d'exprimer, `a savoir une douleur musculaire, et constater le m´esusage du terme lexical pour exprimer cette pens´ee. S'il s'agit effectivement d'une pens´ee que la dame essaie de communiquer, cela suppose qu'elle sait ce qu'elle veut exprimer - une douleur `a la cuisse - et cette pens´ee est compos´ee 66 Analyse du probl`eme de concepts. Dire que la dame sait ce qu'elle souhaite exprimer ne signifie pas qu'elle sache qu'elle est atteinte de myosis ou m^eme qu'elle sait que la partie anatomique qu'elle d´esigne s'appelle la cuisse, mais elle a un acc`es `a son contenu mental au sens donn´e au ´epist´emique donn´e plus avant (cf. section 2.2.2). Le terme lexical `arthrite' a un usage et une application d´efinie dans la communaut´e linguistique dans laquelle ce terme appara^it. Cet usage et cette application sont r´egis par une norme qui peut ^etre explicit´ee au besoin par un groupe d'experts reconnus comme tels au sein de cette communaut´e. Un m´edecin peut expliquer ce qu'est l'arthrite `a sa patiente, et au besoin lui montrer la d´efinition de ce terme dans le Vidal, livre de r´ef´erence. Mais si une convention peut se comprendre au niveau du terme lexical, qu'en est-il au niveau de la pens´ee. Y a-t-il une convention, une norme ou une « division du travail conceptuel » au niveau de la pens´ee, c'est-`a-dire au niveau du concept ? L'inn´eisme a l'avantage de supposer que les concepts - certains au moins - font partie de l'appareillage cognitif, de sorte que pour ^etre cognitif, un agent doit d´ej`a poss´eder ces concepts. L'inn´eisme va de pair avec une s´emantique causale de la r´ef´erence du concept. Comme la possession d'un concept ne suppose pas la possession d'autres concepts par l'agent, les relations entre les concepts de l'agent et leur application n'interf`ere pas avec l'application et l'usage d'un concept particulier. De fait, si un agent poss`ede le concept baleine il poss`ede ´egalement de facto ses conditions d'usage et d'application. Suivant cette conception, d´efendue par l'atomisme conceptuel de Fodor, Paul ne poss`ede pas le concept de baleine s'il pense que ce sont des poissons, mais le concept paleine, et une fois qu'il aura accept´e la remarque de Pascal comme quoi les baleines sont des mammif`eres, alors son concept paleine sera remplac´e par le concept baleine. Le seul inconv´enient et que l'on ne comprend pas vraiment comment Pascal et Paul peuvent savoir qu'ils essayent de parler de la m^eme chose, `a savoir de baleines. Deux agents comprendront que la communication entre eux ´echoue lorsque l'un admet quelque chose de vrai que l'autre tient pour faux. C'est- `a-dire `a partir du moment ou une inf´erence `a partir d'un concept est permise dans la conception de l'un des agents mais pas dans celle de l'autre, ou bien quand les conditions d'applications du concept sont diff´erentes. 2.3 Concept 67 Une mani`ere de v´erifier que deux agents pensent `a la m^eme chose dans leur communication serait d'avoir recours `a une norme, `a un dictionnaire de concepts comme dans le cas de la communication lexicale. Le probl`eme est qu'il n'existe rien de tel. Il pourrait exister une sorte de division du travail conceptuel, `a l'image de la division du travail linguistique. L'application et l'usage de r´ef´erence du concept arthrite serait ceux poss´ed´es par des experts. Le probl`eme est que dans le cadre de la division du travail linguistique, la norme se fait `a partir de la communication entre les experts et l'´echange de preuves et de raisons. Mais c'est justement cela que nous cherchons `a examiner pour le concept. D'autre part quel statut aurait ce concept commun ? Serait-il intersubjectif ? objectif ? un agent poss´ederait-il son propre concept plus ce concept commun, ou bien seulement le concept commun ? S'il poss`ede les deux, lequel doit-il utiliser ? S'il ne poss`ede que le concept commun comment peut-il se tromper ? Lorsque m´edecin explique `a la dame qu'elle ne peut pas ^etre atteinte d'arthrite, puisqu'elle se plaint d'un mal `a la cuisse, il imagine que ce que pense la dame est quelque chose comme « j'ai mal `a la cuisse et je crois que c'est `a cause de l'arthrite », et ce qu'essaie de dire le m´edecin est quelque chose comme « oui vous avez mal `a la cuisse, mais cette maladie ne s'appelle par `arthrite' mais `myosis' ». En somme il postule la pens´ee de la dame, et essayant de postuler le sens que la dame associe au terme `arthrite', conserve ce sens et l'applique `a un autre terme. Il ne va de m^eme pour Paul et Pascal. Pascal essaye de penser ce que Paul pense par le terme `baleine' et essaie de l'adapter au sens de son propre terme. Le m´edecin poss`ede donc son propre concept, ainsi que le concept qu'il imagine ^etre celui de la dame, confronte les deux et les restitue. Il y a dont un concept « priv´e », cognitif et un concept « postul´e », canonique (cf. chapitre 4). L'agent poss`ede son propre concept mais pour ce concept en plus de l'application et de l'usage qu'il en fait - applications et usages qui correspondent `a la r´ef´erence et `a la d´erivation cognitive, c'est-`a-dire propre `a l'agent suivant son exp´erience et les concepts qu'il poss`ede - l'agent postule une r´ef´erence et une d´erivation qu'aurait, selon lui, un autre agent cognitif pour ce m^eme concept. Cette r´ef´erence et la d´erivation postul´ee est g´en´eralement identique `a la r´ef´erence et `a la d´erivation cognitive, sauf dans les cas de divergence et d'´echec de la communication. 68 Analyse du probl`eme La r´ef´erence et l'extension postul´ee par l'agent ont deux niveaux : l'un est objectif et correspond au concept d'un expert, l'autre est intersubjectif et correspond au sens commun. Le sens commun se traduit, au niveau d'une communaut´e `a travers les th´eories na¨ives que celle-ci admet. Le sens commun forme la conception admise de mani`ere canonique mais non n´ecessairement scientifique, par une communaut´e. `A travers ces conceptions, il est possible de comprendre les concepts dans leur acception intersubjective. Chapitre 3 Conceptions du concept 3.1 Th´eorie classique Th´eorie classique : les concepts sont des d´efinitions de traits caract´eristiques n´ecessaires et suffisants pour cat´egoriser les objets. La « th´eorie classique » [Smith and Medin, 1981] soutient que le concept est une d´efinition, c'est-`a-dire une liste de caract`eres qu'un objet doit n´ecessairement poss´eder pour ^etre subsum´e par un concept et que ces propri´et´es sont suffisantes pour cat´egoriser un objet. La fonction principale du concept est alors la classification, et la structure du concept respecte le principe du tiers exclu de la logique classique, c'est-`a-dire qu'un objet tombe sous une et une seule cat´egorie de m^eme niveau, et que tout objet appartient ou n'appartient pas `a une cat´egorie donn´ee. De fait tout objet appartient n´ecessairement `a une cat´egorie, sinon il n'appara^it pas comme objet et alors le probl`eme ne se pose pas. L'engagement ´epist´emique demand´e par cette conception `a l'agent cognitif est fort, en effet l'agent qui poss`ede le concept doit ^etre en mesure de dire de quelle cat´egorie rel`eve un objet. La th´eorie classique est appel´ee ainsi puisqu'elle est cens´ee ^etre celle d´efendue par Platon, Locke ou encore Frege [Smith and Medin, 1981]. Thus, the idea of the sun, what is it but an aggregate of those several simple ideas, bright, hot, roundish, having a constant regular motion, at a certain distance from us, and perhaps some other : as he who thinks and discourses of the sun has been 70 Conceptions du concept more or less accurate in observing those sensible qualities, ideas, or properties, which are in that thing which he calls the sun 1. [Locke, 1997, II, 23, §6] En fait l' de Platon ne peut pas correspondre `a proprement parler au concept dans son acception actuelle, puis que l'Id´ee est ind´ependante de l'agent et n'est pas cognitive pour Platon. L'agent certes saisi l'Id´ee en percevant la forme dans la mati`ere, mais ce qui se passe dans l'espace cognitif de l'agent est distinct de l'Id´ee. De fait les caract´eristiques de la forme sont certes n´ecessaires et suffisantes mais son r^ole n'est pas de constituer la saisie et la repr´esentation de la chose, mais la chose elle-m^eme, ce qui n'est pas tout `a fait la m^eme chose. Quand `a l'Id´ee au sens moderne donn´e `a ce terme par Locke elle n'est pas exactement le concept non plus bien qu'elle s'en rapproche. `A la diff´erence de Descartes et de Platon, Locke affirme que la relation entre l'agent et le monde modifie la repr´esentation que le premier `a du second. C'est `a travers l'exp´erience sensible que l'agent va se forger une repr´esentation de l'environnement, en s´electionnant des propri´et´es per¸cues et en les agr´egeant pour en former des unit´es de connaissances : les Id´ees. Les caract`eres n´ecessaires et suffisants de l'id´ee d´ependent donc de l'agent, de l'exp´erience qu'il a du monde et des id´ees qu'il poss`ede d´ej`a. En ce sens, la th´eorie des Id´ees de Locke se rapproche plus de la th´eorie empirique du concept ou de la s´emantique des r^oles conceptuels que de la th´eorie classique. Si les caract`eres du concept sont cens´es ^etre n´ecessaires et suffisants pour d´eterminer l'appartenance ou non d'un ´el´ement `a une cat´egorie, la th´eorie classique ne dit pas sur quelle base ces caract`eres sont d´etermin´es. Pour Platon les caract`eres sont ceux qui font que l'´el´ement est ce qu'il est, le crit`ere est ontologique. Pour Locke il s'agit des qualit´es per¸cues. Mais nous venons de dire que ni la conception platonicienne ni la conception lockienne ne correspondent exactement au concept. Quant `a Frege sa notion du concept est complexe `a saisir. En effet le concept est un abstrait ind´ependant de l'espace cognitif de l'agent - c'est son anti-psychologisme - qui est pourtant saisi par l'agent lorsqu'il exprime une pens´ee. Le concept est le sens de la 1 "Ainsi, l'id´ee du soleil, n'est qu'un agr´egat de ces quelques id´ees simples, lumineux, chaud, rondeur, avoir un mouvement constant et r´egulier, ^etre a une certaine distance de nous, et peut-^etre d'autres : comme qui pense et discute du soleil a ´et´e plus ou moins pr´ecis dans l'observation de ces qualit´es sensible, id´ees ou propri´et´es qui sont dans cette chose qu'il appelle le soleil." 3.1 Th´eorie classique 71 pens´ee, et les caract`eres n´ecessaires et suffisants n'y entrent que de mani`ere indirecte en d´ependant de la connaissance que l'agent a de l'objet de sa pens´ee. Ainsi il peut consid´erer que le vainqueur de I´ena et le vaincu de Waterloo sont deux personnes diff´erentes, et donc penser que ce sont des caract`eres n´ecessaires et suffisants, parce qu'il ne sait pas qu'il s'agit en fait de Napol´eon dans les deux cas. Si la d´etermination des caract`eres se fait sur une base ontologique, alors le concept n'est plus une entit´e mentale. Si elle se base sur la compr´ehension du contenu de l'exp´erience alors elle n'est pas suffisante pour d´eterminer l'appartenance d'un objet `a une cat´egorie. Si elle d´epend de la connaissance de l'agent alors elle n'est pas n´ecessaire. La pertinence du crit`ere d´epend des concepts poss´ed´es par un agent. Si l'agent poss`ede simplement deux concepts anim´e et inanim´e, alors le concept anim´e est n´ecessaire et suffisant pour caract´eriser un chien par exemple. Mais si l'agent poss`ede plusieurs concepts, comme ceux de chat, color´e, poss´ed´e par Paul, alors le simple fait de dire qu'un chien est anim´e n'est pas suffisant pour caract´eriser un objet du monde, puisque les chats sont anim´es sans ^etre des chiens. Le concept, selon la th´eorie classique est une d´efinition de la forme suivante : x rel`eve du concept si et seulement s'il poss`ede les caract`eres {c1, . . . , cn}. de sorte que le concept est une fonction d'assignation d´efinie sur deux valeurs selon que l'objet x poss`ede ou ne poss`ede pas les caract`eres en question. 0, 1 (3.1) tel que f : x 1 si et seulement si x poss`ede 0 sinon (3.2) Cette fonction est la fonction de cat´egorisation. 72 Conceptions du concept Les caract`eres devant ^etre n´ecessaires et suffisants, tout objet doit pouvoir ^etre cat´egoris´e dans une classe et une seule de m^eme niveau : 2x(x x ) (3.3) `A quel niveau cette assignation doit-elle ^etre comprise ? Est-ce que cela signifie que tout ´el´ement est d´etermin´e de mani`ere absolue - au sens ontologique platonicien du terme - ou bien que l'agent cognitif doit n´ecessairement ^etre en mesure de dire de quelle cat´egorie un ´el´ement donn´e rel`eve ? S'il s'agit du point de vue ontologique alors ce n'est pas de concept dont il est question mais de propri´et´es. S'il est ´evident que tout ´el´ement est ce qu'il est du fait de ce qu'il est, cela ne signifie pas pour autant qu'un agent a besoin de le savoir. Si au contraire cette assignation est ´epist´emiquement d´etermin´ee, c'est-`a-dire qu'un agent doit ^etre en mesure de dire pour tout ´el´ement quelle est sa nature, alors cela implique que le sujet soit omniscient et qu'aucun de ses ´etats mentaux n'interf`ere dans l'´evaluation des caract´eristiques de l'´el´ement. Un conceptualisme tel que celui d´efendu par Lewis [1970a] , McDowell ou No¨e laisse supposer que l'engagement ´epist´emique fort est requis pour toute interaction avec le monde. Or l'analyse du probl`eme de la persistance de l'illusion montre que ce n'est pas le cas. L'agent peut inter-agir avec l'environnement en utilisant des caract´eristiques de l'´el´ement - ses propri´et´es saillantes - sans n´ecessairement utiliser de concept. L'avantage de l'approche du concept comme d´efinition est que cette th´eorie des concepts expliquer tr`es bien l'aspect cat´egoriel du concept. Un objet tombe sous un concept et un seul de m^eme niveau du fait des propri´et´es qu'il poss`ede. La structure de la classification est arborescente - taxinomique - du fait du strict respect du tiers exclu. La th´eorie classique rend alors compte de la hi´erarchie des concepts, c'est-`a-dire du fait que le concept baleine est inclu dans le concept mammif`ere, et donc qu'un ´el´ement qui est une baleine est n´ecessairement un mammif`ere, mais la r´eciproque n'est pas n´ecessairement vraie. Si est alors appara^it dans la liste des propri´et´es de . De cette hi´erarchie d´ecoule la transitivit´e des propri´et´es. Si tous les sont des et que tous les sont des alors tous les sont des . Puisque par d´efinition, doit ^etre inclus dans qui doit ^etre inclus dans 3.1 Th´eorie classique 73 , ce qui implique que doit n´ecessairement appara^itre dans en tant que propri´et´e. En expliquant ainsi la hi´erarchie des concepts, la th´eorie classique explique ´egalement comment il est possible d'apprendre un concept `a partir d'un autre, comment il est possible d'apprendre `a partir de ou de . Cette structure ne reposant que sur les propri´et´es des concepts, c'est-`adire leur fonction caract´eristique il est possible de d´efinir n'importe quel concept, puisque les abstraits peuvent se d´efinir [Hilbert and Bernays, 2001a]. D'autre part, l'appartenance de l'´el´ement au concept ´etant d´etermin´e par ses caract`eres propres, l'appartenance n'est pas d´efinie en terme de ressemblance. La table sur laquelle j'´ecris n'est pas une table parce qu'elle ressemble `a celle qui est dans la cuisine, mais elle est une table parce qu'elle a les propri´et´es qui font d'elle une table, et si elle ressemble `a celle qui est dans la cuisine c'est que celle-l`a poss`ede ces caract`eres aussi. L'appartenance `a un concept est donc un probl`eme de relation entre l'´el´ement et le concept, et non pas entre les ´el´ements. De sorte qu'un xoloitzcuintle sera tout aussi un chien qu'un caniche, et un loup ne sera jamais un chien. La th´eorie classique, en se conformant au tiers exclu est tr`es `a l'aise avec la logique classique et les concepts peuvent ainsi ^etre consid´er´es comme des ensembles ou des pr´edicats. La th´eorie classique explique la distinction de concepts co-extensionnels `a l'aide des diff´erences qui apparaissent dans les fonctions caract´eristiques. Les concepts vainqueur de I´ena et vaincu de Waterloo d´esignent tous les deux Napol´eon, mais d´ecrivent l'´el´ement Napol´eon de mani`ere diff´erente, si bien qu'il n'est pas impossible d'imaginer un environnement, un monde possible dans lequel ces deux concepts r´ef´ereraient `a des objets distincts. Ces deux concepts sont donc diff´erents. Cependant, ce qui appara^it comme des avantages de la th´eorie classique se retrouve ´egalement ^etre des faiblesses. Bien s^ur qu'un xoloitzcuintle est un chien tout comme un caniche, mais il n'en reste pas moins vrai que g´en´eralement, lorsque l'on pr´esente `a un agent cognitif trois photographies, l'une d'un xoloitzcuintle, une autre d'un caniche et la troisi`eme d'un loup, et qu'on lui demande quels sont ceux qui sont des chiens, il n'h´esite pas pour le caniche, peu pour le loup et ne sait pas pour le xoloitzcuintle. Cette h´esitation provient de l'effet de typicit´e [Rosch, 1975] : certains membres 74 Conceptions du concept d'un concept apparaissent comme ´etant de meilleurs repr´esentants de ce concept que d'autres. L'effet de typicit´e indique qu'un agent cognitif n'accorde pas le m^eme poids aux diff´erentes instances d'un m^eme concept. Certains ´el´ements de l'extension d'un concept semblent repr´esenter plus le concept que d'autres. Par exemple, lorsque dans un roman il est dit quelque chose comme « le chien se mit `a aboyer puis sauta sur le sofa », sans plus d'indications sur le pedigree de l'animal et que l'on demande `a un agent cognitif `a quoi, selon lui, ressemble ce chien, la proportion de r´eponses affirmant que c'est un caniche est largement sup´erieure `a celles disant que c'est un xoloitzcuintle, tout comme un moineau est jug´e ^etre plus un oiseau qu'un kiwi, ou une pomme plus un fruit qu'une tomate. Cela signifie que l'agent s´electionne certaines propri´et´es n´ecessaires et suffisantes d´eterminant l'appartenance d'un ´el´ement `a un concept, comme ´etant meilleures ou plus importantes que d'autres. Or cela la th´eorie classique ne le dit pas. Elle pr´edit m^eme le contraire. Une tomate est un fruit parce que les tomates ont tout pour faire d'elles des fruits. Et les tomates n'ont pas moins de ces propri´et´es essentielles que n'en ont les pommes. S'il est vrai que les ´el´ements doivent poss´eder des propri´et´es essentielles, n´ecessaires et suffisantes pour d´eterminer de quel concept ils rel`event, cela semble n´ecessaire pour qualifier ontologiquement l'´el´ement, mais pas pour en rendre compte cognitivement, c'est-`a-dire de la mani`ere dont un agent va le repr´esenter. Mais le probl`eme n'est pas dans le fait que l'agent cognitif ne semble pas utiliser uniquement - si jamais - la d´efinition du concept pour l'appliquer, le probl`eme est ´egalement qu'il est difficile de trouver une d´efinition, c'est- `a-dire une liste de caract`eres n´ecessaires et suffisants, pour d´eterminer le concept. Quelles sont les propri´et´es n´ecessaires et suffisantes qu'un ´el´ement doit avoir pour ^etre un oiseau, c'est-`a-dire pour ^etre subsum´e par le concept oiseau ? Avoir des ailes ? mais qu'en est-il du Kiwi ? Avoir des plumes ? Mais qu'en est-il du manchot ? Pour chaque caract`ere list´e quasiment, une exception peut-^etre trouv´e. `A moins que l'on utilise les crit`eres taxinomiques. Mais il est fort peu probable que tous les agents cognitifs poss´edant le concept oiseau connaissent et utilisent ces crit`eres-l`a. D'autant plus que ces crit`eres d´ependent en fait d'une th´eorie scientifique, et que les crit`eres de la cladistique ne sont pas n´ecessairement les m^emes que ceux de la syst´ematique, si 3.2 Th´eorie-th´eorie 75 bien que selon la th´eorie adopt´ee, un oiseau n'aura pas les m^emes caract`eres essentiels. 3.2 Th´eorie-th´eorie Th´eorie Th´eorie : les concepts sont structur´es comme des th´eories, avec des axiomes, des th´eor`emes et des r`egles de d´eduction. La th´eorie classique des concepts soutient que les concepts sont des d´efinitions incluant la liste des caract`eres n´ecessaires et suffisant pour d´eterminer l'appartenance d'un ´el´ement `a un concept, d´efinition que l'agent cognitif doit conna^itre et appliquer pour poss´eder et utiliser un concept. Mais outre le fait qu'il soit difficile - pour ne pas dire impossible de dresser la liste de ces caract`eres n´ecessaires et suffisants, les exp´eriences de psychologie montrent que l'agent n'utiliser pas ces d´efinitions - ou tout du moins pas uniquement les d´efinitions - pour appliquer le concept. Afin d'expliquer le caract`ere « relatif » des d´efinitions, la th´eorie-th´eorie des concepts (Theory Theory of concepts), d´ecrit le concept comme ´etant une th´eorie similaire `a une th´eorie scientifique. La th´eorie des concepts comme th´eorie se base sur une interpr´etation forte du caract`ere ´epist´emique du concept. Concepts represent our knowledge of the kinds of things in the world 2. [Murphy, 2002, p. 392] Le concept est donc une connaissance. L'agent qui le poss`ede sait non seulement qu'il le poss`ede mais conna^it ´egalement les conditions d'usage et d'application du concept. Cette forme de concept comme connaissance est soustendue parce que l'on pourrait appeler le « conceptualisme », une th´eorie selon laquelle l'agent ne pourrait pas interagir avec l'environnement s'il n'avait pas connaissance ni de celui-ci ni de son interaction avec. Le conceptualisme sous cette forme est d´efendu par des auteurs tels que Brandom, McDowell ou encore No¨e. De fait, tout contenu non-conceptuel est ni´e. L'argument g´en´eral se retrouve dans une critique du nominalisme par Lewis [1970a] : 2 "Les concepts repr´esentent notre connaissance des types de choses dans le monde." 76 Conceptions du concept 1. That which is or can be the same in two instances is abstract. 2. Nothing which is not the same in two instances can be recognized. 3. That which is not recognizable is not identificable. 4. Hence if any non-abstract entities are real they cannot be identified. 5. What cannot be identified cannot be known. 6. According to nominalism, only non-abstract entities are real. 7. Hence, admitting nominalism, if anything is real it cannot be known. 8. Hence the only consistente nominalist is one who is also a skeptic. Skeptics should not make statements about the character and limits of the real, since they admit that all such statements are unprovable. Perhaps, thesis (4) is a critical member of the set. If so, the point would not be that non-nominalists admit (4) but that they have a way of obviating it ; and the question may be whether any consistent theory of knowledge, obviating (4), is open to the nominalist 3. 3 " 1. Ce qui est ou peut ^etre le m^eme dans deux instances est abstrait. 2. Rien qui n'est le m^eme dans deux instances ne peut ^etre reconnu. 3. Ce qui ne peut ^etre reconnu ne peut peut ^etre identifi´e. 4. Par cons´equent si des entit´es non abstraites sont r´eelles, elles ne peuvent ^etre identifi´ees. 5. Ce qui ne peut ^etre identifi´e ne peut ^etre connu. 6. Selon le nominalisme, seules les entit´es non abstraites sont r´eelles. 7. Par cons´equent, suivant le nominalisme, si quelque chose est r´eel cela ne peut ^etre connu. 8. Par cons´equent, le seul nominaliste consistant est ´egalement un sceptique. . Les sceptiques ne devraient pas faire des ´enonc´es au sujet du caract`ere et des limites du r´eel, puisqu'ils admettent que tous les ´enonc´es de ce types ne sont pas prouvables. Peut-^etre que la th`ese (4) est critiquable dans cet ensemble. Si c'est le cas, le point ne serait pas que les non nominalistes admettent (4) mais qu'ils ont un moyen de l'´eviter ; et la question est peut-^etre celle de savoir si toute th´eorie consistante de la connaissance, ´evitant (4), est accessible au nominaliste." 3.2 Th´eorie-th´eorie 77 Poss´eder un concept c'est ^etre capable de l'appliquer, c'est ^etre donc capable de dire que deux ´el´ements sont des instances d'un m^eme concept. Par cons´equent le concept est commun `a deux particuliers, ce qui fait de lui un terme g´en´eral, c'est-`a-dire un universel ou un abstrait. Seul ce qui est commun `a plusieurs particuliers peut ^etre reconnu, c'est-`a-dire que seuls les caract`eres sont utilis´es par la reconnaissance, pour la simple raison que seul ces caract`eres peuvent ^etre identifi´es, suivant le principe d'identit´e (2.11). De fait, seuls les termes abstraits peuvent ^etre identifi´es. Comme la reconnaissance ne porte que sur les abstraits, seuls les abstraits peuvent ^etre connus. Cette critique, dirig´ee contre le nominalisme, implique que le concept est ce qui est commun `a plusieurs particuliers - ses instances - et que l'identification des ´el´ements passe n´ecessairement par la saisie du concept qui, en tant qu'il permet la reconnaissance, permet la connaissance. Cet argument se retrouve chez McDowell [2002] ou No¨e [2004], il consiste `a dire que pour pouvoir ^etre utilis´ee, l'exp´erience sensible doit ^etre comprise par l'agent. Or pour pouvoir ^etre comprise, l'exp´erience doit n´ecessairement d´ej`a ^etre conceptuelle. Mais comme la d´efinition du concept en terme de d´efinition ne marche pas, l'id´ee est de dire que les concepts sont comme des th´eories scientifiques : qu'ils sont compos´es d'axiomes et de th´eor`emes, d'hypoth`eses et de protocoles, mais au lieu d'^etre scientifique, ce sont des th´eories na¨ives ( folk theory - naive theory). Une th´eorie na¨ive est une th´eorie naturellement poss´ed´ee par un agent cognitif du fait de son interaction avec le monde. Il y a une physique na¨ive qui dit que lorsque j'allume le gaz sous la bouilloire remplie d'eau, l'eau au bout d'un moment devient assez chaude pour pouvoir faire du th´e. L'explication de l'´echauffement de l'eau, est la flamme du gaz. Mais c'est l`a une explication na¨ive - c'est-`a-dire une explication qui convainc l'agent cognitif, mais qui ne repose pas sur des bases scientifiques. Et dans certains cas, j'allume le gaz sous la bouilloire pleine d'eau et l'eau, au bout d'un moment est toujours aussi froide et je ne comprends pas pourquoi. L'explication scientifique dit alors que c'est d^u au manque d'oxyg`ene ou au fait qu'il fait -40 C dehors. Tout comme il y a une physique na¨ive, il y a une biologie na¨ive, une psychologie na¨ive et toute autre explication na¨ive de ce que l'agent a besoin de comprendre [Atran, 1990, Povinelli et al., 2003, Bloom, 2004]. Ces th´eories na¨ives sont tr`es robustes et constituent une base 78 Conceptions du concept de pr´ejug´es difficile `a contrecarrer. Par exemple, imaginons que je vous dise que je viens vous dire que j'ai pay´e 11 ¤ une raquette de tennis et une balle. La raquette m'a co^ut´e 10 ¤ de plus que la balle. Selon l'´economie na¨ive, je suis `a peu pr`es certain que si je demande combien m'a co^ut´e la balle, la pr´ediction est que la plupart des agents cognitifs r´epondront que la balle a co^ut´e 1 ¤, alors m^eme qu'elle n'a co^ut´e que 30 centimes. Les th´eories na¨ives sont incompl`etes - l'astronomie na¨ive ne dit pas grand-chose des quasars - mais elles fournissent des explications satisfaisantes pour la curiosit´e de l'agent et sont suffisantes pour lui permettre d'interagir dans la plupart des cas, avec son environnement. Si les concepts sont structur´es en th´eories na¨ives cela signifie qu'ils sont reli´es les uns les autres. D'ailleurs il n'est pas clair de savoir `a quel niveau le concept est une th´eorie : est-il une th´eorie en lui-m^eme ou bien fait-il parti d'une th´eorie. Quoi qu'il en soit, si le concept est ou fait parti d'une th´eorie, m^eme na¨ive, cela suppose qu'il est d´ependant d'autres concepts poss´ed´es par l'agent. Par exemple le concept ours polaire est d´ependant des concepts doux et m´echant. Les th´eories na¨ives dessinent ainsi des domaines d'application et d'usage sp´ecialis´es, ces domaines ´etant des trames de relations sp´ecifiques entres des concepts. En d'autres termes, la th´eorie des concepts comme th´eories, tout comme la th´eorie classique des concepts, suppose une forme de holisme, au moins partiel [Quine, 1953]. Ce holisme permet `a la th´eorie classique d'expliquer un concept `a l'aide d'un autre ou d'autres concepts, par exemple qu'un c´elibataire est une personne non mari´ee, et `a la th´eorie th´eorie des concepts, et d'expliquer les domaines d'application des concepts, c'est-`a-dire la physique na¨ive, la biologie na¨ive, et les autres th´eories na¨ives utilis´ees par l'agent cognitif. La relation entre concepts est inf´erentielle, elle d´etermine le passage d'un concept `a un autre [Margolis and Laurence, 1999, p. 45]. Les partisans de la th´eorie des concepts, par exemple Gopnik and Meltzoff [1996] comme th´eorie consid`erent que le concept est une th´eorie au m^eme sens qu'une th´eorie est scientifique, c'est-`a-dire comme un ensemble d'entit´es abstraites, de lois, d'hypoth`eses qui transcende l'exp´erience, qui est nomologique qui d´etermine des r´egularit´es logiques. Le concept faire chauffer de l'eau est de la forme : «si j'allume le gaz et que je mets une 3.2 Th´eorie-th´eorie 79 bouilloire pleine d'eau dessus, alors l'eau de la bouilloire sera chaude apr`es quelques instants». L'avantage de cette approche est qu'elle permet d'expliquer l'apprentissage et le changement de concept, en reprenant l'apprentissage et le changement des th´eories scientifiques. ´Evidemment, si les concepts sont les th´eories scientifiques, il reste `a expliquer l'apprentissage et le changement des th´eories scientifiques sans avoir recours aux concepts. Mais l'avantage est que comme le concept est l'explication pour et part l'agent de son environnement et que cette explication est th´eorique - m^eme si na¨ive - l'agent peut faire intervenir autant de principes explicatifs qu'il juge n´ecessaire de le faire. Il peut avoir recours `a des ph´enom`enes non observ´es voire m^eme non observables, les fameuses « propri´et´es cach´ees » (hidden properties [Povinelli et al., 2003]), tel que Dieu, Big Brother, la main invisible, etc. Ces entit´es sont fort co^uteuses du point de vue ontologique, ´evidemment, mais si elles sont requises ou jug´ees telles pour l'explication, elles ne seront pas remises en cause, sauf bien s^ur si l'explication n'est pas satisfaisante. D'un point de vue na¨if cependant ces entit´es ´etranges sont suppos´ees exister, du fait m^eme qu'elles ont une incidence sur l'environnement. De sorte qu'une ontologie na¨ive fait partie des concepts, ontologie qui se traduit le plus souvent par une essentialisme psychologique [Bloom, 2004], c'est-`a-dire de postuler comme r´eel et existant tout ce que l'on croit avoir un effet causal. Ce qui est remis en cause n'est pas que tout ce qui poss`ede un effet causal existe, mais ce qui est reconnu comme ayant ou ´etant un tel effet. Ce n'est pas parce que l'on peut donner une explication de l'humeur des gens en fonction de la position de la Lune que cette explication est la bonne. La th´eorie des concepts comme th´eories `a l'avantage de coller assez bien `a ce que l'agent cognitif est enclin `a penser du concept, pour la simple raison que si le concept est une th´eorie na¨ive, cette th´eorie na¨ive correspond plus ou moins `a l'explicitation du sens commun, l'agent se sentira r´econfort´e si ce qu'on lui demande correspond `a ce que la plupart des gens pensent. Mais dire que l'agent est d'accord avec le sens commun ne signifie pas pour autant que le sens commun est le concept. L'explication donn´ee plus loin dans cette ´etude rend compte du sens commun comme de la d´erivation et de la r´ef´erence canonique postul´ee par l'agent pour un concept qu'il poss`ede (cf. chapitre 4). La th´eorie des concepts comme th´eories ne semble pas 80 Conceptions du concept distinguer le niveau de la th´eorie na¨ive du niveau du concept. Or il se trouve quelque fois que le concept de l'agent ne concorde pas n´ecessairement avec celui du sens commun, c'est typiquement le cas du concept de l'expert. Comment expliquer ce d´ecalage ? En revanche il est vrai que le concept prend place dans une th´eorie. Si les baleines sont des mammif`eres alors il y a bien une relation entre les concepts baleine et les mammif`ere. De fait pour apprendre un concept il suffit d'apprendre quelle est sa position dans une th´eorie, et cela est permis du fait de la structure holistique du concept. Les concepts sont donc individu´es par leurs r^oles et leurs usages. Cependant cela est vrai pour les termes utilis´es dans une th´eorie, mais pas pour la th´eorie elle-m^eme, puisqu'elle d´epend des termes et des relations entre ces termes qui la composent. Donc si le concept est une th´eorie alors il n'est pas possible d'expliquer son apprentissage comme on apprend un terme dans une th´eorie scientifique. L'interpr´etation fonctionnelle du concept aux d´epens de son application - de son extension - semble confirm´ee par la th´eorie de la cat´egorisation accept´ee par la th´eorie th´eorie des concepts. L'appel `a des propri´et´es et des caract`eres abstraits - sous forme de propri´et´es cach´ees - indique que la description passe par la fonction caract´eristique `a laquelle l'objet se conforme. Ce qui importe donc c'est la mani`ere d'expliquer l'objet - qui `a lui accoler des propri´et´es qu'il ne manifeste en fait pas - plut^ot que d'essayer de constituer des descripteurs `a partir de ce que manifeste l'objet. En somme l'explication - voire m^eme a priori prime sur l'exp´erience [Margolis and Laurence, 1999, p. 45]. C'est ce type m^eme d'explication qui permet `a un zoo de vendre une mule peinte pour un z`ebre. Mais les agents cognitifs ´evoluent, l'exp´erience leur fait comprendre certaines choses qu'ils ignoraient lorsqu'ils ´etaient enfants. Si les enfants peuvent accepter que les mules peintes soient des z`ebres, les adultes savent qu'il y a des z`ebres et qu'il y a des mules dans le monde, et que quelque fois les directeurs de zoo ou bien pour prendre les visiteurs pour des t^etes de mules ou bien `a cause de restrictions budg´etaires, mettent des mules peintes `a la place des z`ebres. Les concepts des enfants ne sont pas les m^emes que les concepts des adultes. La th´eorie th´eorie des concepts explique cela par la diff´erence de th´eories poss´ed´ees par les adultes et celles poss´ed´ees par 3.2 Th´eorie-th´eorie 81 les enfants. Celles des enfants ´etant naturellement plus pauvres et moins riches que celles de leurs a^in´es. Les th´eories des adultes s'enrichissent et se d´eveloppent `a partir de l'exp´erience - ce qui suppose que l'extension joue un r^ole dans la constitution des th´eories, sur le mod`ele empirique, et donc que la curiosit´e pousse les adultes `a expliquer d'avantage de ph´enom`enes que les enfants - et ´egalement `a partir d'autres concepts et th´eories. Cela explique en partie la compositionalit´e des concepts : certains concepts combin´es entre eux au sein d'une th´eorie forment un autre concept. Mais cela est plus un usage de la compositionalit´e qu'une explication de celle-ci. D'autre part si les concepts sont des th´eories et non pas des termes au sein d'une th´eorie, comment expliquer la compositionalit´e de deux syst`emes d´eductifs diff´erents ? Il semble que le probl`eme de l'incommensurabilit´e des th´eories emp^eche toute composition et mise en commun de celles-ci. Le principal probl`eme de la th´eorie des concepts comme th´eorie est que l'on ne sait pas tr`es bien ce qu'est une th´eorie. Est-ce que le concept est un terme qui appara^it dans une th´eorie comme le concept mammif`ere appara^it dans une th´eorie biologique, ou bien est-ce que le concept est une th´eorie en bon est d^u forme avec pour chaque concept un jeu de r`egles de d´eduction, d'axiomes et de th´eor`emes. Si le concept est un constituant d'une th´eorie alors il n'est pas une th´eorie, s'il est une th´eorie `a part enti`ere, qu'est-ce qui le compose ? De plus, si le concept est une th´eorie, alors pour ma^itriser le concept il faut que l'agent cognitif puisse rendre compte de cette th´eorie, c'est-`adire en donner les r`egles de d´eduction, les axiomes et les th´eor`emes. Or, m^eme lorsqu'il s'agit de th´eories na¨ives, il se trouve que l'agent cognitif n'est pas n´ecessairement en mesure d'expliciter l'usage et l'application qu'il fait du concept. Une th´eorie du concept ne semble pas exiger un principe ´epist´emique fort, mais simplement le principe ´epist´emique faible. Un agent peut utiliser un ordinateur, poss´eder le concept ordinateur sans ^etre en mesure d'expliquer comment un ordinateur marche. Mais le plus g^enant pour la th´eorie des concepts comme th´eorie est l'explication de l'erreur par un agent dans l'application ou l'usage d'un concept. Si le concept est une th´eorie, alors l'agent qui poss`ede le concept poss`ede de fait la th´eorie . Or si est une th´eorie elle doit se conformer aux principes de constitution d'une th´eorie, entre autre ^etre consistante. Et si est 82 Conceptions du concept consistant alors l'agent peut l'utiliser sans probl`eme. Et si ce concept est ´etrange ou s'il est faux, si par exemple il dit que les baleines sont des poissons, l'agent est en droit d'utiliser sa propre th´eorie. Mais s'il est possible de dire qu'un agent utiliser mal un certain concept, cela signifie qu'il est possible d'´evaluer et de juger un concept. Or pour comparer deux th´eories il faut ou bien une troisi`eme th´eorie ou bien une norme, mais comment comparer deux concepts ? Qui les comparent ? L'agent peut-il avoir acc`es `a son concept et `a ce que son concept est ou devrait ^etre pour un autre agent ? Si le concept est une th´eorie il est toujours possible `a l'agent qui le poss`ede de rajouter a posteriori une hypoth`ese, un axiome ou une r`egle had hoc qui justifie ou r´etablit l'usage de son concept. De fait il n'y a pas de mauvais concept ou de concept faux. Il y a peut-^etre des concepts meilleurs que d'autres, mais la pertinence est diff´erente de la v´erit´e, et de cela la th´eorie des concepts comme th´eorie ne peut en parler. 3.3 Exemplaires Th´eorie des Exemplaires : le concept est n'importe quel ´el´ement d'un ensemble qui permet de repr´esenter celui-ci. Le principal probl`eme de la th´eorie classique et de la th´eorie des concepts comme th´eorie est qu'elle se soucient beaucoup de la description des ´el´ements mais assez peu des ´el´ements d´ecrits. Or si l'agent fait ou utilise des descriptions, des concepts pour repr´esenter l'environnement c'est parce qu'il est en relation avec ces ´el´ements. Fortes de ce constat, certaines th´eories du concept pr´econisent une approche extensionnelle du concept, et proposent de constituer celui-ci non pas `a partir des descripteurs mais des ´el´ements d´ecrits. En somme elles utilisent une m´ethode « bottom up » plut^ot que « top down ». L'id´ee de la th´eorie des exemplaires, propos´ee par Medin and Schaffer [1978] est de fonder le concept non plus sur les propri´et´es qu'un objet doit manifester pour appartenir `a un concept, mais de se baser sur les instances du concept dont l'agent `a fait l'exp´erience. Par exemple le concept chien ne correspond plus `a une d´efinition ou `a une th´eorie mais `a l'ensemble des chiens que l'agent a rencontr´e et dont il se souvient. Aucune abstraction n'est faite sur ces occurrences du concept, si bien que toutes valent `a part 3.3 Exemplaires 83 ´egale pour repr´esenter le concept. Lorsque l'agent lit dans un roman que le chien `a mordu la petite fille, sans autre caract´erisation du chien, il peut penser que c'est un caniche ou un terre-neuve cela ne change pas grand-chose puisque ce sont tous deux des chiens. La th´eorie des exemplaires est une th´eorie empirique du concept, dans la lign´ee de celle de Locke, de Berkeley ou de Hume. Les concepts y sont con¸cus comme des repr´esentations mentales - dont le paradigme est visuel, ce sont des images mentales - ´elabor´ees `a partir de l'exp´erience sensible. Lorsque l'agent voit un chien, il en garde une trace dans son esprit, trace qu'il peut r´eactiver par la suite gr^ace `a la m´emoire. La d´ependance du concept vis-`a-vis de son extension - de ses occurrences - explique sa possession et sa gen`ese. Un agent aura le concept de ce dont il aura fait exp´erience, le concept provient donc de l'exp´erience et s'acquiert par elle. Un agent qui aura vu un caniche poss´edera le concept chien dont sa repr´esentation mentale sera un caniche, alors qu'un agent ayant fait l'exp´erience de xoloitzcuintles poss´edera ´egalement le concept chien mais sa repr´esentation mentale sera celle d'un xoloitzcuintle. Cela explique le contenu cognitif de l'agent, et comment deux agents peuvent poss´eder un m^eme concept tout en lui associant un contenu diff´erent. Cette diff´erence d'exp´erience d'occurrence d'un m^eme concept par des agents cognitifs diff´erents explique ´egalement l'effet de typicit´e. Plus un ´el´ement sera proche des instances d'un concept d´ej`a per¸cues par un agent, plus celui-ci reconna^itra cet ´el´ement comme ´etant une occurrence de ce concept. L'environnement joue donc un r^ole important dans l'apprentissage et le maniement des concepts. Dans un environnement o`u les caniches seront nombreux et les xoloitzcuintles rares, un agent aura une repr´esentation mentale correspondante au concept chien qui ressemblera plus `a un caniche qu'`a un xoloitzcuintle. La cat´egorisation - le fait de subsumer un ´el´ement sous un concept - d´epend donc des instances d´ej`a pr´esentent dans l'extension du concept. C'est en comparant l'´el´ement `a cat´egoriser avec les ´el´ements que l'agent a en m´emoire. Comme tous les exemplaires valent de mani`ere ´egale pour repr´esenter le concept, l'agent doit comparer l'´el´ement nouveau `a l'ensemble des ´el´ements en m´emoire. C'est-`a-dire que si l'agent a vu 40 000 chiens dans sa vie et que devant lui se tient un teckel `a poils durs, et bien il passera en revue les 40 000 occurrences de chiens, plus toutes celles de ce que n'est pas le teckel, c'est-`a-dire, les chats, les poules, les veaux et les chars d'assaut, 84 Conceptions du concept jusqu'`a ce qu'il en d´eduise que ce teckel ressemble plus `a un caniche qu'`a une motoneige ou que d'un volcan arctique. La cat´egorisation passe donc par la comparaison et le degr´e de similitude entre l'´el´ement `a classer et les ´el´ements d´ej`a class´es, en utilisant le principe contrastif introduit pr´ec´edemment (2.5). Chaque ´el´ement per¸cu dans l'exp´erience est d´ecrit par des descripteurs pond´er´es, l'ensemble des points d'´equilibres relatifs qui ´emergent lors de la mise en rapport de tous les ´el´ements d´eterminent des concepts, et tout nouvel ´el´ement, du fait de sa pond´eration se retrouve plus ou moins distant d'autres ´el´ements dans l'espace de pond´eration. L'´el´ement est consid´er´e comme faisant parti du m^eme concept que les ´el´ements dont il est le plus proche. Comme la comparaison implique l'ensemble des ´el´ements pr´esents de mani`ere particuli`ere dans l'espace cognitif de l'agent, aucun trait n'est perdu, ce qui permet de comparer de mani`ere tr`es fine les ´el´ements entre eux. Ainsi un xoloitzcuintle ne para^itra pas un chien ´etrange, mais un chien tel qu'il est peu repr´esent´e dans un environnement plein de caniches. ´Evidemment le probl`eme est qu'il se peut que le xoloitzcuintle soit consid´er´e par l'agent comme ´etant plus similaire `a un chat qu'`a un caniche, et qu'il soit mal cat´egoris´e. Mais si la cat´egorisation ne d´epend pas des caract`eres en tant qu'ils doivent d´ecrire un ´el´ement mais en tant qu'ils sont manifest´es par cet ´el´ement, alors si l'agent pense que xoloitzcuintle ressemble plus `a un chat qu'`a un chien, alors le xoloitzcuintle, pour cet agent, rel`evera du concept chat et non de celui de chien. La th´eorie des exemplaires consid`ere donc que le concept n'est pas abstrait - sinon `a titre th´eorique - mais qu'il se r´eduit `a l'ensemble de ses membres, de fait aucun processus d'abstraction n'a lieu pour celle th´eorie en ce qui concerne le concept. L'inconv´enient ´evidemment est que s'il faut passer en revue l'ensemble des ´el´ements issus de l'exp´erience, cela peut prendre un temps cons´equent `a chaque fois, tellement cons´equent m^eme qu'il devient tout simplement impossible en pratique. Le probl`eme se pose ´egalement de savoir comment sera class´e un ´el´ement d'un concept non d´ej`a poss´ed´e par l'agent. Cet ´el´ement sera toujours pr`es d'un ´el´ement que d'un autre, donc d'un concept. Par exemple l'ornithorynque peut ^etre consid´er´e comme un oiseau ou comme un mammif`ere, mais rien n'indique qu'il faille le classer `a part dans un nouveau concept. Et 3.3 Exemplaires 85 de ce fait aucun nouveau concept ne peut appara^itre ou ^etre cr´e´e. Se pose alors la question de savoir d'o`u proviennent les concepts utilis´es par un agent cognitif. Sont-ils inn´es, proviennent-ils de l'´evolution de la cognition ? Mais alors cela signifie qu'ils seraient ind´ependants de leur extension. M^eme si l'agent cognitif humain poss´edait le concept du fait de l'´evolution et de la proximit´e entre l'esp`ece humaine et de la s´election du concept d´epend d'interactions les ´el´ements manifestant et l'esp`ece, et donc sur les caract`eres de ces ´el´ements. De sorte que si un agent cognitif humain vient `a ^etre en relation avec un ´el´ement manifestant alors il aurait de mani`ere r´eflexe et inn´ee telle et telle r´eaction pr´evisible. Mais l'agent poss`ede cette disposition combien m^eme il ne serait jamais en relation avec un quelconque ´el´ement manifestant . Or cela n'est pas compatible avec la version de l'exemplarisme qui affirme que la cat´egorisation est bas´ee sur la similitude avec l'exp´erience pass´ee. `A moins que des caract`eres soient extraits de chaque ´el´ement pour permettre de le d´ecrire et de le comparer `a d'autres. Mais alors ce n'est plus d'exemplaires dont il est question, mais de fonctions caract´eristiques de ceux-ci, c'est-`a-dire de caract`eres, et alors nous retombons sur une th´eorie classique ou une th´eorie th´eorie du concept. L'apprentissage artificiel ne marche que si au moins des seuils de pond´erations sont donn´es [Cornuj´eols and Miclet, 2003] - c'est-`a-dire qu'une limite est donn´ee au moins dans la granularit´e de la d´etermination des points d'´equilibre, sans quoi le r´esultat final est que chaque ´el´ement devient son propre point d'´equilibre, ´ecueil du « plus pur nominalisme » [Hacking, 1993] ou bien au contraire il n'y a qu'un seul point d'´equilibre, c'est-`a-dire un seul concept. Dans les deux cas la classification est inutilisable et donc vaine. En fait, ce qui manque dans cette approche est l'usage du concept, de savoir pourquoi un agent cognitif peut avoir besoin de concept. La r´eponse `a cette question implique de se pencher sur la pragmatique du concept, sa finesse et sa structure en d´ependent. Cependant, et c'est l`a la grande force de la th´eorie des exemplaires, la d´etermination des seuils, de la taille des ensembles et m^eme des caract`eres choisis peut ^etre laiss´e `a la charge de l'agent cognitif. Un agent peut constituer les concepts dont il a besoin. Cela explique en partie le contenu cognitif du concept. L'autre aspect du contenu cognitif ´etant d´etermin´e par l'exp´erience particuli`ere de l'agent. Deux agents peuvent donc poss´eder le 86 Conceptions du concept m^eme concept tout en y associant des contenus ou des usages diff´erents. Bien que si le concept d´epend de l'exp´erience et des occurrences per¸cues par l'agent, cela explique l'extension du concept, mais difficilement son usage. Comment l'agent peut-il penser que le chien qui vient de voir est un mammif`ere ? Il peut appliquer deux concepts diff´erents `a un m^eme objet, ce qui est un chien est aussi un mammif`ere, mais cela n'explique pas le lien qu'il y a entre le concept chien et le concept mammif`ere. Il y a une diff´erence entre cette relation et celle qu'il peut y avoir entre le chien que l'agent vient de voir marquer son territoire contre son v´elo et le fait que ce chien appartienne `a la voisine qui vient quelque fois fumer sous la fen^etre. La premi`ere relation est n´ecessaire alors que l'autre ne l'est pas. Si le concept d´epend de l'exp´erience de l'agent, cela permet de comprendre pourquoi le concept est limit´e dans sa g´en´eralisation du point de vue cognitif. Un agent peut parfaitement utiliser et appliquer comme il faut un concept et puis soudainement, allez savoir pourquoi, consid´erer que le concept ne l'applique pas pour l'une de ses instances. Un agent peut dire ce qu'est un chien par exemple et appliquer le concept chien dans la plupart des cas, sauf pour les xoloitzcuintles, qui sont pourtant des sujets canins. Il se peut par exemple que l'agent consid`ere en fait que les chiens sont couverts de poils, et tout ce qui ressemble `a un chien mais qui n'est pas couvert de poils n'est pas un chien, mais autre chose. De fait, m^eme si l'agent est d'accord pour dire que le xoloitzcuintles ressemble `a un chien, ce n'en est pas un, alors que le loup, qui n'en est pas un, en est un. La limitation de la g´en´eralisation vient alors du contenu de l'exp´erience de l'agent. L'agent a per¸cu plus de caniches que de xoloitzcuintles, et en a d´eduit que les chiens avaient des poils. Cependant, cette g´en´eralisation ne peut faire partie du concept ou de son contenu, puisque cela supposerait une abstraction sur les instances du concept, en particulier en extrayant des caract`eres de ces instances. Mais la th´eorie des exemplaires ne peut faire cela, ou du moins pas au niveau du concept, puis que cela signifierait que le concept n'est pas un ou plusieurs exemplaires mais certaines propri´et´es de ceux-ci, par exemple comme celles des exemplaires situ´es aux points d'´equilibre de l'espace pond´er´e, comme le d´efendra la th´eorie des prototypes. L'avantage de la th´eorie des exemplaires est qu'en acceptant la limitation de la g´en´eralisation du concept, elle rend compte d'un ph´enom`ene psychologique : le fait que les agents ne respectent pas scrupuleusement 3.4 Prototypes 87 les inf´erences logiques formelles, m^eme s'ils sont pr^ets `a les reconna^itre comme des r`egles valides et qu'il est utile de suivre. Cette limitation de la g´en´eralisation, due au fait qu'il est m^eme difficile de parler de g´en´eralisation dans le cadre de la th´eorie des exemplaires du fait de l'absence de th´eorie de l'abstraction, fait toute la particularit´e de cette th´eorie. La cat´egorisation, entendue ici comme l'assignation d'un ´el´ement `a un ensemble, se faisant par comparaison de cet ´el´ement avant l'ensemble des ´el´ements d´ej`a per¸cu, se fait sur l'ensemble des caract`eres de l'ensemble des ´el´ements, de fait, contrairement `a une th´eorie de l'abstraction [Fine, 2002], aucune information n'est perdue. L'assignation est donc tr`es fine. Mais il n'est plus certain alors que l'on peut parler d'assignation, sinon `a titre m´etaphorique. Si l'agent compare l'´el´ement `a classer avec l'ensemble des ´el´ements dont il dispose d´ej`a, alors l'apprentissage du concept devient clair. Un agent acquiert un concept par l'exp´erience. Le concept n'´etant alors qu'un ensemble d'´el´ements rassembl´es du fait de leur similitude, d'apr`es les donn´ees de l'exp´erience, c'est-`a-dire les propri´et´es saillantes du percept. La th´eorie des exemplaires est donc une th´eorie extensionnelle du concept dans la lign´ee de l'empirisme. Mais comme la th´eorie des exemplaires se refuse `a toute abstraction, c'est-`a-dire `a tout traitement du contenu de l'exp´erience, cela signifie que le concept ne requiert aucun engagement ´epist´emique, ni fort ni faible, de la part de l'agent. La comparaison peut se faire sur la simple base du percept. Par cons´equent, la th´eorie des exemplaires ne dresse pas de limite et de diff´erence, ni de genre ni de nature, entre le concept et le percept, entre le contenu conceptuel et le contenu non-conceptuel. La th´eorie des exemplaires n'est qu'une th´eorie des protojugements au niveau du percept, c'est-`a-dire de la proto-cat´egorisation au niveau non-conceptuel, sans recours `a la repr´esentation. Elle n'est pas encore une th´eorie du concept. 3.4 Prototypes Th´eorie des Prototypes : le concept est l'ensemble moyen des caract`eres poss´ed´es par les membres d'un ensemble. La th´eorie des prototypes, d´evelopp´ee par Rosch [1975] et Hampton [1982], est un raffinement de la th´eorie des exemplaires. Les concepts ne sont 88 Conceptions du concept plus repr´esent´es par l'ensemble de leurs occurrences, mais par un prototype, c'est-`a-dire un ´el´ement qui a les traits les plus partag´es par les occurrences du concept. Dans la th´eorie des exemplaires, un ´el´ement appartenait au m^eme concept que les ´el´ements dont il ´etait le plus similaire. Mais la th´eorie des exemplaires se refusait `a toute abstraction sur ce concept. La th´eorie des prototypes affirme simplement que le calcul de la similitude entre les ´el´ements appartenant `a un m^eme concept, forme un point d'´equilibre [Nash, 1950] sur la trame des descripteurs pond´er´es de l'ensemble des caract`eres des ´el´ements cat´egoris´es. Si l'on s'accorde un principe d'abstraction, `a partir de ce point d'´equilibre, alors il est possible de former un ´el´ement - qui n'est pas n´ecessairement pr´esent dans l'ensemble, et c'est en ce sens qu'il est un abstrait - qui a les caract`eres moyens de l'ensemble des ´el´ements regroup´es dans un concept. L'appartenance au concept n'est plus d´etermin´ee par une liste stricte de caract`eres n´ecessaires et suffisants, comme le demandait la th´eorie classique et comme le demande une th´eorie classique des ensembles [Krivine, 1998], de fait la th´eorie des prototypes se base plut^ot une th´eorie des sous-ensembles flous [Zadeh, 1965]. Ainsi un ´el´ement peut appartenir plus ou moins `a un ensemble suivant la proximit´e qu'il entretient avec le prototype. Par exemple, un dodo et un moineau sont tous les deux des oiseaux, mais le moineau sera consid´er´e, par un agent cognitif comme ´etant « plus » un oiseau que le dodo, parce que le moineau ressemble plus au prototype d'oiseau, qui est, sous nos latitudes pas tr`es ´eloign´e du rouge-gorge. Cette reconnaissance cognitive d'appartenance d'un ´el´ement `a un concept est calcul´ee suivant le temps de r´eaction de l'agent dans une tache de classification. L'agent mettra plus de temps `a penser que le dodo est un oiseau qu'il ne le fera pour le moineau. Cela montre que l'agent est surpris et a besoin de consid´erer les caract`eres du dodo avant de le cat´egoriser, alors que la routine de classification pour le moineau est plus rapide, donc les caract`eres du moineau surprennent moins l'agent que ceux du dodo, c'est le fameux effet de typicit´e. L'appartenance de l'´el´ement au concept n'´etant pas ensembliste mais se faisant sur la base du degr´e de ressemblance entre l'´el´ement et le prototype selon l'agent, les propri´et´es des concepts - c'est-`a-dire des prototypes - ne sont pas n´ecessairement transitives dans le cas du recoupement de concepts. Par exemple, si un ´el´ement de l'environnement est dit ^etre un si`ege et que les si`eges sont dit ^etre des meubles, alors il s'en suit par transitivit´e 3.4 Prototypes 89 de propri´et´es que l'´el´ement en question est un meuble (cf. 3.1). Un agent pourra ainsi penser qu'un si`ege de voiture est un si`ege sans penser que c'est un meuble. Toutes les instances d'un concept n'ont pas la m^eme valeur au sein de ce concept. Plus l'´el´ement est proche du prototype plus il sera consid´er´e appartenir au concept. Cela explique l'effet de typicit´e mais explique ´egalement que dans le cas d'une r´evision ou d'un changement de concept, certains ´el´ements sont sacrifi´es plus rapidement que d'autres. Les ´el´ements les plus proches du prototype seront pr´eserv´es plus facilement que ceux qui en sont plus ´eloign´es. Un agent sera plus enclin `a reconna^itre qu'un tapis roulant n'est pas un v´ehicule qu'un v´elo n'est pas un v´ehicule. Le prototype est le meilleur ´el´ement d'un concept, celui qui se trouve au point d'´equilibre des caract`eres des occurrences du concept. Le prototype change donc `a l'arriv´ee de chaque nouvel ´el´ement dans le concept, mais comme il est situ´e au point d'´equilibre il change relativement peu, `a moins que le concept lui-m^eme soit amen´e `a changer de mani`ere radicale. La notion de prototype s'inspire de la notion d' «air de famille » de Wittgenstein [1958] et de la notion de st´er´eotype de Putnam [1990]. Le prototype est constitu´e `a partir du calcul de degr´e de similitude de l'´el´ement par rapport au poids moyen de ses caract`eres : (Similitude) D(i, j) = [ n k=1 | Xik - Xjk |r]1/r (3.4) o`u D(i, j) est la distance entre les ´el´ements i et j, n est le nombre de dimension de l'espace pond´er´e des traits caract´eristiques, Xik et Xjk sont respectivement les valeurs pour i et j du nombre r de leurs caract`eres respectifs dans l'espace de dimension n. `A partir de l'ensemble des distances, le point d' ´equilibre est calcul´e suivant l'ind´ependance de la fonction de calcul de l'appartenance d'un ´el´ement `a un ensemble selon la similitude : (Point d'´equilibre) ~x := dx dt = f(t, x) (3.5) si f(t, x) = 0 alors cela signifie que la fonction f est ind´ependante vis-`a-vis du param`etre t, et cela signifie que x ´equilibre la fonction f. On note alors ~x ce point qui est le point d'´equilibre de la fonction f. Ce point peut n'^etre 90 Conceptions du concept instanci´e par aucun ´el´ement pr´esent dans le concept, mais il sert de norme pour d´eterminer la similitude entre les ´el´ements. Dans l'espace pond´er´e des ´el´ements plusieurs points d'´equilibres relatifs ´emergeront, suivant le nombre de dimensions - le nombre de caract`eres - de l'espace. Le nombre de caract`ere d´eterminant la finesse de granularit´e de la description des ´el´ements de l'environnement. Ainsi `a chaque point d'´equilibre correspond un concept. Tous les ´el´ements pr´esents dans l'espace pond´er´e sont d´ecrits d'une mani`ere ou d'une autre, m^eme les cas particuliers situ´es `a ´equidistance de deux points d'´equilibre par exemple, du fait m^eme que le calcul de similitude ne rel`eve pas d'une th´eorie des ensembles - qui supposerait une appartenance stricte - mais d'une appartenance relative. Un ´el´ement situ´e `a ´equidistance de deux points d'´equilibre sera dit appartenir au deux - quand bien m^eme ils seraient mutuellement contradictoires - ou bien arbitrairement `a un seul. La th´eorie des prototypes va donc plus loin que la th´eorie des exemplaires en caract´erisant le point d'´equilibre et en en faisant le repr´esentant du concept. De sorte que le calcul de la similitude se fait ensuite non plus en fonction de la comparaison de l'ensemble des ´el´ements entre eux mais de chaque ´el´ement par rapport aux points d'´equilibres. D(i, ~x) = n k =1 | Xik - X~xk |r 1/r (3.6) Le calcul de l'appartenance d'un ´el´ement `a un concept doit se faire par la comparaison de cet ´el´ement `a l'ensemble des points d'´equilibres pr´esent dans l'espace pond´er´e, c'est-`a-dire en tenant compte de tous les concepts disponibles `a l'agent. De sorte que les concepts sont d´ependants les uns les autres, au moins quand `a la d´etermination de leur extension. Cela implique une forme de holisme. La th´eorie des prototypes parvient `a rendre compte et `a expliquer comment les agents cognitifs cat´egorisent effectivement l'environnement, notamment gr^ace au principe de similitude et `a la constitution d'´el´ements pr´edominants servant de r´ef´erence au sein d'une cat´egorie : le prototype. La mise en ´evidence du prototype et de son utilisation dans l'assignation d'un concept explique l'effet de typicit´e et les diff´erences de r´eaction d'un m^eme agent face `a diff´erences instances d'un m^eme concept. Contrairement 3.4 Prototypes 91 aux pr´edictions de la th´eorie classique, le concept n'est pas uniforme et ses instances n'ont pas toutes le m^eme poids d'un point de vue cognitif. En mettant l'accent sur ce point, la th´eorie des prototypes n'essaye pas de faire une th´eorie de la cat´egorisation d'un point de vue logique - comme le fait la th´eorie classique en adoptant une th´eorie classique des ensembles - mais `a expliquer la classification d'un point de vue psychologique. Le prototype d´epend des ´el´ements d´ej`a cat´egoris´es par l'agent, puis qu'il en est la synth`ese. Cela signifie que le prototype d´epend de l'exp´erience propre de chaque agent, un agent qui n'aura vu que des dodos aura un prototype pour le concept oiseau plus proche du dodo qu'un agent qui n'aurait vu que des moineaux. La th´eorie des prototypes, se basant sur l'extension du concept plus que sur son intension, justifie la diff´erence entre les contenus cognitifs de diff´erents agents pour un m^eme concept du fait de la diff´erence d'exp´erience et d'histoire personnelle de ces agents. La fonction du concept est, selon la th´eorie des prototypes, essentiellement de permettre de cat´egoriser les ´el´ements de l'environnement. Nous avons vu que c'´etait l`a la faiblesse de la th´eorie des exemplaires, qui parlait de classification sans se donner aucun principe d'abstraction. La th´eorie des prototypes, en admettant l'abstraction sur le point d'´equilibre des caract`eres moyens partag´es par les ´el´ements d'un ensemble, peut constituer une v´eritable classification avec une hi´erarchie de concept. D'autre part, en partant de l'extension du concept `a partir de ses occurrences dont l'agent fait l'exp´erience, la th´eorie des prototypes rend compte du premier niveau de la classification, celui des objets class´es. La base de la classification est constitu´ee des ´el´ements issus de l'exp´erience, et il est possible de justifier cela en recourant au contenu non-conceptuel et du traitement de l'exp´erience par la sensation. Cette interpr´etation est justifi´ee par le fait que les ´el´ements seront anthroposcopiques (`a ´echelle humaine), et traiter selon les th´eories na¨ives. La hi´erarchie des concepts se fait sur la base des prototypes. `A partir de plusieurs prototypes, gr^ace au principe d'abstraction il est possible de former des prototypes de prototypes, c'est-`a-dire des concepts de concepts. C'est ainsi que les oiseaux et les mammif`eres pourront ^etre des animaux. La th´eorie des prototypes pr´edit que le niveau le plus commun et le plus facile `a acqu´erir dans la classification sera celui des prototypes de niveau 92 Conceptions du concept moyen. Par exemple il sera plus facile pour un agent cognitif d'acqu´erir le concept oiseau que le concept m´esange `a t^ete noire qui est trop pr´ecis et donc demande une s´election plus fine de caract`eres, ou que le concept ^etre vivant qui est trop g´en´eral et fait abstraction de certains caract`eres g´en´eralement retenus par l'agent. La th´eorie des exemplaires pr´edisait que les ´el´ements particuliers seraient acquis en premier, et la th´eorie classique affirmait que les concepts de haut niveau seraient plus simples `a apprendre. Or il semble que les exp´eriences psychologiques donnent raison `a la th´eorie des prototypes. La simple exp´erience d'´el´ement de l'environnement n'est pas suffisante pour constituer un terme g´en´eral au sens intensionnel du terme - un abstrait - mais est suffisante pour constituer un prototype [Sylvand, 2000, 2001]. C'est-`a-dire que le prototype sera d´ependant des instances `a partir desquelles il est constitu´e, alors que l'abstrait ne d´epend d'aucune occurrence mais les d´etermine. Cela est suffisant au moins pour rendre compte des th´eories na¨ives et expliquer les limites cognitives de la g´en´eralisation. Cette g´en´eralisation bas´ee sur le calcul de distance et de degr´e de similitude entre un ´el´ement et un r´ef´erant, est relativement simple `a mettre en oeuvre et peut ^etre automatis´ee dans un r´eseau de neurones par exemple [Jodouin, 1994], [Cornuj´eols and Miclet, 2003], l'impl´ementation dans un syst`eme cognitif semble donc plausible et nettement moins co^uteuse que le proc´ed´e par comparaison de l'´el´ement `a cat´egoriser avec l'ensemble des ´el´ements en m´emoire, comme le veut la th´eorie des exemplaires. D'autant plus plausible est cette impl´ementation, que le principe de calcul de similitude semble ^etre utilis´e au niveau non-conceptuel dans le traitement des donn´ees sensorielles. Ce principe n'est donc pas d´ependant du niveau conceptuel, et pourrait provenir d'un module logique cognitif ind´ependant [Fodor, 1974, Sperber, 2000]. Le principe de calcul de similarit´e entre les ´el´ements au niveau conceptuel d´epend des ´el´ements per¸cus par l'agent, et donc est contextuel, ce qui explique le caract`ere born´e des inf´erences et de la g´en´eralisation `a partir du concept par un agent cognitif. Un agent peut poss´eder les concepts ´etoile du matin et ´etoile du soir, les appliquer et les utiliser correctement, sans n´ecessairement faire le lien entre les deux. Cela provient du fait qu'il est possible qu'un m^eme ´el´ement de l'environnement supporte diff´erents prototypes [Murphy, 2002], du fait de la non-exclusivit´e 3.4 Prototypes 93 des classes et que la th´eorie ensembliste utilis´ee n'est pas la th´eorie classique des ensembles mais plut^ot une th´eorie proche de celle des sous-ensembles flous. La d´etermination de la co-r´ef´erentialit´e des concepts exige d'avoir recours au contenu objectif du concept, c'est-`a-dire `a sa r´ef´erence ind´ependamment de ce qu'elle est pour et selon l'agent qui poss`ede le concept. Ce contenu n'est pas et ne peut pas ^etre donn´e par le prototype du fait que celuici est d´etermin´e par les occurrences per¸cues par l'agent. Le prototype est d´ependant du mode de pr´esentation de l'´el´ement, et donc relatif `a l'exp´erience de l'agent, il ne peut ^etre objectif. L'agent ne peut d´eterminer la co-r´ef´erence de deux concepts que si un mode de pr´esentation commun - selon lui - aux deux concepts, vient `a surgir. Cela implique ´egalement qu'aucun concept vide ne peut ^etre constitu´e par l'agent, ni aucun concept abstrait, c'est-`a-dire qui n'est pas raccord´e d'une mani`ere ou d'une autre `a l'exp´erience sensible. Or certains concepts tels que les concepts math´ematiques ou logiques par exemple ne semblent ^etre directement exp´erimentables. La th´eorie des prototypes peut se d´efendre en affirmant qu'il est possible de poss´eder un concept - et donc un prototype - d'un ´el´ement dont l'agent n'a pas fait l'exp´erience. Un agent peut poss´eder le concept licorne ou montagne d'or en combinant des prototypes qu'ils poss`edent d´ej`a, entre deux. Apr`es tout un cheval auquel on a coll´e une corne de narval est une licorne. Mais si cela semble se comprendre pour des abstraits « sensibles » [Hume, 1983], les abstraits au sens propre du terme comme les abstraits math´ematiques sont rebelles `a une r´eduction de ce type [Hilbert and Bernays, 2001a, Fine, 2002]. Pour composer des concepts, par exemple le concept cheval et le concept corne de narval pour obtenir le concept licorne, suppose que les concepts se composent. En comme les concepts sont, selon la th´eorie des prototypes, des prototypes, cela suppose que les prototypes se composent entre eux. Des exp´eriences psychologiques [Prinz, 2002, pp. 39-40] montrent que la th´eorie des prototypes rend compte de ph´enom`enes assez ´etranges de non monoticit´e dans la composition des concepts. Le concept complexe outil qui est aussi une arme (tool that is also a weapon) indique de mani`ere analytique que tout ce qui tombe sous ce concept est un outil qui est par ailleurs une arme. Mais l'exp´erience montre que les agents cognitifs ne le 94 Conceptions du concept voient pas de cet oeil-l`a. Ils sont pr^ets `a reconna^itre par exemple qu'un tournevis est un outil - qui sert principalement `a tourner les vis - et qu'il peut parfois ^etre utilis´e pour trucider les vielles dames, et donc servir d'arme. De fait, les agents reconnaissent qu'un tournevis est un outil qui est aussi une arme, et assigne ce concept `a cet objet. Par contre lorsqu'on leur demande si un tournevis est une arme, la plupart des agents qui reconnaissaient que le tournevis ´etait un outil qui ´etait aussi une arme, r´epondent que non, un tournevis n'est pas une arme. Or de mani`ere logique, l'affaiblissement de la conjonction devrait pr´eserver sa valeur. 1 tournevis = outil arme 2 tournevis = outil 3 tournevis = arme (3.7) puisque selon la table de la conjonction, la conjonction est vraie si ses deux membres sont simultan´ement vrais : p q p q 1 1 1 1 0 0 0 1 0 0 0 0 Tab. 3.1 - Table de v´erit´e de la conjonction D'un point de vue logique, si un ´el´ement est d´ecrit par la conjonction de p et de q cela implique que l'´el´ement en question est `a la fois p et q, et donc il est p en particulier. Cependant, la cognition n'est pas la logique formelle. Le contexte et la pertinence de l'information sont pris en compte par l'agent, alors qu'elle ne l'est pas par le calcul logique. L'agent juge que si l'objet est d´ecrit par une conjonction c'est qu'il doit l'^etre ainsi, et que si on le d´ecrit avec un seul de ses caract`eres alors on ne le d´ecrit pas suffisamment. La th´eorie des prototypes arrive `a expliquer ce ph´enom`ene. L'appartenance d'un ´el´ement `a un concept est d´etermin´ee par le degr´e de similitude qu'entretient cet ´el´ement avec le prototype du concept. Il y a comme un seuil d'entr´ee dans l'extension d'un concept, ce seuil est relatif `a la distance entre deux concepts. Pour ´etablir ce seuil, on d´etermine le poids des descripteurs 3.4 Prototypes 95 de chaque concept et le degr´e n´ecessaire de ressemblance pour assigner ce concept `a un objet. Ce seuil a pour limite l'´equidistance entre deux concepts, c'est-`a-dire qu'un objet doit avoir au moins 50% de la valeur de poids de description pour enter dans un concept comparer `a d'autres concepts. 50% au moins parce qu'un ´el´ement ne poss´edant que 50% des traits d'un concept et 50% des traits d'un concept peut appartenir au deux, puis que nous avons vu que les classes n'´etaient pas n´ecessairement exclusives. D'autre part si un ´el´ement ne partageait que 0,1% des poids de description d'un concept mais 0% des poids de tous les autres concepts, alors ce concept partagerait 100% des traits du concept en question relativement aux autres, et rel`everaient donc de ce concept. Sur cette base, imaginons que le seuil d'entr´ee dans le concept outil soit conditionn´e par les traits t1, t2, t3 et que celui du concept arme par les traits t4, t5, t6. Imaginons maintenant que le seuil d'entr´ee pour le concept outil qui est aussi une arme est conditionn´e par les caract`eres t1, t2, t3, t5. Supposons par ailleurs que les traits t1, t2, t3 soient n´ecessaires et suffisants pour d´eterminer l'appartenance au concept outil mais que le trait t5 ne soit que n´ecessaire mais non suffisant pour d´eterminer l'appartenance au concept arme. Le tournevis peut satisfaire les traits t1, t2, t3, t5 ce qui fait de lui un outil qui est aussi une arme, mais pas une arme [Prinz, 2002]. Mais cette justification est valable si et seulement si l'on admet que les traits ne d´eterminent pas de mani`ere formelle l'appartenance au concept, car d'un point de vue logique, si le trait t5 n'est pas suffisant pour permettre d'assigner le concept arme `a un ´el´ement, cela signifie que l'ensemble des traits t1, t2, t3, t5 ne l'est pas plus pour permettre cette assignation, et donc le concept outil qui est aussi une arme est n´ecessaire et suffisant pour d´esigner un outil, mais pas une arme. Le probl`eme est que la constitution du prototype semble inutilement compliqu´ee. En effet il suppose que l'agent passe en revue l'ensemble des ´el´ements qui apparaissent dans l'extension du concept, qu'il les d´ecrive et assigne un poids pour chacun de leur trait, qu'ensuite il fasse la moyenne de tous ces poids, utilise le principe d'abstraction, et constitue le prototype, apr`es quoi il applique ce prototype `a chacun de ces ´el´ements et en ´evalue la distance, et en fonction de la pond´eration des poids moyens, ´evalue chaque trait de chaque ´el´ement. Et comme le prototype d´epend des occurrences du 96 Conceptions du concept concept - puisque ce n'est pas v´eritablement un abstrait - il faut recommencer cette op´eration `a chaque usage du prototype. En somme cette technique n'est pas moins on´ereuse que la th´eorie des exemplaires. De plus la th´eorie des prototypes fait appel `a deux types de calculs : l'un pour constituer le prototype, l'autre pour ´etablir de degr´e de similitude entre l'´el´ement et le prototype. Pourquoi alors ne pas directement comparer l'´el´ement `a l'extension du concept comme le pr´econise la th´eorie des exemplaires ? Ensuite le statut du prototype n'est pas tr`es clair. Il est un faux abstrait dans la mesure o`u il d´epend des ´el´ements per¸cus par l'agent, et aucune g´en´eralisation inductive ou m^eme abductive ne d´etermine un terme ind´ependant extensionnellement. Un abstrait ne peut ^etre conditionn´e par l'exp´erience. Cependant le prototype n'est pas non plus strictement r´eductible `a l'exp´erience et `a son donn´e, puisqu'il suppose une synth`ese des caract`eres de ce contenu. Toute l'ambigu¨it´e du probl`eme est l`a : le prototype pr´etend se baser sur le contenu de l'exp´erience et pourtant il fait appel `a un espace pond´er´e de caract`eres. Mais en ´etablissant la moyenne des traits les plus repr´esent´es, le prototype affaiblit la repr´esentation du concept en d´elaissant les caract`eres les moins pond´er´es, sans ´etablir des conditions n´ecessaires et suffisantes pour ´etablir l'appartenance au concept. Les traits retenus par le prototype ne sont pas n´ecessairement pertinents `a moins qu'il y ait des contraintes sur l'espace pond´er´e lui-m^eme, mais c'est l`a une condition suppos´ee par le prototype et non une chose `a laquelle il peut pourvoir. Le fait de mesurer quarante centim`etres au garrot peut ^etre un trait du prototype chien, mais ce n'est pas un trait tr`es pertinent. D'autre part le prototype changeant suivant le donn´e de l'exp´erience, ses modulations peuvent donner des conjonctions de caract`eres ´etranges, comme le couteau sans lame auquel il manque le manche ou bien l'homicide sans cadavre, arme ni mobile. Genre de description pas tr`es efficace. L'avantage de la th´eorie des prototypes est qu'elle ne suppose pas que le concept soit clairement et syst´ematiquement d´efini, et c'est ce qui lui permet de rendre compte de l'effet de typicit´e ou de la non-transitivit´e des propri´et´es. Cependant cela ne doit pas n´ecessairement impliquer que le concept est ind´etermin´e. L'effet de typicit´e indique simplement que pour un agent cognitif une occurrence du concept est plus repr´esentative du concept qu'une autre. Mais cela marche m^eme pour les concepts clairement d´efinis, tels que les artefacts par exemple. Une th´eorie inspir´ee de la th´eorie 3.4 Prototypes 97 classique, qui imposerait des traits n´ecessaires et suffisants pourrait tr`es bien expliquer ce ph´enom`ene de typicit´e en distinguant les caract`eres de leurs instanciations. Il semble donc plus que l'effet de typicit´e d´epend de l'application du concept que de la constitution du prototype, et donc que c'est le contenu cognitif qui peut en rendre compte et non pas le prototype. La question centrale de ce travail est celle de l'explication de l'erreur et du changement de concept. Comment la th´eorie des prototypes les explique-t-elle ? L'erreur de concept consisterait `a appliquer un concept `a un ´el´ement qui n'en rel`everait pas. Dire par exemple qu'une baleine est un poisson. Or selon la th´eorie des prototypes, appliquer un concept consiste `a comparer l'´el´ement avec un prototype. Ou bien l'´el´ement poss`ede un poids de description suffisant pour enter dans l'extension du concept, ou bien non. Cela se faisant par comparaison, une baleine peut tr`es bien ressembler `a un poisson et donc relever, selon l'agent, du concept poisson. Mais cela provient de l'objet baleine lui-m^eme, pas de l'agent. En fait l'agent ne se trompe jamais. La seule erreur consiste `a croire que le simple degr´e de similitude est suffisant pour attribuer un concept `a un ´el´ement. La th´eorie des prototypes explique une routine, une r´eaction conditionn´ee d'un agent face `a un objet du monde, mais pas une conceptualisation de celui-ci. La conceptualisation doit prendre en compte non seulement l'application du concept, mais ´egalement son usage. Et cela est particuli`erement visible dans le cas des concepts abstraits, tels que les concepts math´ematiques. Quel est le prototype du chiffre 2 ou du cardinal 0 ? Si les prototypes semblent ^etre efficaces pour rendre compte des « concepts na¨ifs » elle ne semble pas l'^etre pour les concepts plus rigoureux ou formels. La th´eorie des prototypes semble consciente de ses limites. Lorsque Fodor [1998, p. 94] l'accuse, de mani`ere abrupte, de ne pas pouvoir rendre compte de la compositionalit´e : prototypes don't compose 4 Hampton [2004] r´epond en d´etaillant la strat´egie de la th´eorie des prototypes, strat´egie qui fait appel justement `a l'espace pond´er´e de caract`eres. Les prototypes ne composent pas au sens o`u le concept bouton de manchette n'est pas compos´e des prototypes de bouton et de manchette, 4 "Les prototypes ne se composent pas." 98 Conceptions du concept puisque cela donnerait quelque chose comme un manche de chemise avec des boutons de rougeole ce qui ne correspond pas tout `a fait `a des boutons de manchette. La composition des concepts suppose une mise en commun des caract`eres compatibles des composants. L'´el´ement d´esign´e par le compos´e se situe `a l'intersection des composants : il en partage les caract´eristiques. Cela suppose donc que les caract`eres des composants soient dress´es et compar´es. C'est l`a une contrainte non pas sur le prototype mais sur l'espace pond´er´e de caract`ere sur lequel il s'appuie. Hampton [2004] le reconna^it et sugg`ere que la composition des concepts ne fasse pas seulement appel `a l'extension - comme le fait la th´eorie des prototypes - mais ´egalement `a l'intension du concept. Pour composer deux concepts il faut d'abord en abstraire les caract`eres, comparer les caract`eres des deux concepts, ne retenir que les caract`eres compatibles, les unir ensembles puis appliquer le terme compos´e de ces caract`eres `a l'environnement pour en d´eterminer une extension. Cette approche est a prioriste et similaire `a la th´eorie classique des concepts. Ce n'est qu'ensuite, lorsque ce terme a ´et´e appliqu´e et que des occurrences en sont reconnues qu'il est possible d'en constituer un prototype. La th´eorie propos´ee par Hampton, l'un des p`eres de la th´eorie des prototypes, n'est donc plus strictement une th´eorie des prototypes, mais une th´eorie mixte. 3.5 Empirisme conceptuel Empirisme conceptuel : tout concept provient de l'exp´erience. L'empirisme conceptuel est une th´eorie d´efendue par Prinz [2002] mais qui est fortement inspir´ee par l'empirisme anglais du dix-septi`eme, notamment de Locke, de Berkeley et Hume. Il faut noter que les empiristes du dix-septi`eme parlent d'Id´ee et non pas de concept, et ce n'est pas qu'une question de terminologie. Le probl`eme auquel Locke entend apporter une r´eponse est celui de la querelle des universaux. La question du concept est une question d'architecture cognitive. Calquer le concept sur l'Id´ee serait consid´er´e que le concept est simplement un terme g´en´eral abstrait, en oubliant ses autres fonctions et caract´eristiques, notamment le fait qu'il est un ´el´ement de l'espace cognitif de l'agent. La constitution de l'id´ee fait appel `a des capacit´es de reconnaissance, d'individuation, d'identification 3.5 Empirisme conceptuel 99 et d'abstraction que l'´etude du concept cherche justement `a expliquer. En somme l'Id´ee suppose le concept. Prinz reprend l'id´ee de l'image mentale de l'empirisme et de la th´eorie des exemplaires : When we introspect during thought, all we find are mental images, including auditory images of natural language sentences (subvocal speech). With no phenomenal traces of non-sensoryrepresentations, it is tempting to conclude that all thought is couched in perceptual imagery 5. [Prinz, 2002, p. 73] Cette notion d'image mentale est s´eduisante. Il est vrai que lorsqu'on pense `a quelque chose on a l'impression de le voir ou de l'entendre dans sa t^ete. Du moins pour des objets que l'on peut d'habitude percevoir. J'avoue, pour ma part, ne pas avoir beaucoup d'images en t^ete lorsque je pense au th´eor`eme de Ramsey. Lorsque l'on parle d'« imagination » il ne para^it pas inopportun, mais cela n'implique pas que toute pens´ee, tout concept, fasse n´ecessairement appel `a l'imagination. Prenez le cas d'un roman. Vous lisez les aventures de Miyamoto Musahi et l'on vous dit qu'il se bat avec un sabre en bois. Je sais a peu pr`es `a quoi ressemble un sabre de combat japonais du seizi`eme si`ecle, je suis surpris de savoir qu'on utilise aussi des sabres en bois, qui me semblaient ^etre des sabres d'entra^inement, et non pas des sabres en acier damass´e. Mais ce qui change avec cette nouvelle information n'est pas mon image, je n'ai pas chang´e la lame en acier damass´e du sabre dans ma t^ete par une lame en bois, ce que je change c'est un r´eseau d'information qui me permet de relier ce sabre aux autres indications fournies. Sinon mon sabre dans la t^ete ressemblerait au couteau sans lame auquel il manque le manche, et je ne pourrais pas en faire grand-chose. Le fait qu'il soit difficile de couper quoi que ce soit avec un tel couteau n'est pas donn´e par l'image mentale, mais par la trame des inf´erences accessible depuis ce concept. Je n'ai pas plus d'image mentale de Musahi que je n'en ai du cardinal 0. Bien s^ur si l'on me demande de dessiner Musahi je pourrais repr´esenter quelque chose, de m^eme que je pourrais peut-^etre faire un sch´ema pour expliquer le cardinal 0 mais c'est l`a une autre question et une autre tache. Mais 5 "Lorsque nous introspectons quand nous pensons, tout ce que nous trouvons ce sont des images mentales, incluant des images auditives des phrases du la langue naturelle (langage subvocal). Sans traces ph´enom´enales de repr´esentations non sensorielles, il est tentant de conclure que toute pens´ee est couch´ee en imagerie perceptuelle." 100 Conceptions du concept lorsque je lis le roman, je ne me soucie pas de la couleur ou du motif de son kimono tant qu'il n'est pas pr´ecis´e, parce que cette information ne me manque pas n´ecessairement pour comprendre l'histoire. L'empirisme conceptuel affirme que tout ce qui comprit dans le concept provient de l'exp´erience : The Perceptual Priority Hypothesis : Nothing is in the intellect that is not first in the senses (nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu) 6. [Prinz, 2002, p. 75]. Rien n'est dans l'intellect qui n'est d'abord dans les sens. Cet axiome empiriste est un refus cat´egorique de tout inn´eisme. Mais s'il peut se comprendre pour l'Id´ee et dans le d´ebat sur les universaux [Sylvand, 2000], il l'est beaucoup moins pour les concepts. En effet le concept suppose - nous l'avons vu pour la th´eorie des prototypes par exemple - un processus d'abstraction. Et ce processus n'est pas donn´e par la sensation, mais permet de traiter le donn´e empirique. S'il est vrai que le contenu non-conceptuel se retrouve au niveau du concept, cela ne signifie pas pour tant que le concept est enti`erement r´eductible au contenu non-conceptuel. Mais Prinz a la sagesse de rester flou. Il parle d' « intellect » et non de concept, et refuse par ailleurs toute notion de contenu non-conceptuel. "Nonconceptual" implies a too sharp distinction between perceptual and the conceptual 7. [Prinz, 2002, p. 112]. Mais c'est l`a une conception erron´ee du contenu non-conceptuel. Une ´etude du contenu non-conceptuel comme celle pr´esent´ee au chapitre 2.1 montre que le contenu non-conceptuel n'est pas un contenu de second ordre ou un contenu inf´erieur au contenu conceptuel, mais que sa fonction est diff´erente de ce dernier. En refusant de reconna^itre le contenu non-conceptuel, Prinz poursuit en fondant le concept directement sur les donn´ees sensibles : 6 "L'hypoth`ese de la priorit´e perceptuelle : Rien n'est dans l'intellect qui n'est d'abord dans les sens (nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu)." 7 "Le `non-conceptuel' implique un distinction trop tranch´ee entre le perceptuel et le conceptuel." 3.5 Empirisme conceptuel 101 Concept Empiricism : All (human) concepts are copies or combinations of copies of perceptual representations 8. [Prinz, 2002, p. 77]. Le terme « copie » est `a prendre en un sens m´etaphorique nous dit Prinz, au sens o`u une carte topographique est une copie d'un espace physique. Le seul probl`eme est qu'une carte est une « repr´esentation » et non pas une copie au sens o`u une version du penseur de Rodin peut avoir des copies de part le monde. Ces copies sont des « v´ehicules de la pens´ee » (vehicules of thought) [Prinz, 2002, p. 77]. Mais contrairement `a un empirisme ´epist´emologique, l'empirisme conceptuel de Prinz ne sp´ecifie aucune forme de fiablit´e et aucune condition de justification de l'assignation du concept. Et comme il ne d´etermine pas plus de conditions de signification ou d'usage, il se distingue de l'empirisme s´emantique. L'empirisme conceptuel affirme simplement que les concepts sont construits comme des classes de repr´esentations mentales d'origine perceptuelles, mais ne dit pas que ces repr´esentations d´esignent effectivement quelque chose. L'empirisme conceptuel d´el`egue le contenu au sens, et pr´esuppose qu'ils fonctionnent comme des d´etecteurs sp´ecialis´es (d´edicated input systems), ce que Fodor appelle des transducers. C'est-`a-dire qu'un capteur sensoriel de la couleur rouge activera le concept rouge sans que l'agent sache ni comment ni pourquoi. L'empirisme suppose ´egalement que le capteur en question est un bon capteur, c'est-`a-dire qu'il est pertinent et fiable. Les concepts sont ensuite des copies de l'activation de ces capteurs, ils en d´ependent donc enti`erement. The Modal Specificity Hypothesis : Concepts are couched in representational codes that are specific to our perceptual systems 9. [Prinz, 2002, p. 85]. L'inconv´enient est que Prinz parle de « copie » de « repr´esentation » de « code » sans jamais vraiment dire ce qu'il en ressort. Qu'est-ce qu'un « code representationnel » sinon justement ce que l'on essaie d'expliquer lorsque l'on parle de concept ? Dire que les concepts sont des repr´esentations 8 "L'empirisme conceptuel : Tous les concepts (humains) sont des copies ou des combinaisons de copies de repr´esentations perceptuelles." 9 "L'hypoth`ese de la sp´ecificit´e modale : les concepts sont couch´es dans des codes repr´esentationnels qui sont sp´ecifiques `a nos syst`emes perceptifs." 102 Conceptions du concept mentales qui peuvent ^etre activ´ees par la m´emoire de travail est une chose, l'expliquer en est une autre. concepts are mental representations of catagories that are or can be activated in working memory 10. [Prinz, 2002, p. 107]. Ce qui manque ici, est juste l'explication. Prinz appelle ces repr´esentations des « proxytypes », parce qu'ils valent comme des repr´esentants, des d´el´egu´es, des cat´egories qu'ils repr´esentent. I call representations "proxytypes", because they stand in as proxies for the categories they represent 11. [Prinz, 2002, p. 77]. L'individuation du proxytype par la cat´egorie, c'est-`a-dire par la propri´et´e, n'est pas suffisante, car elle ne permet pas de discriminer les concepts co-intensionnels ni les concepts co-r´ef´erentiels. Pour palier ce d´efaut, Prinz sugg`ere d'individuer le proxytype - le concept - par un ensemble de propri´et´es que par les propri´et´es d´etect´ees par le syst`eme sensoriel d´edi´e, `a la mani`ere des « bouquets de propri´et´es » (cluster of properties) de Sellars [1992] : I propose that proxytypes be individuated by sets of sets of properties rather than mere sets of properties. In particular, we can identify a proxytype by the set containing the sets of properties that are sufficient for causing the proxytype to exceed its critical detection threshold. For example, if a dog proxytype includes the feature furry, barks, and fetches, and causing any two of these to be tokened is sufficient for tokening dog, then that proxytype can be individuated by set containing four members : the set of appearances detected by furry and barks ; the set of appearances detected by furry and fetches ; the set of appearances detected by fetches and barks ; and the set of appearances detected by all of these representations. This give us a way to compare proxytypes. Two procytypes are identified if they detect the same apperance sets, and two proxy- 10 "les concepts sont des repr´esentations mentales de cat´egories qui sont ou peuvent ^etre activ´ee dans la m´emoire de travail." 11 "J'appelle ces repr´esentations des "proxytypes", parce qu'ils tiennent lieu de d´el´egu´es pour les cat´egories qu'ils repr´esentent." 3.5 Empirisme conceptuel 103 types are similar to the extent that the appearance sets they detect overlap 12. [Prinz, 2002, pp. 275-276]. De fait les proxytypes sont individu´e par leur extension et non pas par leurs usages. L'empirisme conceptuel tel qu'il est d´evelopp´e par Prinz est tr`es s´eduisant et c'est l'une des th´eories du concept que l'on adopte - avec l'atomisme conceptuel - assez naturellement lorsque l'on se penche « na¨ivement » sur la question du concept. Un peu comme le r´ealisme interne est une m´etaphysique que l'on endosse lorsqu'on se prend les pieds dans le tapis et que l'on sait qu'on va se faire mal : « qu'importe que le tapis existe r´eellement ou non en dehors de la conception, ce que je sais c'est que je vais avoir mal ». L'empirisme conceptuel est une forme de bon sens. Peut-^etre m^eme que l'empirisme est un peu plus que ¸ca. Il entend s'inspirer de la th´eorie des prototypes et de n'en garder que le meilleur. Le proxytype est un r´esum´e des caract`eres de la cat´egorie, sans en passer par le calcul du degr´e de similarit´e, puisqu'il repose directement sur les capteurs sensoriels. Se faisant l'empirisme conceptuel explique l'ontog´en`ese et la possession du concept : un agent acquiert un concept gr^ace `a l'exp´erience. Prinz accepte m^eme une version faible de l'anti-inn´eisme et de l'anti-navisime en affirmant qu'il n'est pas impossible que l'agent poss`ede « d`es le d´epart » certains concepts primitifs. La d´ependance du concept vis-`a-vis de l'exp´erience permet d'expliquer le contenu cognitif du concept tout en rendant compte de l'effet de typicit´e. Cependant la th´eorie des proxytypes d´evelopp´ee par Prinz n'est pas tr`es claire. Comment expliquer la publicit´e du concept ? Prinz nous dit qu'un 12 "Je propose que les proxytypes soient individu´es par des ensembles d'ensembles de propri´et´es plut^ot que par des simples ensembles de propri´et´es. En particulier, nous pouvons identifier un proxytype par l'ensemble contenant les ensembles de propri´et´es qui sont suffisantes pour d´eclencher le seul critique de d´etection du proxytype. Par exemple, si le proxytype chien comprend les traits fourrure, aboiements, et chairs, et causer n'importe quel de deux de ces occurrences est suffisant pour occurer chien, alors le proxytype peut ^etre individu´e par l'ensemble contenant quatre membres : l'ensemble des apparences d´etect´ees par fourrure et aboiement ; l'ensemble des apparences d´etect´ees par fourrure et chairs ; l'ensemble des apparences d´etect´ees par chairs et aboiement ; et l'ensemble des apparences d´etect´ees par toutes ces repr´esentations. Cela nous donne un moyen de comparer les proxytypes. Deux proxytypes sont identifi´es s'ils d´etectent les m^emes ensemble d'apparences, et deux proxytypes sont similaires en extension si les ensembles d'apparences qu'ils d´etectent se superposent." 104 Conceptions du concept concept est public `a partir du moment o`u le proxytype est partag´e, mais comment savoir qu'un proxytype est partag´e si le concept n'a pas de contenu objectif ? D'autre part, le recours massif aux capteurs sensoriels pour expliquer le contenu du concept et sa fiabilit´e, ne rend compte que de l'exp´erience, et l'exp´erience, les illusions (cf. chapitre 2) l'ont montr´e, n'est pas uniquement conceptuelle. Ce que semble caract´eriser le proxytype est en fait le percept et non pas le concept, puisqu'il ne rend pas compte de l'usage du concept et des relations inf´erentielles entre les concepts. 3.6 Atomisme conceptuel Atomisme conceptuel : chaque concept est ind´ependant et autonome de tout autre aussi bien dans son usage que dans son application. L'atomisme conceptuel est la th´eorie des concepts mise en avant par Fodor [1998], et tout laisse `a penser que la motivation premi`ere de cette th´eorie est de prendre le pendant inverse de toute forme de holisme. Le holisme est cette position qui affirme qu'un syst`eme constitue un tout qui ne peut pas ^etre r´eductible `a la somme de ses parties. Le holiste se d´efend en soutenant que les relations entre les parties influent sur le syst`eme lui-m^eme et sur sa structure. Ces relations sont d´ependantes du syst`eme et de ses composants, mais ne peuvent ^etre tenues comme des ´el´ements `a proprement parler de ce syst`eme, mais le d´eterminent. L'image serait qu'au lieu de consid´erer un syst`eme sur la base d'une mol´ecule compos´ee d'atomes - m´etaphore utilis´ee par Frege pour rendre compte des ´enonc´es complexes - le tout ressemblerait plus `a une prot´eine compos´ee `a la fois d'acides amin´es et de liaisons peptidiques. Rapport´ee dans le domaine du concept, l'interpr´etation holistique suppose que la possession de concepts par un agent cognitif d´etermine la possession qu'il a ou peu avoir d'autres concepts, ce qui implique une d´ependance mutuelle des concepts. D´evelopp´e de mani`ere radicale, le holisme conduit tout droit au relativisme que l'on retrouve chez des auteurs tels que Kuhn [1962, 1970, 1996], Feyerabend [1980], Rorty [1997] ou encore Goodman [1984]. Et du relativisme, Fodor and Lepore ne veulent pas en entendre parler si ce n'est pour dire que c'est 3.6 Atomisme conceptuel 105 la pire chose qui puisse arriver `a un philosophe. Contre la th´eorie classique et contre la th´eorie-th´eorie des concepts, Fodor et al. [1980] soutient que les concepts ne peuvent se d´efinir puisque cela signifierait que le concept d´efini d´ependrait des concepts qui le d´efinissent, et cela serait d´ej`a admettre une forme de d´ependance entre les concepts et donc une forme de holisme. Quant aux th´eories extensionnelles du concept, comme la th´eorie des exemplaires, la th´eorie des prototypes ou l'empirisme conceptuel, Fodor les rejette sous pr´etexte qu'il est absurde de constituer le concept `a partir de rien, et qui si on le construit `a partir de l'exp´erience cela ne peut donner que des concepts d´ependants de l'exp´erience, et donc relatif `a l'agent, ce qui viole, selon Fodor deux conditions qu'il juge non n´egociable du concept, `a savoir la publicit´e et la compositionalit´e. Pour lutter contre le holisme et l'empirisme - sous toutes leurs formes - Fodor [1998] d´eveloppe une th´eorie du concept, l'atomisme conceptuel selon laquelle tous les concepts sont strictement ind´ependants et autonomes les uns des autres. Les concepts sont des atomes qui jouent le r^ole de liaisons entre l'esprit et le monde. Et comme les concepts sont atomiques - c'est-`adire autonomes et ind´ependants les uns des autres - chaque concept poss`ede sa propre connexion avec le monde. La r´ef´erence - l'objet du monde que le concept, dans l'esprit de l'agent, d´esigne - est d´etermin´e de mani`ere causale selon une loi : Loi de r´ef´erence causale du concept : le concept r´ef`ere `a du fait de deux propri´et´es de : 1. est 2. est la cause de toute occurrence actuelle ou possible de pour dans un agent cognitif. I continue to take for granted, as I've been doing all along of course, that semantic facts are somehow constituted by nomic relations. To a zero'th approximation, the fact that dog means dog (and hence the fact that "dog" does) is constituted by a nomic connection between two properties of dogs : viz. being 106 Conceptions du concept dogs and being causes of acutal and possible dog tokenings in us 13. [Fodor, 1998, p. 73]. La relation nomologique qui relie le concept `a sa r´ef´erence est constitutive du concept et est primitive, en cons´equence Fodor ne l'explique pas plus avant. Le concept est donc comme un terme lexical, le terme « chien » dans le langage de la pens´ee, qui, tout comme le terme lexical `chien' en fran¸cais, d´esigne les chiens dans le monde. Le probl`eme de la m´etaphore de la langue vernaculaire est que la signification d'un terme lexical est conventionnelle. Les locuteurs du fran¸cais ou les experts de cette langue, ont d´ecid´e que le terme `chien' d´esignerait les chiens. La relation entre les chiens du monde et le terme lexical n'est pas une d´efinition, ni une d´ependance entre diff´erents concepts ou diff´erents ´el´ements du monde, mais simplement un lien rigide jet´e entre l'esprit et le monde [Putnam, 1973, Kripke, 1972, 1980, Jacob, 2004]. Cette intentionnalit´e (avec un `t') du concept est primitive et provient du fait m^eme qu'il y a quelque chose dans le monde qui est cognitif. La solution fodorienne est quasi cart´esienne. C'est parce que nous pensons que nous pensons ainsi et nous pensons ainsi parce que nous pensons. L'intention ne s'explique pas, elle se constate : having a concept (concept possession) is constituted, at least in part, by being is some sort of nomic, mind-world relation 14. [Fodor, 1998, p. 121]. L'avantage de cette conception est qu'elle permet de dire que tout agent cognitif, en tant qu'il est un agent cognitif, poss`ede d´ej`a des concepts. Et comme les concepts ont leurs propres connexions au monde pour la d´etermination de leur r´ef´erence, tous les agents poss`edent des concepts pr´eparam´etr´es, ce qui garantie la publicit´e du concept et permettent ainsi la communication entre les agents. Cela conduit `a une forme d'inn´eisme ou de nativisme du concept, c'est-`a-dire que l'agent poss`ede d´ej`a son lot de concepts en tant qu'il est un agent cognitif, et ces concepts il ne peut les modifier ni par l'influence d'autres concepts ni par l'exp´erience. Par 13 "Je continue de prendre comme admis, comme je l'ai fait tout au long bien s^ur, que les faits s´emantiques sont d'une certaine mani`ere constitu´es par des relations nomiques. Au degr´e z´ero d'approximation, le fait que chien signifie chien (et donc que le fait que `chien' aussi) est constitu´e par une connexion nomique entre deux propri´et´es des chiens : `a savoir ^etre des chiens et ^etre les causes des occurrences actuelles et possibles de chien en nous." 14 "avoir un concept (la possession du concept) est constitu´e, au moins en partie, par ^etre dans une esp`ece de relation nomique entre l'esprit et le monde." 3.6 Atomisme conceptuel 107 cons´equent, la publicit´e et le partage des concepts ne sont pas le fruit de la communication mais c'est tout pr´ecis´ement l'inverse : la communication est le r´esultat de la publicit´e. Et par publicit´e il faut entendre ici le fait fortuit que tous les agents cognitifs, en tant qu'ils appartiennent `a la m^eme esp`ece, poss`edent de mani`ere naturelle, les m^emes concepts. L'agent ´evolue dont toujours, au niveau individuel, dans un solipsisme, mais la contingence fait que lorsqu'il parle `a un autre agent, cela r´esonne dans la t^ete de son interlocuteur, comme ses propres concepts, et ainsi se fait la communication. Comme l'agent ne peut agir sur ses propres concepts, il ne peut se tromper dans leurs usages ou leurs applications. La cons´equence n´egative de ce point et qu'il ne peut apprendre de nouveaux concepts, ou les enrichir, et quand un cong´en`ere lui communique quelque chose tout ce qu'il apprend il le sait d´ej`a. L'atomisme de Fodor `a des relents de la r´eminiscence platonicienne. Fodor file la m´etaphore du concept comme terme lexical en allant jusqu'`a dire qu'il y a un langage de la pens´ee (language of thought) [Fodor, 1974]. Il s'agit d'un langage avec sa syntaxe et sa s´emantique, et en ce sens ce langage de la pens´ee se plie `a la contrainte de g´en´erativit´e, `a la Chomsky comme toute autre grammaire. Dans le langage de la pens´ee, le concept joue le r^ole du terme lexical - du mot - mais `a la diff´erence d'un terme d'une langue vernaculaire ´etrang`ere qu'il faudrait apprendre, le langage de la pens´ee est comme une langue maternelle : on le parle sans savoir comment. I'll going to claim, to put it roughly, that satisfying the metaphysically necessary conditions for having a concept never require the metaphysically necessary conditions for having any other concept 15. [Fodor, 1998, pp. 13-14]. En affirmant l'ind´ependance du concept, la relation causale directe entre le concept et sa r´ef´erence et en rejetant toute notion de contenu nonconceptuel, Fodor est oblig´e d'admettre l'inn´eisme du concept. Mais cette ind´ependance du concept va tr`es loin, cela signifie qu'aucune relation privil´egi´ee d'aucun type n'est n´ecessaire au concept. Cela signifie par exemple qu'il n'y a pas plus de lien entre les concepts baleine et mam- 15 "Pour le dire rapidement, je vais soutenir qu'en satisfaisant les conditions m´etaphysiques n´ecessaires pour avoir un concept ne requiert jamais les conditions m´etaphysiques n´ecessaires pour avoir aucun autre concept." 108 Conceptions du concept mif`ere qu'il n'y en a entre les concepts baleine et poisson ou baleine et Jonas. Un agent pourrait tr`es bien poss´eder le concept baleine sans poss´eder le concept mammif`ere. Et si l'on essaie d'expliquer ce qu'est une baleine en disant que c'est un mammif`ere par exemple, cela n'avancera pas beaucoup notre interlocuteur car il ne pourra apprendre le concept baleine `a partir du concept mammif`ere, les deux ´etant strictement ind´ependants. L'apprentissage ´etant banni, il ne reste plus qu'`a l'atomisme conceptuel `a dire que les concepts sont primitifs, c'est-`a-dire qu'ils ne sont pas compos´es et qu'ils sont d´ej`a livr´es avec leurs propres r´ef´erences [Fodor, 1998, p. 121][Margolis and Laurence, 1999, p. 62]. Mais ´evidemment l'inn´eisme `a ses limites : l'agent cognitif - du moins l'agent cognitif humain - n'est pas omniscient. Il est difficile de supposer qu'un agent sache tout et qu'il poss`ede de mani`ere inn´ee un concept tel wifi par exemple. Si un agent poss`ede ce concept et que ce concept n'est pas inn´e, cela signifie qu'il est possible, d'une mani`ere ou d'une autre d'acqu´erir un concept. L'atomisme conceptuel mod`ere alors un peu ses ardeurs et affirme que certains concepts peuvent ^etre compos´es `a partir d'autres concepts. Il y a des concepts primitifs et des concepts compos´es form´es `a l'aide des premiers par composition, suivant le mod`ele de la g´en´erativit´e syntaxique de la linguistique. De fait, les concepts compos´es ne sont ni primitifs ni inn´ees, mais se r´eduisent `a des primitifs inn´es. D'une certaine mani`ere cela rappel la r´eminiscence platonicienne, o`u un concept est saisi `a partir de concepts d´ej`a poss´ed´es. Mais il ne faut pas confondre le concept et la connaissance. L'atomisme conceptuel n'est pas l'atomisme logique. L'atomisme logique soutient que les concepts atomiques sont nos connaissances du monde et sont en ce sens ´evaluables en termes de valeurs de v´erit´e. Cette confusion peut se trouver chez Frege peut ^etre, o`u le concept prend la forme d'un pr´edicat avec une valeur de v´erit´e. L'atomisme conceptuel est psychologique. Les concepts sont des atomes qui ne sont que des repr´esentations du monde, pour l'agent. I am going to argue for a very strong version of psychological atomism : one according to which what concept you have is conceptually and metaphysically independent of what epistemic capacities you have. If this so, then patently concept couldn't be epistemic capacities 16. [Fodor, 1998, p. 6]. 16 "Je vais d´efendre une version tr`es forte d'atomisme psychologique : une selon laquelle quelque soit le concept que vous avez il est conceptuellement et m´etaphysiquement 3.6 Atomisme conceptuel 109 C'est-`a-dire qu'un agent peut poss´eder le concept baleine sans n´ecessairement savoir que les baleines sont des mammif`eres. Penser que les baleines sont des mammif`eres est une connaissance qui implique l'usage de concept, mais qui est plus que le concept. L'espace cognitif ´etant, selon l'atomisme conceptuel, structur´e en concepts atomiques, les concepts complexes seront compos´es de ces concepts primitifs `a l'aide d'un principe de composition bas´e sur une g´en´erativit´e. Il suffit de prendre deux atomes, de les coller ensembles pour faire un concept complexe. La compositionalit´e s'explique presque d'elle-m^eme. Pour faire le concept bouton de manchette, il suffit de prendre le concept bouton et le concept manchette et de les accoler. La question est ensuite de savoir quel est le statut de ces concepts compos´es. La compositionalit´e fodorienne ressemble `a la combinatoire des id´ees propos´ee en son temps par Leibniz, les termes compos´es devenant des abstraits. D'un point de vue atomiste, les concepts sont des « transducers » des indicateurs de propri´et´es. Concept chien se d´eclenche `a chaque fois que se manifeste la propri´et´e canidit´e, exactement comme la petite lumi`ere sur mon ordinateur m'indique que la batterie est recharg´ee, ou la jauge d'essence indique la contenance du r´eservoir. En soit la jauge ou la lumi`ere n'a pas de lien avec le niveau d'´electricit´e ou d'essence, mais elles sont mises en relation telle qu'elles covarient de mani`ere nomologique avec l'objet qu'elles repr´esentent. Cette covariation est impl´ement´ee par la loi de r´ef´erence du concept telle qu'´enonc´ee plus avant. Cette loi garantit que lorsque l'agent poss`ede un certain concept, ce concept marche pour ce qu'il doit d´esigner. Et comme ce concept ne d´epend que de l'architecture cognitive, cela signifie que tout agent d'une m^eme esp`ece poss`ede les m^emes concepts dessin´es pour r´ef´erer aux m^emes objets. Ainsi la publicit´e du concept est expliqu´ee. Pour accepter la notion de publicit´e selon l'atomisme conceptuel, il faut accepter l'inn´eisme et le nativisme qu'il suppose. Mais comme il est peu probable qu'un agent cognitif poss`ede tous les concepts auxquels il recourt durant son existence de mani`ere inn´ee, comment expliquer l'acquisition de ind´ependant des capacit´es ´epist´emiques que vous avez. Si c'est le cas, alors ´evidemment le concept ne peut pas ^etre une capacit´e ´epist´emique." 110 Conceptions du concept nouveaux concepts ? Acqu´erir un nouveau concept suppose l'enrichissement du vocabulaire conceptuel de l'agent, ce qui suppose qu'il puisse ´etablir une loi nomologique de r´ef´erence entre un objet du monde et un concept. Pour cela il y a deux solutions : ou bien admettre qu'il soit possible de composer des concepts complexes `a partir de concepts simples et de leur assigner une r´ef´erence propre qui ne d´epend pas des r´ef´erences des composants ou bien de pouvoir assigner une r´ef´erence `a un concept suivant les occurrences per¸cues par l'agent. Mais ces deux options supposent ou bien que la r´ef´erence du concept n'est pas nomologiquement pr´ed´etermin´ee, ou bien une forme de holisme et de relation entre les concepts. Ce que refuse explicitement l'atomisme conceptuel. Donc selon l'atomisme conceptuel, aucun nouveau concept ne peut int´egrer le vocabulaire cognitif de l'agent, ce qui se pose en faux contre les donn´ees exp´erimentales de la psychologie du d´eveloppement. D'autre part, si les concepts sont r´eellement ind´ependants les uns des autres, comment est-il possible alors de justifier la hi´erarchie des concepts ? Si l'une des fonctions du concept est de permettre de classer et d'organiser les ´el´ements de l'environnement, cela signifie que les objets tombent sous les coups des concepts baleine, bouton de manchette ou encore dinde de No¨el, ensuite que ces concepts tombent eux-m^emes sous les concepts ^etre vivant et artefact, et ainsi de suite. Mais la classification est structur´ee, elle indique une transitivit´e de propri´et´es dans un sens et d'extension dans l'autre, et donc une d´ependance - au moins dans une dimension - des concepts. Si l'atomisme refuse cela, cela signifie qu'il refuse la cat´egorisation, et par l`a m^eme nie l'une des fonctions du concept. L'atomiste peut se d´efendre en soutenant que l'ind´ependance des concepts entre eux ne concerne que leurs conditions de possession et non pas leur r´ef´erence. Mais quoi qu'il en soit, si le concept est une entit´e cognitive, c'est bien de la d´ependance dans la possession dont nous parlons, et non pas d'un point de vue ontologique ou m´etaphysique. Ou bien alors l'atomiste pourrait soutenir que la hi´erarchie des concepts et la transitivit´e intensionnelle qu'elle implique s'explique en termes de compositionalit´e. Certes tous les concepts d'ordres sup´erieurs se r´eduisent alors aux concepts inf´erieurs, mais c'est bien le cas dans la classification - les mammif`eres sont la somme de tous les animaux qui allaitent leurs petits. De sorte que les concepts de haut niveau n'ont de r´ef´erence que gr^ace aux concepts de bas niveau. Mais 3.7 R^oles conceptuels 111 alors cela signifie que le concept complexe n'a pas de r´ef´erence propre, mais qu'elle d´epend uniquement de ses composants. C'est-`a-dire que le concept poisson rouge voit sa r´ef´erence emprunt´ee `a celle des concepts poisson et rouge. Donc un coelacanthe badigeonn´e de pur´ee de tomate est un poisson rouge , ce qui n'est ´evidemment pas le cas. `A moins que dans la composition intervienne une restriction sur les propri´et´es mises en communs, mais cela implique qu'il est possible de mettre en commun les intensions des concepts, et le holisme ne dit pas autre chose. Si ce n'est pas le cas, si la mise en commun ne porte que sur l'extension, alors deux concepts vides seront confondus comme ´etant identiques, ce qui est absurde puisque les dahus ne sont pas des licornes. Que l'atomiste r´eponde que ce sont l`a deux concepts diff´erents du fait de leur mode de d´esignation de l'objet, et que dans des mondes possibles dans lesquels il y a des dahus et des licornes on le distingue bien, on lui r´epondra alors que son attention se porte sur l'intension, et qu'alors il peut admettre des relations entre les concepts, du style « un dahu n'est pas une licorne », et en continuant ainsi, il empi`ete sur le holisme. L'atomisme ne s'en tire jamais seul. 3.7 R^oles conceptuels S´emantique des r^oles conceptuels : poss´eder un concept c'est savoir l'utiliser et l'appliquer en fonction d'autres concepts. La s´emantique des r^oles conceptuels prend le contre-pied de l'atomisme conceptuel. Alors que celui-ci affirme la stricte ind´ependence et autonomie du concept vis-`a-vis des autres concepts, la s´emantique des r^oles conceptuels d´efend la d´ependance des concepts entre eux. La possession d'un concept entra^ine, modifie ou influe sur la possession d'autres concepts. Il en va de m^eme pour l'application et l'usage. Selon la s´emantique des r^oles conceptuels, poss´eder un concept c'est savoir l'utiliser, c'est-`a-dire savoir l'appliquer aux objets auxquels il r´ef`ere dans le monde, et le mettre en relation avec d'autres concepts. L'usage correspondant alors aux inf´erences accessibles `a partir de ce concept par l'agent cognitif. Un agent sera dit poss´eder le concept dinde de No¨el s'il est capable de montrer une dinde de No¨el dans un rayon de supermarch´e, mais ´egalement s'il est capable de penser que les dindes de No¨el ont un rapport avec le P`ere No¨el et le 25 d´ecembre. 112 Conceptions du concept Cela suppose que les concepts sont reli´es entre eux. La s´emantique des r^oles conceptuels accepte donc une forme de holisme, ne serait-ce que partiel [Peacocke, 1992], c'est-`a-dire que m^eme si tous les concepts ne sont pas directement reli´es inf´erentiellement les uns aux autres, certains groupes de concepts inter-reli´es ´emergent qui correspondent `a autant de domaines dont le pendant sont les th´eories na¨ives. La s´emantique des r^oles conceptuels s'oppose `a la r´ef´erence causale du concept telle qu'elle est accept´ee par l'atomisme conceptuel ou une t´el´eologie de la r´ef´erence `a la Millikan, et ce parce que la s´emantique des r^oles conceptuels pense que l'application - la relation entre l'objet du monde et le concept - n'est pas suffisante pour rendre compte du concept. Selon la s´emantique des r^oles conceptuels, il faut comprendre la r´ef´erence du concept `a travers les relations entre les repr´esentations de l'agent - sa ou ses conceptions - et son environnement. Si l'agent pense que les dindes de No¨el sont des robots, alors le concept dinde de No¨el de l'agent ne sera pas reli´e au concept ^etre vivant mais `a celui de force du mal venu d´etruire l'esp`ece humaine, quand bien m^eme dans le monde - la r´ef´erence objective - les dindes seraient des ^etres vivants. Cela n'est pas possible selon une th´eorie causale du concept, puisque la r´ef´erence du concept ne d´epend pas de la conception de l'agent, mais simplement du monde tel qu'il est. Pour reprendre la m´etaphore de la prot´eine pour remplacer celle de la mol´ecule, les acides amin´ees - jou´ees ici par les concepts - sont reli´ees entre eux par des liaisons peptidiques jou´ees par des relations inf´erentielles. Ces relations sont extr^emement importantes puisque ce sont elles aussi qui d´eterminent les concepts. Un « m^eme » concept peut ^etre consid´er´e comme diff´erent suivant les relations qu'il permet. L'importance mise par la s´emantique des r^oles conceptuels, sur les relations et l'interd´ependance entre les concepts permet de rendre compte des concepts abstraits tels que les concepts math´ematiques par exemple. L'optique est alors constructive [Hilbert and Bernays, 2001a] - ce qui n'emp^eche pas un r´ealisme - et chaque terme est d´etermin´e non pas par une d´efinition comme dans le cadre de la th´eorie classique mais par la position de ce concept dans la trame conceptuelle compos´ee de tous les concepts poss´ed´es par l'agent. Poss´eder un concept devient alors la capacit´e d'utiliser ce concept 3.7 R^oles conceptuels 113 sur cette trame, un peu comme savoir jouer aux ´echecs c'est savoir d´eplacer les pi`eces du jeu selon une certaine strat´egie. La s´emantique des r^oles conceptuels privil´egie l'usage `a l'application du concept. Et en un sens m^eme, il est possible de construire, de d´eriver ou de postuler la r´ef´erence - l'extension - du concept, `a partir de l'usage. L'exemple de concept consid´er´e par la s´emantique des r^oles conceptuels est celui de concepts dont il est difficile de rendre compte de l'extension par l'exp´erience. L'exemple canonique est celui de conjonction. Selon la s´emantique des r^oles conceptuels, un agent sera dit poss´eder le concept conjonction s'il ma^itrise les r`egles d'introduction et d'´elimination de la conjonction [Peacocke, 1992, p.6] : (I) A, B A B (E) A B A (E) A B B (3.8) Un agent cognitif qui ma^itrise le concept conjonction ne peut manquer de tirer ces inf´erences, sinon cela signifie qu'il ne ma^itrise pas, ou pas compl`etement ce concept. Ces inf´erences sont "in´evitables" ("primitively complelling") selon Peacocke [1992, p. 6] ou des "r´egularit´es explicatives de base" ("explanatory basic regularities") selon Horwich [1994]. Deux interpr´etations peuvent ^etre donn´ees `a cela : soit l'agent cognitif, en tant qu'agent cognitif, ne peut manquer de tirer ces inf´erences du fait qu'il est un agent cognitif, autrement dit la structure m^eme de la cognition donne ces inf´erences, tout comme l'architecture physiologique d´etermine les propri´et´es saillantes au niveau non conceptuel ; ou bien cela peut indiquer qu'il y a une forme de structure inf´erentielle normative pour la cognition. D'autres inf´erences pourraient ^etre ou sont accessibles `a partir du concept conjonction mais la norme cognitive est que pour ma^itriser le concept conjonction l'agent doit ^etre capable de tirer ces inf´erences-l`a. Quoi qu'il en soit, l'agent doit ^etre en mesure de tirer des inf´erences et ces inf´erences, d´eterminant le concept, ne peuvent d´ependre du concept. Cela sugg`ere qu'il y a dans la cognition un « module logique » qui traite ces inf´erences. Probablement est-ce l`a le m^eme module que celui qui intervient au niveau des protojugements [Rock, 1983, Crane, 1992], module qui reste `a identifier, mais que les exp´eriences psychologiques semblent identifier [Johnson-Laird and Byrne, 1991]. Cette conception est compatible avec une version ´evolutionniste du 114 Conceptions du concept concept, conception selon laquelle l'esp`ece humaine aurait acquis `a travers le temps la facult´e de repr´esenter l'environnement et de tirer des inf´erences, et `a partir de l`a, former des concepts. Si cela est le cas, cela signifie que d'autres esp`eces d'agents cognitifs pourraient avoir ´egalement d´evelopp´e cette facult´e et donc ´egalement poss´eder des concepts. Concepts auxquels les humains n'auraient pas acc`es du fait de la sp´ecificit´e du concept. Cela explique que si un martien venait `a faire escale chez nous, il se pourrait tr`es bien qu'il ait des concepts et une repr´esentation du monde, mais que nous ne pourrions jamais communiquer avec lui dans sa conception [Davidson, 1984, 2001]. La s´emantique des r^oles conceptuels est avant tout une position philosophique et normative, il ne dit rien du module cognitif qui permet `a l'agent de tirer des inf´erences, mais affirme simplement que si un agent poss`ede tel ou tel concept alors il doit pouvoir tirer telle et telle inf´erence. Cette conception du concept explique le concept par l'usage, et l'application du concept d´epend de son usage. La s´emantique des r^oles conceptuels s'inspire de la s´emantique linguistique et de la pragmatique o`u la signification d'un terme d´epend de son utilisation [Searle, 1958, Davidson, 1984, 2001, Marconi, 1997, Harman, 1987, Block, Peacocke, 1992]. La s´emantique des r^oles conceptuels rend compte de la mani`ere dont l'agent cognitif utilise le concept et comment il peut acqu´erir d'autres concepts. La s´emantique des r^oles conceptuels explique par exemple que Paul pense que les baleines sont des poissons du fait de sa biologie na¨ive, et qu'il a modifi´e son concept de baleine en changeant la relation entre les concepts baleine et poisson pour relier le concept baleine et mammif`ere. Les concepts ´etant reli´es les uns aux autres, la nature holistique de la trame inf´erentielle ne fait aucun doute, m^eme si ce holisme est partiel, d´elimit´e en domaines. Dire que les concepts sont reli´es entre eux inf´erentiellement, c'est dire que les concepts sont d´ependants les uns les autres, que la possession de l'un modifie et d´etermine la possession de l'autre. Mais cette d´ependance conceptuelle doit ^etre d´etermin´ee d'une mani`ere o`u d'une autre, en fonction de la pertinence de la relation inf´erentielle. S'il est possible de ma^itriser le concept minist`ere des finances gr^ace au fait que 2 + 2 = 4 ou de n'importe quelle tautologie, la relation entre ce fait et ce concept n'est pas des plus pertinente. La pertinence de la relation inf´erentielle d´epend du domaine ou de norme. Si le concept conjonction est norm´e `a partir des r`egles d'in- 3.7 R^oles conceptuels 115 troduction et d'´elimination du connecteur, ce sont ces inf´erences que l'agent doit ma^itriser et non pas d'autres. La s´emantique des r^oles conceptuels ne dit rien de la port´ee des inf´erences et de la trame inf´erentielle. Si l'on parle de norme, on se place au niveau de la publicit´e et de la communication du concept, mais il est tout `a fait possible - m^eme ne parlant de normes - de se limiter `a un niveau purement idiolectal et `a un usage priv´e du concept. La s´emantique des r^oles conceptuels explique que Paul pense que les baleines sont des poissons du fait de sa biologie na¨ive et de la relation qu'il a ´etabli entre les baleines et les poissons, mais elle explique ´egalement qu'il devrait penser que les baleines sont des mammif`eres du fait que les experts en biologie marines affirment que les baleines sont des mammif`eres. La faiblesse est peut-^etre de se focaliser sur l'intension du concept et de ne rien dire de son extension. La s´emantique des r^oles conceptuels laisse penser que l'extension du concept est d´etermin´ee par l'intension, sans en dire plus. En d´eveloppant l'aspect de l'application du concept dans le cadre de la th´eorie des r^oles conceptuels (cf. partie III), il est possible d'expliquer que la r´ef´erence du concept peut ^etre ´etablie ind´ependamment de l'usage de celui-ci. Par exemple Paul peut penser que les baleines sont des poissons puis corriger son concept de baleine pour penser que ce sont en fait des mammif`eres, sans modifier l'application de son concept, c'est-`a-dire en d´esignant toujours les m^emes ´el´ements du monde avec celui-ci. Si la possession du concept est d´etermin´ee par les inf´erences que l'agent peut tirer `a partir de lui, cela suppose que l'agent doit ^etre en mesure de tirer ces inf´erences. Une interpr´etation pourrait ^etre que l'agent devrait simplement tirer ces inf´erences sans n´ecessairement savoir qu'il le fait. Mais `a partir du moment o`u l'on reconna^it l'existence d'un niveau non-conceptuel il faut expliquer en quoi ces inf´erences sont diff´erentes des proto-jugements. Cette diff´erence tient au statut ´epist´emique du concept, et donc repr´esentationel. Par cons´equent l'agent qui ma^itrise un concept doit pouvoir rendre compte des inf´erences qu'il fait pour utiliser ce concept, ce qu Brandom [2000] appel le « jeu des raisons ». Lorsqu'on demande `a Paul ce qu'il entend par baleine, il doit pouvoir par exemple nous r´epondre « les baleines sont des poissons ». L'explicitation de l'usage du concept par l'agent explique la publicit´e du concept, puisqu'elle suppose la communication, le d´efaut et qu'elle semble impliquer un degr´e ´epist´emique 116 Conceptions du concept fort, trop exigent pour le concept. La communication du concept implique que le concept a deux niveaux : l'un au niveau de l'agent - un niveau priv´e - et un niveau public, et c'est cette version publique qui va ^etre jug´ee par les autres agents. Pour expliquer ce niveau public, la s´emantique des r^oles conceptuels fait appel `a un usage normatif du concept, sans expliquer quelles sont les relations entre l'usage priv´e et l'usage public du concept. L'usage priv´e, appel´e ´egalement « contenu ´etroit » (« narrow content » ) correspond `a l'usage cognitif du concept, et l'usage public, appel´e ´egalement « contenu large » (« large content ») `a l'usage canonique du concept, tels qu'expos´es au chapitre 4. Le principal probl`eme de la s´emantique des r^oles conceptuels tient `a l'importance qu'elle accorde `a l'intension du concept au d´etriment de l'extension. Si la s´emantique des r^oles conceptuels arrive `a rendre compte des concepts abstraits, qu'en est-il des concepts empiriques ? Le concept ne se d´efinit pas uniquement par son usage, mais ´egalement par son application - sa r´ef´erence. Il semble difficile de penser qu'un agent cognitif apprend le concept rouge uniquement en pensant que le rouge est une couleur et que les tomates sont rouges. L'exp´erience, le qualie semble important et m^eme primordial pour l'acquisition des concepts empiriques, et de cela, la s´emantique des r^oles conceptuels, contrairement aux th´eories empiriques du concept, ne semble pas en rendre compte. En fait, du contenu r´ef´erentiel du concept, la s´emantique des r^oles conceptuels ne dit rien, ou du moins pas directement. Peacocke [1992] tire le contenu du concept de ce qu'il appelle les « proto-propositions » et le « contenu sc´enario » (scenario content), qui correspond au d´ecoupage de l'exp´erience au niveau non-conceptuel. De mani`ere un peu rapide, le contenu r´ef´erentiel des concepts empiriques provient donc du contenu non-conceptuel. Cette conception ne peut tenir de mani`ere aussi directe une fois admis l'autonomie du contenu non-conceptuel et le d´eveloppement de sa structure, notamment en terme de percepts et de proto-jugements, puisque le contenu non-conceptuel direct est utilis´e par le percept et non pas n´ecessairement par le concept. La s´emantique des r^oles conceptuels ne se pose pas aussi clairement le probl`eme de sa relation au contenu non-conceptuel, du fait que les notions de proto-jugement et de percepts ne sont apparues que r´ecemment dans la litt´erature. Cependant, le probl`eme rencontr´e par la s´emantique des r^oles 3.7 R^oles conceptuels 117 conceptuels relativement `a la r´ef´erence se comprend `a partir des discussions au sujet de la divergence contextuelle de r´ef´erence d'un terme linguistique. Le terme `eau' n'a pas les m^emes conditions de r´ef´erence et d'application sur Terre que sur Terre Jumelle ; dans le premier cas `eau' r´ef`ere `a une substance d´esalt´erante et incolore dont la structure chimique est H2O, alors que dans le second cas, le terme `eau' r´ef`ere `a une substance d´esalt´erante et incolore dont la structure chimique est XY Z [Putnam, 1975]. En imaginant un agent cognitif n'ayant aucune notion de chimie - c'est-`a-dire `a qui les compositions chimiques des deux substances ne seraient pas accessibles - il serait possible de penser que ses conditions d'usage des termes `eau' sur Terre et sur Terre Jumelle soient exactement les m^emes bien que leurs applications divergent. Peut-^etre est-ce le cas des homonymes dans une langue, alors que les synonymes correspondraient `a une divergence d'usage mais non d'application. Les opposants farouches `a la s´emantique des r^oles conceptuels lui reprochent son caract`ere explicitement holistique. D´efinir un concept par les relations inf´erentielles qu'il entretient avec d'autres concepts implique de facto qu'aucun concept ne peut ^etre isol´e, autonome et ind´ependant vis-`avis d'aucun autre. La s´emantique des r^oles conceptuels se tient en sym´etrique inverse de l'atomisme conceptuel. Selon la s´emantique des r^oles conceptuels, un concept isol´e n'aurait aucune utilit´e et ne serait jamais utilis´e. Cependant pour tout concept on peut montrer qu'aucune inf´erence n'est n´ecessaire ni suffisante pour le saisir. Prenez le concept aspirateur, on peut penser par exemple que le concept tuyau ou le concept nettoyer la moquette peuvent ^etre importants pour comprendre le concept aspirateur, et pourtant il est toujours possible de trouver une explication du concept aspirateur qui ne fasse intervenir aucun de ces concepts, donc ils ne sont ni n´ecessaires ni suffisant. Donc aucune inf´erence n'est vraiment indispensable pour poss´eder un concept, donc, disent les accusateurs, la s´emantique des r^oles conceptuels est fausse. D'autre part, si comme le soutient la s´emantique des r^oles conceptuels un concept s'apprend en apprenant les relations qu'il entretient avec les autres concepts, alors cela implique que pour apprendre un concept il faut n´ecessairement d´ej`a poss´eder un concept, mais comment l'agent poss`ede-t-il le premier concept qui lui permet de poss´eder les autres concepts ? Pour 118 Conceptions du concept cela il faut bien au moins qu'il y ait un concept qui soit isol´e et qui permet d'apprendre les autres, et si cela est vrai alors la s´emantique des r^oles conceptuels est fausse. Mais cela serait oublier d'une part le caract`ere normatif des inf´erences ou au moins de certaines inf´erences qui caract´erisent certains concepts - par exemple les fondements des math´ematiques de Hilbert and Bernays ´enoncent des caract´eristiques relationnelles de certains concepts math´ematiques que le concept doit avoir pour ^etre tel qu'il est, est ces inf´erences sont normatives, ou bien rappelez vous la d´efinition donn´ee pour la possession du concept conjonction. Et ensuite, c'est ´egalement faire mauvaise justice `a la s´emantique des r^oles conceptuels que de dire qu'elle endosse n´ecessairement un holisme radical. Peacocke, qui d´eveloppe une th´eorie des concepts sur la base d'inf´erence, n'est partisan que d'un holisme partiel ou local, d´ecoup´e en domaines d'application, et ne refuse pas que certains concepts soient d´ej`a poss´ed´es naturellement et avant toute exp´erience, par l'agent. Les deux critiques contre le holisme de la s´emantique des r^oles conceptuels tombent donc. Troisi`eme partie Bases pour une approche dynamique du concept Chapitre 4 Liminaires L'hypoth`ese qui sert de point de d´epart de ce travail est qu'un concept est une entit´e mentale qui permet `a un agent cognitif qui la poss`ede de comprendre et de repr´esenter son environnement. La notion de concept inclut donc aussi bien les repr´esentations empiriques - les concepts recognitionnels par exemple - que th´eoriques - concepts formels par exemple. Comprendre son environnement est `a entendre ici au sens de repr´esentation, c'est-`a-dire, de correction : un agent cognitif comprend son environnement `a partir du moment o`u il le repr´esente, i.e. `a partir du moment o`u il peut construire des croyances ou des connaissances `a son sujet, former des jugements `a son propos o`u ´elaborer des d´esirs et des strat´egies pour agir sur lui. L'environnement est `a prendre en un sens tr`es large puisqu'il inclut aussi bien l'exp´erience perceptive que l'agent a du monde, mais aussi l'ensemble des repr´esentations qu'il se fait de cet environnement m^eme, ainsi que de lui-m^eme, des autres agents et de leurs repr´esentations et ainsi de suite si bien que la repr´esentation de cet environnement contient en d´efinitive tout ce sur quoi la pens´ee de l'agent cognitif peut porter. Si les concepts sont des repr´esentations alors ils r´ef`erent `a quelque chose - par hypoth`ese autre chose qu'eux-m^emes. Par exemple, si chien est un concept, alors il est l'entit´e mentale, dans l'espace cognitif de l'agent qui le poss`ede - qui permet `a l'agent qui le poss`ede de r´ef´erer aux objets du monde qui sont des chiens et uniquement `a ces objets-l`a (moyennant peut- ^etre une marge d'erreur pour traiter des cas tendancieux et des limites 122 Liminaires ´epist´emologiques de l'agent). Pour rendre compte des concepts il faut donc rendre compte du ph´enom`ene de l'intentionnalit´e : comment une entit´e mentale peut-elle d´esigner une entit´e du monde. La question de l'intentionnalit´e des concepts soul`eve ´egalement la question de la s´emantique des concepts : quelle valeur prend un concept lorsqu'il est appliqu´e `a un objet du monde. Cette s´emantique ne doit pas seulement rendre compte de l'ad´equation ou non entre le r´ef´erant et le r´ef´er´e (entre le terme et l'objet du monde) - e.g. x est un chien si et seulement si x est un chien [Fodor, 1998] - mais ´egalement de l'assentiment que donne l'agent `a cette application. En effet, le concept ´etant une entit´e mentale repr´esentative, il est l'application par un agent de cette repr´esentation `a un objet du monde. Si l'objet du monde M´edor est un chien, alors il est vrai que la propri´et´e "^etre un chien" (C) est instanci´ee par M´edor. Cependant cela n'est pas suffisant pour rendre compte du concept chien. Le concept ´etant la repr´esentation mentale dans l'espace cognitif de l'agent, il faut v´erifier son application `a l'objet pour l'agent en question qui poss`ede ce concept. Paul peut croire pour une raison ou une autre que M´edor est un chat. Le jugement que Paul formulera et qu'il tiendra pour vrai est que M´edor est un chat. Or si M´edor est effectivement - ind´ependamment de toute croyance par un agent - un chien, M´edor ne peut pas ^etre un chat. Il faut donc distinguer deux niveaux dans l'´evaluation de l'application d'un terme `a un objet. Le premier niveau est propositionnel, il concerne la valeur objective - ind´ependamment de l'agent - de cette assignation - et est vrai ou faux en fonction de l'´etat du monde, il s'agit donc d'une ´evaluation m´etaphysique. Le second niveau, par opposition, est psychologique ou cognitif, il concerne le jugement que l'agent fait, i.e. l'assentiment qu'il donne ou pas `a l'assignation propositionnelle. Cette ´evaluation psychologique d´epend de l'agent qui formule le jugement. Si Paul dit que M´edor est un chat, il donne son assentiment `a la proposition selon laquelle le terme `chat' s'applique `a M´edor, c'est-`a-dire qu'il tient pour vrai le fait que M´edor est un chat. Si M´edor est un chien, Paul se trompe. Cependant s'il croit qu'il est vrai que M´edor est un chat et non un chien, ce jugement aura des r´epercussions sur d'autres jugements que Paul pourra faire, et m^eme des jugements qui auront l'apparence de v´erit´es m´etaphysiques mais qui seront pourtant psychologiquement faux. Par exemple si Paul croit que M´edor est un chat et que de cette croyance il d´erive la croyance que M´edor est un mammif`ere, et s'il dit `a Pierre que 123 M´edor est un mammif`ere mais que Pierre croit que M´edor est un chien, la proposition `M´edor est un mammif`ere' sera m´etaphysiquement vraie du fait que M´edor est un chien et que les chiens sont des mammif`eres, en revanche, seul le jugement de Pierre sera correct, puisque celui de Paul se fonde sur une mauvaise raison, `a savoir que M´edor est un chat. La s´emantique des concepts doit donc rendre compte de la valeur des jugements et non pas uniquement celle des propositions assert´ees par les agents cognitifs. D'autre part, la s´emantique des concepts doit tenir compte de la possibilit´e laiss´ee `a un agent de suspendre son jugement ou l'assentiment qu'il donne `a une proposition. Si les conditions de l'exp´erience ne sont pas suffisamment bonnes, Paul pour dire qu'il ne sait pas si M´edor est un chien ou un chat. Si m´etaphysiquement cette ind´etermination de l'application d'une propri´et´e `a un objet n'a pas de sens - x est ou bien un chat ou bien un chien mais ne peut pas ^etre les deux en m^eme temps - par application du principe du tiers exclu - psychologiquement elle est tout `a fait acceptable. M^eme si M´edor est un chien, il se peut que Paul ne le sache pas parce qu'il n'est pas certain de discriminer correctement M´edor ou bien parce qu'il ne sait pas tr`es bien si, pour une raison ou une autre, chien peut se dire de M´edor - e.g. pour une raison ou une autre Paul croit que chien s'applique plut^ot `a des animaux de couleur brune, et si M´edor est noir, Paul pourra h´esiter, m^eme s'il n'est pas absolument convaincu que M´edor n'est pas un chien, `a dire que M´edor est un chien. Le fait qu'un agent suspende son jugement pour l'application d'un terme `a un objet ne l'emp^eche pas pour autant de comprendre la proposition. Prenez l'exemple suivant : Kiruna est au nord du cercle polaire. (4.1) Imaginons qu'un agent ne sache rien de Kiruna, c'est-`a-dire que s'il lui ´etait demand´e quelque chose `a son sujet il ne saurait rien en dire. Cependant, en ignorant tout de Kiruna, cet agent - s'il comprend le fran¸cais - pourrait comprendre la proposition (4.1). Il pourrait par exemple penser sur la base de (4.1) que Kiruna est le nom d'une localit´e, que si Kiruna est au nord du cercle polaire alors pendant au moins un jour dans l'ann´ee la nuit ne tombe pas, que si Kiruna est au nord du cercle polaire alors Kiruna est au nord 124 Liminaires de l'´equateur, etc. Et ces connaissances au sujet de Kiruna s'appliquent combien m^eme l'agent ne pourrait rien dire simplement de Kiruna, elles viennent des liens entre les concepts qui apparaissent dans les jugements. Si l'agent relie le concept cercle polaire au concept ´equateur par la relation asym´etrique `x est au nord de y', tout ce `a quoi s'applique x s'applique relation `x est au nord de y'. La compr´ehension de la proposition (4.1) repose donc sur la compr´ehension d'une partie de celle-ci et de la reconstruction par supposition de la compr´ehension de l'autre partie de la proposition par d´eduction du sens de la proposition enti`ere compte tenu des relations que l'agent peut ´etablir avec des jugements qu'il poss`ede d´ej`a [Ranta, 1994, 6.5, p. 130]. Autrement dit l'analyse du jugement passe par l'analyse des autres jugements faits par l'agent. M^eme si l'agent est incapable de dire s'il est vrai ou non que Kiruna se situe au nord du cercle polaire, il peut tout de m^eme comprendre que cette proposition a un sens et en d´eriver un certain nombre de choses - e.g. qu'il doit ^etre vrai ou faux que Kiruna est au nord du cercle polaire - et ce, gr^ace aux concepts qu'il poss`ede d´ej`a. Les concepts que poss`ede un agent influent donc sur l'utilisation des concepts par cet agent, soit en d´eterminant son application - comme dans le cas o`u l'agent ne veut pas dire que M´edor est un chien parce qu'il croit que les chiens sont bruns et que M´edor est noir - ou bien en permettant `a l'agent de comprendre un ´enonc´e dans lequel appara^it un terme qu'il ignore. Il faut noter dans ce cas que l'agent pourra dire qu'il ne sait pas si (4.1) est vraie ou non, mais il pourra tout de m^eme tenir pour vrai la proposition `Si Kiruna est au nord du cercle polaire alors Kiruna est au nord de l'´equateur'. La distinction entre le niveau m´etaphysique et le niveau cognitif permet de distinguer entre le concept et le terme lexical qui peut lui ^etre associ´e. Il y a ainsi une diff´erence entre le concept cheval et le terme `cheval'. L'une des diff´erences les plus criantes est de dire que le concept cheval peut ^etre associ´e au terme `horse' ou `cavallo' alors que le terme `cheval' et les termes `horse' ou `cavallo' appartiennent `a des langues diff´erentes et qu'ils ne sont pas identiques - par exemple `cheval' est masculin alors que `horse' est neutre. Mais la diff´erence entre un terme et un concept concerne surtout leur traitement d'´evaluation. Alors que le terme sera jug´e au niveau s´emantique en tant qu'il appara^it dans une proposition, le concept sera jug´e 125 au niveau pragmatique en tant qu'il appara^it dans un jugement. De ce point de vue, contrairement `a certains auteurs, le concept ne sera pas assimil´e `a un terme, mais peut-^etre `a l'usage d'un terme : Throughout much of this book, I have waffled on the question of whether I am talking about concepts or words. The two seem to be closely related. I can talk about children learning the concept of sheep, say, but I can also talk about their learning the word sheep. I would take as evidence for a child having this concept the fact that he or she uses the word correctly. On a purely intuitive basis, then, their appear to be considerable similarity between word meanings and concepts. And in fact, much of the literature uses these two terms interchangeably 1 . [Murphy, 2002, 11, 385] S'il est vrai que le concept est l'usage d'un terme, alors il est vrai qu'un agent utilisant un terme - e.g. un mot dans une langue, poss`ede un concept qui est associ´e `a ce terme - cependant il n'est pas n´ecessaire que tous les concepts aient n´ecessairement un ´equivalent lexical [Sperber and Wilson, 1986] - i.e. qu'`a un concept corresponde un ou plusieurs termes - `a moins ´evidemment de parler de mani`ere m´etaphorique d'un langage de la pens´ee dans lequel `a chaque concept correspondrait un et un seul terme. La prise en compte de l'usage dans l'´etude du concept, c'est-`a-dire du contexte d'application, i.e. les conditions d'assertabilit´e d'un terme de propri´et´e `a un objet du monde, implique de prendre en consid´eration les autres concepts poss´ed´es par l'agent, et l'attitude ´epist´emique de celui-ci. Cela signifie que les concepts se situent dans une trame conceptuelle dans laquelle les concepts sont reli´es les uns aux autres par des d´erivations - ce qui conduit `a un holisme -, et que d'autre part la s´emantique utilis´ee ne sera plus bivalente comme celle de l'´evaluation m´etaphysique de l'application au niveau propositionnel, mais au moins trivalente (oui, non, ind´etermin´e) ou probabiliste. 1 "Durant quasiment tout ce livre, j'ai h´esit´e sur la question de savoir si je suis en train de parler de concepts ou de mots. Le deux sembles ^etre intimement reli´es. Je peux parler `a propos de l'apprentissage du concept de mouton par les enfant, par exemple, mais je peux aussi parler `a propos de leur apprentissage du mot mouton. Je voudrais prendre comme preuve qu'un enfant a ce concept le fait qu'il ou elle utilise le mot correctement. Sur des bases purement intuitives, alors, une similarit´e consid´erable appara^it entre les significations des mots et celles des concepts. Et en fait, la plus part de la litt´erature utilise ces deux termes de mani`ere interchangeabl" 126 Liminaires Que le concept soit compris au niveau du jugement et non au niveau de la proposition - en ce sens le concept n'est pas le composant des propositions mais des jugements ou des pens´ees - permet de le repr´esenter sous forme pr´edicative : le concept appara^it alors comme l'assignation d'une caract´eristique `a un objet du monde pour comprendre celui-ci dans l'espace des repr´esentations - suivant cette conception du concept, les concepts singuliers seront retranscrits sous forme de descriptions d´efinies. Penser que M´edor est un chien c'est d´eterminer l'objet `M´edor' en tant que chien, c'est en fait lui appliquer le caract`ere chien : chien(M´edor) (4.2) Cette forme est propositionnelle. (4.2) est vraie si et seulement si M´edor est un chien. Elle devient une forme de jugement `a partir du moment o`u un agent l'asserte (la forme propositionnelle est alors pr´efix´ee du signe d'assertion ` ') ou la d´enie (la forme propositionnelle est alors pr´efix´ee du signe de d´en´egation ` ') : chien(M´edor) (4.3) Si donc la forme pr´edicative n'est pas suffisante pour rendre compte du concept, puisqu'elle ne rend pas compte du jugement qu'en fait l'agent, elle permet cependant d'en simplifier sa compr´ehension. En effet un agent qui formulerait le jugement (4.3) serait dit poss´eder le concept chien puisqu'il l'utiliserait pour d´ecrire un objet, ici M´edor. Que cette assignation soit correcte ou pas est une autre affaire, car quand bien m^eme M´edor ne serait pas un chien, l'agent en question tenterait bien de dire quelque chose - en se trompant donc manquant son but - `a propos de cet objet qui est M´edor, donc pour cet agent `chien' repr´esente bien quelque chose. On refr´enera l'objection du laxisme d'une telle interpr´etation du concept selon laquelle tout ce qui repr´esente et donc tout ce qui appara^it de mani`ere consciente dans l'espace cognitif d'un agent tombe sous le coup de cette interpr´etation. Certes mais si nous avons d´efini le concept comme l'entit´e repr´esentante dans l'espace cognitif d'un agent, c'est bien que tout ce que l'agent peut penser contient un concept. Qu'il y ait ensuite des diff´erences au sein des concepts est une chose, mais donc l'objection porte, certes, sauf qu'elle n'en est pas une. 127 Si le concept chien est l'assignation de la propri´et´e chien `a un objet du monde, alors cela signifie que pour n'importe quoi qui est un chien, l'agent r´ef`ere `a cet objet par l'interm´ediaire du concept chien. L'assignation de la propri´et´e est donc le point le plus important dans la compr´ehension du concept, plus que la pr´edication elle-m^eme. Pour dire que M´edor est un chien, il faut que l'agent poss`ede le concept chien, et ce concept est l'assignation de la propri´et´e d'^etre un chien. Donc pour comprendre le concept on pourra extraire de (4.2) la propri´et´e "^etre un chien" par abstraction : M´edor(chien(M´edor)) (4.4) L'abstraction proc`ede de la sorte : si A est une formule et x est une variable d'individu, alors xA est un terme d'abstraction. Si B[] est une formule et T = xA un terme d'abstraction, B[T] est la formule r´esultante de la substitution de tout t par A[t] dans B[]. Par exemple : 1 Paul poss`ede M´edor 2 M´edor est un chien 3 Paul poss`ede un chien o`u `M´edor' est substitu´e par `chien' du fait que M´edor chien. Lorsque T = x(x Y ) alors B[T] est simplement B[Y ] alors Y est identique `a l'abstraction x(x Y ). De fait pour toute substitution il suffit de consid´erer les termes d'abstraction [Girard, 1987, 3A, p. 176], [Takeuti, 1953]. Par exemple : 1 Paul poss`ede un chien 2 chien est un chien 3 Paul poss`ede un chien `chien' ´etant ici l'ensemble des chiens du monde, incluant M´edor, Rantaplan, etc. Ce chien n'´etant pas plus avant sp´ecifi´e, il n'est pas possible de dire que Paul poss`ede M´edor, mais simplement qu'il poss`ede n'importe quoi qui est un chien. 128 Liminaires Le concept agit comme une substitution d'occurrences d'une propri´et´e dans l'assertion d'une forme pr´edicative, de fait le concept peut ^etre compris comme un terme d'abstraction, i.e. un abstrait. On dira d'un agent cognitif qu'il poss`ede le concept de chat s'il est capable d'appliquer la f´elinit´e `a un objet x du monde, ou le concept rouge s'il est capable d'appliquer la rougeur `a un objet x du monde, ou le concept Kiruna s'il est capable d'appliquer le fait d'^etre Kiruna pour quoi que ce soit qui est Kiruna `a un objet x du monde. Le traitement du concept comme un abstrait permet de ne pas se pr´eoccuper de ses occurrences lorsqu'on analyse son application. De fait si a et b sont des constantes d'individu li´ees dans A, alors le concept bas´e sur l'abstraction xA, concept que l'on notera xA , s'appliquera aussi bien `a a qu'`a b. Si maintenant le concept x s'applique `a A, alors il s'appliquera `a a et b dans A. Le caract`ere abstrait du concept permet donc la contrainte de g´en´eralit´e : Thus, if a subject can be credited with the thought that a is F, then he must have the conceptual resources for entertaining the thought that a is G, for every property of being G of which he has a conception. This is the condition I call `The Generality Constraint' 2 . [Evans, 1982, p. 104] Generality Constraint : If a thinker can entertain the thought Fa and also possesses the singular mode of presentation b, which refers to something in the range of objects of which the concept F is true or false, then the thinker has the conceptual capacity for propositional attitudes containing the content Fb 3 . [Peacocke, 1992, p. 31] Si un agent utilise un concept il le fait dans une assertion qui repr´esente quelque chose, c'est-`a-dire dans l'assignation de l'application d'une propri´et´e `a un objet de l'environnement. Mais cela n'implique pas que l'agent sache de mani`ere d´etermin´ee ce `a quoi le concept r´ef`ere exactement. Un agent pourrait tr`es bien endosser l'application selon laquelle les dahus sont des animaux pr´esents dans le bestiaire folklorique alpin et donc que certaines 2 "Ainsi, si un sujet peut ^etre cr´edit´e de la pens´ee que a est F, alors il doit poss´eder les ressources conceptuelles pour recevoir la pens´ee que a est G, pour toute propri´et´e d'^etre G de ce dont il a la conception. C'est cette condition que j'appelle `la contrainte de g´en´eralit´e'." 3 "La contrainte de g´en´eralit´e : si un penseur peut recevoir la pens´ee Fa et qu'il poss`ede ´egalement le mode de pr´esentation singulier b qui r´ef`ere `a quelque chose du rang des objets desquels le concept F est vrai ou faux, alors le penseur a la capacit´e conceptuelle pour les attitudes propositionnelles contenant le contenu Fb." 129 histoires cont´ees par de vieux savoyards parlent de dahus sans que cet agent sache exactement `a quoi s'applique la propri´et´e dahu. L'agent pourrait comprendre l'´enonc´e : les dahus sont des animaux pr´esents dans le bestiaire folklorique alpin (4.5) car il comprendrait la proposition : les x sont des animaux pr´esents dans le bestiaire folklorique alpin (4.6) et sous l'hypoth`ese charitable selon laquelle (4.5) est signifiante et que (4.5) est construite correctement - en respectant les contraintes g´en´eratives du fran¸cais standard - `a partir de (4.6), l'agent pourrait construire une r´ef´erence au terme `dahu' `a partir des conditions de v´erit´e de (4.6). Dans les cas de synonymie - quand deux termes linguistiques diff´erents r´ef`erent `a un m^eme objet - il se peut que le jugement de l'agent soit diff´erent alors que la valeur m´etaphysique est la m^eme : L'´etoile du matin est V´enus (4.7) L'´etoile du soir est V´enus (4.8) m^eme si m´etaphysiquement (4.7) et (4.8) sont ´equipotents, un agent pourrait penser que (4.7) est vrai mais que (4.8) est faux, ou m^eme dire que (4.7) est vrai mais ne pas savoir si (4.8) est vrai ou faux, l'agent peut tr`es bien dire qu'il ne sait pas et ne se prononce pas. Cette diff´erence entre la valeur m´etaphysique et la valeur cognitive est due au monde d'´evaluation des deux niveaux qui sont diff´erents. Au niveau m´etaphysique la proposition est ´evalu´ee en fonction de son ad´equation au monde ou non. Au niveau cognitif, l'´evaluation se fait selon les raisons que l'agent `a d'asserter ou non une proposition. Si pour une raison ou une autre l'agent croit que l'´etoile du soir est Mars, il se trompera, certes, mais cela justifiera qu'il tienne pour faux l'´enonc´e : L'´etoile du matin est l'´etoile du soir (4.9) L'agent se trompe parce qu'il se fonde sur de mauvaises raisons pour soutenir et d´eriver son concept ´etoile du soir. Mais cela ne concerne pas - du 130 Liminaires moins pas directement - la valeur de v´erit´e du terme `´etoile du soir', mais ses conditions d'assertabilit´e pour l'agent en question. Le fait qu'un agent puisse construire et postuler la signification d'un terme qu'il ne conna^it pas mais qui appara^it dans une proposition qu'il comprend s'il admet que celle-ci est signifiante - en lui appliquant un principe de charit´e - et en fonction d'autres occurrences de cette m^eme forme que comprend d'agent. Par exemple si l'agent ne sait pas ce que signifie le terme `dahu' mais postule que la proposition (4.5) a un sens parce que la proposition : les chamois sont des animaux pr´esents dans le bestiaire folklorique alpin (4.10) a un sens, l'agent peut postuler, faire l'hypoth`ese, que le terme `dahu' doit se trouver dans le domaine des objets qui permette de donner une valeur `a la propri´et´e "^etre un animal pr´esent dans le bestiaire folklorique alpin". Cette pr´esupposition que fait l'agent pour comprendre la forme propositionnelle dont il ne comprend pas l'un des membres correspond `a la postulation d'une r´ef´erence - i.e. d'un objet auquel s'applique le terme en question et qui le rend vrai sous cette interpr´etation - mais cette r´ef´erence est alors purement construite, c'est-`a-dire que l'agent ne s'engage pas ontologiquement quand `a l'existence de cet objet sur au niveau m´etaphysique, mais l'utilise au niveau cognitif sous forme d'une modalit´e hypoth´etique du type, "sous l'hypoth`ese qu'il y ait quelque chose comme un dahu alors selon l'´enonc´e en question, ce quelque chose appara^it dans le bestiaire folklorique alpin", `a partir de l`a, l'agent peut tenir pour vrai ou pour faux ou s'abstenir sur la v´erit´e de la proposition (4.5) suivant les raisons, les indices et les donn´ees qu'il a pour la tenir pour vraie ou fausse, mais il s'agit alors d'une valeur pragmatique i.e. la valeur du jugement "je crois qu'il est vrai que les dahus sont des pr´esents dans le bestiaire folklorique alpin". L'agent d´ef`ere `a une autorit´e pour soutenir son jugement. Alors que dans le cas d'une ´evaluation m´etaphysique le crit`ere est l'´etat du monde d´ecrit. Cela nous ram`ene donc `a la distinction entre terme et concept. Un terme est un symbole dans un langage donn´e qui r´ef`ere `a un objets ou `a un ensemble d'objet dans le mod`ele d'´evaluation de ce langage. Dans le cas des dahus, la r´ef´erence m´etaphysique est l'ensemble vide dans le monde 131 actuel, puisque les dahus n'existent pas. Le concept est l'entit´e mentale qui renvoie `a tout ce que l'agent relie le terme `dahu'. Le concept correspond donc `a l'usage que l'agent fait du terme. Comme il s'agit d'un usage, le concept appara^it dans un jugement, au sens o`u l'agent doit avoir des raisons pour utiliser ce concept plut^ot qu'un autre. Au niveau cognitif donc il est possible de distinguer les licornes des dahus du fait que les m^emes choses ne sont pas n´ecessairement associ´ees `a ces deux termes, bien qu'au niveau m´etaphysique ces deux termes soient coextensifs et pointent l'ensemble vide. C'est parce que le concept se comprend au niveau cognitif qu'il est une entit´e intensionnelle, par opposition `a l'´evaluation m´etaphysique qui est extensionnelle. La r´ef´erence postul´ee pour le terme `dahu' par l'agent pour ´evaluer l'´enonc´e (4.5), n'est pas une r´ef´erence m´etaphysique, et il est difficile de soutenir qu'il s'agit m^eme d'une r´ef´erence cognitive. Tout ce que fait l'agent et de dire qu'en l'absence de preuves et de raisons il ne sait pas si ce terme r´ef`ere ou non a quelque chose dans le monde, mais si la proposition dans laquelle le terme appara^it et dont l'agent ne sait pas la valeur de v´erit´e, est signifiante - i.e. est bel et bien une proposition avec une valeur d´etermin´ee - alors le terme en question doit avoir une r´ef´erence. `A partir de cette possibilit´e r´ef´erentielle, si l'agent ne poss`ede pas plus d'indices, il peut, `a partir d'un principe de charit´e selon lequel un ´enonc´e est signifiant et en l'absence de mention explicite du contraire, est vrai, l'agent peut construire un objet pour ce terme qu'il utilisera comme r´ef´er´e du terme. En somme tout terme consid´er´e comme bien construit - et utilis´e - est suppos´e avoir une r´ef´erence. Mais en l'absence d'indices permettant de savoir quelle est cette r´ef´erence, l'agent en postule une - il ajoute un objet possible au niveau m´etaphysique. Cette extension postul´ee correspond `a l'extension possible des termes abstraits d´efinie par Hilbert and Bernays [2001b, II, §1, p. 62]. Ces termes seront donc pr´efix´es de l'op´erateur de Hilbert. Cependant, nous l'avons vu avec le principe d'abstraction de Takeuti [1953], l'extension du terme peut ^etre ignor´ee au niveau cognitif, puisque l'abstraction correspondante est suffisante pour utiliser le terme dans une inf´erence. Par exemple, m^eme si l'agent ne sait pas ce `a quoi r´ef`ere le terme `dahu' dans le monde - c'est-`a-dire qu'il n'est pas capable de l'appliquer `a un objet du monde - peut penser que ce terme r´ef`ere peut-^etre `a quelque 132 Liminaires chose et qu'un biologiste par exemple saurait mieux que lui trancher cette question, cependant en admettant l'usage du terme dans l'´enonc´e - sous cette hypoth`ese que l'´enonc´e dans lequel appara^it le terme a un sens - l'agent peut d´eriver des informations sur les dahus, par exemple que si ce sont des animaux alors ce ne sont pas des cailloux. Le fait qu'au niveau du concept la r´ef´erence m´etaphysique n'est pas requise et que la r´ef´erence postul´ee peut suffire, est important, puisque cela permet de comprendre les situations dans lesquelles l'agent dit explicitement qu'il ne sait pas `a quoi r´ef`ere un terme, dans une question par exemple. En demandant des pr´ecisions, l'agent demande `a ´etayer son concept pour comprendre le terme, concept qui peut ^etre tr`es t´enu et quasiment vide. Cependant il ne l'est jamais, au niveau cognitif il n'y a rien tel que des termes vides. Les concepts `a partir du moment o`u ils sont utilis´es - et donc `a partir du moment o`u ils sont des concepts - poss`edent des conditions d'assertion. L'agent en demandant des informations demande donc une explicitation, une clarification de l'usage du terme et ´eventuellement son application `a un objet du monde, i.e. sa r´ef´erence m´etaphysique. L'´evaluation trivalente du concept (Vrai, Faux, Ind´etermin´e) est diff´erente de l'´evaluation bivalente (Vrai, Faux) du terme. Cependant, comme l'agent assigne par pr´esupposition une r´ef´erence au terme qu'il ne conna^it pas dans l'´enonc´e, il doit le faire sous la condition qu'il croit que cet ´enonc´e est effectivement une proposition (c'est-`a-dire que le terme r´ef`ere bien `a quelque chose dans le monde mais qu'il ne conna^it pas ce terme) : de cela d´ecoule le principe de r´ef´erence postul´ee pour le concept : (PRP) ai : ai Le principe de r´ef´erence postul´ee (PRP) dit que pour tout concept l'agent (not´e ici ai) postule que a une r´ef´erence (not´ee ), m^eme s'il ne sait pas exactement laquelle. Si dans les cas o`u l'agent sait `a quoi r´ef`ere le concept en question alors la r´ef´erence postul´ee sera la r´ef´erence r´eelle, i.e. m´etaphysique. Dans les cas o`u l'agent ne sait pas quelle est la r´ef´erence r´eelle alors ce sera la r´ef´erence postul´ee, i.e. construite. 133 Le probl`eme pos´e par cette r´ef´erence postul´ee - outre le fait qu'il soit possible de s'en passer en passant par les termes d'abstraction - est qu'il ouvre potentiellement la porte `a une interpr´etation purement priv´ee du concept. En effet, si l'agent postule une r´ef´erence `a un terme lorsqu'il est en situation d'ignorance, pourquoi devrait-il se trouver dans une situation de connaissance, alors qu'il lui suffit de postuler ce qu'il veut pour n'importe quel terme, et n'utiliser qu'un idiolecte ou un langage priv´e. `A premi`ere vue rien n'emp^eche cela. Apr`es tout un agent compl`etement isol´e pourrait peut-^etre d´evelopper une repr´esentation personnelle du monde qui ne collerait avec aucune autre, et il pourrait utiliser cette repr´esentation pour d´ecrire son environnement, forger des croyances et des connaissances dessus, y planifier des actions etc. Il ne communiquerait qu'avec lui-m^eme sous forme solipsistique. Bien, mais tout l'int´er^et du concept est justement qu'il rend possible la communication entre les agents, le transfert de connaissances, de descriptions de l'environnement, etc. C'est donc plus le cas o`u une communication et un apprentissage sont possibles, c'est-`a-dire quand le concept est public dont il s'agit de rendre compte, plut^ot que de parler de quelque chose dont on ne peut finalement rien dire. Lorsqu'une communication marche, cela signifie qu'entre deux agents cognitifs, un concept est partag´e - i.e. que le concept appara^it dans les espaces respectifs des deux agents. En fait il ne s'agit l`a que d'une supposition puisque si une communication n'´echoue pas, cela ne signifie pas pour autant que les deux concepts (celui de chaque agent) soient identiques, mais simplement que rien dans l'usage d'un terme - le terme correspond alors au signe lexical dans le langage utilis´e dans la communication associ´ee au concept - n'est en contradiction avec l'usage qu'en font ces agents. Supposons par exemple que Pierre dise `a Fran¸cois que Paul est c´elibataire. Pierre et Fran¸cois comprendront l'´enonc´e propositionnel "Paul est c´elibataire" `a l'aide de leurs concepts respectifs de Paul et c´elibataire. Imaginons que dans cette discussion rien ne fasse ´echouer la communication. Il sera alors postul´e que Pierre et Fran¸cois s'entendent sur le concept c´elibataire, i.e. que ce concept appara^it dans leur espace cognitif respectif et que ces deux concepts sont identiques, similaires, sinon compatibles. Imaginons maintenant que Pierre dit `a Fran¸cois que Paul est c´elibataire et parle du mariage de Paul. La communication ´echouera si pour Fran¸cois le concept 134 Liminaires c´elibataire est reli´e au fait que quelqu'un est c´elibataire s'il n'est pas mari´e. Dans ce cas Fran¸cois pourra demander des explications `a Pierre en lui demandant ce qu'il entend par le terme `c´elibataire' ou bien s'il parle du m^eme `Paul', bref, l'´echec de la communication montrera que le concept c´elibataire de Pierre n'est pas compatible avec le concept c´elibataire de Fran¸cois. La communication, i.e. l'usage de termes dans un langage - notez ici qu'il est tout `a fait possible que certains concepts ne soient reli´es `a aucun terme d'aucun langage, mais tout terme d'un langage suppose qu'il soit associ´e `a un concept pour ^etre signifiant, donc nous pouvons, par commodit´e, utiliser ces termes pour parler des concepts - suppose une publicit´e des concepts mais aussi une compatibilit´e de ceux-ci entre les diff´erents agents. Le caract`ere public du concept - pour son usage dans la communication entre agents - conduit `a amender le PRP. Il faut ajouter le fait que l'agent est de bonne foi, c'est-`a-dire qu'il entend postuler, pour un concept, la m^eme r´ef´erence que celle de son interlocuteur. Cette r´ef´erence qui est celle qui devrait ^etre la m^eme que celle de l'interlocuteur est normative, elle correspond `a la r´ef´erence canonique du concept, c'est-`a-dire la r´ef´erence habituelle du terme associ´e au concept. Habituellement la r´ef´erence du terme `c´elibataire' regroupe l'ensemble des personnes non mari´ees et qui pourraient l´egalement l'^etre. Cet amendement est rendu par le principe de r´ef´erence postul´ee canonique : (PRPC) B( ai C) L'agent croit que la r´ef´erence qu'il postule pour le concept est la m^eme sinon compatible avec la r´ef´erence canonique associ´ee au concept . C'est le r´equisit pour comprendre la publicit´e du concept. Il se peut que ce principe soit utilis´e de mani`ere particuli`ere, dans le cas de l'idiolecte par exemple, o`u l'agent d´ecide de d´eterminer lui-m^eme la r´ef´erence canonique du terme. L'interpr´etation normale du PRPC devrait-elle selon laquelle l'agent croit qu'un expert - quelqu'un qui sait qu'elle est la r´ef´erence m´etaphysique du terme associ´e au concept, pourrait le corriger. Ce principe est donc celui qui permet l'apprentissage et la r´evision du concept. Le cas de l'expert est pr´ecis´ement le cas de l'idiolecte. Un expert est celui qui dit que la r´ef´erence qu'il postule pour un terme est ou devrait ^etre la r´ef´erence canonique de 135 ce terme. Prenez le cas d'un physicien qui parle de neutrinos. L'agent non physicien peut avoir une vague id´ee de ce qu'est un neutrino sans vraiment en ^etre certain. La r´ef´erence - et surtout l'usage du terme - qu'il va postuler, s'il en a besoin, se basera sur celle du physicien qui parle de neutrinos, de fait l'agent non sp´ecialiste d´ef`ere la r´ef´erence au sp´ecialiste, et lorsqu'il parlera de neutrinos il postulera que ce qu'il entend par l`a est compatible avec ce qu'en dirait un sp´ecialiste. Mais le sp´ecialiste lui d´ef`ere sa r´ef´erence `a lui-m^eme - si la modestie ne le ronge pas. Donc dans le cas o`u l'agent d´etermine lui m^eme la r´ef´erence canonique PRPC re¸coit une interpr´etation particuli`ere, mais qui tient toujours, puisque l'agent entend bien r´ef´erer `a la m^eme chose que l'usage canonique. Dans l'exemple pr´ec´edent de Pierre et Fran¸cois qui parle de Paul qui est c´elibataire, en cas d'´echec de la communication, Fran¸cois demande `a Pierre ce qu'il entend par `c´elibataire' parce que la r´ef´erence postul´ee par les deux est diff´erente. Ce qui tranchera en d´efinitive est ou bien la r´ef´erence m´etaphysique - un c´elibataire c'est ¸ca, et Pierre l'accepte - ou bien dans les cas o`u la r´ef´erence m´etaphysique n'est pas connue - l'usage canonique du terme pour parler de certains objets du monde - g´en´eralement on entend ¸ca par `c´elibataire', au besoin un expert peut ^etre consult´e. Dans le cas de `c´elibataire', si usuellement ce terme est utilis´e pour parler des individus humains non mari´es et qui pourrait l'^etre, alors cette interpr´etation servira de norme pour arbitrer la conversation, et Pierre devra, s'il est de bonne foi, r´eviser son concept de c´elibataire. Rien n'emp^eche dans un contexte de communication qui n'a pas ´echou´e que les deux concepts soient en fait incompatibles dans un autre contexte, mais alors, par charit´e, en l'absence de conflit, il sera suppos´e que l'agent postule une r´ef´erence similaire ou compatible avec la r´ef´erence canonique. La r´ef´erence postul´ee n'est que secondaire, elle sert `a l'agent pour ´evaluer la proposition. Mais comme le concept appara^it au niveau du jugement - de la position assertive de l'agent vis-`a-vis de la proposition - il est possible de comprendre le concept associ´e au terme en tant qu'abstraction - i.e. le terme doit avoir une extension, mais je peux me contenter de consid´erer la possibilit´e de son application - l'intension - et non son application elle-m^eme - l'extension - pour asserter le terme. Et cela transpara^it dans l'ajustement des concepts dans le cas de l'´echec de 136 Liminaires la communication. Fran¸cois va demander `a Pierre ce qu'il n'entend pas `c´elibataire' parce que l'usage que fait Pierre de ce terme n'est pas le m^eme que l'usage qu'en fait Fran¸cois. Cet usage concerne peut-^etre pour une part - pour les concepts recognitionnels peut-^etre - l'application de ces termes aux objets, mais surtout les relations entre les propositions dans lesquelles apparaisse ce terme. Lorsque Fran¸cois dit que les c´elibataires sont des individus non mari´es, il rattache le concept c´elibataire `a la proposition "individu non mari´e et qui pourrait l'^etre", c'est-`a-dire que l`a o`u appara^it le terme `c´elibataire' peut se substituter la proposition "individu non mari´e et qui pourrait l'^etre". L'usage d'un terme se comprend alors comme les liens qui s'op`erent entre les concepts, et cela inclut les termes (simples ou complexes) associ´es au concept en question. Ces liens sont les raisons qu'`a un sujet pour utiliser ce concept. Si Fran¸cois utilise le concept c´elibataire pour parler de Paul c'est qu'il pense que Paul n'est pas mari´e. Les raisons agissent alors comme des d´erivations, des inf´erences qui permettent et garantissent l'usage d'un concept dans un jugement, c'est-`a-dire la valeur assign´ee `a une proposition dans laquelle appara^it le terme correspondant au concept. Dans le cas o`u l'agent ne sait pas la valeur, i.e. quand il suspend son jugement, c'est qu'il pense qu'il n'a pas assez de raisons pour soutenir et garantir une valeur `a son jugement. Lorsqu'il se trompe c'est qu'il se base sur des raisons qui ne permettent pas de d´eriver ces concepts ou bien qui ne sont pas des raisons compatibles avec les raisons canoniques qui justifient l'usage habituel du concept. Cette justification est donc elle-m^eme normative dans la mesure o`u sa fonction est de r´egir la communication entre les agents. Il faut pr´eciser ´egalement que cette communication n'est pas n´ecessairement lexicale, une communication non verbale, par exemple une action, un comportement, etc. pourrait tout `a fait ^etre interpr´et´e comme impliquant l'usage de repr´esentations, et donc de concepts, et que suivant la compr´ehension par un tiers de ce comportement, celui-ci pourrait estimer que les concepts utilis´es - si jamais des concepts sont utilis´es pour r´ealiser cette action - par l'agent qui la r´ealise sont sinon identiques ou similaires, ou au moins compatibles avec les siens. Si l'usage des concepts se base sur les raisons qui justifient la d´erivation de ce concept compte tenu des jugements poss´ed´es par l'agent dans lesquels 137 ce concept appara^it, le concept se conforme au principe de d´erivation : (PD) ai ai Si l'agent poss`ede le concept alors il a des raisons pour utiliser le concept , i.e. il est capable de dire pourquoi il utilise le concept tel qu'il le fait. Si l'agent est de bonne foi alors il doit penser que les raisons qu'il invoque - raisons qu'il donnerait si quelqu'un lui demandait d'expliciter l'usage qu'il fait du concept - sont similaires, identiques ou tout du moins compatibles avec les raisons canoniques d'utilisation du concept - cela signifie qu'il pense qu'habituellement ce sont ces raisons-l`a qu'un agent doit avoir pour utiliser correctement ce concept - ce qui est rendu par le principe de d´erivation canonique (PDC) B( ai C) L'agent pense que les d´erivations qu'il utilise pour garantir l'usage qu'il fait d'un concept sont compatibles avec les d´erivations canoniques pour ce concept. Cette clause est ´egalement normative et pragmatique, et son interpr´etation est ´egalement particuli`ere dans le cas de l'idiolecte ou de l'expert dans lequel l'agent postule que ses d´erivations pour garantir l'usage du concept sont et doivent ^etre les d´erivations canoniques pour d´eterminer l'usage canonique de ce concept. Les raisons doivent ^etre explicitables, il est possible de questionner un agent sur l'usage de ses concepts et celuici doit se justifier ou bien se confronter `a l'usage canonique des concepts. Dans les cas de disputes entre experts o`u chacun veut d´efendre sa r´ef´erence ou d´erivation comme ´etant canonique, le d´ebat est tranch´e - si jamais - par la qualit´e, l'efficacit´e et la solidit´e des meilleures raisons apport´ees pour d´eriver un concept. Mais cela ne marche que si l'agent est de bonne foi - on qualifiera un agent de bonne foi capable de donner des raisons d'agent rationnel. Un agent de bonne foi doit donc croire qu'il est possible - s'il n'est pas expert - que la r´ef´erence qu'il postule pour un concept puisse ^etre diff´erente de la r´ef´erence canonique postul´ee pour ce concept. C'est-`a-dire que l'agent accepte la possibilit´e qu'il puisse se tromper dans l'application d'un concept, cela est transcrit par le principe d'incompatibilit´e possible de r´ef´erence : (PIPR) B3( ai C) 138 Liminaires de m^eme que l'agent doit accepter que les raisons qu'il donne ne sont pas n´ecessairement compatibles avec les raisons canoniques pour les d´erivations : principe d'incompatibilit´e possible de d´erivation : (PIPD) B3( ai C) Comme la r´ef´erence peut ^etre ignor´ee pour l'usage du concept si celui-ci est compris en tant qu'abstraction, le principe le plus important est donc le principe d'incompatibilit´e possible de d´erivation (PIPD). Ce principe affirme qu'un agent cognitif reconnu comme rationnel, i.e. comme utilisant de bonne foi des concepts qu'il pourrait partager avec un autre agent, accepte d'expliquer son usage du concept et dans le cas o`u il n'est pas expert qu'un expert pourrait ´eventuellement le corriger si son usage ´etait incompatible avec l'usage canonique utilis´e dans la communication. En fait ce principe s'applique m^eme dans le cas de l'expert lorsque son usage du concept est refus´e, soit par un autre expert, soit par un profane. L'expert doit ^etre en mesure de dire pourquoi son usage du concept est, et donc est conforme, `a l'usage canonique. Il faut ´egalement noter que les raisons invoqu´ees pour utiliser le concept ne sont pas n´ecessairement bonnes, et pourrait tout `a fait ^etre tax´ees d'irrationnelles. Cependant elles servent tout de m^eme de justification pour d´eriver et utiliser le concept en question. Et il est ´egalement possible d'invoquer des raisons jug´ees non formulables, par exemple l'´evidence des faits. Mais alors sur le plan formel, cela appara^itra tout de m^eme comme une d´erivation, et donc une justification donn´ee. Un agent cognitif sera dit rationnel au regard de son utilisation des concepts s'il accepte que les raisons qu'il invoque pour utiliser ses concepts ne soient pas n´ecessairement identiques, similaires ou compatibles avec les raisons canoniques d'utilisation de ces concepts, ce que rend le principe d'agent cognitif rationnel (PACR) B3( ai C) Le PARC n'est pas une d´efinition suffisante de la rationalit´e, mais il doit ^etre suppos´e pour rendre compte des concepts. En effet, si ce qui pr´ec`ede est vrai, alors le concept est une entit´e mentale repr´esentative qui permet l'usage de termes dans des propositions `a travers des jugements. 139 `A partir de l`a il faut expliquer maintenant comment fonctionnent les d´erivations, rendre compte de la publicit´e du concept - comment une entit´e dans l'espace cognitif d'un agent peut ^etre corr´el´ee `a une entit´e dans l'espace cognitif d'un autre agent -, de l'apprentissage des concepts et de leur r´evision. 140 Liminaires Chapitre 5 Inf´erence Si les concepts repr´esentent quelque chose et s'ils sont les constituants de la pens´ee alors les concepts doivent ^etre reli´es les uns aux autres d'une mani`ere ou d'une autre. En effet si par exemple le concept animal permet de repr´esenter quelque chose, mettons l'objet o1 de l'exp´erience et que le concept chat permet ´egalement de repr´esenter l'objet o1 en question, alors les concepts animal et chat ont un lien l'un `a l'autre. Remarquez que cela vaut ´egalement pour les concept animal et automobile relative `a l'objet o1 en question, puisque s'il est vrai par exemple que l'objet o1 est un animal alors il est faux que l'objet o1 est une automobile, ce qui nous permet de mettre en relation les concepts animal et automobile au moins en ce qui concerne l'objet o1. Lorsqu'on analyse le rapport qu'il peut y avoir entre deux concepts concernant un objet donn´e par exemple, on analyse en fait la relation qu'il y a entre deux - ou plusieurs - formes de fixation d'une pens´ee. Dire que l'objet o1 v´erifie le concept animal c'est dire que la pens´ee "cet objet est un animal" est fix´ee. C'est-`a-dire que l'agent cognitif ´enon¸cant cette pens´ee tient le fait que l'objet o1 en question est un animal. Il y a plusieurs mani`eres possibles de fixer une pens´ee, l'agent peut parfaitement avoir la pens´ee que l'objet o1 est un animal sur la base par exemple d'une exp´erience de o1 et alors la pens´ee sera fix´ee `a partir du contenu de cette exp´erience et pour une part au moins - sinon toute - cette exp´erience est non-conceptuelle . Mais l'agent cognitif peut ´egalement poss´eder la pens´ee que l'objet o1 est un animal sur la base du fait que l'objet o1 est un chat par exemple. 142 Inf´erence Le processus qui permet de fixer une pens´ee - i.e. de la tenir pour vraie - `a partir d'autres est appel´e inf´erence. Dans l'exemple, l'agent cognitif inf`ere la pens´ee que l'objet o1 est un animal en vertu du fait de la pens´ee que l'objet o1 est un chat. Formellement l'inf´erence est du type : 1 Les chats sont des animaux 2 L'objet o1 est un chat 3 L'objet o1 est un animal Cela s'explique par le fait que factuellement les chats sont compris parmi les animaux, autrement dit l'ensemble des chats est un sous-ensemble des animaux. On reconna^itra la ma^itrise du concept chat `a un agent cognitif si celui-ci par exemple est capable de tirer la conclusion dans l'inf´erence pr´ec´edente. Pour se faire il faut que l'agent cognitif poss`ede la capacit´e de tirer des conclusions `a partir de pr´emisses, ce que Marconi [1997, p. 2] appelle-la capacit´e inf´erentielle (inferential ability). Poss´eder la capacit´e inf´erentielle c'est avoir acc`es `a un r´eseau de connexions entre les concepts. Mais cela implique ´egalement que les concepts puissent ^etre reli´es les uns aux autres dans un r´eseau inf´erentiel. La structure m^eme de ce r´eseau impose une contrainte importante sur les concepts eux-m^emes, en particulier cela signifie que les concepts doivent se conformer aux structures formelles de l'inf´erence - cela ne signifie pas pour autant bien ´evidemment que les concepts respectent n´ecessairement les structures formelles de l'inf´erence telle que nous les ´enon¸cons, mais cela signifie que ces structures formelles sont un outil permettant de repr´esenter ces contraintes sur les concepts, nous ne sommes pas en train de soutenir que la cognition humaine est r´egie effectivement par les r`egles de la logique formelle, mais que celle-ci permet, dans une mesure au moins, d'en rendre compte. Les concepts doivent donc avoir des propri´et´es logiques [Sperber and Wilson, 1986, 2, p. 68], ils doivent par exemple ^etre en mesure de s'impliquer les uns les autres, e.g. le concept chat implique le concept animal i.e. si o1 est un chat alors il est aussi un animal, ou au contraire d'entrer en contradiction les uns les autres, e.g. le concept animal est contradictoire avec le concept automobile i.e. si o1 est un animal alors il n'est pas en m^eme temps une automobile. Il est ´evident ´egalement que de dire que les concepts ont des propri´et´es logiques ne signifie pas que les concepts n'ont 143 que des propri´et´es logiques, le fait par exemple d'^etre une entit´e mentale n'est pas une propri´et´e logique du concept. Nous avons dit qu'il ´etait possible de fixer une pens´ee `a partir du contenu non-conceptuel de l'exp´erience ou bien `a partir du contenu repr´esentationel conceptuel. La diff´erence entre ces deux types de fixation de la croyance se retrouve dans le type d'inf´erence. La fixation sur la base du contenu non-conceptuel se fait sous la forme de syst`emes d´edi´es de d´etection (input system) ce qu'on appellerait aussi des syst`emes de v´ehicule d'information ou des d´etecteurs [Dretske, 2003, p. 38][Dretske, 2000, p. 67]. La fixation de la pens´ee `a partir du concept, contrairement `a la fixation de la pens´ee `a partir de l'exp´erience non-conceptuel, et qu'alors que la seconde est d´ependante du contenu pr´esent de l'exp´erience et du contexte de celle-ci, la premi`ere peut se baser sur le contenu des concepts ind´ependamment de l'exemplification de celui-ci au moment de l'inf´erence. Autrement dit `a partir de l'exp´erience on peut voir un chat (sans n´ecessairement voir que c'est un chat) si et seulement si il y a un chat dans notre champ visuel dans des conditions appropri´ees de vision mais pas autrement. Alors qu'il est possible de dire qu'un chat est un animal quand bien m^eme nous n'aurions pas de chat dans le domaine pr´esent de notre exp´erience. L'induction part des instances et est donc relative `a celles-ci ce qui ne conf`ere qu'un statut probable `a sa conclusion alors que la d´eduction part de pr´emisses et en d´erive par des r`egles une conclusion, cette derni`ere ayant une valeur d´etermin´ee relativement aux pr´emisses et `a la r`egle. L'importance alors est celle de la r`egle de d´eduction. L'avantage des r`egles de d´eduction est de s´eparer la forme du concept de son contenu. Les formes utilisables d'inf´erences seront connues sous forme de sch´emas valides ind´ependamment du contenu des termes qui apparaissent dans l'inf´erence. Chaque inf´erence `a partir de concept d´epend ´evidemment du contenu des concepts en question mais en s'inscrivant dans un sch´ema abstrait de d´eduction. La dissociation entre la forme et le contenu de l'inf´erence permet de stocker plus facilement en m´emoire les inf´erences d´ej`a faites en associant des concepts en fonction de r`egles utilisables par ailleurs et d'´elargir les inf´erences possibles `a l'ensemble possible des termes qui peuvent appara^itre dans un tel sch´ema. De fait et contrairement `a ce que permet l'exp´erience, tout nouveau concept ou terme peut s'inscrire directement dans une inf´erence sans devoir auparavant 144 Inf´erence restructurer l'ensemble des concepts et des termes stock´es en m´emoire par l'agent cognitif. D'autre part les sch´emas d'inf´erences ne d´ependant pas du contenu mais de la forme, i.e. ´etant abstraits, permettent de certifier de l'exactitude de la pens´ee d´eriv´ee `a partir de l'exactitude des pr´emisses employ´ees et par la r`egle de d´eduction. De fait ils permettent par cons´equent de d´eterminer les inconsistances et les contradictions dans les inf´erences non valides pour toute repr´esentation conceptuelle possible. Par exemple, en partant du donn´e de l'exp´erience rien ne permet de dire que si o1 est d´etect´e par le syst`eme d´edi´e `a la saisie des animaux mais pas par celui d´edi´e `a la saisie des automobiles que ce qui est d´etect´e par le syst`eme d´edi´e `a la saisie des animaux n'est jamais d´etect´e par le syst`eme d´edi´e `a la saisie des automobiles. Par contre par la d´eduction si nous disposons de pr´emisses du type : 1. Les animaux sont des ^etres vivants. 2. Les automobiles sont des artefacts. 3. Les artefacts ne sont pas des ^etres vivants. 4. Une chose ne peut ^etre `a la fois un animal et une automobile. L'introduction d'une contradiction suppose que les concepts soient confront´es entre eux selon ce qu'ils repr´esentent, tant du point de vue extensionnel que du point de vue intensionnel. Et pour se faire il faut les comparer sur l'ensemble par exemple de leurs occurrences et non pas seulement celles disponibles dans l'exp´erience pr´esente. Comparez avec une exp´erience qui activerait le d´etecteur d´edi´e `a la saisie des animaux mais pas celui d´edi´e `a la saisie d'une taille de plus d'un m`etre, si une d´eduction ou une g´en´eralisation ´etait faite sur cette base elle conclurait qu'il n'est pas possible d'une chose soit `a la fois un animal et fasse plus l'un m`etre par exemple. Or ces deux concepts, animal et mesurer plus d'un m`etre ne sont pas contradictoires sans pour autant qu'ils soient exactement co-extensionnels ou cointensionnels. La d´eduction permet de dire que certains et certains seulement des animaux mesurent plus d'un m`etre mais que d'autre mesurent moins. Cette comparaison et la relation qu'elle fait ressortir entre les concepts am`ene `a dire que les concepts doivent se conformer aux sch`emes inf´erentiels mais ´egalement qu'il soit possible de discriminer deux concepts quant `a 5.1 La distinction des concepts 145 ce qu'ils repr´esentent c'est-`a-dire aussi bien `a leur extension, qu'elle soit objective (le contenu objectif, ce que le concept repr´esente d'un point de vue g´en´eral) ou subjective (le contenu cognitif , ce que l'agent cognitif associe au concept en fonction de son exp´erience et des autres concepts qu'il poss`ede), que de leur intension (la propri´et´e associ´ee au concept), cela suppose qu'il soit possible donc d'individuer et d'identifier les concepts et cela suppose que les concepts soient des entit´es abstraites. Les pr´emisses et la conclusion d'un sch`eme inf´erentiel sont compos´ees de concepts. La pr´emisse (1) par exemple est compos´ee au moins des concepts animal et ^etre vivant puisque ces concepts peuvent appara^itre s´epar´ement dans des inf´erences et que toutes les inf´erences permises par l'un ne sont pas n´ecessairement accessibles `a l'autre. De mani`ere ´evidente toutes les inf´erences possibles `a partir du concept ^etre vivant ne sont pas toutes d´erivables `a partir du concept animal. Il est m^eme possible de consid´erer que "les" dans la pr´emisse renvoie au concept les puisqu'il appara^it aussi dans la pr´emisse (2) sans qu'aucun des deux autres concepts que l'on vient de citer n'y figure. La question de savoir s'il faut rattacher le terme "les" au concept les ou bien au concept puriel ou marque du pluriel par exemple est une autre histoire qui rel`eve de la dimension lexicale du concept [Sperber and Wilson, 1986, 2, p. 89][Murphy, 2002, 11, p. 385], c'est-`a-dire aux termes de la langue (quelle soit vernaculaire ou formelle) associ´es au concept. D'autre part les concepts utilis´es dans (1) et (2) sont les m^emes qui apparaissent dans (4). 5.1 La distinction des concepts Pour pouvoir entrer dans une trame ou un r´eseau inf´erentiel un concept doit pouvoir ^etre distingu´e, c'est-`a-dire individu´e et identifi´e par rapport aux autres concepts. L'identification du concept se base sur sa g´en´eralit´e : c'est dans la mesure o`u l'on peut d´elimiter le concept tant en extension qu'en intension qu'il est possible de le s´eparer des autres. La g´en´eralit´e du concept permet de savoir `a quoi s'applique le concept, i.e. de d´eterminer son extension, l'ensemble des objets qui satisfont le concept, et la propri´et´e associ´ee au concept que les objets qu'il subsume doivent avoir pour tomber sous le concept, i.e. son intension. Le concept s'appliquant `a l'ensemble des objets v´erifiant la propri´et´e `a laquelle il est associ´e dans les m^emes conditions 146 Inf´erence d'application, un agent cognitif poss´edant un concept F dans la pens´ee Fa, c'est-`a-dire lorsque le sujet a la croyance que l'objet a `a la propri´et´e F, par exemple que l'o1 v´erifie le concept chat et que cet agent cognitif a acc`es ´egalement `a l'objet b `a travers une exp´erience, c'est-`a-dire un mode de pr´esentation [Peacocke, 1992, 2.2, p. 42], [Recanati, 1993, §6] et que b r´ef`ere `a un objet dans la port´ee du concept F, c'est-`a-dire dans le domaine dans lequel F peut ^etre ´evalu´e comme ´etant vrai ou faux, alors l'agent cognitif `a la capacit´e conceptuelle de fixer des croyances ayant pour contenu Fb. L'agent cognitif poss´edant un concept et ayant acc`es `a des occurrences possibles de ce concept doit ^etre capable de forger des pens´ees en appliquant le concept aux occurrences qui le v´erifient. Cela permet de d´efinir la g´en´eralit´e du concept eut ´egard `a sa port´ee. La contrainte de g´en´eralit´e stipule donc que le concept est identifi´e par son extension, c'est-`a-dire que l'agent cognitif doit pouvoir appliquer le concept aux diff´erentes instances de celui-ci qui apparaissent dans les m^emes conditions d'application et du point de vue de leur intension : toute instance pr´esentant la propri´et´e associ´ee au concept doit permettre l'application du concept `a ces instances. L'´enonc´e sous cette forme de la contrainte de g´en´eralit´e conduit `a penser le concept en terme de pr´edicat. Mais nous verrons qu'il faudra clarifier cette conception afin de distinguer clairement l'intension, l'extension et l'application conceptuelle du concept. La contrainte de g´en´eralit´e i.e. le caract`ere abstrait du concept lui permet de repr´esenter, c'est-`a-dire de garder la r´ef´erence `a l'objet qu'il caract´erise lorsque l'objet n'est plus accessible `a l'exp´erience. Cela suppose qu'il est possible de distinguer les instances du concept pour ce qui est de son extension et la ou les propri´et´es qui lui sont associ´ees pour son intension de mani`ere autonome c'est-`a-dire sans avoir `a une comparaison dans l'exp´erience entre plusieurs objets donn´es simultan´ement. C'est la diff´erence qu'il y a entre la pr´esentation par l'exp´erience dans le mode de pr´esentation et la repr´esentation au niveau de la g´en´eralit´e du concept. Au niveau non-conceptuel une forme de discrimination des propri´et´es est possible `a partir d'une individuation mais qui n'est pas suffisante pour identifier la propri´et´e. La repr´esentation, le fait de pouvoir individuer une m^eme propri´et´e dans diff´erents modes de pr´esentation suppose de distinguer 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept 147 les propri´et´es. L'identit´e n´ecessaire ici s'av`ere requ´erir un principe co^uteux `a mettre en place, `a savoir le principe d'identit´e. 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept Si le concept appara^it dans la repr´esentation du monde et si les concepts sont reli´es entre eux par des liens inf´erentiels, alors la repr´esentation du monde, c'est-`a-dire le syst`eme de croyances et de connaissances d'un agent cognitif appara^itra dans la ma^itrise des liens inf´erentiels op´erants entre les concepts qui structurent cette repr´esentation. Si un agent cognitif est capable de tirer certaines inf´erences `a partir de concepts, i.e. de passer d'un concept `a un autre, il sera reconnu que cet agent poss`ede et ma^itrise ce concept. Par exemple si un agent cognitif poss´edant la croyance : Paul est c´elibataire (5.1) et que cet agent est capable d'inf´erer `a partir de (5.1) la croyance : Paul n'est pas mari´e (5.2) il sera reconnu que cet agent ma^itrise le concept c´elibataire puisqu'il est capable de r´ealiser une inf´erence valide `a partir de ce concept. En effet la mise en relation de la croyance (5.2) avec la croyance (5.1) suppose que l'agent cognitif soit pass´e par un raisonnement du type : 1. Les c´elibataires ne sont pas mari´es. 2. Paul est c´elibataire. 3. Paul n'est pas mari´e. La pr´emisse (1) utilis´ee correspond `a la d´efinition de ce qu'est qu'^etre c´elibataire. Une d´efinition indique simplement qu'un terme introduit dans un syst`eme donn´e `a la m^eme d´enotation d'un terme d´ej`a connu dans le syst`eme et que l'un peu ^etre utilis´e pour d'autre pour toute substitution extensionnelle en contexte comparable. Autrement dit aucun c´elibataire n'est mari´e 148 Inf´erence et toute personne non mari´ee est c´elibataire. La propri´et´e qui caract´erise le fait d'^etre c´elibataire recoupe celle d'^etre non mari´e. L'indication du syst`eme relatif dans lequel s'op`ere la d´efinition est importante. Il serait possible par exemple de mettre en relation le terme "c´elibataire" et le terme "bachelor" en disant que ces deux termes ont la m^eme extension dans la mesure o`u ils caract´erisent tous les deux Paul, mais comme ces deux termes apparaissent dans des structures langagi`eres et lexicales diff´erentes, l'un dans le fran¸cais l'autre dans l'anglais ces deux termes ne seront ´equivalents que relativement `a un syst`eme tiers comprenant ces deux syst`emes par exemple dans un exercice de traduction o`u l'´enonc´e de la croyance "Paul is a bachelor" sera mis en correspondance avec la croyance "Paul est c´elibataire". Il est possible que si la croyance "Paul is a bachelor" ´etait rendue directement dans une traduction par exemple par "Paul n'est pas mari´e", cette traduction serait jug´ee moins rigoureuse que celle la rendant par "Paul est c´elibataire". Cela soul`eve la remarque qu'il s'agit de distinguer les termes linguistiques associ´es `a un concept et ce concept lui-m^eme. Il est tout `a fait envisageable par exemple que les termes "c´elibataire", "non mari´e", "bachelor" et "unmarried" (bien que bachelor soit restreint au sexe masculin en anglais) se rattachent tous au m^eme concept mettons c´elibataire. Mais le terme linguistique est une mani`ere commode d'avoir acc`es au concept [Murphy, 2002, 11, p. 385]. Sans doute n'est-ce pas la seule mani`ere - les analyses des conceptions na¨ive chez les enfants pr´e-verbaux s'attachent bien `a l'´etude des concepts [Bloom, 2004]. Un corollaire de l'association du concept `a un terme linguistique dans le cadre de la structure inf´erentielle du concept est de faire ressortir le fait que cette structure inf´erentielle joue ´egalement un r^ole dans le caract`ere public du concept. S'il est vrai qu'il est possible d'associer les termes "c´elibataire" et "^etre non mari´e" ou m^eme les termes "c´elibataire" et "bachelor" ou m^eme "unmarried man" c'est que ces termes renvoient, par hypoth`ese, `a un m^eme concept mettons le concept c´elibataire qui appara^it dans l'espace cognitif des agents non pas sous forme langagi`ere et linguistique mais sous la forme d'un ´etat mental et d'un ´etat c´er´ebral. Et c'est du fait de la pr´esence de cet ´etat cognitif chez plusieurs agents que ces agents peuvent se comprendre lorsqu'ils utilisent convenablement eu ´egard au syst`eme utilis´e (e.g. le fran¸cais ou l'anglais) certains termes linguistiques. La communication entre agents cognitifs se base dont pour une part sur le concept et c'est parce que le concept est partag´e, ce qu'on appelle le caract`ere public du concept, que la commu- 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept 149 nication entre agents est possible. Dire que la communication entre agents est possible relativement aux concepts c'est simplement dire que si dans une discussion votre interlocuteur vous dit d'abord que Paul est c´elibataire et qu'ensuite dans la m^eme discussion il parle de la femme de Paul, vous serez en droit de lui demander s'il parle du m^eme Paul et si oui ce qu'il entend par "c´elibataire", dans ce cas la communication a ´echou´e et il faudra la clarifier. La communication suppose que le locuteur partage d'une mani`ere ou d'un autre la repr´esentation du monde de l'auditeur. Imaginons que vous ne puissiez pas savoir d'aucune mani`ere ce `a quoi r´ef`ere le terme "c´elibataire" comment pourriez vous comprendre l'´enonc´e "Paul est c´elibataire". Supposer que vous comprenez ce que le terme "c´elibataire" d´enote ne signifie pas n´ecessairement supposer que vous ma^itrisez parfaitement la langue dans lequel ce terme est employ´e, on pourrait par exemple imaginer que l'on vous dise que le terme "nuliituq" signifie "c´elibataire" en inuktitut et que vous soyez dispos´e `a croire celui qui vous le dit, vous pourrez associer ce terme `a ce concept sans pour autant que vous sachiez utiliser le terme "nuliituq" dans une quelconque proposition en inuktitut vous pourriez quand m^eme faire certaines inf´erences `a partir du concept, dire par exemple que les gens qui parlent inuktitut doivent aussi avoir une certaine une conception du couple. Mais si vous ne poss´edez pas le concept c´elibataire alors vous ne pourrez pas comprendre le terme "c´elibataire" ni ce que vous dit votre interlocuteur. La communication suppose le concept et la publicit´e de celui-ci, c'est-`a-dire le fait que le concept soit partag´e par plusieurs agents cognitifs. ´Evidemment, si l'accent est mis sur le fait que le concept puisse ^etre partag´e par plusieurs agents cognitifs - ce qui soit dit en passant ne suppose pas que tous les agents poss´edant le concept associent la m^eme chose `a des concepts et soient possibles de faire les m^emes inf´erences - cela suppose ´egalement que ces agents cognitifs poss`edent la capacit´e inf´erentielle. La capacit´e inf´erentielle doit donc faire partie de l'appareillage cognitif des agents. D'autre part la publicit´e du concept n'implique pas que le locuteur sache d'avance, a priori, quel concept et associ´e `a quel terme. Si on vous apprend, i.e. que vous ne le sachiez pas avant, que "nuliituq" veut dire "c´elibataire" en inuktitut, en un sens vous avez enrichi votre concept c´elibataire en associant un nouveau terme `a sa dimension lexicale. Il est m^eme envisageable que l'on apprenne non seulement des nouveaux termes lexicaux associ´es au concept mais aussi de nouveaux concepts m^eme. Il est 150 Inf´erence possible que le concept fission nucl´eaire ne soit pas inn´e et demande quelques explications avant de pouvoir ^etre ma^itris´e, ou m^eme des concepts comme constant de Plank sont difficiles `a fixer de mani`ere cat´egorique et donc de savoir exactement quelle est son extension, intension et pertinence d'utilisation et donc quelles inf´erences peuvent vraiment ^etre tir´ees `a partir d'eux. Mais le fait que les concepts soient dans un r´eseau inf´erentiel permet justement l'apprentissage de nouveaux concepts. Il est possible d'expliquer ce qu'est la fission nucl´eaire en en donnant une d´efinition peut ^etre, en faisant un dessin ou en suivant un cours de physique. Le fait qu'il soit possible de comprendre un concept `a partir d'autres concepts d´ej`a ma^itris´e laisse courir le risque d'une certaine circularit´e. C'est sur ce point d'ailleurs que porte les arguments contre l'analycit´e [Quine, 1953], c'est-`a-dire de consid´erer que les concepts n'auraient de sens que du fait de leur place au sein de la trame inf´erentielle. Mais la forme logique du concept n'est qu'une des dimensions du concept est si elle est n´ecessaire elle n'en est pas pour autant un ´el´ement suffisant. Si les concepts sont reli´es entre eux dans une trame inf´erentielle cela signifie qu'ils sont accessibles les uns `a partir des autres. Le concept fission nuclaire est probablement accessible `a partir du concept atome. ´Evidemment s'il y avait un concept qui n'´etait reli´e `a aucun autre ce serait assez emb^etant pour expliquer `a quelqu'un qui ne le poss´ederait pas ce `a quoi r´ef`ere ce concept, mais d'un autre c^ot´e un tel concept aurait un statut assez particulier puisque cela signifierait qu'il ne pourrait tenir dans aucune inf´erence valide digne de ce nom - outre les p´etitions de principe et les hypoth`eses ad hoc et donc ne pourrait finalement servir dans aucune repr´esentation du monde. Ce concept, si un tel concept ´etait possible, d´ependrait en fait de ce qu'il repr´esente pour pouvoir ^etre utilis´e, c'est-`a-dire du mode de pr´esentation de ses instances dans l'exp´erience et donc de la pr´esentation non-conceptuelle de son contenu. Ce concept pourrait repr´esenter son contenu, dans la mesure o`u l'agent cognitif pourrait reconna^itre qu'il s'agit l`a l'une instance du m^eme concept, mais il ne pourrait utiliser ce concept autrement, ce qui ne serait pas tr`es utile. Il ne pourrait m^eme pas croire qu'il fait l'exp´erience d'une instance de ce concept puisqu'alors cela serait d´ej`a mettre en relation ce concept avec un certain contenu et avec le fait qu'il s'agisse bien d'un concept. Or de croire cela, c'est d´ej`a croire par exemple que les concepts r´ef`erent `a quelque chose, ou de dire 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept 151 que les concepts respectent certaines contraintes inf´erentielles, et cela c'est d´ej`a utiliser le concept dans une trame inf´erentielle. Le fait que le concept soit ench^ass´e dans une structure inf´erentielle bas´ee sur des capacit´es cognitives des agents, lui permet d'^etre public et donc de permettre une communication, un ´echange et un partage de croyances, de connaissances et de repr´esentations du monde entre les agents. Le fait que les agents puissent partager des croyances, des connaissances et des repr´esentations du monde suppose que les concepts soient ench^ass´es dans une structure inf´erentielle. Tous les agents cognitifs poss´edant un concept ne tireront pas les m^emes inf´erences `a partir de ce concept. Il est certain que mon concept de fission nucl´eaire est beaucoup moins riche que celui d'un ´etudiant en physique nucl´eaire ou que celui du r´ecipiendaire du Prix Nobel de la discipline. Il est `a parier que ce dernier peut tirer plus d'inf´erence `a partir de ce concept que je ne peux le faire. L'´etendue et l'assurance avec laquelle des inf´erences peuvent ^etre tir´ees `a partir d'un concept d´elimitent le domaine de comp´etence dans la possession du concept. Le r´ecipiendaire du Prix Nobel est plus comp´etent que je le suis quant `a ce concept-l`a. Par contre il se peut que je sois plus comp´etent que lui quant au concept le scintillement des feuilles de l'arbre `a travers la fen^etre de mon appartement le 21 octobre 2004 en d´ebut d'apr`es midi. Il s'agit l`a d'un concept dont l'´etendue de g´en´eralit´e a certes moins d'application que le concept fission nucl´eaire mais il n'en reste pas moins un concept qui est public, si quelqu'un fait l'exp´erience du scintillement des feuilles de l'arbre `a travers la fen^etre de mon appartement le 21 octobre 2004 en d´ebut d'apr`es midi et qu'il repr´esente cette exp´erience il aura le concept ou sinon si quelqu'un qui n'´etait pas pr´esent lors de l'exp´erience vint `a lire ces lignes il pourra se faire une id´ee de ce que peut repr´esenter un tel concept et l'utiliser dans des inf´erences. Il pourra par exemple d´eduire de ce concept qu'il est probable que je fus dans mon appartement le 21 octobre 2004 en d´ebut d'apr`es midi. Mais le Prix Nobel de Physique n'a peut-^etre pas, pas encore peut-^etre, ce concept, je suis donc plus comp´etent que lui pour l'utiliser. D'autre part, le fait que le concept s'articule autour de ses contenus (cognitif et objectif) de son intension, de ses conditions d'application et de sa structure logique propres, semble indiquer qu'il ne peut y avoir de concept 152 Inf´erence priv´e. Certes les concepts sont potentiellement articul´es de mani`ere propre et originale dans chaque agent cognitif qui pourra lui associer des choses que les autres agents cognitifs ne pourront pas saisir, mais la forme logique au moins garantie que quiconque poss`ede la capacit´e conceptuelle poss`ede un concept qu'un autre agent est en mesure de poss´eder. Le domaine de comp´erence inclus les croyances pass´ees et pr´esentes de l'agent cognitif, ses connaissances, ses d´esirs, ses exp´eriences et autres qui font la sp´ecificit´e de cet agent. Une certaine division du travail conceptuel se met m^eme en place `a l'image de la division du travail linguistique [Putnam, 1990]. Si j'utilise le concept fission nucl´eaire je me baserais sur le concept des sp´ecialistes de la question plut^ot que sur le mien, je puisse faire r´ef´erence `a ces sp´ecialistes ou lire ouvrages et si je dois tirer des inf´erences `a partir de ce concept je pourrais me baser sur eux, par d´ef´erence, en croyant qu'ils sont plus comp´etents que moi dans ce domaine. Si par exemple je dis que la fission nucl´eaire fait intervenir les noyaux d'atomes et donc des atomes interviennent dans un certain processus nucl´eaire je ne suis pas en train de dire que je vais mette ma main au feu contre cette v´erit´e, je dis simplement que d'apr`es ce que je sais il y a des gens qui semblent beaucoup plus qualifi´es que moi sur la question et ces gens l`a disent que la fission requi`ere des noyaux d'atomes. Le fait qu'il y ait des gens plus comp´etents que d'autres dans certains domaines et si les domaines de comp´etence font intervenir des croyances, des connaissances ou toute autre repr´esentation du monde cela implique que certains sont plus comp´etents que d'autres dans la ma^itrise des concepts. Mais comme ces comp´etences sont relatives aux inf´erences que l'agent peut tirer `a partir de ces concepts et que ces inf´erences impliquent la publicit´e du concept, tout cela permet aux gens moins comp´etents d'apprendre ou d'enrichir leur concept `a partir des concepts des gens plus comp´etent. En somme enseigner a un sens. De la contrainte inf´erentielle pos´ee sur le concept pour justifier de sa possibilit´e de repr´esenter quelque chose d´ecoule donc son caract`ere public mais aussi la possibilit´e de son apprentissage et de son enrichissement. Cela n'enl`eve rien d'une part au fait que le contenu associ´e au concept ne puisse pas ^etre priv´e en partie - dans son contenu cognitif - ni que tous les concepts puissent ^etre appris. Il para^itrait paradoxal de pouvoir 5.2 L'inf´erence comme ma^itrise du concept 153 apprendre quelque chose `a partir de rien, c'est la fameuse question "mais comment a-t-on apris le premier concept ?" et la dissolution de ce paradoxe passe par le fait de dire que certains concepts sont d´ej`a impl´ement´es dans l'appareillage cognitif de l'agent. Cette position inn´eiste est notamment d´efendue par Fodor [1998]. Une autre mani`ere de dissoudre le paradoxe serait de dire que tous les concepts peuvent ^etre appris et que les agents cognitifs poss´ederaient dans leurs capacit´es cognitives les moyens de construire des concepts notamment `a partir du contenu non-conceptuel de l'exp´erience. Cette position plus proche des empiristes tels que Locke [1997] est soutenue par Prinz [2002] en particulier. La structure inf´erentielle dans laquelle se place le concept et l'impossibilit´e pour celui-ci de ne pas y avoir un r^ole milite en faveur d'un holisme [Peacocke, 1992], [Dokic, 2002]. Le holisme est la th`ese selon laquelle la possession de certains concepts entra^ine la possession d'autres concepts et qu'il est n´ecessaire de poss´eder certains concepts pour pouvoir en poss´eder d'autres. Cela se comprend assez ais´ement `a partir de l'exemple de Paul qui est c´elibataire et qui n'est pas mari´e. Poss´eder le concept c´elibataire implique de poss´eder le concept ne pas ^etre mari´e. Poss´eder un concept ne veut pas dire poss´eder l'ensemble de son domaine d'application et donc pour l'agent cognitif d'^etre comp´etent pour l'ensemble de ce domaine, mais pouvoir passer d'un concept `a un autre par des inf´erences. Ce holisme entra^ine que toute modification d'un concept, par enrichissement de son extension par exemple, est susceptible d'entra^iner la modification de ses relations aux autres concepts. Admettons par exemple qu'un agent cognitif mette en relation les termes "c´elibataire" et "bachelor" en vertu du fait qu'ils d´enotent tous deux le concept c´elibataire et imaginons que l'agent cognitif poss`ede la croyance "Nausicaa est c´elibataire" et qu'avec les rudiments d'anglais qu'il a il d´eduise la croyance "Nausicaa is a bachelor" et que plus tard on lui fasse remarquer que le terme "bachelor" en anglais ne s'applique qu'aux hommes et que comme Nausicaa est une femme l'´enonc´e "Nausicaa is a bachelor" n'est pas correct en anglais bien qu'il soit vraie que Nausicaa ne soit pas mari´ee. Dans ce cas l'agent cognitif modifiera les termes lexciaux associ´es aux concepts c´elibataire et ^etre non mari´e et les inf´erences `a partir de ces concepts en disant par exemple qu'on peut passer de c´elibataire `a ^etre non mari´e mais que dans certains cas, 154 Inf´erence notamment dans les termes lexicaux associ´es, il faut tenir compte du sexe de la personne `a qui on applique le concept. Et si un enfant ayant entendu le terme "c´elibataire" sans bien comprendre exactement ce qu'il veut dire mais qu'il l'associe tout de m^eme au terme "ne pas ^etre mari´e" et l'applique `a son chien parce que son chien n'est pas mari´e sans savoir que le mariage est une institution sociale humaine, nous pourrons le lui apprendre et `a ce moment-l`a l'enfant corrigeront les domaines des inf´erences accessibles au concept c´elibataire en le restreignant au domaine des humains vivant dans en soci´et´e o`u le mariage est une institution. Le fait que le concept se place dans une trame inf´erentielle et qu'il peut ^etre r´evis´e par le biais de nouvelles exp´eriences, de nouvelles croyances, connaissances ou par l'introduction - ou la suppression - de concept soul`eve la question de savoir comment, sur quelle base et `a partir de quand un concept peut et doit ^etre r´evis´e. Cela revient `a r´epondre `a la question ´etant donn´e les nouveaux ´el´ements dont je dispose comment dois-je r´eviser ma repr´esentation du monde ?. La r´evision du concept se fait a posteriori en fonction des nouvelles donn´ees. Si les concepts sont repr´esent´es comme une distribution de probabilit´e dans un espace d'hypoth`ese, i.e. chaque concept correspond `a une valeur associ´ee `a un descripteur - une hypoth`ese - en fonction de la propri´et´e instanci´ee par l'individu tombant sous le concept et la description associ´ee au concept dans un domaine de repr´esentation du monde. La r´evision de la repr´esentation est moins sp´ecifique que la r´evision des connaissances du monde que peut avoir un agent cognitif mais le mod`ele de la r´evision des connaissances, et donc des croyances peut ^etre ´etendue `a la r´evision des concepts. Les concepts peuvent ^etre consid´er´es comme des hypoth`eses de description c'est-`a-dire des descriptions possible du monde. `A ces hypoth`eses peuvent ^etre associ´ee une probabilit´e dont le degr´e varie selon la possibilit´e qu'une description puisse s'appliquer `a un ´etat du monde que l'on cherche a repr´esenter. La repr´esentation du monde est ainsi exprim´ee en terme de distribution de valeur de probabilit´e sur des descriptions. Cette mod´elisation permet d'appliquer la r`egle de Bayes aux concepts [Cornuj´eols and Miclet, 2003, 3, p. 73]. 5.3 Inf´erence et compositionalit´e 155 R`egle de Bayes : pH(h | S) = pH(h)Pm X (S | h) PX (S) (5.3) o`u pH d´esigne la densit´e de probabilit´e d´efinie sur l'espace des hypoth`eses h H, PH mesure la probabilit´e des ´ev´enements sur X et Pm X la mesure d'un ensemble d'apprentissage S = ((x1, u1), (x2, u2), ..., (xn, un)). pH(h) et pH(h | S) d´enotent respectivement la densit´e de probabilit´e a priori de l'hypoth`ese h H et sa densit´e de probabilit´e a posteriori apr`es la prise en compte des donn´ees S. PX (S | h) est la probabilit´e conditionnelle de l'´ev´enement S si l'on suppose vraie l'´etat du monde correspondant `a h. PX (S) est la probabilit´e a priori de l'´ev´enement S. [Cornuj´eols and Miclet, 2003, 2.4.1, p. 58] Cela signifie que pour une repr´esentation du monde en terme de concept telle que pour chaque concept consid´er´e comme la description d'un ´etat du monde une valeur est associ´ee alors si l'on prend toutes les descriptions disponibles des ´etats du monde, il est possible de d´eterminer, sur cet ensemble de valeur, la valeur associ´ee `a la description d'un ´etat du monde, i.e. d'un concept, `a partir d'un ensemble d'indices donn´es - par exemple par l'exp´erience - en fonction de sa valeur associ´ee a priori (avant l'ensemble d'indices donn´es) et a posteriori. La valeur associ´ee au concept d´epend de l'ensemble des concepts disponibles dans la repr´esentation du monde et le fait que par hypoth`ese il est vrai que lorsqu'un concept est appliqu´e `a un ´etat du monde il d´ecrit bien cet ´etat du monde dans cet espace de repr´esentation. Si la valeur associ´ee au concept a priori est diff´erente de sa valeur associ´ee a posteriori on dira qu'il y a eu r´evision du concept. La r´evision peut ^etre un changement dans les inf´erences accessibles `a partir de celui-ci, dans son intension et/ou dans son extension, elle repositionne le concept sur la trame inf´erentielle. 5.3 Inf´erence et compositionalit´e Quand les jumeaux demand`erent `a quoi servaient les boutons de manchette et s'entendirent r´epondre, par Ammu, que c'´etait pour 156 Inf´erence «boutonner les manches», pareille logique linguistique, dans ce qui, jusqu'ici, leur avait paru ^etre une langue illogique, les r´ejouit au plus au point. bouton + manchette = bouton de manchette. Seules la rigueur et la logique des math´ematiques pouvaient pr´etendre rivaliser avec un tel ph´enom`ene. [Arundhai Roy, Le Dieu des Petits Riens, Folio Gallimard, 1998, p. 81] La compositionalit´e est le fait de pouvoir construire des expressions ayant un sens `a partir d'autres expressions ayant un sens. Le fait que les concepts soient ench^ass´es dans une trame inf´erentielle permet de ma^itriser un nouveau concept `a partir de concepts d´ej`a ma^itris´es, c'est le principe m^eme de l'apprentissage. Pour se faire il faut pouvoir passer d'un concept `a un autre et nous avons vu que cela pouvait se faire au moyen d'inf´erences du fait de la structure logique du concept. Le fait que la forme logique ne conditionne qu'une partie du concept cela n'implique pas qu'un concept expliqu´e ou ma^itris´e par les bais d'un autre se r´eduise n´ecessairement `a cet autre concept mais que dans l'espace des repr´esentations - des descriptions du monde par les concepts en tant que descripteurs - l'un vaut pour l'autre extensionnellement. Par exemple dans le fran¸cais courant du d´ebut du 21e si`ecle dans la r´egion parisienne, le terme "c´elibataire" et le terme "homme non mari´e" valent l'un pour l'autre dans la mesure o`u les concepts c´elibataire et homme non mari´e sont substituables extensionnellement. Le concept homme non mari´e est dit ^etre un concept complexe ou compos´e dans la mesure o`u il peut ^etre d´ecompos´e en partie plus petites signifiantes. On retrouve dans le concept homme non mari´e le concept homme qui certes est moins sp´ecifique que ne l'est homme non mari´e mais celui-ci est bien inclus dans le domaine du concept homme, tous les hommes non mari´es sont des hommes. Le concept homme non mari´e se d´ecompose au moins en les concepts homme, non, mari´e. Je dis au moins puisqu'il se pourrait tr`es bien ´egalement que ces concepts se d´ecomposent eux-m^emes en d'autres concepts. Si les concepts sont reli´es entre eux par voie d'inf´erences, le concept homme non mari´e sera accessible par la combinatoire des concepts homme, non et mari´e. Et si les concepts c´elibataire et homme non mari´e sont ´equivalents dans un mode de description alors cela implique 5.3 Inf´erence et compositionalit´e 157 qu'il sera possible de poss´eder le concept c´elibataire `a partir des trois concepts homme, non et mari´e. Il faut aussi souligner que la combinatoire des concepts se fait `a partir de la trame inf´erentielle mais que la forme logique du concept qui lui permet de se positionner dans cette trame n'est pas suffisante au concept, que celui-ci se d´ecrit ´egalement dans ses dimensions intensionnelles, extensionnelles et pragmatiques. Il ne faudrait pas conclure h^ativement que si le concept c´elibataire se d´ecompose en homme, non et mari´e, que l'extension de non (ou de n´egation peut-^etre - il faut se souvenir que nous parlons ici de concepts et non de termes lexicaux associ´es) doivent n´ecessairement se retrouver dans l'extension de c´elibataire. On retrouve ce genre de probl`eme de non concordance extensionnelle dans les taxonomies forg´ees `a partir d'h´eritage de propri´et´es. Consid´erez par exemple la propri´et´e aile ou avoir des ailes. Les insectes, les oiseaux, les chauves-souris et les avions ont des ailes. Pourtant toutes ces ailes ne proviennent pas d'un anc^etre commun, c'est-`a-dire que si l'on d´ecomposait les concepts insecte, oiseau, chauve-souris et avions en concepts complexes mettons I + aile pour insect, O + aile pour oiseau, C + aile pour chauve-souris et A + aile pour avion - o`u I, O, C et A valent respectivement pour les propri´et´es suffisantes dans le cadre r´ef´erentiel utilis´e respectivement pour insecte, oiseau, chauve-souris et avions moins le caract`ere aile, et bien ce n'est pas pour autant que l'on pourra dire que si tous ces concepts partagent le m^eme caract`ere que ces concepts sont co-extensifs. Il est clair qu'une aile d'avion n'a rien `a voir avec une aile d'insecte d'un point de vue extensionnel. D'un point de vue intensionnel le caract`ere est le m^eme, mais cela ne suffit pas pour garantir une substitution des termes. Ce probl`eme, o`u un caract`ere commun est partag´e sans que les termes soient co-extensifs est connu sous le probl`eme de l'homologie en cladistique [Lecointre and LeGuyader, 2001]. Cette remarque `a son importance lorsqu'on cherche `a comprendre quelle est l'extension d'un concept complexe. L'exemple canonique discut´e dans la litt´erature est celui du poisson de compagnie (pet fish). Si on raisonne d'un point de vue extensionnel, c'est-`a-dire sur ce `a quoi renvoie le concept dans le monde, on trouvera par exemple que le concept animal 158 Inf´erence de compagnie (pet) inclut les chats, les chiens et les canaris et que le concept poisson inclut les piranhas, les coelacanthes et les poissons rouges, et si g´en´eralement quand on demande `a quelqu'un qu'est-ce que repr´esente typiquement. le concept poisson il r´epondra probablement quelque chose comme la truite ou le saumon et quand on lui demandera ce que repr´esente le concept animal de compagnie il r´epondra certainement un caniche ou un chat angora. Le probl`eme donc est que si l'on essaye de fusionner ces deux extensions en une seule pour avoir l'extension de animal de compagnie on tombera sur quelque chose comme un saumon avec une laisse ou un caniche avec des nageoires et certainement pas un poisson rouge. Cela s'explique par le fait que la composition de plusieurs concepts pour former un concept complexe ne consiste pas `a coller des morceaux de concepts pour en faire quelque chose d'autre. Un concept compos´e reste un concept i.e. il doit se conformer aux contraintes sur les concepts notamment entrer dans la trame inf´erentielle, d´ecrire quelque chose et r´ef´erer `a quelque chose. L'extension du concept - ce `a quoi il r´ef`ere, ce qu'il d´enote dans le monde - n'est qu'une partie du concept - et il est m^eme possible que certains concepts ne d´enotent rien dont on puisse faire l'exp´erience avec les sens (peut-^etre est-ce le cas de nombres ou de la conjonction par exemple) qui doit rest´ee coh´erente et consistante avec l'intension du concept - la ou les propri´et´es associ´ees `a ce concept - et l'utilit´e du concept. Le concept compos´e ´etant un concept `a part enti`ere, lui sera associ´e une extension, une intension et un domaine de pertinence en propre. Et si le concept compos´e reste dans le domaine des concepts qui le composent cela ne signifie pas pour autant qu'il en soit d´ependant. On peut donc par exemple supposer que dans le cas de poisson de compagnie l'int´er^et de la composition `a partir de poisson et de animal de compagnie tienne plus de l'intension que de l'extension. Pour qu'un objet du monde puisse ^etre dit poisson de compagnie il faut probablement qu'il soit un poisson, i.e. qu'il ait les caract´eristiques qui font de lui un poisson et qu'il ait les caract´eristiques de tenir compagnie. Par exemple on pourrait dire que pour ^etre un poisson il faut ^etre un vert´ebr´e inf´erieur vivant dans l'eau et pour ^etre qu'un animal de compagnie se d´efini entre autre par le fait qu'il est d´ependant quant `a sa subsistance, ces caract´eristiques suffisent `a trouver le poisson rouge, un poisson dont le Umwelt se r´esume `a un bocal. 5.3 Inf´erence et compositionalit´e 159 La structure inf´erentielle permet de rendre compte en partie de la compositionalit´e du concept. Elle dit que si l'on veut former un nouveau concept `a partir de concepts que l'on poss`ede d´ej`a, c'est possible de le faire en mettant en relation inf´erentielle les concepts intervenant dans cette combinatoire et en d´eterminant ensuite la position de ce nouveau concept dans la structure, en le mettant en relation avec certains autres concepts poss´ed´es, et en d´eterminant son extension, intension et usage. Dans l'exemple de poisson de compagnie, les concepts poisson et animal de compagnie seront mis en relation sur la trame inf´erentielle, avec les propri´et´es des deux concepts telles qu'elles ne sont pas incompatibles - ce qui peut amener `a restreindre le domaine de l'un ou des deux concepts au besoin - c'est-`a-dire que si par exemple le concept animal de compagnie est mis en relation avec le concept ^etre poss´ed´e par quelqu'un et que la propri´et´e ^etre poss´ed´e par quelqu'un n'est contradictoire avec aucune des propri´et´es associ´ees au concept poisson, alors le concept poisson de compagnie sera mis en rapport avec le concept ^etre poss´ed´e par quelqu'un. Par contre le concept doit ^etre emmen´e une fois pas mois chez le coiffeur pour chien pour y ^etre tondu ne sera pas associ´e au concept poisson de compagnie pour la simple raison que les poissons - m^eme ceux de compagnie - n'ont pas de poils comme les chiens. Le positionnement du concept complexe sur la trame inf´erentielle d´epend donc des propri´et´es de celui-ci dont il h´erite quelques-unes - mais pas n´ecessairement toutes - des concepts qui entrent dans sa construction, c'est- `a-dire que son r^ole inf´erentiel d´epend de son intension. Ce n'est que dans un second temps que son extension sera d´etermin´ee. En effet, il est possible, `a partir des r`egles d'inf´erences et du respect de la non-contradiction de construire `a peu pr`es n'importe quel concept. Cette construction ne d´epend que des concepts que poss`ede l'agent cognitif et non pas de ce que ces concepts peuvent repr´esenter. Cette construction de concept est `a rapprocher de la construction des id´ees abstraites telle qu'on le trouve dans les textes de Locke [1997], Berkeley [1988] ou Hume [1983]. Par exemple : Quand nous pensons `a une montagne d'or, nous joignons seulement deux id´ees compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant. [Hume, 1983, II, p. 65] Le concept montagne d'or ne repr´esente rien dont nous puissions faire l'exp´erience du fait que dans notre monde il n'y a rien de tel que des 160 Inf´erence montagnes d'or. Bien s^ur rien n'emp^eche que dans un ´etat diff´erent du monde ou dans un monde possible il y a quelque chose comme une montagne d'or. Mais en fait l'extension - l'objet dont nous pourrions faire l'exp´erience, l'occurrence du concept - importe peu ici, ce qui compte c'est que l'id´ee abstraite, ce que nous appelons aujourd'hui un concept, est possible ou m^eme serait-on tent´e de dire plausible. Rien n'interdit de combiner les concepts montagne et or puisqu'aucune des propri´et´es de l'un n'est incompatible avec les propri´et´es de l'autre. C'est seulement une fois le r´equisit de la compatibilit´e, de la non-contradiction, v´erifi´e que le probl`eme de l'extension se pose. La compositionalit´e ou la combinatoire des concepts est donc rendue possible par la forme logique des concepts, c'est-`a-dire par le fait que les concepts sont reli´es entre eux par biais d'inf´erences. La non-contradiction dans le fait que le concept doit pouvoir repr´esenter quelque chose semble pourtant poser une contrainte sur la combinatoire possible des concepts. Dire que le concept repr´esente quelque chose c'est dire qu'il existe un mod`ele dans lequel un objet v´erifie, dans un domaine donn´e, ce concept. Cela ne veut pas n´ecessairement dire que le concept doit ^etre instanci´e dans le monde actuel de l'exp´erience, mais qu'il est possible qu'un ´etat du monde le v´erifie, que ce soit un ´etat de ce monde-l`a ou d'un monde possible. Le concept dahu par exemple repr´esente quelque chose qui n'est pas instanci´e dans ce monde-ci mais qui pourrait tr`es bien ^etre instanci´e dans un monde possible, un monde o`u il y aurait des dahus. Le concept est instanci´e dans le domaine des objets math´ematiques - la question ensuite de savoir quel statut ontologique on accorde `a ce domaine c'est une autre histoire. Mais est-ce que tout ce qui est concevable d´etermine n´ecessairement un concept ? Il semble qu'il y ait des objets impossibles, comme les cercles carr´es par exemple auxquels il semble qu'on ne puisse associer aucun contenu. Les objets impossibles par d´efinition comme les cercles carr´es qui incluent dans leurs compositions des concepts mutuellement exclusifs - il est possible de donner comme analyse de cercle le concept complexe qui n'est pas carr´e et inversement - et par cons´equent la d´enotation du concept compos´e cercle carr´e semble s'annihiler d'elle-m^eme. cercle carr´e pourrait ^etre 5.3 Inf´erence et compositionalit´e 161 utilis´e dans une inf´erence, on pourrait par exemple dire : "on ne peut dessiner un cercle carr´e" en d´erivant cette proposition d'une inf´erence du type : 1. Ne peuvent se dessiner que les objets possibles ; 2. Les cercles carr´es ne sont pas des objets possibles, 3. Les cercles carr´es ne peuvent pas ^etre dessin´es. Le probl`eme est qu'il est tout `a fait possible de construire le concept cercle carr´e `a partir des concepts cercle et carr´e. Et tout compos´e de concepts devait donner un concept `a la fin. cercle carr´e r´epond donc au r´equisit de la forme logique du concept, i.e. de sa structure inf´erentielle, au r´equisit de l'intension mais pas au r´equisit de l'extension. C'est d'ailleurs pour cette raison que les objets impossibles dont consid´er´es comme des objets abstraits [Zalta, 1997]. Mais il y a une diff´erence sans doute entre le concept (la conjonction logique) et cercle carr´e. Le premier ne repr´esente pas grand chose et il est difficile de dire ce que repr´esente la conjonction logique en propre, mais il n'est pas impossible d'en montrer des exemples tout les m^emes ou de postuler un monde possible dans lequel existeraient en tant qu'objet logique la conjonction (peut ^etre le troisi`eme royaume de Frege) alors qu'il est impossible qu'il y ait aucun objet quel qu'il soit qui puisse ^etre un cercle carr´e. Faut-il donc consid´erer qu'il y a plusieurs types de concepts, des concepts qui repr´esenteraient quelque chose et des concepts qui ne repr´esenteraient rien, ou bien qu'il y a diff´erents types d'objets que le concept peut viser et parmi eux il y a des objets qui ont la particularit´e de ne pas pouvoir ^etre instanci´e d'aucune mani`ere que ce soit, ou bien faut-il dire que les concepts tels que cercle carr´e ne sont pas en fait des concepts mais d'autres entit´es mentales issues l'imagination par exemple ? Cette question survient ici dans le cadre de la forme logique du concept dans la structure inf´erentielle qui permet nous l'avons vu la combinatoire des concepts et en particulier compositionalit´e et nous avons vu que l'intension du concept ´etait utilis´ee en premier dans la structure inf´erentielle, pr´ef´erentiellement `a l'extension du concept. Mais que le concept d´etermin´e sur la trame inf´erentielle devait r´epondre lui-m^eme aux r´equisits du concept. Il r´epond naturellement `a la forme logique permettant les inf´erences et `a l'intension puisqu'il en est di- 162 Inf´erence rectement issue, le contenu qui lui est associ´e - qu'il soit objectif ou cognitif - c'est-`a-dire son extension ne suit pas pour autant. La question donc est de savoir si toute combinatoire sur les concepts est suffisante pour construire des concepts ou bien s'il faut ´evaluer ind´ependamment cette combinaison pour en d´eterminer ce qui est conceptuel de ce qui ne l'est pas. Cela d´ecoule du fait que si l'on tient le concept pour ^etre le constituant de la pens´ee et en particulier de la forme propositionnelle de celle-ci, et que la pens´ee d´etermine le contenu s´emantique de la forme propositionnelle, que serait le contenu d'une expression ne pouvant pas avoir - par stipulation m^eme - de contenu associ´e comme dans le cas d'objet impossible ? On pourrait objecter que la proposition "un cercle carr´e ne peut ^etre dessin´e" `a bel et bien un contenu, elle parle de quelque chose qui ne peut exister, certes mais alors c'est un jugement sur le contenu que l'on formule, pas une saisie du contenu lui-m^eme. 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts La structure inf´erentielle telle qu'elle est pr´esent´ee ici d´etermine des contraintes sur les concepts mais reste neutre quant `a savoir ce qu'ils sont ou quelle conception des concepts on endosse. Fodor et al. [1980] soutient que la structure inf´erentielle - qui on l'a vu sous-tend une forme de holisme - est issue d'une th´eorie dite "classique" du concept, ce qui appelle "l'image standard" du concept (The Standard Picture) qui assimile le concept `a une d´efinition. La d´efinition d'un terme d´etermine son extension dans la mesure o`u la d´efinition ´enonce de mani`ere explicite ce qu'un objet doit avoir pour que le terme - ici le concept - s'y applique. Si le concept c´elibataire est d´efinie par homme non mari´e cela signifie que : 1. Tout c´elibataire est un homme, 2. Tout c´elibataire est non mari´e, 3. Prenez n'importe quoi si c'est un homme et qu'il n'est pas mari´e alors vous tenez un c´elibataire. Dire cela c'est dire que l'ensemble des c´elibataires et l'ensemble des hommes non mari´es sont co-extensifs en vetu de la d´efinition m^eme de 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 163 c´elibataire. La critique que dresse alors Fodor et al. [1980, p. 265] est que si c'est le cas que c´elibataire peut ^etre analys´e en homme non mari´e c'est du fait de cette co-extensivit´e. Co-extensivit´e que la d´efinition de c´elibataire par homme non mari´e ´etait justement suppos´e rendre compte. Donc quelle que soit l'extension que l'on donne `a homme non mari´e, par d´efinition, c´elibataire aura la m^eme. Or d'une part la d´efinition d'un terme - que ce soit un mot ou n'importe quel terme dans un syst`eme interpr´etatif - d´epend de ce terme et non pas de ce qui s'y rattache. Il se peut parfaitement que l'on apprenne qu'en fait, contrairement au terme anglais `bachelor' le terme `c´elibataire' s'applique aux femmes. On r´evisera l'association stricte entre "c´elibataire" et "homme non mari´e", on va donc changer l'extension de l'un sans changer l'extension de l'autre sans pour autant couper la relation entre les deux termes. On pourra expliquer `a un agent cognitif qui ne ma^itriserait pas le terme "c´elibataire" `a l'aide du terme "homme non mari´e". Donc l'extension peut changer sans que change la d´efinition. Fodor et al. [1980, p. 265] critique ´egalement cette conception du concept qui tend `a mettre en rapport inf´erentiels les concepts puisque selon lui la d´efinition fixe l'extension des concepts complexes `a partir de concepts de base. La question alors est celle de savoir comment l'extension de ces concepts de base est fix´ee. Il est vrai que lorsqu'on entend dire que quelqu'un qui est c´elibataire n'est pas mari´e, on sous-entend que celui `a qui l'on explique cela comprend que ce non mari´e signifie et suppose que cet agent comprend ce que non mari´e signifie en vertu du fait qu'il sait ce que non et mari´e veulent dire. On peut se demander comment il le sait. Et il est fort `a parier que si l'on cherche ainsi `a savoir ce que l'agent doit ma^itriser pour poss´eder un concept on entre dans un cercle peu vertueux d'un diall`ele. Soit l'agent cognitif poss`ede le concept gr^ace `a une d´efinition mais il faut qu'il comprenne la d´efinition et donc qu'il poss`ede au moins un concept, ou bien il poss`ede les concepts de bases par un autre moyen que la d´efinition et donc la d´efinition n'explique pas la possession du concept. Cet argument s'attaque indirectement `a la structure inf´erentielle telle qu'elle est pr´esent´ee ici. En effet si les concepts sont d´etermin´es par leurs relations les uns aux autres, il faut bien qu'il y ait un commencement `a cette trame et donc des concepts ou au moins un concept qui au d´epart 164 Inf´erence ´etait poss´ed´e sans aucune relation `a aucun autre. Et si on soutient que cette structure implique une forme de holisme alors il faudrait consid´erer que le premier concept est d´ej`a un concept dans une trame holistique ce qui ne peut ^etre le cas. Donc la trame est ouverte d'un c^ot´e ou d'un autre sur des concepts dont peut-^etre cette trame d´epend mais dont ils peuvent se passer. En fait on peut r´epondre `a cette objection en rappelant que si la structure inf´erentielle du concept est essentielle `a celui-ci pour son application elle n'est pas suffisante pour d´eterminer le concept. La critique que formule Fodor et al. [1980] concerne la d´efinition mais le fait que le concept soit explicable et analysable par d'autres concepts auxquels il est reli´e par des inf´erences ne suffit pas `a dire ce `a quoi r´ef`ere ce concept. Il faut le d´eterminer dans ses autres dimensions, que ce soit son intension, son extension et sa pertinence. Nous avons vu que nous pouvons rendre compte de c´elibataire par homme non mari´e m^eme si ces deux termes ne sont pas co-extensifs. Cette explication peut n´eanmoins tout `a fait ^etre valable dans la mesure o`u elle permet, dans un contexte de saisir ce concept. Si par exemple nous sommes dans une situation o`u nous discutons de Paul et disons que Paul est c´elibataire `a quelqu'un qui ne ma^itrise pas ce concept, de dire que quelqu'un est c´elibataire si c'est un homme non mari´e sera peut ^etre faux dans l'absolu mais pertinent et vrai dans ce contexte l`a. L'extension n'est donc pas d´etermin´ee de mani`ere absolue mais dans le cadre d'un contexte. Si donc les diff´erentes dimensions du concept sont analys´ees de mani`eres distinctes les unes des autres, rien n'emp^eche de dire que l'on peut saisir un concept `a partir d'autres concepts sans que n´ecessairement les concepts doivent ^etre saisis de cette mani`ere. Il est possible d'imaginer - comme le font les empiristes par exemple - que certains concepts soient issus directement de l'exp´erience. Dans ce cas ils seront saisis `a partir d'autre chose qu'un ou des concepts. Rien n'emp^eche alors d'avoir plusieurs concepts de cette mani`ere et qu'ensuite seulement ces concepts sont interconnect´es entre eux et forment une trame inf´erentielle qui elle-m^eme permet d'apprendre et de construire de nouveaux concepts. Donc m^eme si la structure inf´erentielle n'est pas une propri´et´e suffisante pour construire et d´eterminer le concept elle n'en reste pas moins une propri´et´e n´ecessaire `a son application, au c^ot´e des autres dimensions du concept. 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 165 D'autant plus que si les inf´erences sont n´ecessaires `a la publicit´e, `a l'apprentissage ou `a l'usage ´epist´emique du concept, toute th´eorie des concepts digne de ce son se doit d'en rendre compte. Si toutes les th´eories des concepts n'en rendent pas toutes compte de la m^eme mani`ere il n'en reste pas moins que la structure inf´erentielle du concept est neutre quant `a la th´eorie choisie. On peut m^eme se demander si certains concepts n'ont de raison d'^etre qu'en fonction de cette trame inf´erentielle. Pensez aux concepts logiques comme la conjonction par exemple. Peacocke [1992, 1.2, p. 6] rend compte du concept conjonction `a partir de la capacit´e inf´erentielle : Conjunction is that concept C to possess which a thinker must find transitions that are instances of the following forms primitively compelling, and must do so because they are these forms : p q pCq pCq p pCq q 1 [Peacocke, 1992, 1.2, p. 6] Outre le fait que les trois formes de la conjonction que donne Peacocke ici ne sont pas n´ecessaires puisqu'il y a d'autres mani`eres de rendre compte de la conjonction, par exemple `a l'aide d'une table de v´erit´e : Tab. 5.1 - Table de v´erit´e de la conjonction p q p q 1 1 1 1 0 0 0 1 0 0 0 0 1 " La conjonction est ce concept C que pour poss´eder un penseur doit trouver les transitions qui sont des instances des formes primitivement irr´efutables, et ce parce qu'elles sont ces formes : p q pCq pCq p pCq q ." 166 Inf´erence Il est ´egalement difficile de dire si formes de la conjonction donn´ees par Peacocke sont suffisantes. En effet, dans la citation ci-dessus l'agent cognitif est dit poss´eder le concept conjonction s'il est capable d'´etablir la validit´e des inf´erences en question - la premi`ere correspondant `a la r`egle d'introduction de la conjonction, les deux secondes de sa r`egle d'´elimination - `a travers des instances de celles-ci. C'est-`a-dire que si un agent cognitif se trouve face `a une situation dans laquelle apparaissent un dahu et une licorne, l'agent doit ^etre capable de dire qu'il y a un dahu dans la situation. Peacocke [1992, 1.2, p. 6] nous dit que cet agent pourra faire cette ´elimination de la conjonction du fait des r`egles qui sont irr´efutables de mani`ere primitive (primitively compelling). Si tel est effectivement le cas, il faut alors comprendre que l'agent cognitif poss`ede de mani`ere primitive, c'est-`a-dire avant ou du moins ind´ependamment la possession du concept conjonction, ces r`egles. Il faut rappeler ici pour ´eviter toute m´eprise que la mani`ere dont sont rendues ces r`egles ne soit qu'une mod´elisation de celles-ci, cela ne signifie pas qu'elles aient effectivement cette forme dans la cognition de l'agent, mais que cette mani`ere de les formuler permet de rendre compte de celles que poss`ede l'agent. Si donc nous suivons Peacocke, pour que l'agent puisse poss´eder le concept conjonction il faut que l'agent en question ait la capacit´e de faire des inf´erences, au moins les inf´erences qui lui permettent de poss´eder ce concept. La possession du concept conjonction au moins donc s'appuie sur une facult´e cognitive autre que la facult´e conceptuelle, `a savoir la capacit´e inf´erentielle. Il est possible de donner une liste de r`egles d'introduction et d'´elimination pour l'ensemble des connecteurs logiques et des quantificateurs qui permettent de traduire l'ensemble des formes propositionnelles pour les calculs 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 167 des 1er et 2e ordres : I) A, B A B (5.4) E) A B A A B B (5.5) I) A A B B A B (5.6) E) A B, [A]C, [B]C C (5.7) I) [A]B A B (5.8) E) A, A B B (5.9) I) A xAx t (5.10) E) xA Ax t (5.11) I) Ax t xA (5.12) E) A, [Ax t ]B B (5.13) I) A (5.14) C) [¬A] A (5.15) 2 I) A XnAPn Xn (5.16) 2 E) XnA AXn Tn (5.17) 2 I) AXn Tn XnA (5.18) 2 E) XnA, [AXn Pn ]B B, (5.19) I) Sx1,x2,...,xn t1,t2,...,tn A {x1, x2, ..., xnA}t1, t2, ..., tn (5.20) E) {x1, x2, ..., xnA}t1, t2, ..., tn Sx1,x2,...,xn t1,t2,...,tn A (5.21) Ces r`egles d'introduction et d'´elimination d´eterminent les d´eductions qu'ils sont possibles de faire `a partir des termes dont on dispose dans un certain langage. Ces r`egles d´eterminent de mani`ere suffisante l'usage des connecteurs sur les termes de ce langage. For inferring certains formulas, the introduction rule gives thus a sufficient condition that is formulated in terms of subformulas of these formulas. The elimination rule, on the other hand, is related to the corresponding introduction rule according to a certain inversion principle : the elimination rule is in a sense only the 168 Inf´erence inverse of the corresponding introduction rule 2. [Prawitz, 1965, p.8] Qui donc manie ces r`egles sait manier le connecteur pour toutes ses applications possibles dans un syst`eme dans lequel ce connecteur est op´erationnel, puisque ces r`egles sont sym´etriques l'une l'autre, qui manie l'une peut d´eduire l'autre. Cependant, les r`egles d'inf´erences ne sont pas suffisantes pour d´eterminer un langage quelconque, et donc pour le ma^itriser. En effet tout langage permettant de rendre compte du raisonnement, que ce langage soit formel ou non - on parle d'ailleurs de d´eduction naturelle pour l'´etude de ce type de structure de raisonnement, puis que les language formels ´etudiants ces formes du raisonnement mod´elisent les raisonnements "intuititifs" [Prawitz, 1965, p. 7] - doit certes comporter des r`egles - parmi celle ´enonc´ees cidessus pour pouvoir faire des d´eductions, mais ´egalement comprendre un certain nombre d'hypoth`eses sur lesquelles ces dites r`egles pourront ^etre appliqu´ees. Le simple ´enonc´e de ces r`egles - et peut-^etre m^eme leur possession ne suffit donc pas `a leur application. L'agent cognitif doit ´egalement pouvoir comprendre ce `a quoi s'applique ces r`egles i.e. ma^itriser la syntaxe et le vocabulaire du langage. Si l'agent poss`ede les r`egles d'inf´erences de la conjonction mais n'est pas capable de reconna^itre dans l'´enonc´e "Dario et Nausicaa sont all´es au cin´ema" une instance de cette r`egle, l'agent ne sera pas beaucoup plus avanc´e, puisque ces r`egles peuvent ^etre restreintes dans leur application par les hypoth`eses disponibles dans le syst`eme. Deduction rules. The inference rules do not characterize a system of natural deduction completely, since it is not stated in them how assumptions are discharged, and since the use of certain inference rules are circumscribed by restrictions which are formulated in terms of what assumptions the premisses depend on. In particular, to characterize the rule of E, I, I, E, and 2 "Pour inf´erer certaines formules, la r`egle d'introduction donne ainsi une condition suffisante qui est formul´ee en termes de sous-formules de ces formules. La r`egle d'´elimination, d'un autre c^ot´e, est reli´ee `a la r`egle d'introduction correspondante suivant un certain principe d'inversion : la r`egle d'´elimination est en un sens que l'inverse de la r`egle d'introduction correspondante." 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 169 the principle for indirect proof, I shall state a number of rule that I shall call deduction rules 3. [Prawitz, 1965, pp. 22-23] La ma^itrise des hypoth`eses sur lesquelles il est possible d'appliquer les r`egles de d´eduction est ´egalement n´ecessaire. Et dans le cadre d'une ´etude sur les concepts, si les r`egles d'introduction et d'´elimination de la conjonction doivent d'une mani`ere ou d'une autre ^etre poss´ed´ees par l'agent pour qu'il lui soit reconnu la possession du concept conjonction, la possibilit´e de l'application de ces r`egles `a des termes et donc la reconnaissance l'occurrence de ces r`egles dans des raisonnements et des ´enonc´es para^it ´egalement n´ecessaire. Peacocke, dans la citation pr´ec´edente (5.4), nous dit que l'agent poss`ede le concept conjonction s'il est donc capable de reconna^itre la validit´e de certaines inf´erences en vertu des r`egles formelles qui les r´egissent. Cela signifie que ces inf´erences sont r´ealis´ees dans des instances (instances). Mais comment peut-on instanci´e une r`egle d'inf´erence ? Dario et Nausicaa sont all´es au cin´ema (5.22) est une instance de conjonction, en appliquant la r`egle de l'´elimination de la conjonction, on obtient : Dario est all´e au cin´ema (5.23) Nausicaa est all´ee au cin´ema (5.24) Si un agent cognitif est capable de tirer (5.23) ou (5.24) de (5.22) alors on reconna^itra `a cet agent la possession et la ma^itrise du concept conjonction. Cependant, pour qu'il puisse le faire, il faut qu'il puisse saisir d'une mani`ere ou d'un autre (5.22), (5.23) et (5.24). Si ce sont bien l`a des instances de conjonction, elles en sont des instances particuli`eres qui s'appliquent `a des termes particuliers, que ce soit "Dario" "Nausicaa", "aller quelque part" ou 3 "R`egle de d´eduction. Les r`egles d'inf´erence ne caract´erisent pas compl`etement un syst`eme de d´eduction naturelle, puisqu'il n'est pas ´etabli en elles comment les hypoth`eses sont d´echarg´ees, et puisque l'usage de certaines r`egles d'inf´erences est circonscrit par des restrictions qui sont formul´ees en termes des hypoth`eses desquelles les pr´emisses d´ependent. En particulier, pour caract´eriser la r`egle de E, I, I, E, et le principe pour une preuve indirecte, je devrais ´etablir un nombre de r`egles que je devrais appeler r`egles de d´eduction." 170 Inf´erence encore "cin´ema". Et ces termes ne peuvent se comprendre que dans la mesure o`u ils r´ef`erent `a quelque chose et donc ne sont saisissables qu'en vertu du fait qu'ils se rattachent `a des concepts, les concepts Dario, Nausicaa, aller quelque part ou cin´ema. Certes il n'est pas n´ecessaire que l'agent poss`ede effectivement ces concepts, il pourrait par exemple ne pas comprendre ce que "cin´ema" signifie ou ne pas savoir qui est "Nausicaa", mais estimer que dans le contexte il s'agit d'un lieu et d'une personne. Cependant, au niveau de l'application de la r`egle de la conjonction, il faut supposer que pour que cette r`egle soit instanci´ee il faut qu'elle s'applique `a des termes qui sont ou se rattachent `a des concepts. Cela signifie par cons´equent que les concepts peuvent ^etre mis en rapport les uns les autres avec des r`egles d'inf´erences comme celles de la conjonction par exemple. Donc les concepts doivent souscrire `a la forme inf´erentielle. De l`a Peacocke [1992, 3.4, p.91] en d´ecoulera son holisme, ce que nous appellons ici r´eseau inf´erentiel. La relation qu'ont les concepts entre eux suivant les inf´erences impose des contraintes sur la r´ef´erence. Contraintes qui permettent en fait une effectivit´e de la r´ef´erence. En effet, il est suppos´e que pour que (5.23) puisse ^etre d´eduit de (5.22), le terme "Dario" par exemple repr´esente l`a m^eme chose dans ces deux ´enonc´es. Les termes "Dario" r´ef`erent au m^eme individu dans (5.22) et (5.23) en vertu du fait qu'ils sont tous les deux des instances du m^eme concept `a savoir Dario. Toutes les instances d'un m^eme concept d´enotent la m^eme chose en contexte comparable. 1. Dario dans (5.22) est une instance de Dario 2. Dario dans (5.23) est une instance de Dario 3. Dario dans (5.22) et Dario dans (5.22) r´ef`erent au m^eme individu Si les concepts peuvent appara^itre dans une trame inf´erentielle holistique, alors chacune de leur occurrence doit r´ef´erer `a la m^eme chose dans un m^eme contexte en vertu du fait qu'elles renvoient toutes au m^eme concept. La r´ef´erence du concept doit donc ^etre coh´erente, au moins `a l'int´erieur d'un m^eme contexte. Peacocke [1992, 6.5, p. 171] appelle ´enonce cette contrainte de coh´erence r´ef´erentielle ainsi : 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 171 Let us say that a possession for a concept F and a theory of how it contributes to the determination of semantic value are jointly referentially coherent if they ensure the validity of inferences of the following form : s is F s = t so t is F 4 Cette subsomption vaut aussi bien pour le concept est ses occurrences que pour les concepts subsum´es eux m^emes par d'autres concepts plus g´en´eraux. Par exemple les termes "Dario" dans (5.22) et (5.23) sont tous deux subsum´es par Dario, mais ´egalement Dario et Nausicaa - c'est-`a-dire toutes les instances de ces deux concepts - sont subsum´es par le concept avec qui on peut rire. La coh´erence r´ef´erentielle d´epend ou d´etermine - selon le point de vue adopt´e - la coh´erence inf´erentielle, mais quoi qu'il arrive si un concept manque de satisfaire `a l'inf´erence soit par rapport aux autres concepts soit `a ses occurrences, de toute ´evidence ce concept sera r´evis´e. Cela peut venir du fait que l'on d´ecouvre qu'il faut r´eviser son extension - dans le cas o`u certaines occurrences du concept entrent en conflit avec d'autres dans un m^eme contexte ou bien si elles viennent `a compromettre certaines inf´erences essentielles au concept - ou bien `a r´eviser son domaine d'application - le domaine des inf´erences disponibles au concept. Il faut noter que ces contraintes d'inf´erence et de non-contradiction auxquelles le concept doit se conformer ne d´ependent aucunement des instances et donc du contenu du concept mais uniquement de sa structure formelle. C'est l`a un point important qui permet nous l'avons d´ej`a indiqu´e plus avant de permettre de cr´eer de nouveaux concepts dont la d´etermination de la r´ef´erence est probl´ematique, comme dans le cas du cercle carr´e par exemple. 4 "Supposons que une possession pour le concept F et une th´eorie de comment elle contribue `a la d´etermination de la valeur s´emantique sont r´ef´erentiellement coh´erente ensemble si elles assurent la validit´e des inf´erences de la forme suivante : s is F s = t so t is F ." 172 Inf´erence La trame inf´erentielle est un outil logique puissant, elle permet en effet, en ne s'int´eressant qu'aux relations possibles entre les termes et avec pour simple contrainte la coh´erence, de constituer un syst`eme expressif tr`es grand, et ce, ind´ependamment de ce qu'il repr´esente. L'´elimination du contenu - nous verrons qu'il est n´ecessaire de prendre en compte le contenu, ou plus exactement les contenus (objectif et cognitif) du concept - correspond `a l'´elimination des variables dans un syst`eme formel. La r´eduction d'un syst`eme formel `a des processus de calcul permet de consid´erer l'ensemble des op´erations possibles au sein d'un syst`eme de mani`ere absolue, i.e. sans devoir tenir compte du contenu particulier d'aucun des termes trait´e. ´Evidemment un tel syst`eme est pars trop r´educteur et ne tient pas compte de la sp´ecificit´e rep´esentationnelle des termes, sp´ecificit´e qui oblige non seulement `a consid´erer le contenu mais ´egalement le contexte d'apparition et d'usage du terme. Mais les inf´erences se plient `a des r`egles et non `a des repr´esentations. L'inf´erence : Si les dahus sont boiteux alors les montagnes sont des montagnes (5.25) est vraie en vertu d'une r`egle formelle et non du fait de ce que repr´esentent les termes qui y apparaissent. En un sens on pourrait r´eduire 5.25 `a au sch´ema propositionnel : (5.26) Dans lequel ne compte en d´efinitive que la relation qui s'applique `a n'importe quoi du moment que ce `a quoi ce sch´ema peut s'applique, i.e. tout ce qui appara^it comme terme dans un langage. Cette r´eduction des formes inf´erentielles `a des sch´emas dans lesquels disparaissent les variables remonte `a Sch¨onfinkel [1976] et `a la logique combinatoire que l'on retrouvera dans le lambda calcul. En effet d'une part la logique combinatoire permet de faire ressortir la trame inf´erentielle et la relation entre les blocs du syst`eme utilis´e, et le lambda calcul pourvoi des termes d´elest´es de leurs occurrences particuli`eres. Et finalement ce sont bien de tels termes qui apparaissent dans les sch´emas et m^eme les formes propositionnelles d'inf´erences telles que 5.25 ou 5.22. On pourrait dire que 5.22 se comprend de la mani`ere suivant : quoi que ce soit si c'est Dario et quoi qu'il en soit si c'est Nausicaa alors ce qui est Dario et ce qui est Nausicaa sont en relation avec quoi que ce soit si c'est 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 173 cin´ema de telle sorte que ce qui est Dario et ce qui est Nausicaa sont en relation aller `a avec ce qui est cin´ema. Bien entendu Dario et Nausicaa sont des individus particuliers qui sont all´es avoir un film particulier dans un cin´ema particulier, certes, mais cela peut se comprendre que dans la mesure o`u le cin´ema particulier poss`ede la propri´et´e d'^etre un cin´ema, propri´et´e partag´ee par plusieurs lieux possibles `a Paris. La d´ecomposition des termes particuliers en porteurs de propri´et´es, permet de consid´erer les termes apparaissant dans les sch´emas inf´erentiels comme des substrats de propri´et´es. Par exemple si Dario et Nausicaa sont all´es au cin´ema "Grand Action", "Grand Action" portera la propri´et´e d'^etre un cin´ema, il ne sera qu'une occurrence possible de cette propri´et´e, or pour comprendre que le "Grand Action" est un cin´ema il faut ^etre en mesure de le subsumer sous la propri´et´e cin´ema en question. Cette propri´et´e ´etant commune `a tout cin´ema tout en ne pouvant ^etre saisie ind´ependamment d'un particulier, on pourra l'extraire, l'abstraire de "Grand Action" de la sorte : Cin´ema(Grand Action) (5.27) (Grand Action Cin´ema)[(Grand Action)] (5.28) ou pour plus de lisibilit´e, en utilisant des variables et des constantes logiques nous aurons pour la forme sch´ematique de 5.28 : (5.29) dont on peut d´eduire qui vaut pour la propri´et´e qui caract´erise l'objet qui la porte. C'est gr^ace `a cette propri´et´e que l'on peut reconna^itre, attribuer et appliquer `a un objet que l'on peut isoler, individuer et identifier un objet du monde. Cette propri´et´e utilisable dans le sch´ema inf´erentiel n'´etant pas instanci´ee `a ce stade - il reste encore `a determiner sa r´ef´erence, celle justement que l'on vient de lui enlever - elle sera dit ^etre abstrait [Prior, 2002, p. 56]. La propri´et´e d´etermine ce qu'il y a de commun `a toutes les instances relevant du m^eme concept. En ce sens le concept agit comme un ensemble dont ses occurrences sont les membres. La propri´et´e ´etant le label ´etiquett´e sur l'ensemble. C'est cette mani`ere de voir le concept qui am`ene `a le consid´erer en terme ensembliste et `a faire du concept un pr´edicat attribu´e `a ses instances [Bealer, 1982, Peacocke, 1992]. La propri´et´e isol´ee, c'est-`a-dire d´etach´ee de l'occurrence qui la supporte permet d'assigner une 174 Inf´erence connotation au terme apparaissant dans les sch´emas inf´erentiels et donc de distinguer les termes les uns des autres. L'usage des propri´et´es pour distinguer les termes revient `a r´eduire ceuxci `a des d´efinitions. Par exemple on dira que l'objet o1 est un chat parce qu'il poss`ede toutes les propri´et´es n´ecessaires et suffisantes pour ^etre chat. Autrement dit on r´eduit le concept chat `a une liste de propri´et´es n´ecessaires et suffisantes qui permettent de subsumer un objet les satisfaisant sous ce concept. Si par exemple un chat est un "petit mammif`ere familier `a poil doux, aux yeux oblongs et brillants, `a oreille triangulaires et griffes r´etractiles, qui est un animal de compagnie" [selon le dictionnaire Le Petit Robert, 1996], alors le concept chat sera associ´e `a cette liste de caract`eres, et un objet pourra ^etre un chat uniquement s'il v´erifie ces caract`eres. Cette conception du concept est d´efendue parce qu'il est convenu d'appeler la th´eorie classique des concepts (cf. chapitre 3.1). Cette conception qui vise `a r´eduire les termes utilis´es dans des inf´erences `a des d´efinitions se retrouve dans le programme constructiviste de Hilbert and Bernays [2001a,b]. En effet, dans ce programme les concepts math´ematiques sont construits `a partir d'op´erations et de d´efinition, de sorte qu'`a partir d'un nombre restreint d'op´erations et de termes il est possible de construire et de d´eduire l'ensemble des termes pouvant appara^itre dans le syst`eme. Tout terme construit `a partir de cette axiomatique compte comme pouvant ^etre utilis´e dans le syst`eme pour construire ou d´eduire d'autres termes `a partir des op´erations disponibles, de fait, tout ce qui importe et que les termes puissent ^etre utilis´es dans le syst`eme et non ce qu'ils repr´esentent ou d´enotent. En prenant ce programme constructiviste comme mod`ele pour comprendre les concepts, on remarque que c'est de la m^eme mani`ere que l'on justifie des concepts comme dahu, montagne d'or ou cercle carr´e. Quoi que si l'on contraint le syst`eme sur les propri´et´es avec un principe de coh´erence, des concepts contradictoires quant `a leur intension tel que cercle carr´e seraient ´ecart´es de la trame conceptuelle. Si par exemple cercle est associ´e avec la propri´et´e complexe : "courbe plane ferm´ee dont tous les points sont `a ´egale distance R" [Le Petit Robert, 1996] et le carr´e est associ´e avec la propri´et´e complexe : "qui forme un quadrilat`ere dont les angles sont droits et les quatre c^ot´es ´egaux", alors aucun objet ne pourra avoir la conjonction des propri´et´es de cercle et de carr´e. En un sens le syst`eme pourra donc diviser son domaine en possible et impossible. Le 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 175 probl`eme qui surgit alors est celui du statut qu'il faut conf´erer `a cette distinction. En effet, le possible et l'impossible ici concernent l'application du terme `a un objet. Or nous avons vu que du point de vue de la d´efinition sans un syst`eme d'op´eration, la question de l'extension ne se pose pas. Elle ne se pose pas parce qu'alors cela signifierait que l'on part de l'objet vis´e par la d´efinition pour en d´eduire la d´efinition alors qu'on agit exactement dans l'ordre inverse. Sinon en effet nous ne pourrions jamais parler de dahus puisque personne n'en a jamais fait l'exp´erience et ce du fait m^eme que dans la d´efinition du dahu il est mentionn´e que l'on ne peut en faire l'exp´erience. Le concept en tant que fonction caract´eristique n'est donc pour le moment que d´etermin´e par la place qu'il occupe dans la trame inf´erentielle, et comme le concept a pour fonction de viser des objets du monde, il est suppos´e que le concept repr´esente quelque chose sans que nous puissions pour autant d´eterminer son extension. Et ´evidemment la simple non-contradiction dans une structure inf´erentielle n'est pas suffisante pour dire si l'extension est effective, i.e. r´ealis´ee dans le monde de l'exp´erience ou non. Tout ce qu'on peut dire c'est que le concept ainsi d´etermin´e peut repr´esenter quelque chose, mais ce n'est pas n´ecessaire qu'il soit instanci´e. Cette possibilit´e permet d´ej`a tout de m^eme de dire que le concept repr´esente alors quelque chose. Le principe de repr´esentation est une propri´et´e importante des termes de la trame inf´erentielle, et c'est sans doute ce fait qui encourage `a penser le concept comme un pr´edicat. Tout comme l'unicit´e de la repr´esentation est une propri´et´e int´er´essante d'un terme, suffisamment du moins pour qu'on la signale par un op´erateur sp´ecifique, l'op´erateur [Russell, 1989, pp. 268- 269], la repr´esentation d'un terme ou d'une formule - une cha^ine de termes compos´es - ´egalement int´eressante `a sp´ecifier, c'est ce que fait l'op´erateurd e Hilbert [Hilbert and Bernays, 2001b, II, §1] : Le -symbole constitue par cons´equent une sorte de g´en´eralisation du µ-symbole pour un domaine d'individus quelconque. D'apr`es sa forme, il repr´esente une fonction d'un pr´edicat variable qui, en dehors de l'argument auquel se rapporte la variable li´ee relative au -symbole, peut encore contenir des variables libres comme arguments ("param`etres"). La valeur de cette fonction, pour un pr´edicat A d´etermin´e (apr`es fixation des param`etres) est une chose du domaine d'individus ; et plus pr´ecis´ement, cette chose, conform´ement `a la traduction 176 Inf´erence mat´erielle de la formule ( 0), est une chose `a laquelle ce pr´edicat A s'applique, ´etant suppos´e qu'il s'applique `a au moins une chose du domaine d'individus. [Hilbert and Bernays, 2001b, II, §1, p. 62] En somme le symbole indique l'extension d'un terme construit `a partir d'un r´eseau inf´erentiel. C'est ce que feront les quantificateurs dans le calcul des pr´edicats en d´elimitant le domaine d'application d'une propri´et´e entendue alors comme un pr´edicat. Mais il est suppos´e qu'une propri´et´e puisse avoir un domaine d'application, ce domaine n'est pas n´ecessairement donn´e. C'est pour cela que l'on peut supposer que le concept dahu repr´esente bien quelque chose dans le sens o`u il vise les objets qui sont des dahus - les porteurs de la dahuit´e - o`u que ces objets se trouvent, et s'il n'y a pas d'objets comme ¸ca dans le monde actuel de l'exp´erience le fait m^eme que ce concept est bien construit permet de postuler qu'il existe un monde possible o`u il pourrait y avoir des objets porteurs de la propri´et´e associ´ee au concept dahu. L'application de l'op´erateur au concept dahu indique simplement que ce concept s'applique `a quelque chose en vertu m^eme du fait qu'il est un concept et qu'un concept repr´esente quelque chose. L'op´erateur agit donc comme parall`ele `a l'op´erateur . Alors que l'op´erateur indique que seule l'intension d'un terme est prise en compte, l'op´erateur indique que l'extension est consid´er´ee. Cette distinction demande encore `a ^etre clarifi´ee mais nous voyons se pointer d´ej`a la structure du concept, la d´etermination d'un terme dans une trame inf´erentielle auquel est associ´ee `a la fois une propri´et´e - une intension - et un domaine d'objets auxquels il s'applique - une extension. Alors qu'un terme pr´efix´e du sera dit ^etre un abstrait [Church, 1956, §03], un terme pr´efix´e par un serait dit ^etre un id´eal [Avigad and Zach] dans la mesure o`u l'op´erateur permet de dire que toute formule libre de tout quantificateur est d´erivable alors elle l'est ´egalement dans le calcul des pr´edicats, en traduisant les quantificateurs en termes pr´efix´es de l'op´erateur . La d´efinition 0 (5.30) [Hilbert and Bernays, 2001b, II, §1, p. 63] permet d'´eliminer les quantificateurs : x(A(x)) A( xA(x)) (5.30) 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 177 ou (A(a)) A( xA(x)) (5.31) `a l'inverse la formule (5.32) permet de les introduire : A( xA(x)) x(A(x)) (5.32) Ce qui ´etablit l'´equivalence entre les formules quantifi´ees et les formules pr´efix´ees de l'op´erateur , ce qui donne a d´efinition 1 (5.33) [Hilbert and Bernays, 2001b, II, §1, p. 64] : x(A(x)) A( xA(x)) (5.33) L'extension des termes des donc id´ealis´ee afin de r´eduire les op´erations sur ses termes `a des sch´emas d'inf´erences - dans le cadre du programme des fondements des math´ematiques `a une trame d´eductive de preuve [Hilbert and Bernays, 2001b, II, §1, p. 70]. L'op´erateur en attribuant une extension id´eale `a une propri´et´e permet ainsi donc de trancher les concepts dont la r´ef´erence ne peut pas ^etre atteinte dans le monde actuel. L'attribution d'une extension id´eale fait donc sortir la question de la r´ef´erence du cadre du possible et de l'actuel. Tout terme, en tant qu'il est bien construit se voit d'office attribuer une extension en tant que ce terme d´etermine une propri´et´e qui en tant que telle permet de d´ecrire quelque chose. Ainsi en va-t-il pour le concept cercle carr´e, s'il peut ^etre construit dans un syst`eme inf´erentiel coh´erent r´ef`ere `a quelque chose par stipulation. La distinction entre les termes abstraits, tels que les nombres ou les objets math´ematiques par exemple, et les termes empiriques ou recognitionel, tels que chat ou rouge par exemple, n'importe donc plus puis que pour chaque terme qui appara^it dans la trame inf´erentielle une extension id´eale peut ^etre postul´ee de cette mani`ere. Les op´erateurs d'abstraction - l'op´erateur - et d'id´ealisation - l'op´erateur - seront entendus, dans le cadre d'une th´eorie des concepts en termes respectivement d'intension et d'extension. Bien s^ur l'abstraction et l'id´ealisation ne sont pas `a proprement parler des fonctions d´eterminant 178 Inf´erence l'intension et l'extension d'un terme, mais elles permettent de le faire dans le cadre des concepts, dans la mesure o`u le concept s'articule autour de ces dimensions. L'abstraction correspond `a la d´etermination de la propri´et´e associ´ee au concept, l'id´ealisation `a la d´etermination de sa r´ef´erence. Les op´erateurs et sont sym´etriques l'un l'autre. En effet, les r`egles d'introduction et d'´elimination de l'op´erateur affirment que s'il existe un objet dans le domaine d'une forme propositionnelle, alors il est possible d'attribuer une extension id´eale `a cette forme propositionnelle. D'autre part si une extension id´eale peut ^etre assign´ee `a une forme propositionnelle, alors il est possible de consid´erer que son domaine d'application n'est pas vide. Cela d´ecoule du fait m^eme que c'est une forme propositionnelle, i.e. qu'un mod`ele la v´erifie et donc que ce mod`ele n'est pas vide. En r´e´ecrivant les r`egles d'introduction et d'´elimination pour l'op´erateur (5.30) aux regards des r`egles d'introduction et d'´elimination du quantificateur (5.12) et (5.13), nous obtenons : I) Ax t A xA (5.34) E) A xA, [Ax t ]B B (5.35) C'est-`a-dire qu'il est possible de d´eterminer une extension pour toute propri´et´e qui appara^it instanci´ee. Si une occurrence de propri´et´e appara^it alors il est possible de dire, en fonction de cette occurrence, que cette propri´et´e s'applique `a quelque chose sans d´eterminer plus avant ce domaine d'application. Au contraire, si un domaine d'application a ´et´e d´etermin´e pour une propri´et´e alors cela signifie que cette propri´et´e s'applique au moins `a quelque chose, i.e. cette occurrence. La d´etermination de l'extension en ce sens est donc a posteriori d'apr`es les donn´ees que nous poss´edons d´ej`a, celles-ci provenant de l'exp´erience. A contrario, l'op´erateur nous informe que pour toute forme propositionnelle s'appliquant `a un domaine, il est possible de consid´erer qu'une propri´et´e s'applique `a chacune des occurrences dans le domaine, `a savoir cette forme m^eme, et que pour toute propri´et´e qui s'applique `a un domaine, il est possible d'instancier cette propri´et´e dans une forme en l'appliquant `a un objet du domaine. La propri´et´e en question permet donc d'individuer et d'identifier chacun des ´el´ements du domaine en lui attribuant une pro- 5.4 Inf´erence et th´eorie des concepts 179 pri´et´e permettant de le faire appara^itre, `a savoir la propri´et´e qu'il poss`ede quelle que soit celle-ci. En somme, les r`egles d'introduction et d'´elimination de l'op´erateur peuvent se comprendre sous cette forme : I) XnA xA (5.36) E) xA AXn Tn (5.37) L'op´erateur permet donc de caract´eriser les propri´et´es qui d´eterminent la forme propositionnelle comme propri´et´e permettant d'identifier des objets du monde quels qu'ils soient s'ils satisfont une propri´et´e. Cette d´etermination est donc une d´etermination de d´etermination (de 2eordre) affirmant simplement que si un objet peut ^etre identifi´e, alors il satisfait une propri´et´e quelconque. Nous sommes donc bien `a un niveau conceptuel et non pas non-conceptuel, puisqu'il faut identifier l'objet et non se contenter de l'individuer. Si donc une individuation est possible, elle implique qu'il soit possible d'isoler la propri´et´e caract´erisant l'objet en question. Or si pour toute propri´et´e, une extension est d´eterminable - sans pour autant supposer l'identit´e `a ce stade, l'individuation suffisant - alors pour toute forme propositionnelle pr´ec´ed´ee par l'op´erateur il est possible de d´eduire cette m^eme forme propositionnelle pr´efix´ee de l'op´erateur et qu'il est possible de pr´efix´ee d'un toute forme issue de l'´elimination de l'op´erateur . L'extension id´eale d´esign´ee par l'op´erateur correspond `a la r´ef´erence postul´ee d´evelopp´ee au chapitre 4. La trame inf´erentielle dans laquelle se situe le concept permet met donc de le comprendre par rapport aux autres concepts dont dispose l'agent cognitif qui le poss`ede. Pour l'heure elle ne permet pas de rendre compte de ce que d´enote ou de ce que connote le concept, nous verrons comment nous pouvons rendre compte de ces dimensions du concept. L'id´ee d'une trame inf´erentielle pour comprendre un terme `a travers les op´erations qu'il permet au sein de cette trame, c'est-`a-dire de comprendre ce terme comme un processus [Peacocke, 1992, 2.1, p. 46] ou comme fonction [Putnam, 1975, 1990, Dennett, 1997, 1993] dans un syst`eme repr´esentationel recoupe la s´emantique des r^oles conceptuels (Conceptual Role Semantics), selon laquelle la signification d'une repr´esentation est d´etermin´ee et ex- 180 Inf´erence pliqu´ee par le r^ole de cette repr´esentation dans l'espace cognitif de l'agent qui la poss`ede [Greenberg and Harman]. Chapitre 6 Changement conceptuel Lorsqu'il retira son masque, en sortant dans l'air frais du matin, il se rendit compte qu'il venait d'absorber une dose massive d'un lointain recoin de la r´ealit´e dont une grande majorit´e du pays ne soup¸connait m^eme pas l'existence. Cela jeta une lumi`ere enti`erement neuve sur le concept de dinde de No¨el garnissant un rayonnage de supermarch´e. [Tristant Egolf, Le seigneur des porcheries, Folio, Gallimard, p. 218] Un agent cognitif peut ^etre amen´e `a changer les concepts qu'il poss`ede. Par exemple un agent peut apprendre que l'homme qui est accoud´e au bar l`a bas n'est pas Paul comme il le pensait, mais que c'est Pierre. Ou bien que l'actuel pr´esident de l'autorit´e palestinienne n'est plus monsieur Yasser Arafat mais monsieur Mahmoud Abbas, ou bien que les baleines ne sont pas des poissons mais des mammif`eres, ou bien encore qu'il faut distinguer la disjonction inclusive de la disjonction exclusive lorsqu'on consulte la carte des menus au restaurant, etc. Si un concept est une entit´e mentale poss´ed´ee par un agent cognitif et qui permet `a cet agent de repr´esenter son environnement pour former des jugements, des croyances, des connaissances, des d´esirs ou des plans d'action sur lui, alors cela signifie que le concept est assimil´e `a entit´e inf´er´ee `a partir d'un ensemble de raisons qui le soutiennent. Ces raisons ne sont pas n´ecessairement bonnes, mais ce sont celles auxquelles se r´ef`ere l'agent pour utiliser le concept tel qu'il le fait. Si l'agent tient le concept comme d´erivant bien de cet ensemble de raisons - i.e. s'il tient ces raisons comme ´etant de bonnes raisons pour justifier son usage du concept alors cela signifie que pour cet agent, l'inf´erence du concept `a partir de ces raisons est valide et 182 Changement conceptuel fiable : (6.1) et donc : (6.2) Si l'agent au contraire pense que le concept n'est pas soutenu par des raisons, que ces raisons lui laissent penser que ce concept ne s'applique pas dans ce cas, alors il pourra d´eriver non application de ce concept : (6.3) et donc : (6.4) Dans les cas o`u l'agent suspend son jugement, c'est-`a-dire o`u il ne se prononce pas de mani`ere cat´egorique, cela signifie que l'inf´erence du concept `a partir des donn´ees qu'il poss`ede ne lui permettent pas d'assigner et d'asserter le concept avec assurance. Autrement dit l'agent consid`ere qu'il se pourrait en fait que ce concept ne d´erive pas de ces raisons. Cela peut se comprendre de deux mani`eres : ou bien l'agent h´esite entre l'application de ce concept et l'application de sa n´egation, ou bien il h´esite entre l'application de ce concept et l'application d'un autre concept, ces deux concepts n'´etant pas n´ecessairement contradictoires - l'un peut ^etre plus pr´ecis que l'autre - ou bien ^etre peuvent ^etre exclusifs mais relever de raisons compatibles. Imaginez les cas o`u l'agent ne sache pas si l'objet qui lui est pr´esent´e est un chien ou un loup. Il juge que les indices dont il dispose ne lui permettent pas de trancher de mani`ere cat´egorique entre les deux concepts. Ces deux concepts sont contradictoires au moins sur le plan m´etaphysique. Si quelque chose est un chien alors ce n'est pas un loup et inversement. L'agent pourrait d´ecider de trancher l'affaire en disant que l'objet en question est un animal, le concept animal subsumant les concepts chien et loup - i.e. chien et loup se superposent suivant le caract`ere animal - `a ce compte l`a, l'agent 183 n'aura pas assez d'indices `a son avis pour d´eriver ou bien chien ou bien loup mais suffisamment pour d´eriver animal. Est-ce `a dire que l'agent doit toujours ^etre en mesure de d´eriver la disjonction du concept ou de sa n´egation ? C'est-`a-dire qu'un agent devrait au moins croire en l'application disjonctive du concept ? (PADC) ¬ (6.5) Mais ce principe d'application disjonctive du concept PADC est trop fort. En effet cela suppose que l'agent accepte le principe du tiers-exclu, or le fait qu'il suspende quelque fois son jugement, laisse penser que dans certains cas au moins, l'agent ne sait pas s'il est pertinent d'assigner ce concept ou non `a l'objet en question. Cela vient du fait non pas qu'un agent puisse n´ecessairement croire tout et son contraire, cela irait `a l'encontre du principe de coh´erence exig´e par la rationalit´e attendue de l'agent PACR, mais au fait que l'agent ne sache pas n´ecessairement tout, i.e. qu'il ne sache pas d´eriver l'ensemble des cons´equences logiquement accessibles des raisons qu'il invoque ou bien qu'il ne connaisse pas n´ecessairement l'ensemble des raisons qui soutiennent un concept. Il faut donc relativiser le principe d'application disjonctive aux concepts et raisons poss´ed´ees par l'agent, et non pas le consid´erer dans l'absolu au sens de d´erivations dans un syst`eme logique complet poss´ed´e par un agent id´eal. Le fait qu'un agent ne puisse pas d´eriver ou bien ou bien ¬ de n'implique pas n´ecessairement une violation du principe de rationalit´e PACR, du moment que l'agent ne d´erive pas d'une mani`ere qu'il pense fiable et justifi´ee ¬ de , puisqu'alors cet agent violerait la consistence de son inf´erence, et dirait n'importe quoi. Il s'agit donc non seulement de tenir compte des concepts que poss`ede un agent mais ´egalement des justifications qu'il utilise pour utiliser ces concepts et de la mani`ere dont il justifie ces concepts `a partir de ces raisons. Un agent peut ^etre amen´e `a changer ses concepts, au moins certains. La r´ef´erence d'un concept peut changer et ne plus s'appliquer au m^eme objet - c'est le cas par exemple du concept professeur `a Paris 4, dont l'extension peut varier au cours du temps -, ou bien les justifications qui soutiennent un concept peuvent changer - la limite d'^age pour postuler 184 Changement conceptuel au CNRS peut ^etre modifi´ee du jour au lendemain et changer les raisons d'application du concept condition d'application au CNRS - ou m^eme peut ^etre les r`egles d'inf´erence d'un concept `a partir d'un ensemble de raisons peuvent ^etre modifi´ees. 6.1 Raisons pour de changer de concept Un agent peut ^etre amen´e `a changer de concept dans cinq cas paradigmatiques : l'arriv´ee de nouveaux indices qui remettent en cause le concept m^eme, deux concepts co-extentionnels et/ou co-intensionnels sont jug´es contradictoires, l'une des raisons utilis´ees pour justifier l'usage d'un concept s'av`ere ^etre fausse, l'extension du concept change sans affecter son intension, de nouveaux ´el´ements dans les raisons ou les applications s`ement le doute sur l'usage actuel du concept. 6.1.1 De la non pertinence av´er´ee du concept La premi`ere raison qui engage l'agent `a r´eviser l'un de ses concepts, est la non pertinence av´er´ee de celui-ci. L'agent utilisait un concept selon certaines raisons, et de nouveaux ´el´ements plaident en faveur du fait que ce concept n'est plus pertinent ni dans son usage ni dans son application. C'est sans doute ce qui s'est pass´e avec un concept tel que phlogistique. Certains auteurs tels que J. J. Becher ou G. E. Stahl ont pu d´evelopper le concept de phlogistique - en fait le construire de toute pi`ece - afin de rendre compte et d'expliquer le ph´enom`ene de combustion. Les propri´et´es affect´ees `a ce concept sont des plus ´etranges puisqu'il s'agit d'une substance incolores, inodore, insipide, sans poids et qui dispara^it durant la combustion, il est donc difficile d'appliquer positivement ce concept `a aucun objet, son application se fait dans le cadre d'une explication scientifique, afin de rendre compte d'un ph´enom`ene mal compris en assignant toutes les propri´et´es inexplicables `a un ´el´ement nouveau. Les recherches chimiques s'´etant par la suite affin´ees, des auteurs tels que A. L. Lavoisier ou C. L. Berthollet ont montr´e que l'on pouvait se passer du concept obscure de phlogistique et expliquer le ph´enom`ene de combustion `a l'aide des concepts oxydation et r´eduction. Ainsi le concept phlogistique a perdu son extension, il ne d´esigne plus une substance mais un ph´enom`ene - on pourrait penser que le terme d´esigne ne 6.1 Raisons pour de changer de concept 185 fait l'oxyg`ene, mais toute combustion ne requi`ere pas n´ecessairement de l'oxyg`ene, l'hydrog`ene pouvant ´egalement faire l'affaire - et ses conditions d'usages puisqu'il s'agit en fait d'une conjonction de deux ph´enom`enes - l'oxydation et la r´eduction - ind´ependant l'un de l'autre. Le concept de phlogistique devient donc vide extensionnellement et intensionnellement, ce qui am`ene `a l'abandonner. ´Evidemment il est toujours possible de dire que le concept phlogistique garde toujours une extension et une pertinence d'usage, mais cela uniquement maintenant d'un point de vue historique - e.g. pour comprendre les travaux physique de la fin du XVIIe il faut supposer et comprendre que ce concept a une certaine pertinence. En un sens donc le concept n'est pas perdu, il est simplement si fortement amend´e qu'il est rel´egu´e aux archives et n'est plus utilis´e, et se voit remplac´e par d'autres concepts tels que oxydation et r´eduction. Il s'agit l`a donc d'un radical, pour ne pas parler tout simplement d'abandon - et d'extension et d'intension - du concept, parce que celui-ci a perdu toute pertinence d'usage. Si donc : (6.6) et que (6.7) tel que (6.8) et que (6.9) alors ou bien l'agent doit abandonner s'il pense que ¬ ou bien remplacer par s'il pense que . 186 Changement conceptuel 6.1.2 Deux concepts cor´ef´erentiels diff´erents entra^inent la r´evision ou l'abandon de l'un des deux au moins. Si un agent poss`ede les concepts et - par exemple Everest et Sagarmatha - et qu'il pense que , mais pense que et , alors l'agent tient et pour des concepts diff´erents, i.e. comme ayant des conditions d'usage ou des conditions d'applications diff´erentes. De fait deux concepts sont tenus pour ^etre diff´erents s'ils diff`erent dans leurs conditions d'usage, c'est-`a-dire que les raisons qui justifient l'usage de l'un ne justifient pas l'usage de l'autre, ce qui correspond `a la distinction entre les concepts propos´ee par Peacocke : Distinctness of Concepts : Concepts C and D are distinct if and only if there are two complete propositional contents that differ at most in that one contains C substituted in one or more places for D, and one of which is potentially informative while le other is not 1.[Peacocke, 1992, p. 2] Cela signifie donc que les deux concepts ne sont pas substituables l'un l'autre dans un jugement. `A la diff´erences des raisons, s'ajoute la diff´erence de r´ef´erence, il est possible - au moins th´eoriquement - d'imaginer que deux concepts et soient soutenues par les m^emes raisons mais qu'ils diff`erent de r´ef`erence, c'est-`a-dire que s'applique `a l'objet o1 alors que s'applique `a l'objet o2 mais que ne s'applique pas `a l'objet o2 et `a l'objet o1. En fait ce cas th´eorique est tr`es ´etrange, puisque les conditions d'application sont g´en´eralement donn´ees dans les raisons justifiant l'usage du concept - un agent justifiera son usage du concept dans son application `a o2 par le fait que l'objet en question poss`ede une certaine propri´et´e ou caract´eristique P et l'une des raisons d'usage de sp´ecifie que lorsque P est pr´esente dans un objet alors cet objet rel`eve de . La distinction extentionnelle de concepts co-intentionnels est d'autant plus ´etrange que - comme nous l'avons vu - le concept peut se r´eduire `a un terme d'abstraction `a la Takeuti, i.e. `a une 1 "La distinction des concepts : les concepts C et D sont distincts si et seulement si il y a deux contenus propositionnels complets qui diff`erent au plus dans le fait que l'un contient C substitu´e dans une ou plusieurs places pour D, et que l'un est potentiellement informatif alors que l'autre ne l'est pas.." 6.1 Raisons pour de changer de concept 187 fonction caract´eristique [Church, 1956, Prior, 2002] ne tenant pas compte de l'extension du concept. Si donc les concepts ne sont pas distingu´es sur leur fonction caract´eristique alors ces deux concepts sont les m^emes, et ils ne peuvent donc pas diff´erer quant `a leur extension. Prenez m^eme le cas d'une fonction caract´eristique qui concernerait la structure chimique d'un ´el´ement et en sp´ecifierait son agencement pour d´esigner un objet. Il se peut alors parfaitement que cette caract´eristique permet de d´esigner sans possibilit´e de les distinguer un diamant et un morceau de carbone de charbon de bois, alors m^eme que d'un agent distinguerait sans doute un diamant du charbon de bois. mais alors, il en ressort que la co-intentionalit´e qui conduit `a des extensions que l'agent consid´ererait comme diff´erentes, r´esulte en fait d'une insuffisance de sp´ecification intensionnelle. Il est probable par exemple que ce m^eme agent subsumerait sous le concept cailloux un diamant et un morceau de charbon, mais cela ne l'emp^echerait pas de pouvoir sp´ecifier les diff´erences extensionnelle qu'il fait entre les deux, par des raisons qui s'appliqueraient alors non plus au concept caillou mais aux concepts - qu'il tiendrait pour distincts - de diamant et carbonne, la diff´erence entre les deux ne serait peut ^etre pas la structure micro-chimique, mais la valeur sociale des objets d´esign´es par ces concepts. Ce qui signifie donc que si les extensions de deux concepts sont distingu´ees par un agent cognitif, leurs termes d'abstraction le sont aussi, et donc il n'est pas possible d'avoir deux termes strictement co-intensionnels avec des extensions diff´erenci´ees. Imaginons donc qu'un agent poss`ede deux concepts qu'il tient pour diff´erents selon leurs conditions d'utilisation et d'application. En d'absence de toute autre information, l'agent va utiliser le principe de r´ef´erence postul´ee, et comme selon lui les raisons qui justifient l'usage du premier concept - mettons Everest - sont diff´erentes que celles qui garantissent le second - mettons Sagarmatha - l'agent va postuler deux extensions diff´erentes pour ces deux concepts. L'agent peut par exemple penser que Everest et Sagarmatha d´esignent des montagnes et se dire, suivant la maxime de la redondance de la communication - en fait le rasoir d'Ockham - selon laquelle il est inutile de donner deux noms `a une m^eme chose sans justification raisonnable, qu'il doit s'agir de deux montagnes diff´erentes. Maintenant imaginons que cet agent planifie de gravir l'ensemble des 8000 de la plan`ete et pour cela compulse des cartes topographiques et 188 Changement conceptuel d´ecouvre en fait que ces deux concepts d´esignent en fait une seule et m^eme montagne, mais que son nom - et les propri´et´es qui lui sont conf´er´ees - change d'un versant `a l'autre. L'agent va probablement r´eviser ses concepts Everest et Sagarmatha (et peut-^etre ´egalement ceux Chomolungma et Qomolangma qui sont les autres noms donn´es au Mont Everest) en ajoutant dans les conditions d'usage et les raisons qui soutiennent ces deux concepts, le fait qu'ils soient co-extensionnels dans la mesure o`u ils r´ef`erent au m^eme objet dans le monde. Que ces concepts soient co-extensionnels ne signifie pas n´ecessairement qu'ils soient co-intensionnels, leurs conditions d'usage et m^eme d'application peuvent diff´erer. En effet le fait d'utiliser le terme `Everest' pour d´esigner la plus haut montagne de la plan`ete, implique que l'on utilise la d´esignation occidentale de cette montagne - cette montagne ayant ´et´e baptis´ee `Mont Everest' l'honneur du chef du Service g´eod´esique de l'Empire britannique des Indes. Si cette m^eme montagne est appel´ee `Chomolungma' par les tib´etains et que ce nom signifie "d´eesse-m`ere" dans cette langue, et si cette m^eme montagne est appel´ee `Sagarmatha' par les n´epalais et que ce nom signifie "d´eesse du ciel" dans cette langue, les concepts Everest, Chomolungma et Sagarmatha ne sont pas identiques intensionnellement. Un agent se tromperait pas exemple s'il disait que Everest signifie la d´eesse du ciel pour les n´epalais, et ce m^eme s'il est vrai que le Mont Everest en tant que c'est la montagne la plus haut de la plan`ete, d´esigne bien la d´eesse du ciel pour ce peuple. Une fois que l'agent apprend la co-extension de deux concepts, il peut ou bien d´ecider l'´eliminer l'un des concepts si les intensions de ces concepts s'av`erent - pour lui au moins - ^etre identiques : 1 2 (, ) 3 D e m^eme si les concepts sont co-intensionnels, l'agent - s'il se conforme au principe de rationalit´e PARC - devra ternir ces concepts comme iden- 6.1 Raisons pour de changer de concept 189 tiques : 1 2 3 4 , 5 , 6 S i l'agent consid´erait les concepts et comme diff´erents et vient ensuite `a les consid´erer comme ´etant identiques, i.e. co-extensionnels ou co-intensionnels, l'agent - s'il se conforme au principe de rationalit´e PARC - doit r´eviser ses concepts et en et incluant l'´equipotence entre ces concepts ou bien sur l'intension - et ont les m^emes conditions d'usage - ou bien sur l'extension - et ont les m^emes conditions d'application - ou bien sur les deux. Il est ´evident qu'un agent poss´edant les concepts - mettons Everest - et - mettons Sagarmatha - qu'il consid´ererait maintenant comme co-extensifs, ne devrait pas n´ecessairement abandonner l'un des deux. Cet agent peut toujours penser que ces deux concepts diff`erent intensionnellement - que l'un est pertinent dans un contexte de discussion sur les croyances n´epalaises alors que l'autre l'est moins ou pas du tout. Ces concepts seront trait´es par cet agent comme synonymes et substituables l'un l'autre d'un point de vue extensionnel mais pas n´ecessairement du point de vue intensionnel. Il n'emp^eche qu'une fois la co-extension apprise par l'agent, ses concepts sont r´evis´es pour l'introduire dans les raisons qui les justifient : le concept support´e par les raisons , deviendra : := (6.10) Si l'agent consid`ere en fait que les raisons pour soutenir et sont en fait les m^emes - i.e. qu'il n'y a aucune diff´erence intensionnelle entre ces deux concepts - et que et sont co-extensifs, alors l'agent, par respect du rasoir d'Ockham - abandonnera l'un des concepts au profit de l'autre, ce 190 Changement conceptuel qui revient `a r´eduire l'un de ces concept `a l'autre, sorte de r´evision radicale du concept qui s'apparente au premier cas de r´evision. 6.1.3 L'affaiblissement ou le renforcement des raisons garantissant l'usage du concept entra^ine la r´evision de celuici Une troisi`eme raison amenant un agent `a r´eviser un de ses concepts est l'affaiblissement des conditions d'utilisations de celui-ci. Imaginons un agent apprenant le concept dahu - concept dont il ignorait tout jusqu'alors - de la part de quelqu'un qu'il croit digne de confiance, i.e. auquel il d´ef`ere pour l'usage de ce terme. Imaginons que cet agent cr´edule croit que dahu d´esigne r´eellement un animal dans le monde, puisque rien ne lui a ´et´e dit sur l'existence ou la non existence de ces animaux et qu'il en d´eduit charitablement, que ce dont on parle sans en mentionner explicitement la non-existence, existe. Quelque temps apr`es, cet agent apprend qu'il a ´et´e l'objet d'une farce et qu'en fait les dahus n'existent pas. L'agent va r´eviser son concept de dahu en ajoutant la restriction, dans les raisons justifiant son usage, en sp´ecifiant que le concept dahu s'applique aux objets ayant les caract´eristiques P plus la particularit´e de ne pas exister dans le monde. (6.11) sera affaibli en : (6.12) Cette r´evision peut avoir de s´erieuses cons´equences sur le concept . D'une part son extension peut-^etre consid´erablement r´evis´ee, si l'agent pensait qu'un animal jusque-l`a inconnu de lui et observ´e en zone montagneuse ´etait tenu par lui pour ^etre un dahu, l'agent, une fois qu'il aura appris la non-existence des dahus dans le monde de l'exp´erience - par cons´equent dans la r´egion de montagne o`u il a vu le chamois qu'il prenait pour un dahu - revoir a posteriori l'application de ce concept `a cet objet. L'extension devra ^etre chang´ee si le nouvel indice qui affaiblit les raisons justifiant l'usage du concept est maintenant contradictoire avec la r´ef´erence postul´ee pour le concept par l'agent. 6.1 Raisons pour de changer de concept 191 1 2 3 U ne version radicale de l'affaire serait que le nouvel indice contredise l'ensemble des raisons qui soutiennent le concept, et donc am`eneraient `a abandonner compl`etement celui-ci : 1 2 ¬ 3 ¬ ¬4 De mani`ere sym´etrique, le renforcement des raisons entra^ine une r´evision du concept : 1 2 +3 S i est l'ensemble des raisons qui permettent de d´eriver le concept et si la contraction de avec permet de d´eriver `a la fois le concept et le concept qui n'est autre que + , alors le concept doit ^etre r´evis´e pour lui ajouter dans ses caract´eristiques. L'affaiblissement des raisons provoque en fait l'´elargissement de l'extension - de l'application - du concept. Un agent peut par exemple croire pour une raison ou une autre que les cygnes sont blancs et apprendre qu'il existe des cygnes noirs, et modifier les conditions d'usage du concept en enlevant la sp´ecification de la couleur pour 192 Changement conceptuel l'application du concept cygne `a un objet. L'´elimination d'une contraire dans la caract´erisation de l'objet pour lui assigner un concept a pour effet de renforcer les caract´eristiques du concept qui d´eterminent son application. Ce renforcement ´elargi le champ d'application du concept et donc son extension. 6.1.4 La modification de l'extension du concept modifie celui-ci Parall`element `a la modification intensionnelle, l'extension du concept peut conduire `a sa r´evision : un nouveau objet dans le monde auquel s'applique un concept peut entra^iner la modification de ses caract´eristiques. Imaginons qu'un agent poss`ede le concept l'actuel pr´esident de l'Ukraine et qu'il pense, pour une raison ou une autre que ce concept ne peut s'appliquer `a un et un seul objet. Imaginons maintenant qu'`a la suite d'´elections pas tout-`a-fait transparentes, deux candidats diff´erents revendiquent le statut de pr´esident de l'Ukraine. La r´ef´erence du concept l'actuel pr´esident de l'Ukraine s'en voit boulevers´ee, puisqu'alors qu'elle ne comprenait par d´efinition qu'un seul objet, voil`a qu'elle d´esigne deux objets dans le m^eme monde. L'agent peut d´ecider de changer son concept l'actuel pr´esident de l'Ukraine en changeant ses conditions d'application - et le cas revient au cas pr´ec´edent - et dire qu'en fait ce concept n'est pas une description d´efinie mais que plusieurs objets peuvent la v´erifier en m^eme temps, ou bien il peut d´ecider que l'extension doit a tout prix ^etre pr´eserv´ee comme unique et affaiblir son application et distinguant maintenant deux concepts : l'actuel pr´esident d´emocratiquement ´elu de l'Ukraine et l'actuel pr´esident non d´emocratiquement ´elu de l'Ukraine, chacun deux ´etant une description d´efinie et s'appliquant `a l'un des deux objets du monde. Le cas peut se pr´esenter sous la forme d'un changement d'extension sans changement intensionnel. Par exemple, lorsqu'il a ´et´e d´ecouvert que les baleines n'´etaient pas des poissons mais des mammif`eres, l'extension des concepts poisson et mammif`ere s'en est trouv´ee modifi´ee (par exemple le mammif`ere le plus gros n'´etait plus l'´el´ephant d'Afrique mais la baleine bleue). L'intension des concepts poisson et mammif`ere ne change pas, seule la description des objets du monde qui change, c'est-`a-dire l'application de ces concepts `a l'environnement. 6.1 Raisons pour de changer de concept 193 1 2 ¬ 3 o `u correspond `a -. Mais ce type de changement est tr`es ´etrange. En effet, l'hypoth`ese de la pr´edominance de l'intension contredit le fait qu'il puisse y avoir un changement au niveau de l'extension qui n'ait aucune r´epercussion au niveau intensionnel, `a moins qu'il ne s'agisse pas d'un changement de concept en tant que tel, mais simplement un enrichissement de l'environnement d'´el´ements d´ej`a cat´egoris´es par ailleurs. En somme rien de change dans la repr´esentation conceptuelle de l'environnement. Le cas extr^eme de changement extensionnel qui aurait des r´epercussions au niveau intensionnel serait celui d'un ensemble vide qui viendrait `a comprendre maintenant un ´el´ement. Mais ce changement ne serait pas qu'extensionnel, puisqu'il impliquerait que la propri´et´e "s'appliquer `a quelque chose" ou pour le dire de mani`ere plus radicale, le fait d'"exister" viendrait `a appara^itre dans la fonction caract´eristique du concept. Cependant, comme par le principe de r´ef´erence postul´ee (cognitive ou canonique) tout concept poss`ede une r´ef´erence au moins id´eale, par essence, aucun concept n'est vide. La notion de "concept vide" est donc contradictoire. De fait ce type de changement purement extensionnel n'est pas possible. Par cons´equence, l'affirmation selon laquelle l'intension ne change pas, seule la description change dans ce cas l`a est mise `a mal, et aucune description ne peut changer sans impliquer une modification au niveau intensionnel. 6.1.5 Toute suspicion sur l'usage ou l'application du concept doit conduire `a sa r´evision Tout indice - extensionnel ou intensionnel - soulevant le doute sur l'application ou l'usage d'un concept doit entra^iner la r´evision de celui-ci ou au moins la suspension de son utilisation par l'agent. En fait il ne s'agit pas tant ici d'une r´evision `a proprement parler que du respect d'une certaine mesure d'utilisation du concept. Imaginons qu'un agent poss`ede un concept et qu'il pense l'utiliser `a bon escient mais que plus il apprend des choses `a son propos, moins il sait exactement quelles sont exactement ses 194 Changement conceptuel conditions d'utilisation et d'application - cela peut ^etre le cas de concepts m´etaphysiques par exemple. L'agent, s'il veut se conformer au principe de rationalit´e devrait se m´efier de ce concept et ´eviter de l'utiliser tant qu'il n'est pas absolument certain de pouvoir le faire de mani`ere appropri´ee puisqu'en d´efinitive il est difficile de dire `a quoi s'applique r´eellement le concept - quelle est son extension - et m^eme quelles sont les justifications de son usage. L'agent devrait donc, pour se conformer au principe de rationalit´e amender ce concept du fait qu'il est un concept incertain et obscur, et essayer ou bien de le remplacer par des concepts plus assur´es, pr´ecis et d´etermin´es ou bien essayer de d´eterminer, si cela est possible, de mani`ere plus pr´ecise se concept en r´evisant son extension ou son intension. Ce type de r´evision se ram`ene donc aux cas pr´ec´edents. Sa particularit´e est peut ^etre que contrairement au cas pr´ec´edents il met l'accent sur l'usage pragmatique du concept. L'agent ne doit pas utiliser ses concepts n'importe comment. Si le concept est une entit´e mentale qui permet `a l'agent qui le poss`ede de repr´esenter son environnement, cela signifie que le concept doit avoir un r^ole et une utilit´e "av´er´es" dans cette repr´esentation. Si cette repr´esentation est inutilisable par l'agent parce qu'il est incapable de savoir et de comprendre ce que ce concept repr´esente r´eellement, le bon sens de la raison voudrait que l'agent abandonne ce concept en l'´etat, car finalement il ne fait que surcharger l'espace cognitif de l'agent sans y apporter de contribution positive. Rien ´evidemment n'oblige ni structurellement - i.e. les r`egles d'inf´erences du concept `a partir de ses justifications - ni du point de vue contenu - l'extension et les r`egles d'application du concept - l'agent `a abandonner ou r´eviser ce concept. Ici il s'agit plut^ot d'une r`egle de conduite du bon usage du concept et de l'espace cognitif, en somme il s'agit d'appliquer le rasoir d'Ockham au entit´es mentales et ´eviter de les multiplier `a l'exc`es plus qu'il n'est besoin. L'agent devrait laisser de c^ot´e les concepts qui lui paraissent obscures et dont l'usage, la fonction et l'utilit´e lui sont douteuse ou insaisissable, ou bien il devrait les r´eviser jusqu'`a que le doute ne les entoure plus. Mais il s'agit l`a d'un principe quasi ´ethique de l'usage du concept, et m^eme si est souhaitable d'exiger que l'agent se conforme au principe de rationalit´e, rien ne peut le forcer `a la servitude rationnelle. 6.2 R´equisits d'un changement de concept 195 6.2 R´equisits d'un changement de concept L'agent cognitif peut changer de concept pour les diff´erentes raisons ´enonc´ees dans la section pr´ec´edente. Un agent cognitif se pliant au principe d'agent cognitif rationnel (PACR) B3( ai C) changera son concept si celui-ci est en d´esaccord avec le concept canonique et ne permet pas d'´etablir une communication avec un autre agent. Si l'agent pense que son concept est en d´esaccord avec le concept canonique, et s'il pense qu'un expert le corrige ou bien que les informations qui lui sont donn´ees lui permettent de r´eviser son concept alors il est attendu de cet agent qu'il r´evise son concept. Cette attente est une contrainte sur l'usage que l'agent fait de ses concepts, l'agent s'y plie uniquement s'il veut jouer le jeu de la communication. Cette r´evision est donc normative et se fonde sur l'usage social des concepts. Cela ne signifie pas que tout concept doit n´ecessairement ^etre social et partag´e, mais simplement que le jeu de la communication et du partage des repr´esentations du monde suppose un terrain d'entente suppos´ee. Si un agent s'accroche `a ses concepts sans jamais vouloir les r´eviser et que ceux-ci sont en conflit avec les concepts canoniques leur correspondant, il est fort `a parier que cet agent sera mis en marge de la soci´et´e comme excentrique ou fou. L'agent est libre de cet usage priv´e des concepts, et ses concepts restent bien des concepts au sens d´efini ici, i.e. des entit´es mentales qui permettent `a l'agent qui les poss`ede de repr´esenter son environnement pour le comprendre ou agir dessus. Seulement cet agent vivra dans `son' monde sans tenir compte - et donc - sans reconna^itre les autres agents et leurs concepts. Donc cet agent repr´esentera bien le monde, mais sera jug´e autiste et asocial. Ce point est int´eressant `a soulever, puisqu'il signifie que le principe de publicit´e, invoqu´e pour la justification de la structure holistique et ´epist´emique du concept, n'est peut ^etre pas n´ecessaire. Il est possible de penser une version purement priv´ee du concept et de rattraper le ph´enom`ene social - le fait que les agents communiquent et se comprennent lorsqu'ils partagent des repr´esentations du monde - par un ph´enom`ene purement ´evolutionnaire. Les concepts pourraient ^etre des entit´es mentales d´ependantes de l'´evolution de l'esp`ece humaine - au moins - entit´es qui repr´esenteraient l'environnement de 196 Changement conceptuel mani`ere purement t´el´eos´emantique, en ce sens le concept serait purement inn´e [Fodor, 1998] et le contenu et l'usage du concept ne d´ependrait ni des actions, des attentes, de la construction du monde par l'agent, mais celles-ci d´ependraient uniquement des concepts dont disposerait l'agent, et si deux agents parviennent `a communiquer et `a s'entendre sur la mani`ere dont ils repr´esentent et comprennent le monde cela serait d^u au fait qu'ils appartiennent tous deux `a la m^eme esp`ece au m^eme stade de l'´evolution et donc partage le m^eme appareillage cognitif et donc les m^emes concepts. Et comme les concepts repr´esentent ce qu'ils repr´esentent ind´ependamment de leur porteur, tous les agents repr´esentent le monde de la m^eme mani`ere. Cela suppose que les concepts soient ´ecrit dans un langage commun `a l'ensemble des agents de la m^eme esp`ece partageant le m^eme espace cognitif. Ce language est le langage de la pens´ee, le mentalais [Fodor, 1974]. Le probl`eme avec cette approche est qu'elle ne permet pas d'expliquer l'erreur d'usage ou d'application du concept par un agent. En effet, si la repr´esentation du concept ne d´epend pas, en aucun sens de l'histoire de l'agent, alors un agent ne se trompe jamais lorsqu'il utilise un concept pour repr´esenter quelque chose. Car ou bien ce concept ne s'applique pas `a cet objet mais alors l'agent ne peut pas le savoir, ou bien l'agent sait `a quoi le concept s'applique et l'applique volontairement `a mauvais escient mais alors cela signifie que l'agent peut d'abord se repr´esenter la chose par le concept appropri´e et ensuite choisir un concept non appropri´e pour en parler, mais il ne s'agit plus alors d'application ou d'usage de concept, mais de l'´elaboration d'un jugement ´epist´emique de tr`es haut niveau. En somme l'agent ne se trompe pas mais ment - "se trompe intentionnellement" - ce qui n'est pas tout `a fait la m^eme chose. Or l'int´er^et dans la possession d'un concept est d'expliquer comme un agent peut changer, au cours de son histoire, de repr´esentation du monde et donc de concept. Il y a des concepts que poss`ede un agent cognitif qu'il est difficile de lui attribuer de mani`ere inn´ee. Le concept connextion Bluetooth par exemple est certainement un concept que je ne poss´edais pas il y a quelques ann´ees encore. ´Evidemment reste la strat´egie de dire que ce concept est en fait rien d'autre qu'un compos´e de concepts que je poss´edait d´ej`a. Certes, mais alors ou bien tous les concepts se r´eduisent `a un certain nombre de 6.2 R´equisits d'un changement de concept 197 concepts primitifs acquis de mani`ere inn´ee ou bien certains concepts non primitifs contiennent de l'information qui n'est pas r´eductible `a la conjonction de concepts primitifs. Dans le premier cas le seul apprentissage envisageable est l'apprentissage de liaisons entre concepts. Cette liaison n'apportant rien de nouveau puisque l'ensemble de ses compostants sont d´ej`a connus et ma^itris´es par l'agent. Quand `a la liaison elle m^eme elle provient du langage de la pens´ee et donc est elle-m^eme d´ej`a poss´ed´ee par l'agent. Dans ce cas, un nouvel ´el´ement du monde produit par l'esp`ece `a laquelle appartient l'agent sera sans doute r´eduit sans trop de probl`eme `a une repr´esentation issu de concepts primitifs inn´es. Par exemple une connexion Bluetooth sera simplement "une connexion `a distance par ondes entre deux appareils", i.e. le concept connexion Bluetooth se r´eduira au concept complexe - i.e. compos´e de concepts simples agenc´es entre eux par des connecteurs mentaux - connexion `a distance par ondes entre deux appareils, et si certains de ces concepts ne sont pas inn´es, alors ils seront remplac´es par le concept complexe compos´e de concepts primitifs. Mais qu'en est-il si un nouvel objet appara^it dans l'environnement de l'agent sans que son apparition provienne d'aucune construction de la part de l'esp`ece `a laquelle appartient ? Par exemple qu'en est-dit des premiers contacts avec ornithorynques ? Jusqu'en 1798 l'agencement et la classification des ^etres vivants dans la nature semblait relativement stable et ´etablie et voil`a qu'appara^it un mammif`ere ovipare - un animal qui pond des oeufs et allaite ses petits - animal qui bouleverse compl`etement la repr´esentation des animaux. Qu'est-ce qu'un agent cognitif doit faire face a un tel animal ? Bien s^ur il est possible de penser qu'un tel animal ´etait imaginable avant m^eme sa rencontre - les agents cognitifs vivants avant 1798 poss´edaient le concept d'ovipare et de mammif`ere et rien ne les emp^echaient d'imaginer un monstre r´epondant `a la conjonction des deux. Mais il y a une diff´erence entre postuler une r´ef´erence (PRP) et confronter cette r´ef´erence `a un objet existant du monde, i.e. appliquer le concept. Il n'est pas tr`es difficile de croire que les concepts mammif`ere et ovipare aient ´et´e modifi´es apr`es 1798. Alors qu'ils ´etaient suppos´es ^etre exclusifs, voil`a qu'ils ne l'´etaient plus. Cela change leurs conditions d'usage et leurs applications, i.e. leurs intensions et leurs extensions. Peut-^etre que le partisan de l'inn´eisme dira qu'en fait les concepts complexes peuvent ^etre modifi´es parce qu'en fait ce ne sont pas vraiment des concepts, seuls les concepts primitifs et inn´es eux ne 198 Changement conceptuel changent pas. Certes mais alors cela signifie que les concepts mammif`ere et ovipare ne sont pas primitifs et que les combinaisons de concepts primitifs qui les composent ne sont pas bonnes, bien que leurs composants le soient. Mais cela signifie bien tout de m^eme que ces composants inn´es ont ´et´e mal utilis´es et mal appliqu´es pour que les compos´es en collent pas `a la r´ealit´e. D'une mani`ere ou d'une autre donc il faut pouvoir rendre compte du fait qu'une erreur est possible. Or si l'agent n'est pas `a l'origine, d'une mani`ere ou d'une autre de son application et de son usage du concept alors il n'est pas possible de rendre compte de l'erreur. Si Paul dit que l'oiseau qui est perch´e dans l'arbre en face est un freux alors qu'en fait il s'agit d'un chouca, Paul se trompe. Il per¸coit un oiseau mais l'identifie mal. Le fait que Paul per¸coive un oiseau avec telle et telle propri´et´e - la taille, la couleur, etc. - c'est-`a-dire qu'il discrimine un objet du monde parmi d'autres objets du monde - l'oiseau de l'arbre - ne rel`eve pas du concept, i.e. ni de son usage ni de son application, mais de l'appareillage perceptif de Paul, i.e. du niveau non-conceptuel. Le fait qu'il discrimine un objet et qu'il pense que cet objet est un freux, rel`eve de la description, de la repr´esentation que fait Paul de l'objet discrimin´e, i.e. Paul identifie l'objet en question comme ´etant un freux, i.e. il pense que le descripteur "freux" correspond `a l'objet en question. Le descripteur "freux" correspond `a un certain ensemble d'objet et pas aux objets qui n'appartiennent pas `a cet ensemble du fait de certaines propri´et´es que les objets doivent poss´eder afin de faire parti de cet ensemble. Paul peut ne pas conna^itre l'ensemble des propri´et´es qu'un objet doit avoir pour ^etre un chouca mais ne pas ^etre un freux, et cette ignorance est responsable du fait qu'il applique le terme `freux' `a ce qui est en fait est un chouca. Et l'usage du terme `freux' d´epend de ce que Paul croit que ce terme d´esigne, repr´esente dans le monde, i.e. du concept freux. Un ornithologue pourra corriger Paul et lui dire qu'en fait l'oiseau perch´e dans l'arbre n'est pas un freux mais un chouca et lui dire pourquoi. Cette explication permettra `a Paul de modifier son concept freux et d'enrichire, voire m^eme d'apprendre, le concept chouca. L'application et l'usage du concept chouca ne requiert pas n´ecessairement de concepts primitifs. L'ornithologue peut simplement montrer un objet dans le monde et le d´esigner comme ´etant un chouca et sur cette base Paul enrichira son espace conceptuel du concept chouca. On pourra tr`es bien dire qu'en fait Paul comprendre qu'un chouca est un oiseau parce que l'objet d´esign´e est 6.2 R´equisits d'un changement de concept 199 un oiseau. Certes, mais Paul pourrait tr`es bien apprendre le concept oiseau de la sorte. L'ostension n'est qu'une mani`ere d'apprendre un concept. Paul pourrait tr`es bien apprendre le concept chouca dans un cours de biologie sans aucun exemplaire `a l'appui, mais uniquement par comparaison par exemple avec ce que sont un freux et une corneille, i.e. n'apprendre que les propri´et´es que doit avoir un objet pour ^etre un chouca sans ^etre ni un freux ni une corneille ni autre chose. L'empirisme n'est donc pas la seule alternative `a l'inn´eisme. La seule chose qu'il est important de souligner ici est qui la discrimination - i.e. la perception et l'individuation de propri´et´es qui font qu'un objet est ce qu'il est - ne d´epend pas du niveau conceptuel - i.e. de l'usage et de l'application d'un concept - mais du niveau non-conceptuel. Que ce niveau d´epend en parti ou compl`etement d'un appareillage inn´e est une chose, sa repr´esentation au niveau conceptuel en est une autre. 6.2.1 Les concepts d'un agent doivent ^etre consistants L'agent qui change de concept doit respecter un principe de consistance. En effet, pour ^etre tenu pour rationnel, un agent ne doit pas entretenir de concepts contradictoires et incoh´erents. L'incoh´erence et l'inconsistance au niveau conceptuel peut se situer ou bien dans les conditions d'usage du concept ou bien dans ses conditions d'application. Au niveau de l'usage, cela signifie que les m^emes raisons soutiennent deux concepts diff´erents et mutuellement incompatibles. ai ¬ ai Un agent poss´edant ces deux concepts simultan´ement dans son espace cognitif violera le principe de consistance, puisque'`a partir des ces deux concepts il pourra d´eriver n'importe quoi : ¬ ai (6.13) Il est ´evident qu'avec un concept de ce genre, l'agent peut tout repr´esenter et n'importe quoi, un objet relevant et ne relevant pas en m^eme temps de ce concept. Un tel agent ne pourrait pas rendre compte de l'usage de son concept puisque les raisons qu'il donnerait seraient les m^emes que 200 Changement conceptuel celles qu'il donnerait pour soutenir le non usage de ce concept dans cette situation. Pour ^etre rationnel, un agent doit ^etre consistant. Au niveau conceptuel cette consistance s'exprime par la coh´erence des concepts poss´ed´es par un agent. Le premier r´equisit de la possession d'un concept est donc le respect du principe de consistance principe de consistance (PC) : (PC) L'ensemble des concepts poss´ed´es par un agent doit ^etre coh´erent. Cela signifie qu'un agent ne doit pas poss´eder deux concepts coextensionnels ou co-intensionnels contradictoires. 6.2.2 Les concepts d'un agent doivent ^etre clos inf´erentiellement Si un agent poss`ede les raisons telles que de ces raisons, le concept peut ^etre inf´er´e, alors l'agent doit poss´eder le concept . L'agent doit se conformer au principe normatif de cl^oture inf´erentielle du concept (PNCI) : (PNCI) ai ai Ce principe est normatif. Il est demand´e `a ce que l'agent le respect, c'est- `a-dire que lorsqu'il poss`ede tout ce qui est requis pour poss´eder un concept, que cet agent poss`ede ce concept, i.e. qu'il inf`ere ce concept des raisons qui le justifie et que l'agent poss`ede. ´Evidemment un agent peut refuser d'inf´erer un concept, et nul ne peut l'en emp^echer. Mais un tel agent sera consid´er´e comme ´etant de mauvaise foi, puisqu'il ne fera pas ce qui est en pouvoir de faire. Toutefois ce principe ne requi`ere pas que l'agent sache n´ecessairement tout ce qui peut s'inf´erer d'un ensemble de raison. Il n'est pas demand´e `a l'agent d'^etre omniscient. En effet sinon l'agent devrait conna^itre par exemple l'ensemble des tautologies logiques et ^etre en mesure de les inf´erer de toute raison consistante. Ce qui est demand´e `a l'agent est de respecter le principe de pertinence selon lequel l'agent doit utiliser le concept le plus appropri´e pour repr´esenter ce qu'il cherche a repr´esenter, et de poss´eder le concept le plus appropri´e, selon l'agent - qui peut ^etre inf´er´e `a partir des raisons poss´ed´ees par l'agent en question. Ce principe est n´ecessaire pour penser que l'agent se conforme au principe de rationnalit´e cognitive PARC. En effet, pour qu'un agent puisse ac- 6.2 R´equisits d'un changement de concept 201 cepter que ses concepts puissent diff´erer des concepts canoniques, il faut que l'agent poss`ede des concepts. Or si un concept est une entit´e mentale qui repr´esente et qui poss`ede des condition d'usage et l'application, il faut que l'agent accepte ces conditions. Si l'agent poss`ede les conditions en question mais ne reconna^it qu'elles puissent servir `a justifier l'usage et l'application d'un concept, l'agent ne peut accepter que son concept puisse diff´erer de celui des autres, puisqu'il ne reconna^it pas avoir le concept. Au moins minimalement - dans les limites des raisons poss´ed´ees par l'agent et des contextes o`u se trouve l'agent, i.e. les situation d'application - l'agent doit inf´erer les concepts pertinents des raisons qu'il poss`ede. La raison d'^etre du principe de cl^oture inf´erentielle du concept, principe qui peut para^itre trop fort r´eside dans le fait qu'il permet d'´enoncer les principes de remises en cause positives et n´egatives. 6.2.3 Principe de remise en cause positive Le principe de remise en cause positive (Principe of Positive Undermining), ´enonc´e par Harman [1986] affirme qu'un agent devrait cesser de penser lorsque cet agent pense de mani`ere positive que l'une ou plusieurs des raisons qu'il poss`ede pour croire ne sont pas bonnes. One should stop believing whenever one positively believes one's reason for believing are not good 2.[Harman, 1986, p. 39]. Ce principe, Harman l'´enonc´e pour les croyances. Mais dans la th´eorie inf´erentialiste des concepts telle qu'elle est d´evelopp´ee ici, ce principe d'applique ´egalement. Si un agent poss`ede le concept d'apr`es la justification et qu'en m^eme temps il pense ou bien que ou bien que , alors l'agent ne devrait plus accepter le concept et le r´eviser. D'une mani`ere positive, cela signifie qu'un agent doit penser que les justifications qui soutiennent ses concepts sont de bonnes justifications, c'est- `a-dire sont fiables, vraies et utiles. L`a encore il s'agit d'un principe normatifs, puisque l'agent peut ^etre de mauvaise foi et continuer `a utiliser un concept en sachant pertinemment que ce concept n'est pas justifier tel qu'il devrait 2 " Quelqu'un devrait arr^eter de croire `a partir du moment o`u il croit posititivement que l'une des raisons pour croire n'est pas bonne." 202 Changement conceptuel l'^etre. L'une des cons´equence du non respect de ce principe et qu'un agent sachant pertinemment que son concept n'est pas en accord avec le concept cannonique correspondant continue tout de m^eme `a utiliser son concept sans vouloir le r´eviser. 6.2.4 Principe de remise en cause n´egative Sym´etrique au principe pr´ec´edent, et toujours en suivant Harman, le principe de remise en cause n´egative (Principle of Negative Undermining) affirme qu'un agent devrait cesser de penser lorsqu'il n'associe pas `a une justification appropri´ee. One should stop believing whenever one does not associate one's belief in with an adequate justification (either intrinsic or extrinsic) 3.[Harman, 1986, p. 39]. Appliqu´e au concept cela signifie qu'un agent ne devait pas utiliser ou appliquer un concept pour lequel il n'a pas de justification - ni bonne, mauvaise - ou bien qu'il utilise un concept sur la base d'une raison qu'il ne pense pas correspondre `a ce concept. Ce principe peut se comprendre de deux mani`eres. Dans l'une de ses versions il correspond au principe pr´ec´edent. L'agent poss`ede une raison qui justifie le concept qu'il utilise mais cet agent sait que cette raison n'est pas bonne pour soutenir ce concept. Une autre version serait de dire que l'agent ne poss`ede pas de raison justifiant de son usage et de son application du concept. Soit qu'il n'a absolument aucune raison et donc utilise le concept sans suivre aucune r`egle d'inf´erence ou d'application, soit qu'il ne sait pas si les raisons qu'ils utilisent sont bonnes ou pas, i.e. justifient bien ce concept ou non. Dans les deux cas, l'agent devrait au moins suspendre son jugement et r´eviser son concept en cons´equence ou bien au plus rejeter ce concept. Quoi qu'il en soit si l'agent n'est pas capable de dire pourquoi il utilise son concept de la mani`ere dont il le fait, l'agent peut en ^etre bl^am´e, et il lui est demand´e de r´eviser son concept. 3 "Quelqu'un devrait arr^eter de croire `a partir du moment o`u il n'associe pas une des croyances dans avec une justification ad´equate (qu'elle soit intrins`eque ou extrins`eque)." 6.2 R´equisits d'un changement de concept 203 De mani`ere positive, ce principe stipule qu'un agent doit toujours ^etre en mesure de donner les raisons qui justifient - selon lui - l'usage et l'application qu'il fait de ses concepts. 6.2.5 Principe de pr´ef´erence dans le changement Tous les concepts ne se valent pas dans l'espace conceptuel d'un agent. Les concepts dont l'agent est certain de leur usage et de leur application - i.e. l'agent croit que les raisons qui justifient ce concept sont bonnes et fiables de telle sorte qu'il est capable d'affirmer ou de nier l'usage et l'application de ce concept dans toutes ou presque les situations - n'ont pas le m^eme poids dans l'espace cognitif de l'agent que les concepts pour lesquels il n'est pas certains des les raisons qu'il donne sont bonnes et assur´ees, si bien qu'il pr´ef`ere suspendre son jugement. La r´evision des concepts doit se faire suivant l'ordre d'assurance que l'agent a dans ses concepts. La structure holistique des concepts suppose que l'agent a la possibilit´e de changer un concept plut^ot qu'un autre pour pr´eserver la consistance de ses repr´esentations compte tenu de l'environnement. Par exemple, une fois confront´e `a l'ornithorynque, le biologiste peut choisir ou bien de refondre compl`etement sa classification des ^etres vivants ou bien de rajouter une case d´edi´ee `a l'ornithorynque dans sa classification et en ajoutant simplement les modifications. Le principe de pr´ef´erence dans le changement (PPC) dit simplement que l'agent doit pr´ef´erer changer d'abord les concepts dont il est le moins s^ur de leurs conditions d'usage et d'application et seulement ensuite et en cas de besoin, les concepts qu'il tient pour assur´es et certains. (PPC) Doivent ^etre r´evis´e de pr´ef´erence les concepts jug´es les moins importants ou les moins assur´es par l'agent qui les poss`ede. Cela signifie entre autre que l'agent ne doit pas changer de concept `a la l´eg`ere, mais confronter le concept d´efaillant ou le probl`eme soulev´e par une impossibilit´e de repr´esenter convenablement et ad´equatement l'environnement, `a l'ensemble des repr´esentations et des concepts qu'il poss`ede. Et cela non seulement pour pr´eserver la consistance de son espace cognitif, 204 Changement conceptuel mais ´egalement pour pr´eserver l'usage qu'il fait de ses repr´esentations. Si les concepts permettent `a l'agent de repr´esenter son environnement afin de former des croyances, des connaissances, des d´esirs, des actions sur lui, l'agent doit tenter au maximun de pr´eserver des croyances, connaissances, d´esirs et plans d'action, afin de rester coh´erent avec lui m^eme et son histoire. Sinon l'agent sera jug´e incons´equent et inconsistant `a changer d'avis et de repr´esentation du monde `a tout bout de champs. De ce principe de pr´ef´erence dans le changement d´ecoule le fait que l'agent doit pr´ef´erer r´eviser le moins possible ses concepts i.e. le faire dans la mesure du n´ecessaire. 6.2.6 Principe de minimalisation dans le changement Le principe de minimalisation dans le changement (PMC) dit qu'en plus du fait que l'agent doit pr´ef´erer r´eviser les concepts les moins assur´es selon lui, il doit tenter de r´eviser le concept uniquement dans la mesure o`u celui-ci peut rester consistant avec les autres repr´esentations de l'agent. (PMC) Le changement - dans l'intension ou l'extension - dans la r´evision du concept ne doit pas exc´eder le n´ecessaire. Et ce dans l'hypoth`ese que l'agent est rationnel c'est-`a-dire qu'il entend pr´eserver au maximun son syst`eme de repr´esentation et de compr´ehension du monde. Un agent qui changerait plus que de mesure un concept serait jug´e comme n'apportant pas d'importance `a ce concept. Or si le concept est une entit´e mentale qui repr´esente l'environnement pour l'agent qui la poss`ede, si un agent ne tient pas compte d'un concept ou le juge sans importance au point d'accepter de le passer par dessus bord `a la moindre occasion, ou bien cela signifie que ce concept n'est pas jug´e ^etre un bon concept par l'agent et alors celui-ci aurait d´ej`a d^u le r´eviser auparavant, ou bien cela signifie que l'agent n'accorde par d'importance `a sa mani`ere de repr´esenter son environnement, et donc ses actions, d´esirs, connaissances et croyances passeront pour franchement douteuses. 6.2 R´equisits d'un changement de concept 205 Un agent rationnel doit accepter de changer de concepts lorsqu'il le faut, mais il est suppos´e ne pas aimer faire cela, et ne changer de concept qu'en dernier recours et avec parcimonie. Puisqu'en changeant de concept il change - m^eme si ce n'est qu'un peu - de repr´esentation de son environnement, i.e. sa vision du monde, et finalement il change de monde, ce qui n'est pas une mince affaire. 6.2.7 Principe de correspondance cat´egorielle Le principe de correspondance cat´egorielle (Principle of Categorical Mataching (PCM)), d´evelopp´e pour la r´evision des croyances, est formul´e de la sorte par Rott, p. 44 : (PCM) The representation of a belief state after a belief change has taken place should be of the same format as the representation of the belief state before the change 4. Ce principe exprime le fait qu'une croyance doit avoir le m^eme format avant et apr`es le changement. Ce principe est sans doute trop fort, `a moins d'une certaine lib´eralit´e sur le format. En fait il suffit que la nouvelle croyance - la croyance r´evis´ee - puisse ^etre substitu´ee pour l'ensemble des occurrences pertinentes de la croyance qu'elle remplace except´e pour les contextes qui ont conduit `a la r´evision. Donc au lieu d'une correspondance exacte de cat´egorie - cat´egorie est ici a comprendre en tant qu'elle s'applique `a un langage de la pens´ee - une substitution de l'ancienne croyance par la nouvelle est suffisant. Dans le cadre inf´erentiel de la th´eorie propos´ee ici, la correspondance se comprend en terme de type. Ce principe vaut ´egalement pour les concepts. Un concept r´evis´e doit pouvoir rendre compte des occurrences qui restent pertinentes du concept qu'il remplace. C'est-`a-dire que si le concept est r´evis´e en le concept , alors doit pouvoir rendre compte de l'ensemble des usages et des applications de mois les occurrences auxquelles ne s'applique plus du fait de dans l'environnement. Ce principe est ´evident et raisonne comme une lapalissade. Si le concept r´evis´e ne permet pas de retrouver les usages et les applications du concept 4 "(PCM) La repr´esentation d'un ´etat de croyance apr`es qu'un changement de croyance a eut lieu devrait ^etre du mais format que la repr´esentation de l'´etat de croyance avant le changement." 206 Changement conceptuel qu'il remplace alors ce concept appara^itra comme un nouveau concept et non pas comme rempla¸cant le concept en question. La question se pose alors de savoir dans quelle proportion un concept est r´evis´e et `a partir de quel niveau de changement le concept r´evis´e n'appara^it pas comme un nouveau concept. Il est possible de r´epondre au moins partiellement pour le moment `a cette question. Dans la th´eorie inf´erentielle pr´esent´ee ici le concept est d´efini `a l`a fois par ses conditions d'usage - son intension - et par son application - son extension. Le concept r´evis´e doit remplacer un concept, ce qui signifie que le concept r´evis´e doit remplacer le nouveau concept `a la fois intensionnellement - en permettant les m^emes inf´erences et relations avec les autres concepts et les justifications du concepts et le caract´eriser les m^emes occurrences que l'ancien concept et expliquer pourquoi il ne s'applique plus `a certains objets et ne permet plus certaines inf´erences. Admettons qu'un nouveau concept - c'est-`a-dire un concept qui n'apparaissait pas dans l'espace de l'agent auparavant - ait exactement les m^emes conditions d'usages et d'application que le concept poss´ed´e par le l'agent. 1 2 3 c 'est-`a-dire que les justifications d'usage des concepts et sont les m^emes, alors il n'est pas possible de diff´erencier ces concepts sur la base de leur intension. Et si 1 2 c 'est-`a-dire que l'extension des concepts et sont les m^emes, alors il n'est pas possible des les diff´erencier sur la base de leurs applications, et donc les concepts et sont identiques. De deux choses l'une, ou bien ces deux concepts sont strictement identiques et alors par application du rasoir d'Ockham et par ´economie l'un des deux sera abandonn´e, ou bien alors l'un des concepts voit son intension et son extension faire partie de l'autre concept, mais ce dernier 6.2 R´equisits d'un changement de concept 207 a des conditions d'usages ou d'applications que ne poss`ede pas le premier. Autrement dit l'un des concept est contenu dans l'autre qui est plus vaste. Alors le concepts subsum´e par l'autre sera plus pr´ecis et plus sp´ecifique que l'autre. Cela nous conduit `a une vision hi´erarchique du concept, exactement comme le concept chien est contenu dans la concept animal. Mais alors ces deux concepts diff´erents quant `a leurs intensions - l'un a des conditions d'usages moins sp´ecifiques que l'autres - et sur leurs extensions - le domaine d'application de l'un est plus restreint que l'autre, et donc ces deux concepts sont diff´erents donc distincts. Le cas qui nous int´eresse, celui de la r´evision et du changement du concept, nous avons un concept justifi´e par et donc l'extension est dans l'environnement E, et lorsque survient l'´el´ement dans E le concept ne s'applique plus pour une raison ou une autre. Or le concept qui consiste en le concept amend´e de - le concept qui d´ecrit l'´el´ement - s'applique partout o`u s'appliquait except´e pour les situations o`u appara^it . Par exemple, le concept mammif`ere s'appliquait `a l'ensemble des animaux qui allaitent le petits et qui ne pondent pas des oeufs jusqu'en 1798 et plus ensuite du fait de l'apparition de l'ornithorynque dans l'environnement consid´er´e. Mais si le concept mammif`ere tel qu'il appara^it jusqu'en 1798 est r´evis´e relativement `a la caract´eristique de ne pas pondre des oeufs tout en gardant celle d'allaiter ses petits, alors il permet de d´ecrire l'ensemble des animaux qu'il d´ecrivait jusque l`a et permet de d´ecrire ce nouvel ´el´ement qu'est l'ornithorynque. Cet affaiblissement des conditions d'applications et d'usage ne modifie pas de mani`ere cons´equente la classification ant´erieure - e.g. les ^etres vivants d´ecrits avant 1798 `a l'aide du concept ovipare ne seront pas d´ecrits par le concepts mammif`ere, except´e pour l'ornithorynque mais qui n'apparaissait pas dans l'extension ant´erieure du concept ovipare, et aucun des membres de mammif`ere n'est perdu dans la modification du concept - et permet de rendre compte de ce nouvel ´el´ement. Dans ce cas le concept mammif`ere sera amend´e et modifi´e en ce qui concerne son intension : [ , ¬] [ - ] (6.14) 208 Changement conceptuel (1) si n'appara^it pas dans et que par ailleurs est contradictoire avec l'une des conditions d'applications de , alors ou bien ne doit pas ^etre compris dans l'extension de et doit ^etre d´ecrit par un autre concept et si aucun autre concept ne d´ecrirait mieux que alors il faut cr´eer de toute pi`ece un concept s'appliquant sp´ecifiquement `a , ou bien, (2) si l'amendement de par la condition permet de d´ecrire dans sans modifier par ailleurs l'application de ni d'aucun autre concept poss´ed´e par l'agent cognitif, alors il faut r´eviser en l'amendant de . Dans l'exemple de l'ornithorynque, est la condition de ne pas pondre d'oeufs. Si cette r´evision marche, alors il appara^itra que la condition n'´etait pas essentielle - et donc a fortiori non suffisante pour justifier . Le mouvement peut ^etre inverse, au lieu de modifier les conditions d'usages, i.e. intension du concept, il se peut que ses conditions d'applications soient chang´ees. C'est le cas par exemple pour la baleine qui est retir´ee du groupe des poissons pour passer dans celui des mammif`eres. Dans ce cas, les baleines seront retir´ees du groupe des poissons uniquement par affinement de leur description dans le monde. Le concept mammif`ere peut avant et apr`es la modification de son extension garder les m^emes conditions d'usage, mais l'affinement de la discrimination des objets d´ecrits dans l'environnement - les baleines ont ´et´e observ´ees de mani`ere plus fine et il a ´et´e d´ecouvert qu'elle ne pondaient pas des oeufs et qu'elles allaitaient leurs petits - et il s'est av´er´e qu'alors qu'il ´etait pens´e jusque l`a que le concept poisson permettait de les d´ecrire, en fait ces ^etres vivants instanciaient les caract´eristiques propres au concept mammif`ere. Dans ce cas il est vrai qu'il ne s'agit pas `a proprement parler de r´evision du concept, mais simplement d'un meilleur usage, d'une meilleure application de celui-ci. En somme donc le changement des justifications correspond `a un changement dans la trame conceptuelle, alors que le changement d'extension correspond `a un changement dans le monde, du moins de la mani`ere d'en rendre compte. Chapitre 7 Concept et croyance L'objet de ce chapitre est de comparer la th´eorie du changement de concept propos´e ici avec la th´eorie AGM [Alchourr´on et al., 1985] du changement de croyance. La th´eorie AGM propose une formalisation de la r´evision dans le cadre de la th´eorie de la coh´erence. Une croyance est r´evisable si elle se conforme `a des crit`eres de rationalit´e, en particulier respecter les principes de consistance et de fermeture logique. Trois op´erations permettent de r´eviser une th´eorie, ce que AGM appelle l'expansion, la contraction et la r´evision. 7.1 Expansion L'expansion est une op´eration qui consiste `a ajouter un ´el´ement `a un ensemble ne le comprenant pas, sans que cette adjonction modifie la structure ou les fonctions des ´el´ements pr´eexistants, ni leurs relations. En ce sens, le terme d'expansion est synonyme de prolongement ou de continuation. 7.1.1 Expansion de croyance Dans la th´eorie AGM, l'expansion de croyances est d´efinie `a partir du moment o`u un ´etat de croyance B d´ecrit par un ensemble de formule K, et o`u A est une formule consistante avec K qui est ajout´ee `a l'´etat de croyance B, il en r´esulte un nouvel ´etat de croyance K+ A donn´e par la cl^oture logique de l'ensemble des formules {KA}, soit, par l'intersection des mod`eles M |= K avec l'ensemble des mod`eles M |= A. 210 Concept et croyance 7.1.2 Expansion de concept Il faut distinguer l'expansion du concept au niveau de son application de son expansion au niveau de son usage. 7.1.2.1 Expansion de l'application du concept L'expansion de l'application du concept correspond au fait qu'un nouvel ´el´ement subsum´e par le concept appara^it dans l'environnement dans lequel est utilis´e le concept. Si le concept s'applique `a l'ensemble d'´el´ement {a} dans l'environnement E au moment t1, et si an est un ´el´ement de E `a t2 tel que an {a;E;t1 } mais an {a;E;t2 } , c'est-`a-dire que ce nouvel ´el´ement est subsum´e par dans l'environnement dans lequel cet ´el´ement appara^it, alors devient le concept dont l'extension est l'union de {a} {an}. Exemple : l'expansion de l'extension de concept est relativement triviale, il correspond simplement `a la d´ecouverte par l'agent qu'un ´el´ement tombe sous l'extension d'un concept. Mathieu voit pour la premi`ere fois un TerreNeuve, on lui apprend que c'est un chien ou bien il le classe de lui-m^eme dans le concept chien il semble en avoir les caract´eristiques, alors Mathieu ´elargit le champ d'application de son concept chien `a Chinook, le Terre-Neuve qui lui fait face. Cette m´ethode d'´elargissement de l'extension du concept est celle d´ecrite par les th´eories extensionnelles du concept telle que la th´eorie des prototypes, des exemplaires ou la th´eorie empirique du concept. 7.1.2.2 Expansion de l'usage du concept L'expansion de l'usage du concept correspond non pas `a l'´elargissement de son application mais de son sens, c'est-`a-dire aux inf´erences qui lui sont accessibles. En somme, au lieu de modifier l'environnement en lui ajoutant un nouvel ´el´ement, c'est le concept lui-m^eme qui est modifi´e en ajoutant une propri´et´e `a sa fonction caract´eristique. Cela change son intension et par cons´equent son usage. Imaginons qu'au concept corresponde la fonction caract´eristique . Soit la propri´et´e telle qu'elle n'appartient pas `a mais soit consistante avec , ajout´ee `a . Le concept devient alors le concept dont la fonction caract´eristique est { }. 7.1 Expansion 211 L'extension du concept change en cons´equence du fait que les ´el´ements subsum´es par doivent non seulement satisfaire les caract`eres de mais ´egalement ceux de . Seront donc rejet´es les ´el´ements subsum´es par qui ne satisfont pas et ajout´e `a l'extension de ceux d´ecrits par qui satisfont . Cependant comme doit ^etre consistant avec , et qu'il s'agit d'une expansion, le nouveau caract`ere n'est pas cens´e rejeter des ´el´ements pr´ec´edemment subsum´es par . L'usage de est modifi´e car s'ajoutent maintenant aux inf´erences qui lui sont accessible l'ensemble de celles permises par . Comme il s'agit d'une expansion de concept, l'arriv´ee de ne doit pas faire que des inf´erences permises par avant l'adjonction de ne soit plus permis apr`es cet ajout, sinon il ne s'agit pas d'une expansion mais d'un remplacement d'un concept par un autre. Exemple : si le concept mariage correspond `a l'union entre un homme ^ag´e de plus de dix-huit ans et d'une femme ^ag´ee de plus de seize ans [article 144 du code civil fran¸cais], et qu'il est maintenant ´etendu `a l'union entre deux personnes majeures sans distinction ou sp´ecification de sexe, alors les inf´erences accessibles au concept mariage sont modifi´ees. Il est possible par exemple de parler de mariage homosexuel. Cependant certaines inf´erences accessibles par ce concept avant son expansion, sont toujours accessibles, l'union entre une femme et un homme devenant un cas d'union entre deux personnes. La question du domaine pertinent d'inf´erences qui doivent ^etre accessible `a un concept pour le caract´eriser, se pose. En effet le concept ^etre parent est inf´erentiellement accessible `a partir du concept mariage lorsque ce dernier est compris comme ´etant l'union entre personne de sexes diff´erents mais l'est de mani`ere diff´erente lorsqu'il s'agit simplement de l'union entre deux personnes. Il faut noter que l'expansion de l'usage du concept passe en fait par l'affaiblissement de sa fonction caract´eristique, la propri´et´e ajout´ee ne devant pas apporter une nouvelle sp´ecification. L'expansion du concept correspond `a ce que Putnam [1973] appelle le « simple changement » (`mere change'). 212 Concept et croyance 7.1.2.3 Pourquoi parler de changement de concept plut^ot que de remplacement ? Par principe d'´economie, si l'ensemble des concepts, de leurs applications et de leurs relations ne sont pas chang´es dans une conception, c'est-`a-dire une trame conceptuelle, ne sont pas modifi´es par l'ajout d'un nouvel ´el´ement ou d'une nouvelle propri´et´e, alors on parle d'´evolution ou de changement de concept plut^ot que de remplacement de concept, qui affecterait la conception dans son ensemble. Soit et deux concepts tels qu'`a corresponde la fonction caract´eristique et qu'`a corresponde la fonction caract´eristique { }, de sorte que n'ajoute rien de sp´ecifique `a et que { }. Soit C une conception dans laquelle paraissent et . Pour toute situation s, l'´el´ement a est d´ecrit ´egalement par et , et que d´ecrit l'ensemble des ´el´ements d´ecrits par mais non l'inverse. Alors n'a pas de condition d'application que ne v´erifie pas et ne peut v´erifier les conditions d'application de que si lui est ajout´e. Par principe d'´economie, comme ce concept n'est jamais utilis´e sans que soit simultan´ement utilis´e , doit ^etre abandonn´e au profit de . Mais comme est construit `a partir de auquel est ajout´e `a sans fonction caract´eristique sans qu'un autre concept de C ne soit affect´e, toujours par principe d'´economie, mieux vaux parler d'´evolution de que de remplacement de par . Contrairement `a l'expansion de croyance, l'expansion de concept ne peut se comprendre en termes d'ajout de proposition `a une th´eorie comme ensemble d'´enonc´es. L'expansion de concept ne correspond pas `a la simple intersection de mod`eles. Il faut rendre compte des deux dimensions du concept. L'expansion d'extension correspond `a une extension de mod`ele, mais l'expansion d'usage implique de prendre en consid´eration les inf´erences permises par l'ajout du nouveau caract`ere. L'expansion d'application correspond `a une restriction de la fonction caract´eristique, qui devient moins sp´ecifique. Si la conception n'est pas affect´ee par l'expansion du concept, on parle d'´evolution ou de changement plut^ot que de remplacement d'un concept par un autre. 7.2 Contraction 213 7.2 Contraction La contraction est une op´eration qui consiste `a retirer un ´el´ement d'un ensemble le comprenant, sans que cette suppression modifie la structure ou les fonctions des ´el´ements pr´eexistants, ni leurs relations. En ce sens, le terme contraction est synonyme d'´evolution ou de continuation. 7.2.1 Contraction de croyance Dans la th´eorie AGM, la contraction de croyance est d´efinie `a partir du moment o`u `a l'´etat de croyance B d´ecrit par un ensemble de formules K, et o`u A est une formule non tautologiquement vraie qui est ^ot´ee de K. Il en r´esulte un nouvel ´etat de croyance KA, logiquement clos, obtenu `a partir d'une s´election de mod`eles de K. Cette s´election de mod`eles peut ^etre totale, partielle ou maximale. Contraction totale (full meet contraction) : est s´electionn´e l'ensemble des mod`eles de K auquel A a ´et´e retir´e, c'est-`a-dire qu'est choisi l'ensemble des formules de K A. Contraction partielle (partial meet contraction) : n'est retenu que le sous-ensemble strict des mod`eles de K A. Contraction maximale (maxichoice contraction) : n'est retenu qu'un singleton v´erifiant K A. 7.2.2 Contraction de concept Tout comme pour l'expansion, il faut distinguer la contraction au niveau de l'application du concept de la contraction au niveau de l'usage du concept. La question se pose ´egalement de savoir s'il est effectivement possible de contracter un concept. Pour r´epondre `a cette question il faut distinguer la contraction de concept, que ce soit de son extension ou de son application, et la contraction de conception, c'est-`a-dire le retrait pur et simple d'un concept du r´epertoire d'un agent. Ce dernier cas s'apparente en fait `a la r´evision du concept, et non pas `a sa contraction qui n'est que la contrapos´ee de l'expansion expos´ee pr´ec´edemment. 214 Concept et croyance 7.2.2.1 Contraction d'application de concept La contraction d'application du concept correspond `a la suppression d'un ´el´ement de son extension, c'est-`a-dire `a une modification de l'environnement dans lequel le concept s'applique. Soit le concept dont le domaine d'application est l'ensemble d'´el´ements {a} et que l'´el´ement an inclu dans {a} vient `a dispara^itre. Il en r´esulte que le concept devient le concept qui s'applique `a l'ensemble d'´el´ements {{a}¬an} . La contraction correspond donc au mod`ele v´erifiant auquel le mod`ele v´erifiant an a ´et´e soustrait. 1. La contraction totale correspond `a l'ensemble des mod`eles v´erifiant `a l'exception de ceux qui v´erifient an, 2. La contraction partielle correspond au sous-ensemble strict des mod`eles v´erifiant `a l'exception de ceux qui v´erifient an, 3. la contraction maximale correspond `a un sous-ensemble v´erifiant mais pas an. Exemple : Si un agent cognitif pense que les baleines sont des poissons, c'est-`a-dire que du concept poisson il peut en inf´erer le concept baleine, et qu'ensuite il pense que les baleines sont des mammif`eres, alors l'usage de son concept baleine change. ´Evidemment l'extension des concepts poisson et mammif`ere changent ´egalement en cons´equence, mais sans affecter l'ensemble de la conception de l'agent. La contraction totale d'extension du nouveau concept poisson de l'agent, correspond `a l'extension pr´ec´edente du concept, `a laquelle les baleines ont ´et´e ^ot´ees. La contraction partielle d'extension du concept poisson inclut les truites et les saumons. Le choix maximal de contraction d'extension du concept poisson subsume les truites fario et plus exactement celle qui fr´etille au bout de ma ligne. La contraction extensionnelle du concept est triviale, elle correspond `a la contraction des mod`eles exactement comme pour la contraction des croyances. 7.3 R´evision 215 7.2.2.2 Contraction d'usage du concept La contraction de l'usage du concept est moins ´evidente. Soit le concept et {} l'ensemble des inf´erences accessibles par ce concept. Imaginons 1 inclu dans {} en E `a t1 qui n'y appartient plus en t2. Le concept devient alors le concept en E, t2 dont le domaine d'application est {{} -1}. Par exemple si l'agent pensait que les baleines ´etaient des poissons et qu'il pense maintenant que ce sont des mammif`eres, la propri´et´e « ^etre un poisson » a disparu de la fonction caract´eristique. La contraction totale correspond `a l'ensemble des inf´erences permises par le concept baleine moins les inf´erences permises par le concept poisson. La contraction partielle d'usage du concept comprend les inf´erences permises par le concept baleine. La contraction maximale correspond `a une inf´erence permise par le concept baleine, par exemple : ^etre l'animal qui a gob´e Jonas. Il faut faire attention `a ne pas consid´erer la contraction d'usage du concept avec une r´evision de celui-ci. Dans le cas de la contraction, un caract`ere est ´elimin´e, par exemple la propri´et´e d'^etre un poisson est ^ot´ee des caract`eres du concept baleine, et donc les inf´erences accessibles depuis cette propri´et´e ´egalement, mais ce caract`ere n'est pas encore remplac´e par un autre, par exemple celui d'^etre un mammif`ere. Pour cela il faut r´eviser le concept. 7.3 R´evision La r´evision est une op´eration qui consiste `a v´erifier des ´el´ements dans un ensemble et leurs relations afin de les rectifier pour, au besoin les amender et les adapter aux circonstances, de l'exp´erience et de l'´evolution du contexte. 7.3.1 R´evision de croyance La r´evision de croyances est d´efinie par Levi [1977] en terme de contraction et d'expansion. Si B est un ´etat de croyance d´ecrit par l'ensemble de formules K, et si A est une formule inconsistante avec K qui est ajout´e `a cet ensemble, il en r´esulte un nouvel ´etat de croyance K A donn´e par l'identit´e 216 Concept et croyance de Levi : (Identit´e de Levi) K A = (K- ¬A)+ A (7.1) La r´evision de la croyance assur´ee d'aboutir `a un ensemble consistant du fait que toute contradiction au sein de l'ensemble des formules d´efinissant K est ´evit´ee par l'op´eration de contraction. La contraction totale est cependant trop restrictive, dans la mesure o`u la contraction de la formule ¬A avec l'ensemble K ne conserve que les formules A qui d´ecoulent logiquement de A, c'est-`a-dire que l'identit´e de Levi conduit `a la formule : K A = A (7.2) Ce qui est trop radical comme r´evision. Quant `a la r´evision par la contraction maximale (`maxichoice contraction'), elle est trop restreinte dans la mesure o`u elle se limite `a un singleton de A, sans trop savoir comment le justifier. Toute la question consiste donc `a savoir ce qu'il faut r´eviser dans un ensemble de croyance pour que cette r´evision soit op´erante. Si l'on r´evise trop ou pas assez, les cons´equences sont n´egatives. Tout consiste donc dans le choix des ´el´ements `a r´eviser dans la croyance. 7.3.2 R´evision de concept Il faut distinguer la r´evision de concept de la r´evision de conception. La conception est compos´ee d'un ensemble de concepts inf´erentiellement reli´ees les uns aux autres. La conception correspond `a la s´emantique des r^oles conceptuels, et `a ce niveau-l`a, l'extension du concept compte moins que ses relations aux autres concepts. 7.3.2.1 R´evision de l'application du concept La r´evision de l'application du concept est relativement triviale. Elle correspond `a la r´evision extensionnelle, c'est-`a-dire `a l'ajustement du mod`ele v´erifiant le concept compte tenu des ´el´ements qui apparaissent ou qui disparaissent dans l'environnement. Cette application se fait comme un ajustement du mod`ele de mani`ere similaire `a la r´evision de croyance. L'extension du concept `a laquelle est ajout´e ou soustrait les ´el´ements en question est examin´ee : si elle est consistante et ne contredit pas ou n'est pas 7.3 R´evision 217 identique `a l'extension d'un autre concept pr´esent dans la conception, alors la nouvelle extension est attribu´ee au concept. Si la nouvelle extension est inconsistante alors il faut adapter l'intension du concept jusqu'`a ce qu'elle devienne consistante et non contradictoire ou redondante avec aucun autre concept pr´esent dans la conception. Dans le cas o`u la nouvelle extension fait que le concept est identique `a un autre concept d´ej`a pr´esent dans la conception, alors ou bien les deux concepts fusionnent - les termes lexicaux qui leur sont associ´es deviendront synonymes - ou bien l'un est d´elaiss´e au profit de l'autre. Ces cas sont expliqu´es au chapitre (6). Cette r´evision de l'extension du concept peut amener `a changer la conception et les relations entre les concepts. Si un concept est remplac´e par un autre ou bien s'il est perdu au profit d'un autre, il est ´evident que les relations inf´erentielles accessibles depuis ce concept sont affect´ees et changent. 7.3.2.2 R´evision d'usage du concept La r´evision d'usage du concept affecte directement la conception puis qu'elle se fait au niveau m^eme des relations inf´erentielles accessibles `a partir du concept. Si donc la conception est caract´eris´ee par les relations entre les concepts, tout changement d'intension d'un concept a des r´epercussions au niveau de la conception. Pour r´eviser l'intension d'un concept, on consid`ere son intension pr´esente `a laquelle est ajout´ee ou retir´ee la propri´et´e qui appara^it ou dispara^it. Si la nouvelle fonction caract´eristique est consistante avec l'ancienne et si elle n'est ni contradictoire ni redondante avec la fonction caract´eristique d'un concept pr´esent dans la conception, alors cette nouvelle fonction caract´eristique est assign´ee au concept. C'est par exemple le cas pour un glissement s´emantique tel que pour le terme `mariage' qui s'appliquait `a la simple union entre un homme ^ag´e de plus de dix-huit ans et d'une femme ^ag´ee de plus de seize ans, `a une union entre deux personnes majeures. Si la fonction caract´eristique `a laquelle est ajout´ee ou retir´ee la propri´et´e en question devient inconsistante, alors elle doit ^etre ajust´ee afin de devenir consistance, non contradictoire et non redondante avec un autre concept. Si le concept avec cette nouvelle fonction caract´eristique est consistant mais contradictoire ou redondant avec un autre concept pr´esent dans la conception, alors il faut r´eviser la conception elle-m^eme, de la mani`ere qui est expos´ee dans le chapitre (6). 218 Concept et croyance 7.3.2.3 Changement de conception La question du changement de conception, c'est-`a-dire du remplacement d'une conception par une autre `a la suite d'une r´evision entra^in´ee par un changement ou une r´evision de concept. C'est sous cette forme que le changement de concept est ´etudi´e en ´epist´emologie et en philosophie des sciences, notamment par des auteurs tels que Kuhn [1962, 1970, 1996], Feyerabend [1980], en particulier en soulevant la question de savoir comment il est possible de comparer deux conceptions diff´erentes - ce qu'ils appellent des paradigmes - s'il s'agit bel et bien de deux mani`eres diff´erentes de repr´esenter le monde. Kuhn et Feyerabend sont partisans de l'incommensurabilit´e des th´eories, c'est-`a-dire que deux conceptions ne peuvent ^etre compar´ees, puisqu'aucun terme cl´e de l'une ne peut ^etre traduit ou d´efinit dans l'autre. Ce qui conduit `a dire que toute th´eorie est relative et qu'il y a un particularisme ou un atomisme des th´eories. Appliqu´e au concept, l'incommensurabilit´e des conceptions signifierait que, si chaque agent cognitif poss`ede son propre r´epertoire de concept, c'est-`a-dire sa propre conception, alors il ne pourrait communiquer aucune information ou aucune pens´ee `a aucun autre agent cognitif poss´edant une conception diff´erente de la sienne. En somme, postuler le concept revient `a postuler le solipsisme. Cependant, les principes de r´ef´erence canonique postul´ee (PRPC) et de d´erivation canonique postul´ee (PDC) affirment que la publicit´e du concept se base sur l'assignation par un agent d'une r´ef´erence ou d'une d´erivation compatible `a la sienne poss´ed´ee par un autre agent, ce qui revient `a dire non seulement que l'agent attribue des concepts `a autrui - ce qui suppose une th´eorie mentale de la part de l'agent - attribution qui rejoint la notion d'interpr´etation intersubjective propos´ee par Davidson [1984, 2001]. Interpr´eter, selon Davidson consiste `a attribuer des croyances, des d´esirs et des intentions `a autrui. Cela ne peut ^etre fait de mani`ere efficace que si l'agent est capable de comprendre correctement le « langage » d'autrui, c'est-`a-dire s'il est capable de traduire ce langage dans le sien propre. En terme de conception, cela signifie que l'agent est capable de relier le concept d'autrui `a son ou ses propres concepts. L'agent postule donc que son vis- `a-vis est rationnel si sa conception est compr´ehensible par celle de l'agent, et cette compr´ehension revient `a une forme de traduction de la conception de l'autre dans celle de l'agent. De fait, si l'agent utilise la postulation ca- 7.3 R´evision 219 nonique pour interpr´eter et comprendre autrui, cela signifie radicalement qu'aucune conception, aucun sch`eme conceptuel accessible `a l'agent n'est incompatible et incommensurable avec le sien. Putnam d´eveloppe lui aussi un argument contre l'incommensurabilit´e des conceptions. S'il ´etait vrai que deux conceptions ´etaient incommensurables, cela signifierait qu'il existerait un langage dans lequel rien ne pourrait ^etre traduit, il ne serait qu'un bruit et alors il n'y aurait absolument aucune raison de postuler que ce qui produirait ces bruits pense ou parle ou raisonne. Mais au lieu d'en conclure imm´ediatement l'impossibilit´e a priori d'un tel langage, Putnam pointe du doigt sur le fait que l'interpr´etation historique serait incoh´erente. Dire que les notions utilis´ees par Galil´ee sont incommensurables avec les n^otres et de dire comment, revient `a parler un langage qui n'exprime rien et donc ^etre totalement incoh´erent. Si nous pouvons dire quelque chose de Galil´ee et dire en quoi notre conception du monde `a chang´ee, c'est que nous pouvons exprimer les notions qu'il utilise avec les n^otres, et donc qu'il y a une compr´ehension possible entre les conceptions, m^eme si ce ne sont pas les m^emes, c'est-`a-dire m^eme si les concepts et les relations entre eux sont diff´erents d'une conception l'autre. Reste `a savoir maintenant comment la r´evision ou le changement de conception s'op`ere. 220 Concept et croyance Chapitre 8 Conclusions et perspectives 8.1 Conclusions Le concept est cette entit´e mentale qui permet `a un agent cognitif qui la poss`ede de repr´esenter son environnement et d'avoir des ´etats mentaux d'ordres sup´erieurs comme des croyances, des jugements, des connaissances, des d´esirs ou des plans d'action par exemple. Dire que le concept est une repr´esentation c'est dire que l'agent doit pouvoir d'une mani`ere ou d'une autre noter la distance qu'il y a entre le concept et l'´el´ement de l'environnement auquel il l'applique. En d'autres termes, le concept est une entit´e qui s'attribue, et cette attribution est susceptible de correction. Si je dis que l'objet en face de moi est un ours blanc alors que c'est un renne, je repr´esente l'objet qui est en fait un renne par le concept ours blanc, alors que je devrais le faire avec le concept renne. Le concept est diff´erent d'autres entit´es mentales utilis´ees dans la relation que j'ai avec l'ours blanc en question. Par exemple je vois un certain objet, j'en per¸cois les formes, les couleurs et les mouvements, et je peux interagir correctement avec cet objet tout en pensant que c'est un ours blanc alors qu'en fait il s'agit d'un renne. Suivre ces objets du regard par exemple requiert de discriminer cet ´el´ement du fond sur lequel il ´evolue suivant mon point de vue par exemple, et cette discrimination peut ^etre correcte et appropri´ee alors m^eme que l'identification de cet ´el´ement ´echoue. Je peux suivre un renne des yeux et penser qu'il s'agit d'un ours polaire. En un sens cette explication du concept l'affaibli un peu, puis que le concept se retrouve en concurrence avec d'autres entit´es mentales non-conceptuelles, comme 222 Conclusions et perspectives les percepts par exemple. Mais il ne s'agit pas de constituer une th´eorie pour elle-m^eme, mais de rendre compte d'un ph´enom`ene mental particulier. L'une des caract´eristiques principale du concept selon la th´eorie propos´ee ici est de consid´erer que le concept est une entit´e repr´esentationnelle, alors que les entit´es non-conceptuelles qui entrent en jeu dans le traitement de l'information sensorielle ne le sont pas, du moins dans le sens de possibilit´e de correction. Pour le dire rapidement, lorsque je per¸cois un renne et que je pense qu'il s'agit d'un ours polaire, ma perception de l'objet est appropri´ee ou non, au sens o`u je vois que c'est un renne uniquement si certaines conditions physiques - la luminescence, le fait d'avoir les yeux ouverts par exemple - sont respect´ees. De fait la relation entre le percept et l'objet est nomologique et causale, et tient plus de la pertinence des propri´et´es physiques trait´ees de l'objet que de la v´erit´e ou de la fausset´e de ce traitement. Le concept au contraire est la mani`ere dont l'agent cognitif pense le monde, et si je pense que l'objet que je per¸cois est un ours polaire alors qu'il s'agit d'un renne, je per¸cois bien un objet mais je me trompe dans son identification. Dire que je me trompe implique que je puisse d'une mani`ere o`u d'une autre corriger mon erreur. Cela suppose que je puisse avoir acc`es au contenu et `a l'usage de ma repr´esentation. L'acc`es au contenu ou `a l'usage de la repr´esentation reste au niveau de la repr´esentation. Lorsque je me trompe ne prenant le renne pour un ours, je repr´esente bien quelque chose et interagis bien avec cette repr´esentation. C'est dans ce comportement et dans les relations entre les repr´esentations et la perception de l'environnement que l'erreur prend sa valeur. Si je prends mon fusil et que je mets en joue le renne que je prends pour un ours blanc parce que je pense qu'il est dangereux, mon comportement peut ^etre efficace - si je tire je tue un animal - mais pour une raison que n'est pas la bonne. Je tire parce que je crois l'animal agressif, alors que le renne ne l'est pas. Mon action est belle est bien une action, mais motiv´ee par une raison qui n'est pas bonne. C'est parce que le concept est une repr´esentation, et donc qu'il est susceptible d'^etre mal appliqu´e ou mal utilis´e qu'il peut ^etre corrig´e, et c'est parce qu'il peut ^etre corrig´e que le concept doit ^etre susceptible de changer. D'o`u l'importance du changement conceptuel dans l'´etude du concept. Mais comment un agent peut-il changer de repr´esentation s'il ne peut sortir de la repr´esentation ? Cet argument sceptique et relativiste dit quelque chose 8.1 Conclusions 223 comme « comment pouvez vous parler de changement au sein du concept si vous ne pouvez pas comparer l'ancien et le nouveau concept ? ». Mais cette incommensurabilit´e ne fait pas justice du fait que l'agent peut ^etre conscient de ce changement et qu'il peut l'op´erer lui-m^eme volontairement. Je suis d'accord avec le fait que le changement dans le concept se fait bien au niveau de la repr´esentation, mais le concept est une entit´e complexe pourvue au moins de deux types diff´erents de contenus : le contenu priv´e ou cognitif et le contenu public ou canonique. Ce que souhaiterait peut-^etre un r´ealiste externe radical serait que l'agent puisse avoir acc`es au contenu r´eel ou objectif du concept, c'est-`a-dire non pas `a la repr´esentation mais `a la propri´et´e de l'objet per¸cu. Si je vois un renne, je dois avoir la possibilit´e de savoir que c'est un renne en vertu m^eme du fait que c'est un renne. ´Evidemment un tel acc`es serait tr`es pratique, en particulier pour constituer une ´epist´emologie fiabilitste, le seul probl`eme est que si l'agent a acc`es directement `a la propri´et´e en tant que repr´esentation alors il n'y a pas de possibilit´e d'erreur, or il se trouve que les agents cognitifs se trompent parfois. Si le r´ealisme externe radical avait raison, alors il n'y aurait rien de telle que l'illusion de la constance de taille (cf. figure 2.1) par exemple. Or les agents cognitifs sont sujets aux illusions perceptuelles, et il faut bien en rendre compte, m^eme si cela rend moins simple et moins belle la th´eorie. La solution propos´ee au probl`eme de l'´evaluation et de la visibilit´e de l'erreur d'attribution ou d'usage du concept est de dire que l'agent a acc`es d'une part aux propri´et´es de l'objet - `a travers un traitement non-conceptuel de l'information perceptuelle - qu'il a acc`es a sa propre repr´esentation - l'attribution du concept `a l'objet o1 - et aux raisons qu'il pense lui permettre d'attribuer ce concept `a cet objet - l'application du concept `a l'objet o1 en vertu de - ainsi qu'aux raisons qu'il pense qu'un autre agent que lui invoquerait pour appliquer ce concept, d'autre part - la fameuse r´ef´erence au contenu canonique. Dit ainsi cela para^it bien abstrait, mais c'est bien ce qui se passe lorsque par exemple vous planifier une exp´edition dans telle vall´ee du Svalbard et que vous vouliez savoir quelle est la probabilit´e que vous avez de rencontrer des ours et combien, pour ajuster au mieux votre ´equipement. Vous interrogez les personnes qui vous semblent le mieux `a m^eme de vous renseigner, et vous vous rendez compte que chacun `a sa version de l'histoire, 224 Conclusions et perspectives certains vous disent qu'ils n'y ont jamais crois´e un ours et d'autres qu'il y en a par dizaines. Qui croire et comment ´etablir un crit`ere d'´evaluation entre ces t´emoignages ? L'une des mani`eres de faire, ce me semble, et de demander `a chacune des personnes interrog´ees ce qu'elle pense que penserait quelqu'un d'autre qu'elle, par exemple ce qu'elle pense que quelqu'un qui voudrait mener une exp´edition dans cette r´egion devrait prendre comme ´equipement. Assez ´etrangement, alors que chacun racontait son histoire et son exp´erience des ours dans ce coin, lorsqu'elle se met `a penser ce que penserait un tiers, g´en´eralement toutes les personnes consult´ees s'accordent pour donner une m^eme r´eponse, en faisant r´ef´erence au sens commun, en r´epondant quelque chose comme « moi je n'en ai jamais rencontr´e, mais je dirais que quelqu'un qui doit aller l`a-bas devrait s'attendre `a rencontrer un ours ou deux, et donc de prendre une carabine ». M^eme si quelqu'un vous dit qu'il en a crois´e des dizaines vous dira que les chances d'en rencontrer plus de deux ou trois sont tr`es faibles. Cette dissociation qu'est capable d'op´erer l'agent entre son propre contenu d'un concept et le contenu en troisi`eme personne, ou canonique du concept lui permet d'ajuster et de r´eviser son concept au besoin. La r´evision du concept intervient dans un contexte de communication et d'´echange d'information entre agents, mais ´egalement du fait que le concept `a son utilit´e, en particulier pour constituer des ´etats mentaux d'ordres sup´erieurs. La croyance selon laquelle les ours polaires sont dangereux repose non seulement sur le comportement effectif de certains animaux du monde qui sont des ours polaires, mais ´egalement sur l'´evaluation ou la conception du danger par un agent. Il est probable que si vous parlez `a quelqu'un qui se baigne sans aucune protection au milieu de requins et qui vous soutient que les ours polaires ne sont pas dangereux, vous alliez consid´erer son jugement comme ´etant singulier et peut ^etre vous dire que vous n'avez pas la m^eme notion du danger que cette personne. L'inverse est vrai si quelqu'un vous dit qu'ils sont tr`es dangereux tout comme le sont les h´erissons. Le changement du concept s'op`ere gr^ace au fait que l' agent poss`ede deux contenus au moins pour un m^eme concept. Pour r´esumer dans les grandes lignes, l'histoire va ainsi : il y a un environnement - le monde - et un agent cognitif qui ´evolue dans cet 8.1 Conclusions 225 environnement. L'environnement est meubl´e d'objets divers, des arbres, des chaises, des dahus et des th`eses de philosophie. L'agent cognitif dispose d'une relation avec cet environnement par le biais de capteurs d'information, les sens. Ces sens d´etectent des propri´et´es qu'ont les objets de l'environnement, selon que certaines conditions sont remplies, par exemple il faut qu'il ait un objet porteur de la propri´et´e d´etect´ee par le capteur d´edi´e dans le champ du capteur pour que celui-ci se d´eclenche, il faut ´egalement que les conditions minimales pour le d´eclenchement soient respect´ees, par exemple que la luminance soit suffisante pour distinguer les couleurs lorsqu'il s'agit d'un capteur visuel. Parmi l'ensemble des informations capt´ees et trait´ees par les capteurs de l'agent, certaines seulement seront consid´er´ees comme int´eressantes pour l'interaction entre cet agent et cet environnement. Il s'agit des propri´et´es saillantes. La sc`ene per¸cue trait´ee selon ces propri´et´es saillantes est simplifi´ee mais permet `a l'agent d'´evoluer dans l'environnement. Par exemple, dans la figure 2.1 les d´etails du fond sont per¸cus mais ne sont pas conserv´es lorsqu'il s'agit de comparer la taille des deux personnages. Ce traitement des informations per¸cues permet d´ej`a une interaction tr`es fine avec l'environnement. Des objets sont discrimin´es - m^eme s'ils ne sont pas identifi´es - de telle sorte qu'une action sur eux est possible. Par exemple il est possible d'´eviter un obstacle en op´erant un certain nombre de mouvements complexes, sans devoir identifier l'objet ´evit´e. Toutes ses op´erations se passent au niveau non-conceptuel. En parall`ele au traitement non-conceptuel, l'agent repr´esente son environnement. Il peut se baser sur les donn´ees non-conceptuelles de la perception ou bien repr´esenter l'environnement ind´ependamment de ces donn´ees. L'agent peut isoler et repr´esenter un ´el´ement de par les propri´et´es et les caract´eristiques que poss`ede cet ´el´ement. Il d´ecrit ainsi l'´el´ement. Il peut ´egalement assigner un contenu `a une description, ou bien en mettant en relation cette description avec un ´el´ement du monde, ou bien en postulant que cette description d´ecrirait quelque chose si certaines conditions ´etaient remplies. Il s'agit d'une part du contenu cognitif, et d'autre part de la d´erivation cognitive. Le contenu cognitif est l'ensemble des informations que l'agent rapporte `a une fonction caract´eristique, la d´erivation cognitive est l'ensemble des raisons qu'utilise l'agent pour faire une assignation. 226 Conclusions et perspectives Cependant l'agent cognitif n'est pas isol´e. Il ´evolue dans un environnement peupl´e l'objet mais ´egalement d'agents cognitifs diff´erents et ind´ependants de lui. Du fait qu'une communication sp´ecifique est possible entre les agents au moins d'une m^eme esp`ece, un ´echange d'information entre agents est possible. Pour une part cette communication est conceptuelle. Se pose alors la question de l'ad´equation entre les repr´esentations, c'est-`a-dire entre les concepts, de diff´erents agents. Cette contrainte sur la repr´esentation oblige l'agent `a comparer le contenu et la d´erivation qu'il attribue personnellement `a un concept avec celles que pourrait faire un agent diff´erent de lui avec lequel il pourrait communiquer. Ce sont les contenus et les d´erivations canoniques, c'est-`a-dire les contenus et d´erivations qu'un agent pense en troisi`eme personne. Rapporter au niveau de la communaut´e des agents, ces contenus et d´erivations canoniques sont repr´esent´es par le sens commun. Ces relations entre les contenus et les d´erivations impliquent une forme de holisme, au moins partiel, qui appara^it `a travers les domaines des concepts, notamment dans les th´eories na¨ives. Les relations entre les concepts forment une trame conceptuelle qui correspond `a une conception. Ces conceptions sont des groupements de concepts interconnect´es. Suivant le type de connexions entre ces concepts, cela forme des ´etats mentaux d'ordres sup´erieurs tels que les croyances, les jugements, les d´esirs, les plans d'actions, etc. Par exemple, dans l'image 2.1, la pens´ee, le jugement ou la croyance selon lequel les deux personnages sont de tailles diff´erentes reposent dans un premier temps sur une mauvaise ´evaluation due `a une interf´erence entre des propri´et´es saillantes au niveau de la perception. La correction de ce jugement se fait sur la base d'un examen des conditions et des relations entre les objets en fonction d'une information qui n'est pas directement donn´ee dans et par la perception mais qui est accessible au niveau conceptuel. 8.2 Perspectives 227 8.2 Perspectives La th´eorie des concepts pr´esent´ee est philosophique. Elle est plus normative que descriptive. Ce qu'il reste `a faire est donc de voir dans quelle mesure ses pr´edictions - en particulier sur le r^ole du sens commun et des th´eories na¨ives sur les concepts poss´ed´es par un agent cognitif - sont conformes avec l'activit´e cognitive d'un agent. Il s'agit donc de mener une investigation psychologique et exp´erimentale du concept sur la base propos´ee ici. Un second axe de recherche est de poursuivre la formalisation logique de la th´eorie afin d'obtenir un syst`eme axiomatique pour comprendre la dynamique du concept comparable `a celui d´edi´e `a la r´evision de croyance. 228 Conclusions et perspectives Fig. 8.1 - Sch´ema r´ecapitulatif de la structure du niveau conceptuel et du niveau non-conceptuel Quatri`eme partie Annexes Chapitre 9 Connaissance et incertitude. Ce que le th´eor`eme de Ramsey nous apprend de notre connaissance. [Texte d'une conf´erence donn´ee le 25 septembre 2001 `a Aix-en-Provence] Peut-on tout savoir ? Vaste question n'est-ce pas, qui m^eme, pos´ee ainsi, fait sourire. Non, la r´eponse est ´evidente et simple, non, nous ne pouvons pas tout savoir. Pourquoi ? Mais parce que nous ne sommes que de simples cr´eatures finies, et que nous ne sommes pas omniscients, voil`a pourquoi. Sans doute que Dieu ou le d´emon de Laplace peut tout conna^itre, peut-^etre, mais je n'en sais rien. Non, nous autres hommes ne pouvons pas tout conna^itre, et cela est si ´evidement, si simple et si commun que tout le monde le sait. On nous reprocherait presque d'avoir pos´e une question aussi stupide. Bien, mais comment savons nous que nous ne pouvons pas tout savoir ? Et bien, nous racontera probablement notre savant interlocuteur, parce que nous ne sommes pas dieu, ou nous r´etorquera par une ´enigme du style « tu ne me crois pas qu'on ne peut pas tout savoir ? Et bien, pour t'en convaincre, essaie donc de me dire combien j'ai de cheveux sur le cr^ane, ou combien font 23452, et si tu ne parviens pas `a me r´epondre, alors je t'aurais prouv´e que l'on ne peut pas tout savoir ! ». Il va s'en dire que cela ne prouve pas grandchose, parce que je peux tr`es bien employer une armada de coiffeuses qui vont lui ´epiler le cr^ane jusqu'`a ce que je puisse les lui compter ses cheveux, ou bien prendre une calculatrice et lui r´epondre du tac au tac : 5499025, 232 Connaissance et incertitude. pour que son beau raisonnement tombe comme un ch^ateau de carte dans un courant d'air. En effet, il ne s'agit pas de confondre entre la possibilit´e pratique de connaissance, et sa possibilit´e th´eorique. Evidemment que de t^ete et du tac au tac, j'aurais bien du mal `a lui dire combien fait 23452, surtout au vu de mes comp´etence math´ematiques et de calcul mental, mais s'il m'est impossible pratiquement et sans l'aide d'une calculatrice de savoir cela, cela ne l'est pas th´eoriquement, la preuve et que je peux lui donner le r´esultat. Bien s^ur, s'il me demandait de calculer chiffres immenses, j'aurais plus de mal, ma calculatrice ne serait plus assez puissante, mais th´eoriquement, cela ne serait pratiquement pas impossible. Non, la r´eponse que l'on attendrait serait plut^ot une r´eponse th´eorique. Peut-on tout savoir ? Je ne vaux pas savoir si je ne sais pas tout du fait de ma paresse, mais du fait m^eme de la connaissance possible. Peut-on r´epondre `a cette question ? C'est `a cette question que j'aimerais r´epondre aujourd'hui. Mais il faut d´ej`a temp´erer mon propos. Non, ce soir je ne vais pas vous donner la r´eponse noir sur blanc `a la question si toute connaissance th´eorique est possible. D´esol´e de vous d´ecevoir. Non, mais je voudrais tout de m^eme amorc´e un d´ebut de raisonnement qui s'aventure sur la voie de cette r´eponse. En gros, il s'agit de savoir si la condition d'une connaissance absolument certaine est possible. Bien s^ur, la mani`ere dont je formule la question vous indique d´ej`a mon point de vue sur la question. Mais ce n'est l`a qu'une opinion, la mienne en l'occurrence, et non pas une preuve. Essayons d'apporter une preuve un peu plus consistante. Tout d'abord, examinons la question de la th´eorie de la connaissance. Comme ce n'est pas principalement la question que je voudrais examiner aujourd'hui, je vais accepter la th´eorie classique, qui dit que X sait que p si et seulement si p est vrai, X croit que p et que X `a des raisons de croire que p. Et je suivrais Ramsey pour dire que cela suppose que, pour qu'une croyance soit une connaissance, il faut qu'elle soit vraie, certaine et obtenue par un processus fiable. « Vrai » renvoie ici au fait consid´er´e, c'est-`a-dire `p', « certain » `a la croyance que le sujet a de ce fait vrai, et « processus 233 fiable » `a la v´erification que le sujet peut avoir de sa connaissance certaine du fait vrai. Cela implique trois choses donc, `a commencer par une th´eorie de la v´erit´e. Je ne d´evelopperais pas ici de th´eorie de la v´erit´e, et je pense que pour le sujet qui nous int´eresse ici, il est possible d'accepter n'importe laquelle des th´eories de la v´erit´e, cela n'influe en rien sur le second probl`eme qui est celui de la certitude de la croyance en le fait vrai examin´e. Nous pouvons consid´erer que nous avons des th´eories de la v´erit´es qui sont satisfaisantes. Elles sont diff´erentes et parfois contradictoires, mais cela ne nous importe pas trop pour le moment. On peut par exemple se contenter d'une th´eorie correspondantiste de la v´erit´e et vivre tr`es bien en paix. Mais de savoir qu'un certain fait est vrai est-il suffisant pour savoir si notre connaissance en ce fait est fiable ou non ? Ramsey propose ici l'usage d'un processus fiable et performant, c'est-`a-dire qui marche `a tout les coup et non pas au petit bonheur la chance pour savoir si le fait est bien vrai. Et il reste la question de la certitude. En effet, ce n'est pas parce qu'une connaissance porte sur un fait vrai, qu'elle est certaine. Prenons un exemple. Pierre croit que la Terre tourne autour du Soleil. Ce fait est vrai, i.e. il est vrai que la Terre tourne autour du Soleil, nous pouvons le v´erifier par quelques exp´eriences. Mais que le fait soit vrai, influe-t-il sur la certitude de la connaissance qu'`a Pierre de ce fait ? Non, assur´ement non. En effet, c'est peut-^etre Paul que le lui a dit, mais Paul raconte parfois des histoire qui ne sont pas vraies, il lui arrive de se tromper. La consultation de Paul n'est donc pas un processus fiable de connaissance. Pierre peut peut-^etre alors aller consulter une encyclop´edie, mais m^eme si cela para^it plus fiable ce ne l'est pas plus, l'encyclop´edie peut-^etre ancienne et biais´ee, ou ^etre contr^ol´ee par une secte r´evisionniste ou ne je sais quoi. Il faudra donc trouv´e un crit`ere de certitude qui soit donc plus fiable que cela. Y en a-t-il un ? L'un des crit`eres qui semble le plus fiable dans une th´eorie de la preuve est celui de la r´eduction. R´eduction `a l'objet pour une connaissance empirique, aux axiomes pour une th´eorie. Le r´eductionnisme est-il possible au niveau de la certitude ? 234 Connaissance et incertitude. C'est sur cette question qu'il faut maintenant se pencher. Nous pourrions la formuler ´egalement ainsi : peut-on trouver un crit`ere de certitude de la v´erit´e d'une connaissance ? Admettons, pour nous simplifier la tache que nous ayons d´ej`a une th´eorie de la v´erit´e qui puisse nous permettre de r´epondre convenablement `a la seconde partie de la question, c'est-`a-dire, sur la question de la v´erit´e. Peut-on ^etre certain d'une connaissance. Pour r´epondre `a cette question, je vais proposer ici une interpr´etation du th´eor`eme de Ramsey, appliqu´e `a la th´eorie de la connaissance. Il ne s'agit l`a encore que d'une ´ebauche de raisonnement, et il faut ^etre tr`es prudent. Les conclusions sur lesquelles d´ebouches ce raisonnement sont des plus surprenantes et des plus troublantes, mais elles sont, je crois, vraies. Avant m^eme des les exposer, je r´ep`ete la prudence avec laquelle nous devons les utiliser. J'apporterais ensuite des raisons `a cette utilisation, mais cet appel `a la prudence n'est pas une mise en garde contre le raisonnement que je vais pr´esenter, mais contre tout ´eventuelle r´ecup´eration inappropri´ee du th´eor`eme de Ramsey. Il faut `a tout pris ´eviter la ramseyite comme il faut ´eviter la g¨odelite. Ce sont des maladies mortelles pour la raison. Mais je sais que vous ^etes raisonnables, et que cet appel ne s'adresse pas `a vous. Ceci dit, avan¸cons. Tout d'abord, le th´eor`eme de Ramsey . Th´eor`eme A (version infinie) : soit T une classe infinie, et m et r des entiers positifs ; et Ci(i = 1, 2, . . . , m) le nombre m de sous-classes de T mutuellement exclusives comprenant exactement le nombre r de combinaisons de membres de T, de telle sorte que chacune de ces r-combinaisions appartiennent `a une et une sous-classe Ci. Alors, par l'axiome du choix, T contient une sous-classe infinie D telle que toutes les r-combinaisons de termes de D appartiennent toutes `a la m^eme Ci. Qui s'´ecrit : ()kr Et dans sa version finitiste : Pour chaque entier positif fini k, r, et l, il existe un entier positif fini n qui v´erifie la relation n (l)kr 235 O`u (l) est un sous-ensemble de n, divis´e en k sous-classes mutuellement exclusives de r membres chacune. Nous pouvons trouver un ´el´ement x1 et une sous-classe T1 de T, telle que T1 ne contienne pas x1, mais que x1 et T1 appartiennent tout deux `a la m^eme sous-classe C1 de T. Et nous pouvons trouver dans T1 un ´el´ement x2 et une sous-classe T1 qui ne contienne pas x2 mais qui est comprise avec x2 dans la sous-classe C1. Nous pouvons poursuivre cette op´eration autant de fois que nous le d´esirons, si bien que nous nous retrouverons `a la fin avec deux s´equences infinies de termes de T, l'une T(x1, x2, . . . , xn, . . . ) des membres de T, et une autre, T(T1, T2, . . . , Tn) des sous-classes de T, appartenant toutes deux `a la m^eme C1 de T. Si on poursuit ce processus de division et de classification des ´el´ements de T en autant de sous-classes correctement form´ees, nous rencontrons un paradoxe. En effet, nous examinerons `a un certain moment la sous-classe Tn-1, qui ne contiendra pas l'´el´ement xn et qui contiendra la sous-classe infinie Tn, qui ne contiendra pas xn pourtant appartiendra avec xn tous deux `a la m^eme classe C1 de T. Donc la classe C1 de T contiendra une combinaison de terme dont l'un des membres n'est membre d'aucune des sous-classes de C1. En remontant le processus `a rebours, nous nous retrouvons avec un ensemble T, et un membre surnum´eraire de T qui appartiendra pourtant `a l'une des sous-classes de T, ou bien T contiendra une sous-classe qui aura le m^eme nombre de membre que les autres sous-classes de T mais qui sera vide, alors que T ne l'est pas. Cela ne signifie pas que T soit mal constitu´ee, mais simplement que sa division en sous-classe n'est et ne peut pas ^etre exhaustive pour comprendre l'ensemble des combinaisons des termes de cet ensemble. Ce paradoxe est ´etrange et fort troublant. Exprim´e sous forme de graphe, il indique qu'il reste toujours un chemin possible non exploit´e entre les membres d'un ensemble, bien qu'ils soient tous connect´es les uns avec les autres. Appliqu´e `a la th´eorie de la preuve, ce th´eor`eme nous indique qu'une proc´edure de v´erification de connexion de membre d'un ensemble d´elaisse toujours au moins l'examen d'une de ces connexion. Sorte de th´eor`eme d'in- 236 Connaissance et incertitude. compl´etude de la th´eorie de la preuve. Le th´eor`eme de Ramsey est proche dans ses conclusions du second th´eor`eme d'incompl´etude de G¨odel, comme le remarquent Paris and Harrington [1977]. Le paradoxe que pointe le th´eor`eme de Ramsey, n'est pas un paradoxe ensembliste, parce qu'il distingue toujours nettement entre les ensembles et les ´el´ements de ces ensembles, mais est plut^ot un paradoxe d'incompl´etude manifeste d'un processus de subsomption par cat´egorisation, c'est-`a-dire un paradoxe touchant `a la pr´edication m^eme. Si l'on distingue les propri´et´es d'´el´ements et ces ´el´ements, alors, en fin de compte, dans un syst`eme, m^eme infinie de pr´edicats possibles, il restera toujours, potentiellement, un objet qui ne sera pas compris par ce pr´edicat mais qui pourra ^etre visible. Cela va de soit si on se penche un peu sur l'affaire. Il va de soit que toute th´eorie de concepts est inachev´ee et ne peut ^etre exhaustive, mais cela est tout de m^eme troublant. Revenons `a notre probl`eme de d´epart. Admettons que nous ayons une th´eorie de la v´erit´e convenable et que nous acceptons. Celle-ci n'est pas suffisante pour former une th´eorie de la connaissance, puisqu'elle ne permet pas d'´evaluer le degr´e de certitude de la croyance que nous avons de cette v´erit´e. En ´evaluant la certitude d'un fait, nous devons passer `a un niveau sup´erieur de la th´eorie, et ce niveau sup´erieur doit ^etre compris dans une th´eorie plus globale qui comprend ´egalement la th´eorie sur laquelle porte cette certitude sans qu'elle contienne cette certitude. En fin de compte, nous nous retrouvons donc avec une connaissance qui n'est pas ´evaluable en terme de certitude et qui pourtant porte sur un fait v´erifiable du monde. Pouss´e `a son terme, ce raisonnement nous indique que nous ne pouvons trouver les fondements de la certitude de la connaissance sur les m^emes bases que ceux de la v´erit´e. Et que si nous admettons la connaissance comme ´etant une th´eorie unie alliant la v´erit´e et les raisons de la croyance d'un sujet en cette v´erit´e, alors cette th´eorie ne peut exhaustivement d´eterminer qu'elle est la certitude ou celle de la v´erit´e. En admettant que nous ayons une th´eorie convenable de la v´erit´e, cela implique que nous ne pouvons pas en avoir une, sur les m^emes bases, de la certitude. Compris ainsi, le th´eor`eme de Ramsey indique l'incompl´etude de la certitude de la th´eorie de la connaissance. Ce qu'il faut en conclure, c'est que nous ne pouvons n'^etre qu'incertain de notre certitude, ou certain de 237 notre certitude. Je ne crois pas que cette interpr´etation du th´eor`eme de Ramsey soit en contradiction avec sa th´eorie de la connaissance, bien au contraire. Ramsey affirme qu'une croyance ne peut ^etre tenue pour une connaissance uniquement si elle porte sur un fait vrai, et que nous ne soyons certains sur la base d'un processus fiable. Mais il met en doute la possibilit´e d'avoir un tel processus, car il reste toujours la possibilit´e que nous nous trompions, et comment pouvons nous le savoir ? Il r´ef`ere alors `a l'exemple du journal de Russell, ce n'est pas parce que nous croyons qu'une information est vraie en utilisant un processus qui nous para^it fiable, que cette croyance est une connaissance puisque nous pouvons toujours ^etre sujet `a l'erreur. C'est en fait comme de trouver quelque chose par l'internet, l'information peut ^etre vraie et nous pouvons le croire, mais nous n'avons pas moins d'en ^etre absolument certain, tout juste pouvons nous croiser les sources estimer de la fiabilit´e du processus suivant des probabilit´es ou des statistiques, mais cela ne garantie en rien de la certitude. Dans un court texte en forme de note, intitul´e « Theory of Knwoledge » laisse entendre un tel scepticisme quant `a l'´evaluation du processus de certitude de la connaissance. On peut tr`es bien admettre une th´eorie r´ealiste de la connaissance, cependant nous ne pouvons pas savoir si r´eellement la relation entre notre croyance en le fait et le fait op`ere vraiment. Donc nous consid´ererons cette connaissance comme vraie et certaine uniquement sur la foi que nous accorderons en la relation entre notre croyance et le fait. Mais il en va de m^eme pour une connaissance internaliste. Il en conclu que la connaissance ne peut ^etre garantie. Il faut rappeler que cela ne n'affecte pas la v´erit´e de la connaissance, mais uniquement l'´evaluation de la certitude de son processus v´erification. Tout comme le th´eor`eme de G¨odel n'affecte en rien l'arithm´etique, mais simplement la prouvabilit´e dans son propre syst`eme. Il en va de m^eme pour le th´eor`eme de Ramsey, ce n'est pas parce que je n'ai pas de preuve totale des processus que j'utilise que je dois passer toutes les lois de la logique par-dessus bord. Cela serait absurde. 238 Connaissance et incertitude. Le th´eor`eme de Ramsey justifie plut^ot pourquoi la machine universelle de Turing s'emballe parfois. La conclusion du th´eor`eme de Ramsey est donc des plus troublante, elle nous indique simplement que nous ne pouvons prouver l'incertitude ou la certitude d'une connaissance. Mais il ne faudrait pas profiter de ce r´esultat pour tout d´elaisser en faveur d'un relativisme dogmatique. Dire que nous ne pouvons prouver la certitude d'une proposition vraie, que chacun puisse choisir ce qui est vrai ou non. Non, le relativisme de Ramsey est similaire au relativisme de G¨odel, c'est-`a-dire quasiment nul. L'incompl´etude de la connaissance est relative non pas `a chaque sujet humain, mais `a tout Homme, tout sp´ecimen de l'esp`ece. Nous sommes peut-^etre des cerveaux dans un cuve, peut-^etre, mais Ramsey nous indique que nous ne pourrons jamais le savoir avec certitude. Un point c'est tout. Il nous reste alors `a d´evelopper les outils de la connaissance qui sont les plus fiables et les plus utiles pour nous. Et ce r´esultat est un encouragement : s'il indique que la mod´elisation totale et panlogique est logiquement impossible, si les fictions fantasm´ees d'une intelligence humaine ou artificielle suppl´eant l'humain est autrement improbable et du moins ne sortira pas de l'Homme, le th´eor`eme de Ramsey ne nous dit rien d'autre que l'internet n'est qu'un moyen de communication comme un autre, certes performant, mais qui ne manipule que notre paresse et incomp´etence, mais n'est pas un super syst`eme qui nous ´echappe. Mais cela n'est que bon sens et cela n'est que l'´ebauche d'un raisonnement qu'il faudra approfondir. Chapitre 10 Tracking Agency [Article ´ecrit en c-auteur avec ´Angeles Era~na et Dario Taraborelli, soumit `a la date de la r´edaction.] 10.0.1 Abstract The aim of this paper is to propose an extension of the object file notion to the study of nonconceptual individuation of agents. Robust evidence in both developmental and empirical psychology supports the hypothesis that dedicated perceptual mechanisms mediate sensitivity to objecthood as opposed to animacy. Object individuation and perceptual animacy have been largely studied in recent literature, whereas little is known about mechanisms mediating individuation and tracking of perceptual entities endowed with agency (or proto-agents). By introducing a notion of an agent file, we aim to provide a theoretical framework for more constrained empirical investigations into the ability to perceptually track agency (prior to explicit identification/categorization), as well as asimmetries with ordinary object tracking. We insist, in particular, on the need to understand mechanisms underlying the ability to represent agents' persistence beyond mere agency cue detection. 240 Tracking Agency 10.1 Individuation : Creating and Maintaining Reference A large number of cognitive skills rely on the perceptual ability to single out individuals. In order to interact with, ascribe properties to, or reason about particular entities, we need to be able to pick out individuals, establish a referential link with them and maintain it over time. Many authors have pointed out that such ability must be grounded in the deployment of some nonconceptual skills : for picking out and maintaining reference to an individual, simply detecting some of its perceptual properties is not sufficient. We need to postulate a referential mechanism that provides a direct (nonconceptual and unmediated) link to this individual in order to be able to ascribe perceptual properties to it or to make perceptual judgments about it. 10.1.1 Reference to Objects vs. Reference to Agents in Infants There is large evidence in the developmental literature indicating that, from early on, infants are able to deal with two distinct classes of individuals. On the one hand, they are able to interact with and reason about objects, i.e. individuals that behave according to physical constraints. Understanding the observable behavior of objects requires -- at least prima facie -- a grasp of some of the principles underlying physical phenomena. On the other hand, infants can interact with and reason about agents, i.e. entities endowed with intentionality, whose observable behavior cannot be reduced to those constraints governing objecthood. Being able to detect agency requires being sensitive to some specific observable cues of intentionality, such as purposefulness. A prevailing working hypothesis in developmental studies claims that, when dealing with entities belonging to each of these domains (objects vs. agents), different individuation mechanisms are at work. Paul Bloom [Bloom, 2004] asserts that infants are commonsense dualists : `who have two ways of looking at the world : in terms of bodies and in terms of souls' (p.191). Kuhlmeier et al. [2004a] have designed and carried out a number of experiments to support this idea : infants display precocious abilities to distinguish inanimate objects (entities that behave according only to physi- 10.1 Individuation : Creating and Maintaining Reference 241 cal constraints) from animate entities (e.g. humans). These abilities suggest that infants' early understanding of animate entities does not rely on the typical individuation principles and constraints on which the individuation of objects depends (p.7). Most studies have thus focused so far on the ability to distinguish animacy cues from objecthood cues, assuming that this distinction - resulting in significantly different observable patterns - is one of the main sources of infants' early knowledge about animate beings as opposed to inanimate entities. Yet little is known about how the animate vs. inanimate distinction relates to another more fundamental one, that of agents vs. objects. As the authors of this study (Kuhlmeier et al. 2004) themselves explicitly acknowledge, it is debatable how empirical data should be interpreted with respect to this distinction : It [...] remains an open question whether the results of the present study are due to a distinction between animate versus inanimate entities, intentional agents versus non-intentional objects, or humans versus other entities. (ibid., p.7) If on the one hand, infants' perceptual representation of objects has been largely studied, little is known, on the other hand, about infants' perceptual representation of agents. Spelke [Spelke, 1994] has suggested a number of principles circumscribing the notion of perceptual objecthood in infants. These principles can be formulated, following Bloom [2004, p.12], as : 1. Cohesion. Objects are connected masses of stuff that move as a whole. If you want to know where the boundaries of an object are, an easy test is to grab some portion of stuff and pull--what comes with what you are pulling belongs to the same object ; what remains does not. 2. Solidity. Objects are not easily permeable by other objects ; if you tap at an object with your finger, your finger does not penetrate. 3. Continuity. Objects move in continuous paths ; they travel through space without gaps. An object would violate this rule if it disappeared from one location and reappeared in another. 4. Contact. Objects move through contact. A ball on a pool table is not going to move unless something contacts it ; it 242 Tracking Agency will not run from the cue or come when it is called. The exceptions to this rule are animate creatures, like people and dogs, and also certain complex artifacts, such as robots and cars. Taken together these principles define what counts as an `object' for children. More precisely, they characterize a cluster of properties that children systematically privilege in picking out a certain kind of entities in the environment, prior to any conceptual identification. For this reason such clusters (often referred to as `Spelke Objects') have been described as proto-objects. An analogous characterization of what counts as a perceptual `agent' for infants has not yet been clearly proposed. We argue that a principled inquiry into infants' ability to distinguish objects from agents cannot be based on mere sensitivity to animacy vs. inanimacy cues, since the ability to perceptually individuate and track agents relies on a much more fundamental distinction : the ability to individuate and track bearers of intentionality as opposed to objects. Are there, beyond mere animacy sensitivity, perceptual mechanisms for tracking agency ? To which extent can agents (as opposed to objects) be perceptually individuated, parsed and tracked by children ? We submit that understanding the infant's perceptual representation of agents might benefit from introducing the notion of a proto-agent, i.e. a cluster of properties that determine the way in which infants single out intentional entities prior to conceptual identification. In order to achieve this aim, we will propose an extension of the object individuation paradigm that relies on Pylyshyn's proposal for visual object tracking. To construe a notion of proto-agent, we will assume : (a) following Blaser et al. [2000] and Pylyshyn [2001], that human beings individuate and track single entities via a nonconceptual mechanism which can be operationalized by appealing to the notion of an object file ; (b) following Carey and Xu [2001], that the same nonconceptual mechanisms underly infants' early understanding of objects and adults' ability to keep track of perceptual entities ; 10.2 Perceptual Tracking of Individuals 243 (c) according to the evidence mentioned above, that there are plausibly different processes that allow children to individuate agents as opposed to objects. Our main contention is that while tracking perceptual entities endowed with agency (or proto-agents) and their persistence over time, the human cognitive system opens a special sort of file, which we will call an agent file. Furthermore, we will suggest that the same mechanisms underlie infants individuation of agents and adults' ability to perceptually keep track of agents before explicit identification. 10.2 Perceptual Tracking of Individuals Nonconceptual mechanisms for individuating and tracking objects have been largely studied in the perceptual literature. In particular, humans' abilities to visually track individual entities have been extensively studied in recent years by Pylyshyn and collaborators Pylyshyn [2000], Blaser et al. [2000], Pylyshyn [2001], Scholl et al. [1999, 2001]. There is robust evidence that a referential link to a particular entity, an individual, is established in virtue of low-level indexing mechanisms (which Pylyshyn dubs `finsts') that : - precede the deployment of focal attention ; - operate before and independently from the perceptual identification of the tracked item ; - are pretty insensitive to major featural modifications in the visual appearance of the tracked items ; These three aspects suggest the nonconceptual nature of such referential mechanisms : they allow a subject to keep track of an item without necessarily encoding specific features or attributes of that item. The nonconceptual nature of this referential link has to be considered, according to defendants of the finsts theory, as a precondition to any form of identification or perceptual judgment about objects. In this respect, the visual index theory can be considered as an extension and partial amendment of the hypothesis according to which humans access and store information about perceptual objects in terms of `files'. 244 Tracking Agency 10.2.1 Object Files and Their Dynamics The notion of an object file is due to the work of Kahneman and Treisman [1992]. They proposed that object perception is mediated by the opening of episodic 'files' within which object tokens are constructed. Information about particular perceptual items is thus selected from the sensory array, integrated over time, and stored in such files. Pylyshyn has suggested that object files can account for the way in which perceptual information is stored, but not for the creation and maintenance of the referential link to the object. Pylyshyn's model enriches and extends the previous theory at two different levels : first, it introduces a mechanism of nonconceptual reference as a requirement for any theory of perceptual reference to individuals ; second, it embeds the traditional object file notion in a larger framework that accounts for the whole dynamics of perceptual items. Following Pylyshyn, hence, we should distinguish three independent classes of properties that are relevant for understanding the dynamics of object tracking, namely : (1) index-grabbing features properties that cause the assignment of an index (and enable an object file to be opened for the indexed item) ; (2) index-preservation features properties that allow the indexed item to be tracked (and the file to persist over time) ; (3) encoded features properties that can be ascribed to the indexed item (information that can be stored in the file). Taken together, (1)-(3) characterize how `files' work : the content of a file, i.e. information attached to the indexed individual, is defined by properties of type (3) ; the dynamics of the tracking is defined by properties of type (1) and (2). It should be noted that properties belonging to (1) and (2) need not be encoded in the file : they need not be used for identifying entities as objects, i.e. they do not provide per se any basis for identifying the object or making perceptual judgments about it. Properties belonging to (3), on the contrary, are properties stored in the file, and they can be used for further qualification (categorization/identification) of the object at a conceptual level. 10.2 Perceptual Tracking of Individuals 245 10.2.2 From Object Files to Infants' Representation of Objects Up to now we have been referring to perceptual objects, i.e. individuals picked out by our perceptual systems without benefit from concepts or prior knowledge. Carey and Xu [2001] have argued that adults' nonconceptual representation of perceptual items and infants' object representation share a number of characteristics : - they privilege spatiotemporal information in decisions of individuation ; - they are subject to the same set of size limitations for parallel individuation ; - they survive occlusion and are sensitive to the distinction between cessation of existence and temporary loss of visual contact (ibid., p.186). In particular, the individuation mechanisms described in developmental psychology literature and those described by the object tracking literature both seem to privilege entities that are bounded, cohesive and that persist over time. According to these authors, these strong similarities suggest that the account provided by studies regarding how human adults track perceptual objects and the widely discussed results in developmental psychology regarding how infants represent objects are two descriptions of the same system. If their proposal is correct, then it is plausible to assume that the same mechanisms that are put to work when adults track perceptual objects are working when infants track objectual entities : nonconceptual representations of individual entities involved in both domains can hence be described as the same kind, which we refer to using the notion of a proto-object [Pylyshyn, 2004c, p.23]. 10.2.2.1 Proto-objects vs. commonsense objects It should be noted that the notion of nonconceptual representation of objectual entities (proto-objects) need not be relevant for our commonsense understanding of physical objects. While Pylyshyn [2004c] acknowledges that trackable individual items are typically the proximal counterpart of commonsense physical objects, it is debatable whether this is always the case. We should hence be prudent not to conflate the theoretical notion of proto- 246 Tracking Agency object which is relevant for perceptual and developmental psychology with our shared intuitions about objects, which can be shaped by conceptual, linguistic and cultural factors [Casati, 2004]. The legitimacy of the distinction between a theoretical notion of (proto)objecthood and the commonsense notion of an object motivates our claim that the study of agency and agent individuation should respect a similar prescription : what we intend to suggest is that - no matter what our shared intuitions are about agents in everyday life, how we individuate them or identify them - there might be a theoretical notion, comparable to the notion of a proto-object, (we might call it the notion of a `proto-agent') that is relevant for the understanding of nonconceptual individuation and tracking of entities endowed with agency and intentionality. Such a notion should, then, not be conflated with its commonsense counterpart : from now on we will refer to `agents' tout court for this theoretical notion of a `proto-agent'. 10.3 Perceptual Tracking of Agency Picking out and maintaining a referential link to agents seems prima facie to raise the very same problems involved in referring to objects. We argue that merely being sensitive to agency cues is not sufficient to account for the way agents are individuated, tracked and referred to. What is needed, much as in the case of object tracking, is to understand how a subject is able not only to detect agency, but to maintain reference to an individual which : - is unique in spite of multiple agency cues ; - can persist over time ; - can survive to changes in some of its features ; - can cease to exist, split or merge with other entities ; - can be tracked in parallel and independently of other entities of the same kind. The need for such a mechanism that allows agent tracking can be illustrated through a case like the following : Playing `footsie'. John is invited for dinner at a friend's place. He is seated across from a number of guests. At a certain point in the dinner he notices that something is going on under the table : he detects an agency cue, like someone willing to play `footsie' with him. After a while, a second agency cue is detected. 10.3 Perceptual Tracking of Agency 247 Fig. 10.1 - Playing`footsie' and agent individuation John has a problem understanding whether there actually is an agent behind the detected cues, and if it there is, whether one and the same agent is responsible for both cues or more than one agent is involved. Thus, keeping track of agents seems to require some sort of mechanism for the selection of individuals, the creation of a referential link and its maintenance over time. It is unclear, though, whether and how keeping track of agents could be done using the mechanism used for ordinary object tracking. The mechanism involved in object tracking is not triggered by properties such as purposefulness which could plausibly be a necessary condition for parsing an agent as persistent. If this is so, then such mechanism would not detect the agent's willingness of playing footsie with John and, thus, would not allow him to keep track of the agent behind the agency cue (not to say that it would be helpless for John's understanding of whether one and the same agent is responsible for both, the first and the second, cues). Furthermore, there may be cases in which objectual cues conflict with agency cues and it is hard to establish whether individual entities are tracked in virtue of the former or the latter. The literature on infants' perception of intentionality in self-propelling shapes [Heider and Simmel, 1944, Premack, 1990, Scholl and Tremoulet, 2000] represents a good case study for investigating such issues. Heider and Simmel (1944), for instance, showed that people tend to associate particular intentions or intentionality (doing some good to someone, being good, etc.) to certain systematic ways in which some geometrical figures (circles, triangles, etc.) move while they "tell a story" in a movie. One might ask under which conditions criteria of individuation and 248 Tracking Agency perceptual tracking are based on objectual cues rather than agency cues. It is an interesting empirical issue to study whether : - an item preserving its agency cues and changing its objectual features can still be tracked as the same agent (e.g., an `evil' triangle turning into an `evil' square without violation of other constraints or an `evil' triangle disappearing and reappearing at another place with a violation of spatio-temporal continuity) ; - an item preserving its objectual features and changing its agency features can be still tracked as the same object (e.g. an `evil' triangle suddenly turning into a `good' triangle). Evidence from such experiments supports the claim that there are specific individuation processes that depend on agency which can be dissociated from individuation of the same entities as objects [Bloom, 1996]. In what follows we will argue that the question of whether children are able to individuate and refer to agents by appealing to mechanisms similar to those of object tracking might benefit from an extension of the notion of `file' to the case of intentional agents. 10.3.1 Extending the File Notion to Agents An interesting way to operationalize perceptual individuation and the tracking of agents involves an appeal to the notion of file described above, extending it from the domain of (proto-)objects to the domain of (proto- )agents by postulating the notion of an agent file. If the ability to track agents is not reducible to mere sensitivity to agency cues, in virtue of the agent's continuity and persistency over time, it seems reasonable to assume that in order to track such entities and ascribe properties to them a subject might use files. Their dynamics can be then described by three classes of properties analogous to those we introduced for object tracking. 1. Agency-grabbing Properties properties that enable individuation of an agent (i.e., properties that are necessary to open an agent file) ; 10.3 Perceptual Tracking of Agency 249 2. Agency-preserving Properties properties that allow an individual agent to be tracked (and the file to persist over time) ; 3. Encoded Properties properties that can be stored and retrieved from the agent file. In the example introduced earlier, such properties could be : John's detection of an animacy cue on his leg (an agency-grabbing property) ; the spatio-temporal coherence of this stimulation (for instance its spatial orientation or its frequency : agency-preservation features) ; any other information that can be ascribed to the agent (including non-perceptual information such as beliefs about the agent's explicit intention of playing `footsie' : encoded properties). The main idea is that files are domain-specific so that the kind of information and properties that an agent file can store is different form that which is stored in an object file : the encoded information in the former type of file can include intentions, which can be retrieved in reasoning or while making judgments about the agent. 10.3.1.1 Agent Files vs. Agency Cues It should be noted that by positing the existence of a class of properties that allow an individual agent to be picked out we are not endorsing the idea that as soon as such properties are detected an agent file is automatically opened. In the case of objects, it has been shown that detection of objectual cues is not per se sufficient for tracking an entity : well-formed perceptual objects might still lack conditions for being tracked over time [Scholl et al., 2001]. The mere presence of objectual cues does not entail the presence of reference fixation cues. Similarly, there can be cases in which merely detecting an animacy or agency cue, although sufficient to respond to its presence, does not imply that an agent is individuated and susceptible of perceptual tracking. John can for example withdraw his leg as a reaction to the stimulation, without necessarily individuating an agent. Since agent tracking is not required in such cases (either because there is no need to individuate the source of the cue or because there is no need to represent this entity as persistent over 250 Tracking Agency time), we assume that opening an agent file is not needed. Actually, we claim that agency-grabbing properties are necessary conditions for agent tracking but they are not per se sufficient for the creation of an agent file. Distinguishing between simple detection of properties and full-blooded perceptual tracking - as in the case of detection of objectual cues vs. object tracking - is a natural consequence of our approach. 10.4 Object vs. Agent Tracking : Empirical Directions Introducing the notion of an agent file raises the problem of understanding whether and how such files are related to files that apply to tracking of objects. If we accept the hypothesis that there are two distinct mechanisms for agent vs. object tracking, it is reasonable to ask how such mechanisms can interact or be mutually related in specific experimental conditions. Broadly speaking, there can be two general options : (A) Independence view At each level of description, object files and agent files share no common features. Properties relevant for describing the two kinds of files and their dynamics (file fixation, preservation and content) are necessary and sufficient to account for the two distinct kinds of tracking. (B) Dependence view At some level of description, object files and agent files might share common features. Properties relevant for describing the two kinds of files and their dynamics are sufficient but not necessary to account for the two distinct kinds of tracking. Some properties of one kind of file can be exploited at a given level by the other kind of file. We will outline in what follows some cases in which the relation between the two kinds of files can be empirically studied at each level. 10.4.1 Object vs. Agent File Fixation Cues Once we acknowledge that object vs. agent tracking can be articulated at three distinct levels, we can raise the question of whether, in the case of 10.4 Object vs. Agent Tracking : Empirical Directions 251 tracking1, different classes of properties allow fixing of reference to an item in the case of agents and in the case of objects. Let us consider an example drawn from a classic arcade game of the '80. The Asteroids Game. A player must drive a space vessel in order to avoid and destroy both asteroids and enemy vessels. Asteroids are characterized by passive physical movements, while enemy vessels are characterized by motor patterns revealing intentional behavior (like avoiding asteroids, actively changing speed and direction, and shooting other vessels). The player must be able to track both asteroids and enemy vessels and react appropriately to their movements in order to destroy them, survive and win the game. Fig. 10.2 - The Asteroids Game : objects vs. agents This example illustrates a case in which a subject needs to pick out and maintain reference to two different types of individual (objectual entities, like asteroids, vs. intentional entities, like enemy vessels). We assume that in order to do this, the subject must detect two classes of cues prior to any further identification or categorization. It seems that, to establish reference, the subject does not need to access properties that might be used to identify objects and agents (e.g., asteroids and enemy targets might have the same shape). In short, we are claiming that a subject becomes able to individuate and maintain reference to entities belonging to two distinct classes (proto-objects vs. proto-agents) in virtue of his ability to detect objectual vs. agency cues, and of the specific task requirements that force him to maintain perceptual reference to individuals over time. If it can be empirically demonstrated that in similar conditions subjects display robust 1 We do not intend to discuss here cases of mere sensitivity to objectual cues vs. agency cues. See the paragraph in section 10.3.1.1 on the distinction between detecting and tracking agency 252 Tracking Agency capabilities to differentially detect reference-grabbing properties belonging to two mutually exclusive classes as a condition for tracking items, then we might plausibly conclude that two distinct and independent individuation processes are at work. This distinction would support the claim that object tracking and agent tracking are independent at the level of reference fixation properties. The existence of two distinct classes of reference fixing properties -- although sufficient to support the independence view at this level (agency cues can be segregated from objectual cues) -- is not sufficient to conclude that the two mechanisms of agent and object tracking are necessarily independent. We must also consider the relation between agents and objects at two other levels, viz. reference preservation and feature encoding. 10.4.2 Object vs. Agent File Preserving Properties We have insisted on the fact that fixing perceptual reference is still not enough for tracking individual entities over time. Tracking implies preserving a referential link to a perceptual item already picked out. This raises the question of determining in virtue of which properties reference to a single individual can be maintained over time. In the example above, in order to be able to avoid an asteroid, a subject must be able to track it as persisting over time. Following Pylyshyn, we assume that the properties used for fixing reference when the individual is picked out need not be the same as those that preserve reference. Once an item is individuated, reference fixing properties can be discarded without breaking up the referential link itself. Provided there are some file preserving properties, an item can undergo major changes without losing its singularity : we argue that if preservation conditions are met, an individual will not cease to be treated as a single perceptual item even if the properties initially used for its individuation have disappeared. Assuming that an asteroid was picked out as an individual object through its shape, it is not necessary that its shape be maintained over time in order for the object to persist in a perceptual tracking task. Recent literature on Multiple Object Tracking has demonstrated that tracked items can survive several kinds of disruption of their features. It seems, though, that certain properties are required for an item to preserve its individuality. It is reasonable to assume, on the basis of this literature, that in 10.4 Object vs. Agent Tracking : Empirical Directions 253 our asteroids game example, although asteroids might `survive' temporary occlusions which do not alter their trajectory, they would fail to maintain a perceptual link in cases of spatio-temporal incoherence, like sudden shrinking or disappearing and reappearing at a different location [Scholl and Pylyshyn, 1999]. Coherence of trajectory as well as cohesiveness [Van Marle and Scholl, 2003] are hence examples of properties that seem to be required in order to maintain reference to perceptual items in tracking tasks. We might then ask whether the properties used to keep reference alive are different in the case of agent or object tracking. 10.4.2.1 An Objectual Bias in Agent Files Preservation ? Many observable properties might in principle be recruited to preserve agency. For instance, the reiteration of animacy cues (e.g. an enemy vessel periodically shooting at the player) or the lack of cues of agency disruption (e.g. the lack of observable indicators of an enemy vessel being destroyed) are good candidates for the properties that contribute to the preservation of agent files. This might suggest that at the level of file preservation as well, agents and objects do not share any property (and hence that object files are independent from agent files). Nevertheless, given the fact that intentional entities are usually coinstantiated with objectual entities (`bodies') in our environment, it is plausible to assume that agents can be perceptually tracked via objectual preservation properties. We call this phenomenon an objectual bias in agent files preservation. This amounts to saying that : (a) there is a class of properties that are sufficient to maintain reference to an object, once an object file is opened. (b) there is another class of properties that are sufficient to maintain reference to an agent, once an agent file is opened ; (c) among each of the above classes there are single properties that are more or less strongly correlated with preservation of the file : in the case of objects, there might be properties strongly or weakly correlated with object persistence ; (d) one and the same property can be correlated with different degrees of reliability to agency or objecthood preservation ; 254 Tracking Agency (e) object preservation properties that are weakly correlated with preservation of agency might nonetheless be recruited for preserving agency when other agency preservation cues are absent or not available. The fact that one and the same property P might be relevant to different degrees for maintaining reference either to an object or to an agent does not threaten per se the very possibility that there are two distinct kinds of file. We are just suggesting that it is empirically possible that, in virtue of the robustness of the agent-body correlation in our environment, nonconceptual tracking of agents might exploit objectual properties. Which classes of properties are actually being used for tracking a protoagent (whether they are properly described as agency-related rather than object-related) is, thus, an empirical issue that calls for experimental work. We maintain that -- until a number of explicit conditions for distinguishing between these two classes are formulated -- empirical results supporting the hypothesis that infants track individual entities as persistent objects, as persistent agents or as agents persisting in virtue of their objectual features might be seriously undermined. As a possible suggestion, one might test whether the fact of using objectual properties for keeping track of agents' persistence has any consequences on the number of items an infant is able to individuate and track at the same time. 10.4.3 Object vs. Agent File Content Once the conditions for fixing and preserving an item are met, we have at our disposal a device (a file) to store information attached to this individual. The way in which a file attaches properties to an entity is radically different from the way in which the nonconceptual mechanism at work while tracking an individual establishes and preserves reference to it. On the one hand, nonconceptual tracking provides a direct link to an individual, i.e. allows a particular entity to be grabbed and segregated from other individuals or other properties of the scene : tracking is thus a necessary condition for parsing an individual as persisting. On the other hand, having a file attached to an individual is required in order to ascribe some properties to it. In the object file literature, a file content typically consists of properties that 10.5 Are There Really Agent Tracking Mechanisms ? 255 can be predicated of an object and used in perceptual judgment, categorization and identification. Following Scholl et al. [1999, p.2] : [This kind] of property determines the object's appearance -- what a particular object looks like -- including its color, shape, lightness, and texture. We call these featural properties. If our hypothesis on the extensibility of the object file paradigm to the case of agent tracking is valid, then we can think of the content of an agent file as a temporary structure attached to an individual entity which can store information about this intentional entity. It is an empirical issue to understand whether and what are the particular constraints on properties that can be stored in an agent file as opposed to an object file. Yet, we submit that the extension of the file notion to the case of agency can explain how perceptual agency properties can be ascribed to a particular agent and used in perceptual judgment. When an infant is asked to identify among a number of perceptually available agents which is the agent displaying, say, aggressive behavior, we claim that she is making use of information stored in a file to perform this task. It should be noted that since properties stored in a file are those properties that are conceptually accessible, they need not have any relevance for understanding how the nonconceptual parsing and tracking of individual entities is done. 10.5 Are There Really Agent Tracking Mechanisms ? The previous paragraphs were meant to outline a number of empirical issues related to the possible distinction of object vs. agent tracking at three different levels : (a) the level of reference-fixing, (b) the level of keeping reference alive and, (c) the level of ascribing properties. It might be objected that our proposal of an extension from the domain of objects to that of perceptual agents is in fact a mere redescription of the functional role of object files and thus the idea that we are able to track agents in virtue of dedicated mechanisms would be brought into question. The proposal underlying such objection can be called the deflationary view on agent tracking. Our reply to this objection can be articulated at different levels. 256 Tracking Agency - The rationale for the existence of agent tracking mechanisms is that if we want to account not only for detection of and sensitivity to agency or animacy cues as opposed to objectual cues, but also for the ability to maintain reference to an intentional entity persisting over time, then we need to explain how this representation of persistence is achieved. - From the fact that there might be significant similarities in the dynamics and nature of object vs. agent tracking (what we called the dependence view), it does not follow that the latter should be reduced to the former. In the previous paragraph we made some suggestions about possible empirical ways to assess the similarity/difference between the two mechanisms. - Our proposal is consistent with a large literature in developmental psychology that has demonstrated the existence in children of two distinct domains of perceptual properties : the domain of animacy and the domain of objecthood. Our contribution can be considered as a framework for extending these investigations to the question of how individuals endowed with animacy and agency can be grabbed as entities persisting over time. - The hypothesis of the existence of agent files and agent-related tracking abilities opens up some interesting research directions leading to the study of possible conflicts and dissociations between object and agent tracking. Empirical research might shed light on the fact that : intentional and objectual entities can compete for the same attentional or computational resources : it is possible that the limit on the number of items a subject can track at one time is dependent on (or independent of) the class of tracked items (objects only, agents only or objects plus agents) ; there may be interesting cases of dissociations, i.e. selective impairments of either of these abilities without functional consequences for the other : we might imagine cases of subjects being able to track objectual entities but not agents or viceversa. inattentional blindness studies might investigate whether the existence of two distinct classes of entities has any effect on their neglect : this might suggest that the traditional list of `styles of attention' (object-based vs. space-based attention) should be extended to include a third kind of style (agent-based attention) ; 10.6 Conclusions 257 developmental investigations might benefit from the notion of an agent tracking mechanism to establish the conditions under which infants represent the persistence of a perceptual item over time. The above considerations suggest that dedicated mechanisms for agent tracking are likely to have psychological reality and account for a number of capacities involved in perceptual reference to persistent entities endowed with agency. The relation of such mechanisms to those involved in perceptual reference to objects remains, however, an open empirical issue deserving further investigation. We have given arguments in favor of a moderate dependence view suggesting that in some cases objectual properties might be recruited to establish and maintain reference to agents. 10.6 Conclusions A crucial step for understanding our nonconceptual abilities to refer to individual entities consists in explaining how such individuals are picked out and tracked over time, prior to any form of categorization or conceptualization. Such mechanisms of direct reference to individuals lay probably at the basis of both infants' abilities to parse objects and adults' capacity to keep track of multiple perceptual items. We have proposed an extension of the studies on object individuation and tracking to the domain of perceptual individuation and tracking of entities endowed with agency. This extension is intended to fill a gap between the study of perceptual sensitivity to agency cues and a full-fledged understanding of how perceptual items tracked as agents (what we called proto-agents) can persist over time. We have argued that unless some explanation of the mechanisms underlying agent persistence is provided, many empirical results concerning infants abilities to track animate entities could be dramatically undermined. Our proposal of three distinct levels that might be involved in agency fixing, preservation and ascription is meant to provide the basic requirements for any explanation of perceptual capabilities to track agents. We argue that by analyzing the dynamics of agents at these three different levels, more principled answers might be given to the question of possible interferences and biases between mechanisms dedicated to agent vs. object individuation. 258 Tracking Agency Chapitre 11 Percept The Notion of the Non-Conceptual in an Explanation of Illusion [Article ´ecrit en co-auteur avec Nivedita Gangopadhyay, soumit `a la date de la r´edaction.] 11.0.1 Abstract The explanation of the classic case of the M¨uller-Lyer illusion necessitates the postulation of a structured non-conceptual level. Within the domain of the non-conceptual we propose a theoretical entity that we call a "percept" which composes what we call a "proto-judgment" and we present a number of characteristics that we argue proto-judgments possess viz. being nonconceptual, non-epistemic, non-representational entities composed of percepts and which determine the cognitive agent's behavior with regard to the content of her experience. We claim that the postulation of such a nonconceptual entity helps provide a satisfactory explanation of the M¨uller-Lyer illusion. We conclude by proposing a three-level model of experience that is needed to explain perceptual phenomena such as the M¨uller-Lyer illusion. 11.1 Introduction In a recent paper E. Pacherie (Pacherie, 2000) has suggested that the dichotomy proposed by Dretske (Dretske, 1969) between epistemic (cognitive) and non-epistemic (simple) seeing may be an oversimplification of 260 Percept the whole story of perception. Pacherie argues that there are instances of perceptual experience that do not allow of a clear classification into either of these two types of seeing and that a satisfactory account of perceptual phenomenon requires the postulation of a third level of perceptual content intermediate between the epistemic and non-epistemic levels. This hypothesized level, a structured non-conceptual level, is invoked to explain among others the problem of illusion. In case of illusion, whether they be cognitive or perceptual, there is a major discrepancy between the actual state of affairs in the world and our perception of it and hence an analysis of an instance of an illusion may help us determine the extent of influences of the sensory data coming from the world on the one hand and our own mind on the other on the resulting percept. We will call the hypothesized nonconceptual entity a "proto-judgment". We will argue that a proto-judgment is a structured non-conceptual, non-epistemic, non-representational entity composed of percepts, i.e. by invariants of perception, which determine the cognitive agent's behavior with regard to the content of her experience. It determines the behavior of the agent in that it is a persistent impression of an experience following which the agent will act. Protojudgments may appear in all cases of perception but it is easier to account for their possible existence in cases of illusions such as the M¨uller-Lyer illusion. Before we take up the classic case of the M¨uller-Lyer illusion for analyzing it in the light of the proposed non-conceptual level of content we would like to present a brief characterization of what we mean here by conceptual and non-conceptual. 11.2 The conceptual and non-conceptual contents The distinction between conceptual and non-conceptual content was explicitly put forward for the first time by G. Evans (Evans, 1982) who maintained that information obtained from the perceptual systems is initially non-conceptual (and unconscious) becoming conceptual (and conscious) only when used in thinking and reasoning. Later writers on the subject (Crane, 1992, Peacocke, 1989,1992,1998, Cussins, 1990, Bermudez, 1995, Hurley, 1998, Tye, 1995) have variously characterized non-conceptual content arguing for the most part that the richly detailed and fine-grained nature of perceptual content cannot be accounted for only in terms of conceptual ca- 11.2 The conceptual and non-conceptual contents 261 pacities. In this paper by "concept" we will accept the definition proposed by Carey, 2004. A concept is a unit of thought which is a constituent of larger mental structures as belief, judgments, desires and so on. Concept is representational. It is individuated by its reference and its role in inferential structure (Carey, 2004, p. 60). Concepts can involve high level abstraction and generalization yielding mental entities that are indeed so far removed from what is ordinarily given in sense-experience that the semantic content of these concepts is almost always confined to the realm of the mental (e.g. concepts of God, perfection, truth etc.). Concepts can also belong to lower levels of abstraction and generalization resulting in mental entities that act as a general term for things in the world that can be said to be tokens of that concept (e.g. concept of table, red, etc.). However, irrespective of whether concepts belong to a high level or to a low-level they share the feature of being structured. They can be thought of as inter-linked and they allow inferences. This feature leads to the further implication that the concepts that an agent possesses are consistent among themselves in the case of a given experience. This consistency of concepts makes it theoretically impossible to account for perceptual phenomena such as the M¨uller-Lyer illusion in terms of concepts as the explanation would have to involve ascribing contradictory concepts about the same experience. We will take up this line of thought in Sec 3. while discussing the role of non-conceptual content in these cases. On the other hand, non-conceptual content of experience is that content of experience which an agent can possess without having the concepts that characterize the content. However, it is to be noted that the term "nonconceptual" can be applied to a state as well as to the content of a state. When used to qualify a state it refers to a state which is not brought forth by the conceptual capacities of the agent or a state which cannot be accounted for by the concepts possessed by the agent. "Non-conceptual content, on the other hand," can be understood in two ways. First it can refer to those contents of experience in order to have which the agent need not possess the concepts required for describing this content. This is not to say that the agent as a matter of fact does not possess those concepts but rather that the concepts play no role in determining these contents of experience. This is to highlight that an agent can experience things for which she has no concepts. Secondly, non-conceptual content can also be understood in a 262 Percept negative way i.e. as that which is not conceptual. Concepts constitute high level mental entities that enable the agent possessing them to categorize, make abstractions and inferences and for this concepts must satisfy the Generality Constraint. The Generality Constraint is stated by Evans as- "Thus, if a subject can be credited with the thought that a is F, then he must have the conceptual resources for entertaining the thought that a is G, for every property of being G of which he has a conception. This is the condition I call `The Generality Constraint' ". (Evans, 1982, p. 104). So when construed negatively as that which is not conceptual, non-conceptual content is that which does not permit the same kind of categorization, abstraction and inferences as concepts and which does not satisfy the Generality Constraint. In this paper we seek to provide a positive categorization of non-conceptual content. Whether or not conceptual and non-conceptual contents are completely different with respect to their features remains to be discussed and our aim in this paper is to show that they may not be absolutely distinct. We will argue that cases of illusion such as the M¨uller-Lyer illusion indicate that the non-conceptual admits of a structure that is needed for explaining the illusion and this entity seems to possess some features similar to ones that concepts have yet radically differ from the latter by the lack of certain crucial aspects of these features. 11.2.1 The epistemic and non-epistemic levels In order to bring out the implications of Pacherie's ( Pacherie, 2000) claim that the epistemic and non-epistemic dichotomy proposed by Dretske (Dretske, 1969) does not account for a number of perceptual phenomena, like for instance the M¨uller-Lyer illusion, there is the need to clarify the possible relationships that can obtain between conceptual and non-conceptual content and epistemic and non-epistemic levels. Dretske (Dreske, 1969) explains the notion of epistemic seeing by enumerating a number of conditions that a perceptual state must fulfill in order to qualify as an instance of epistemic seeing. First, S sees that b is P in a primary epistemic way only if : (i) b is P Secondly, S sees that b is P in a primary epistemic fashion only if : (ii) S sees b Thirdly, S sees that b is P in a primary epistemic way only if : 11.2 The conceptual and non-conceptual contents 263 (iii) The conditions under which S sees, b are such that b would not look, L, the way it now looks to S unless it was P. Finally, S sees that b is P in a primary epistemic way only if : (iv) S, believing the conditions are as described in (iii), takes b to be P. With regard to the notion of non-epistemic seeing Dretske states, "There is a primitive visual ability which is common to a great variety of sentient beings, an ability which we, as human beings, share with our cocker spaniel and pet cat. It is an endowment which is relatively free from the influences of education, past experience, linguistic sophistication, and conceptual dexterity." (Dretske, 1969, pg.4). In this context it is important to note that the epistemic and non-epistemic levels suggested by Dretske are logically distinct and need not be psychologically independent. Thus Dretske claims, "It may be that adult human beings, by virtue of their past experience, cannot see a candle-stick holder, under any conditions, without at least being brought to the belief that they are visually aware of something. But this fact, if it is a fact (and I do not think it is), would not tend to show that it is logically inconsistent to say of someone that he saw a candle-stick holder without believing himself visually aware of anything, that seeing a candle-stick holder involves, as part of its meaning, the percipient's believing something of this sort." (Dretske, 1969, pg.10). From such claims of logical independence between epistemic and non-epistemic seeing it is possible to consider the notion of non-epistemic in two ways, viz. i) An agent can possess a mental state without being aware that she possesses it and/or ii) An agent can possess a mental state without knowing why or how she came to have it. This amounts to saying that an agent can possess a mental state without possessing the justifications for the state. So there are two ways in which a mental state could be considered as being non-epistemic. The first is that the state has an unconscious content or a content of which the agent possessing the state is not aware, i.e. the agent cannot grasp the contents of the state, and secondly the agent is conscious or aware of the content, i.e. she has an access to the contents or can grasp them, but does not know the reasons as to why she possesses them. From this we can derive the features of a state at the epistemic level too. A state would be epistemic if 264 Percept i) The agent possessing the state is aware that she possesses it, i.e. the agent can grasp the content of the state. An example of this kind of state can be a belief state where the agent is aware that she possesses the belief but can offer no reason for it and/or ii) The agent possessing the state knows why and how she came to have it. In other words the agent has the state as well as the justification for it. This feature would promote the state in question to the status of knowledge. By "knowledge" here we accept the classical view of justified true beliefs. Let us now consider the possible relationships that could hold between conceptual and non-conceptual content and epistemic and non-epistemic levels. A state can have a conceptual content and belong to the epistemic level by satisfying both or at least one of the above-mentioned features of the epistemic level. A person possessing a state with a conceptual content is necessarily aware that she possesses the concept and she may also be knowing why and how she came to possess it. If the agent merely possesses the concept without having the justifications for it, it is of the nature of a belief which may be true or false. For example, an agent may possess the concept of God but if questioned may not be able to provide justifications for possessing the concept. Here the agent has a mere belief in the concept and not knowledge. But if she also knows the reasons for possessing the concept and if the belief is true then it becomes knowledge. For example, a person has a concept of snow and justifies the possession of the concept by saying that every time certain climatic conditions are satisfied the water droplets in the clouds will fall as snow. In this case we can say that the agent knows what snow is. However, the possession of a concept is not necessarily linked to the possession of the justifications for the concept and an agent can have a concept without the justifications. Thus the following relationships are possible between a conceptual content and the epistemic and non-epistemic levels : A conceptual content necessarily belongs to the epistemic level if we consider the first feature of the epistemic state i.e. being aware. However if we take into account the second feature then a conceptual content may or may not be epistemic. From this the relationships between a conceptual 11.2 The conceptual and non-conceptual contents 265 content and the non-epistemic level can also be derived : A conceptual content can never belong to a non-epistemic level in the first way. We cannot both have a concept and not be aware that we possess it. However, since merely possessing a concept does not amount to knowledge, a conceptual content can be non-epistemic in the second sense. An agent can possess a concept X without knowing why or how she has it or without being able to give any condition of use and application of this concept. The picture is considerably different with respect to non-conceptual content. A non-conceptual content can belong to the epistemic level in the first way but it can never belong to the epistemic level in the second sense i.e. an agent cannot offer any justifications as to why she has a particular non-conceptual content even if she is aware of having the content. A nonconceptual content can, however, belong to the non-epistemic level in both ways. There can be non-conceptual content of which we are not aware, e.g. sensory data, and there can also be non-conceptual content which we possess but do not know why and how we do so. For example, in the M¨uller-Lyer illusion we have the persistent perceptual impression that the lines are not of equal length but we do not know why and how we see them as unequal. 11.2.2 The representational aspect Since the distinction between conceptual and non-conceptual content is generally drawn within a representational account of experience, it is important to specify the possible relationships between conceptual and nonconceptual contents and representation. Without delving into the intricate and baffling question of what is a representation, we will accept a notion of representation as simply that where a thing stands for something else. What is of immediate interest to us is the idea of correctness associated to the notion of representation. Peacocke argues that a mental entity can be called representational if it is subject to the correctness condition (Peacocke, 1983). An entity that represents something can be said to be a symbol for the thing it stands for in a system that processes symbols. The fact that an entity represents another entity is determined by a logical function governing the input of objects and the output of values. Thus, can be said to represent a if f : a = 1. In the context of a bivalent logic can have two values, {0, 1}. 266 Percept In order to apply this function it must be verifiable. It must be possible to state that f : a = 1. Consequently, there must be a function F which allows us to determine if the function f determining the value of 1 for a is correct or not. This function F can be called the evaluation function or the correctness condition. Hence this correctness condition can be said to be sort of in-built in the notion of representation. Thus if the agent possessing a mental entity can revise it or change it or correct it the entity can be said to be representational. It is this condition that enables us to talk about "errors" and "mistakes" on the part of the cognitive agent. Now in case of conceptual content it can be said that these contents meet the correctness requirement. Perhaps the most compelling evidence comes from cases of erroneous perception. A person perceives a stick half-immersed in water as bent. As a result of this perceptual experience she gathers the belief - the stick is bent. This is certainly a conceptual state but it is open to revision. After she realizes that the stick is actually straight but was looking bent in water she replaces her former belief by the belief- the stick is straight. Hence her previous conceptual state, that is her belief or judgment, has been modified. Since concepts allow of such correction, they meet the correctness condition and hence can be said to be representational. All concepts satisfy the Generality Constraint and thus can be said to be representational in this sense (Evans, 1982). Non-conceptual content, however, is not subject to the correctness condition. This claim is supported by the analysis of instances of illusions such as the M¨uller-Lyer illusion. In this case no matter how much we try we cannot but see the lines as unequal. Even after we measure the lines and discover that our perceptual experience of seeing them as unequal is actually an illusion, the percept does not change. The agent cannot change the percept as a result of changes in the belief state concerning the same experience. However, the change of the percept as a result of changes in the environment or the stimulus presented is quite a different issue. After the discovery of the illusion there is a change in the belief-state and hence in the conceptual content but this change does not affect the actual experience. To explain this phenomenon the non-conceptual content is introduced as it can be explained neither by the conceptual content nor by the mere sensory data as we will argue in Sec.3 , following Pacherie. As non-conceptual content does not allow change or revision it cannot be representational in the sense of meeting the correctness criterion. 11.2 The conceptual and non-conceptual contents 267 11.2.3 Proto-judgments From the above discussions we can enumerate the following characteristics of conceptual and non-conceptual content : Conceptual content can bei) epistemic (in both ways), ii) non-epistemic (in the sense of lacking justifications), iii) representational, iv) subject of consciousness or awareness. In addition to these concepts also have the following crucial features. They are lexical, may or may not be linguistic as a subject can possess a concept without knowing the corresponding general term, have corresponding abstract entities and involve abstraction. Non-conceptual content - i) cannot be epistemic, ii) is non-epistemic (in both ways), iii) is necessarily non-representational, iv) may or may not be conscious (a perceptual state like the one in case of the M¨uller-Lyer illusion has a conscious non-conceptual content but sensory data are example of unconscious non-conceptual content). Moreover, non-conceptual entities are lexical (expressible through non-linguistic behavior at least), are nonlinguistic, do not have corresponding abstract entities and involve abstraction although not of the same kind as involved in concepts. In this context by abstraction we mean the features of being "context-free" i.e. not bound to one particular context. An entity derived by abstraction would thus be one which can be applied in several contexts. However, the crucial distinction between concepts and non-conceptual entities in this respect is that in addition to involving abstraction in the sense of being "context-free" concepts also satisfy the Generality Constraint whereas non-conceptual entities, such as invariants, are context-free as they can be applied in several contexts but they do not satisfy the Generality Constraint. Thus concepts and nonconceptual entities both involve abstraction although not of the same kind. Concepts can involve different degrees of abstraction and generalization and they can be linguistically expressed by beliefs and judgments. The presence of abstraction and inference makes the conceptual contents structured. In this case it is to be noted that, if we keep aside the controversial claim of innate ideas, concepts are initially formed by abstraction from empirical data. The processes of abstraction operating in the formation of concepts pick out common features of a number of entities sharing some similarity and combine them to build a concept. The greater the abstraction and generalization, the higher is the concept. Low level concepts can be said to be less distant from objects of the world than higher level concepts. It can 268 Percept also be said that some lower level concepts are nothing but the perceptual representations of entities of the world. Prinz's notion of "proxytypes" could serve as such low level conceptual entity (Prinz, 2002). Proxytypes are used as detection and tracking mechanisms and they can also be incorporated in thought via working memory. These proxytypes are of the nature of primitive perceptual/imagistic representations. On the other hand, in case of non-conceptual content abstraction and categorization is operative though they are not the same as in case of conceptual content. At the first level of the non-conceptual realm there is the pickup of information by the sensory organs. This information is obtained in a sense-specific way i.e. the visual sense organs picks up only visual cues in the environment and the same is the case with other senses. However, not all cues available to a sense are relevant to the task at hand. The sense organ will typically pick up salient cues from the environment. As a result of evolution and "attunement" to the environment an organism will typically "resonate" to the invariants that are significant for it (Gibson, 1966, 1977,1979). This implies that among all the cues available, an organism abstracts the salient ones. Invariants can be said to be the salient cues occurring or appearing in several contexts (hence "context-free" as they are not confined to one particular context) but nevertheless being dependent on the context they do not satisfy the Generality Constraint. This pick up of invariants is not conceptual as an agent can pick them up without possessing the corresponding concepts. Neither is this epistemic as an agent can possess or pick up the invariants without knowing that she possesses them or why and how she does so. Neither is this representational as the agent cannot correct the invariants picked up as she is in no position to choose which invariants will be picked up by the senses ; there can be no error at the level of invariants although there could be relevance or irrelevance of the invariants for the task. The fact that an agent can learn to pick up new invariants does not imply that she can correct them. For example, in Pavlov's study of conditioned reflexes the dog learns to salivate at the sound of the bell, i.e. it learns to pick up a new invariant (Pavlov, 1927). But when the newly learnt stimulus is presented without the food, the dog still salivates for a number of trials. This shows that even when food is not presented the dog cannot correct its pick up of the invariant as a salient cue of the environment. When the dog no longer salivates at the sound of the bell if it is not paired with the uncon- 11.2 The conceptual and non-conceptual contents 269 ditional stimulus, it is because it simply becomes an irrelevant cue. Hence it follows that invariants do not share the features of conceptual content but rather fall in the category of non-conceptual content. Nevertheless, this non-conceptual content allows : i) Abstraction (picking up of only salient cues in the environment), ii) Generalization (the same invariant can be instantiated in several contexts), iii) Categorization (the invariant enables the agent to distinguish several features and recognize features of the same invariant kind, here categorization means discrimination) iv) Inference (routines can be based on invariant schemes or patterns). In view of these features of non-conceptual content we can say that this content is also structured. Broadly speaking, the lowest level of nonconceptual content would comprise of those entities which have been the least modified by cognitive activities of the agent. The raw sensory data would in this sense constitute the lowest level of non-conceptual content because at the sensory level the data is still nearly completely uninfluenced by conceptual elements. But higher up we find elements which have been subject to processing by the agent and have undergone modification from the raw data stage. The abstraction and categorization of the raw sensory input provides us with the content of the higher levels of non-conceptual stage. Just as concepts yield beliefs and judgments so does non-conceptual content yield what we will refer to as "proto-judgment". Proto-judgments occupy perhaps the highest level in the non-conceptual state and just fall short of qualifying as concepts due to their lack of conscious accessibility, linguistic features and resistance to modifications. Proto-judgments are not conceptual. An agent can possess them without possessing any concepts needed for describing them. They are nonconceptual but not in the way a routine can be said to be non-conceptual. They are non-epistemic in the sense that although the agent can be aware of having a proto-judgment, she does not know why or how she obtained it. A proto-judgment is non-representational as it is not subject to the correctness condition. It cannot be changed, revised or corrected without modifying the environment and the conditions of experience. Correction at the conceptual level has no impact on the proto-judgment. Even after discovering that the two lines of the M¨uller-Lyer figure are of equal length the agent still has the 270 Percept strong impression that they are unequal. A proto-judgment is expressible but not linguistically. A so-called perceptual judgment like "The two lines are unequal" would be a description of a proto-judgment at the conceptual level. Proto-judgments are formed through a process of abstraction which can be said to be a "proto-categorization" in the sense that scenariocontent (Peacocke, 1992) is a form of categorization of the scene but which being dependent on the object present in the experience does not satisfy the Generality Constraint. Proto-judgments only require discrimination and not identification. Finally, just as judgments are composed of concepts, so proto-judgments are composed of percepts which are abstract invariants of perception ; the same percept can appear in several proto-judgments. 11.3 The use of proto-judgments in explaining the M¨uller-Lyer illusion Non-conceptual content has been introduced as a theoretical posit to help explain among others the fineness of grain of perceptual experience that goes far beyond the conceptual capacities of the perceiver and also for perceptual phenomena such as the M¨uller-Lyer illusion that cannot be attributed to either conceptual content or to mere sensory data. In the present context we shall concentrate only on the latter two cases of illusion to analyze the role that non-conceptual content and proto-judgments play in them. Let us begin by the M¨uller-Lyer illusion. Figure1 depicts the classic M¨uller-Lyer illusion. In this case although the two lines are in fact of equal length they appear to be different in our perceptual experience. In the case of this illusion our perceptual judgment initially takes the form "The two lines are of unequal length". After the illusion has been pointed out to us and we have been convinced by taking measurements that the two lines are in fact equal there is a change in our belief state and we can express a judgment of the form "The two lines appear to be unequal although they are actually equal". There is thus a discrepancy between what the perceiver sees and what she believes. The reason why such an instance of perception cannot be accounted for by epistemic or cognitive perception i.e. by means of concepts is that if concepts determined the content of this experience we would have to ascribe contradictory concepts for a single experience to the perceiver (Pacherie, 2000, Crane, 1992). To explain the 11.3 The use of proto-judgments in explaining the M¨uller-Lyer illusion 271 Fig. 11.1 - M¨uller-Lyer illusion illusion in terms of cognitive seeing amounts to saying that the perceiver both believes and does not believe that the lines are of equal length. But concepts can be thought of as interlinked and thus they are consistent among themselves within the context of a given experience. An agent cannot have contradictory concepts about the same content of experience. Hence it is not plausible to state that the subject both believes and does not believe that the lines are equal. It is the Principle of Cognitive Significance that ". . . offers a logical constraint on the content of beliefs." (Gunther, 2001, pg.187 ). Thus a more satisfactory explanation of the phenomenon is that the experience has different components - a component which depicts the lines to be of unequal length and a conceptual/belief component that reveals them to be of equal length. Thus a purely conceptual content cannot account for the illusion in question. However, the perception that the lines are of unequal length cannot be attributed to the bare sensory data (non-epistemic) either (Pacherie, 2000). The illusion cannot be attributed to the state of affaires in the world and their simple pick-up by the senses because the information coded in the diagram is that the two lines are of the same length. The question thus arises- if our raw sensory data does not furnish us with the information that the lines are unequal and if we believe that the they are in fact equal then how is it that our final percept or perceptual content is that the lines are unequal ? To provide a satisfactory explanation of this phenomenon we will usher in the notion of non-conceptual content. 272 Percept As the analysis of the M¨uller-Lyer illusion demonstrates, the content of the perceptual experience or the percept can neither be wholly accounted for in terms of concepts nor in terms of sensory data. Hence this phenomenon is not determined by a conceptual content but neither is it determined by the lowest level non-conceptual content i.e. the raw sensory data. It rather seems plausible to maintain that the percept here is created by a non-conceptual level that has undergone significant abstraction and categorization from the original raw data but which, nevertheless, does not rise to the conceptual level. It seems to embody a high level non-conceptual content, a content that has undergone abstraction from the invariants, which is conscious but regarding which the agent does not know how or why she acquired it, which is not linguistically expressible and which can never be revised or corrected. In short, this is a proto-judgment. Perceptual judgments of the form- The two lines always appear to be unequal- are a description of this proto-judgment at the conceptual level. In the M¨uller-Lyer figure had the lines been marked with arrows in a similar way the illusion would never have taken place. The fact that in the figure the arrows point towards opposite directions sort of "distracts" the visual system from forming the correct perceptual judgment about their length from the sensory data. After otherwise determining that the lines are in fact equal the conceptual/belief system revises its first incorrect belief about the length of the lines. But this correction at the level of concepts does not in any way change the fact that the lines continue to appear unequal to perceptual experience. No matter what we do we can never perceive the actual state of affairs in such a context. We cannot make any corrections at the level of percept. Neither can we be held "responsible" for such erroneous perception. The perceptual system seems to possess a component that has been hard-wired in such a way that it will invariantly pick up the cue (or the "distractor" or distracting cue) that hints at the difference in length disregarding other cues that can indicate the reality. Hence we cannot but see the lines as unequal. This feature cannot be attributed to the sense organs or to the raw sensory data as here it is impossible for the raw data to supply the information that the lines are of unequal length simply because they are not so ! Hence the flow of information coming to the senses from the scene cannot be charged with creating the illusion. This rich sensory data is selected by further processing to yield the final percept and in the stages of selection 11.3 The use of proto-judgments in explaining the M¨uller-Lyer illusion 273 there seems to be a component that is attuned to certain cues among others and presents them as being salient and the resulting percept is thoroughly influenced by such a selection of cues. Yet the claim that this selection does not take place wholly at the conceptual level is bolstered by the fact that we cannot revise and change our percept. We can only change our belief about it. However, although this level cannot be controlled by us (i.e. by our conceptual schemes) it may manifest some functions not unlike the ones found at the conceptual level. The reason for such a claim is that during the selection process from the raw sensory data there must be abstraction and categorization of the incoming information. The abstraction can take the form of picking up of the salient cue from a multitude of inputs and the "proto-categorization" can be grouping them into consistent entities, distinguished from other similar groups, with each group furnishing links between its constituents. The content of such a non-conceptual state is what we term "proto-judgments". They differ with respect to conceptual content in that the latter is generally linked with linguistic capacities and are open to revision. Thus the M¨uller-Lyer illusion demonstrates that the processes of abstraction and a kind of categorization of the raw sensory data have yielded an element which is not exactly what there is out in the world but again which is not completely dissociated from external reality. A certain state of processing in the agent picks up some cues as it is hard-wired to do and passes them on to levels that are manipulated by the agent but which are not influenced by the conceptual level. Proto-judgments thus incorporate how in cases of perceptual phenomena such as the M¨uller-Lyer illusion the data from the external world and the contributions from the conscious agent interact to produce the phenomenon of perception. 11.3.1 The theoretical levels of experience The account of the perception of the M¨uller-Lyer illusion that we have presented so far indicates that at least some, if not all, experience can involve a number of theoretical levels that are logically distinct from each other. At the lowest level is the pick-up of information by the sensory organs. This sensory level which constitutes the lowest strata of the non-conceptual domain is composed of invariants and routines composed of those invariants. These are not available for conscious access by the agent. There is no ques- 274 Percept tion of any "mistake" as such at this level because the agent can in no way control the pick-up of cues from the environment. The senses have been sort of "programmed" through evolution to pick-up certain cues in particular contexts and to ignore others. If the cues picked up do not contribute to the successful execution of the task at hand they are simply "irrelevant", if they enable the agent to successfully carry out the task they are relevant. But salient cues can only be irrelevant or relevant ; they cannot be "right" or "wrong" as they cannot be revised even if our conceptual system informs us that the information abstracted from the cues is not depicting the actual state of affairs in the world. We cannot evaluate the picked up cues independently of their actual occurrences in the contexts. The evaluation is thus pragmatic and not objective in the sense that they could be right or wrong. The invariants are neither representational entities. They are not symbols standing for some thing else in the world and they are not subject to the correctness condition. They are the inputs for the perceptual system that immediately gives rise to perceptual routines that are goal-directed, mechanical, unconscious, non-epistemic, non-representational and non-linguistic. Higher up in the non-conceptual domain, the abstraction and protocategorization of the invariants lead to the percepts and the proto-judgments composed of these percepts. The percept and the proto-judgment are theoretical entities that need to be postulated in order to explain instances of perception such as the M¨uller-Lyer illusion. A percept is less than a concept as it is not subject to the correctness condition and hence not representational ; it is also non-linguistic unlike a concept. However, although non-conceptual, percept is not equivalent to invariants. Invariants are goal-dependent as cues are judged to be salient or not salient with respect to the task to be accomplished. Percepts are not goal-dependent in this way. Moreover, percepts are consciously accessible whereas invariants are not so accessible. This access could be a phenomenological or first-person access or it could be a cognitive access where the agent has access to the personal history of the percept (as could be the case for phobias for instance). Just as invariants yield routines so percepts yield proto-judgments. Proto-judgments cannot be equivalent to judgments at the conceptual level because they lack the linguistic component and the representational (and hence correctional) feature. Yet they are not synonymous with routines precisely because of the same reasons that distinguish a percept from an invariant. 11.4 Conclusion 275 Finally, there is the conceptual level. Concepts and judgments and beliefs formed from these concepts constitute the entities at this level. These entities are epistemic, may or may not be linguistic, are subject to revision and hence are representational. Although in cases of perception as the M¨ullerLyer illusion, concepts do not play any role in determining the percept (and hence the proto-judgment), judgments at the conceptual level can at times offer a description of the percept and proto-judgment at the conceptual level. Here it is to be noted that one of the primary reasons as to why the percept in case of the M¨uller-Lyer illusion could not be attributed to the conceptual level was because of the Principle of Cognitive Significance according to which an agent cannot have contradictory beliefs about the one and the same content of experience. This seems to imply that while principles of rationality are operative at the conceptual level, the non-conceptual level appears to be relatively free of them. However, whether this contention is acceptable or not remains to be seen ; but at least if we concede that at the non-conceptual level some forms of abstraction, categorization and generalization etc. exist it may indicate that non-conceptual content has some laws of its own which may not be of the same kind as the laws of thought at the conceptual level but which, nevertheless, serve to bring order and organization into nonconceptual content. 11.4 Conclusion This paper has presented a purely theoretical analysis of a perceptual phenomenon such as the M¨uller-Lyer illusion. We have argued, following Pacherie, that the explanation of this phenomenon requires the postulation of a mental entity called non-conceptual content. We claim that it is this non-conceptual content that constitutes the proto-judgment of the M¨uller-Lyer illusion. Proto-judgments are non-conceptual, epistemic in the sense that the agent is aware of them, non-linguistic but not non-lexical, and non-representational. However, so far the claim is purely theoretical. Whether proto-judgments can be empirically justified or not remains to be seen. Moreover the claim that an agent can have phenomenological access to proto-judgments along with some other features of proto-judgments such as being non-representational(incorrigible) and non-linguistic could raise the question- are proto-judgments the same as qualia ? An initial insight in this 276 Percept issue would yield a negative response as qualia are supposed to characterize "what it is like to be" in a state X whereas proto-judgments are primarily concerned with the actual content of the perceptual experience and not with what it is like for the subject to be in the state. In case of the M¨uller-Lyer illusion the actual content of the perception, which is the perception that the lines are unequal, is what is constituted by the proto-judgment without any reference to what it feels like for the agent to be in this state. However, the issue is indeed intricate and requires greater analysis to satisfactorily determine it. References : Bermudez, J.L. (1995). Non-conceptual Content : From Perceptual Experiences to Subpersonal Computational States. Mind and Language 10 : 333-69. Carey, S. (2004). Bootstrapping & the origin of concepts. Dedalus, 113(1) :58-69. Crane, T. (1992). The non-conceptual content of experience. In T. Crane (ed.) The Contents of Experience. Cambridge, Cambridge University Press, pp. 136- 157. Cussins, A. (1990). The Connectionist Construction of Concepts. In The Philosophy of Artificial Intelligence, ed. M.A. Boden. Oxford : Oxford University Press. Dretske, F. (1969). Seeing and Knowing. Chicago : The University of Chicago Press. Dretske, F. (1981). Knowledge and the Flow of Information, Cambridge, Mass. : MIT Press. Dretske, F. (1988). Explaining Behavior, Cambridge, Mass. : MIT Press. Dretske, F. (1995). Naturalizing the Mind -- The Jean Nicod Lectures - 1994. 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Index abduction, 96 abstraction, 86, 87, 95, 99 principe d'abstraction, 88 id´ees abtraites, 159 op´erateur d'abstraction, 177 principe d'abstraction, 91 processus d'abstraction, 84 abstrait, 55, 56, 63, 73, 77, 84, 88, 92, 96, 109, 173, 176 caract`ere abstrait, 146 entit´e abstraite, 145 objet abstrait, 161 terme abstrait, 177 acquisition, 59, 64, 83, 103, 108, 116 action, 53, 65 AGM, 209 air de famille, 89 analycit´e, 150 appartenance, 73 application, 60, 97, 164, 168, 210 apprentissage, 59, 87, 150, 152, 156, 165 apprentissage artificiel, 63 apprentissage automatique, 61 assignation, 38 atomique, 54 atomisme, 47, 52, 56, 66, 103 atomisme conceptuel, 111, 117 atomisme logique, 108 attention, 42 attribution de concepts, 218 auto-r´ef´erentialit´e, 48 axiomatique, 174 Berkeley, 98 c^ablage, 53 pr´ec^ablage, 53 calcul des pr´edicats, 176 canonique, 67 capacit´e conceptuelle, 146, 152, 166 caract´erisation, 173 caract`ere, 55, 69, 85, 87, 96, 157, 174 cat´egorisation, 48, 63 cat´ersienanisme, 56 cause, 51 changement changement de concept, 39, 209 changement de conception, 217 changement de croyance, 209 classification, 69, 72, 110 cloture logique, 209 cognitif, 67 INDEX 303 coh´erence, 170, 174 combinaison, 54, 63 combinatoire, 54, 109, 156, 157, 159-161 communication, 64, 65, 106, 107, 115 comp´etence, 153 domaine de comp´etence, 151, 152 comparaison, 84 composition, 54, 108 compositionalit´e, 56, 60, 62, 81, 93, 97, 105, 109, 110, 155, 156, 159-161 compr´ehension, 218 concept concept empirique, 116 concept complexe, 109, 156, 157 concept compos´e, 108 concept primitif, 108 concept primtif, 109 nouveau concept, 156, 159 conception, 67, 112, 211, 216 conceptualisme, 72, 75 concevable, 160 concordance extentionnelle, 157 condition d'application, 146 connaissance, 42, 75 connecteurs, 64 connotation, 174 construction de concept, 161, 162 constructivisme, 174 construire, 113 contenu contenu ´etroit, 116 contenu cognitif, 83, 85, 91, 97, 103, 145 contenu conceptuel, 35, 36, 39, 87 contenu large, 116 contenu non-conceptuel, 35, 36, 39, 87, 91, 100, 107, 116 contenu objectif, 93, 104, 145 contenu s´emantique, 162 contenu sc´enario, 116 non-conceptuel, 141, 146 contexte, 92, 164, 170 contraction, 209, 212 contraction de concept, 213 contraction de croyance, 213 contradiction, 174 contrainte de g´en´eralit´e, 44, 146 correction, 38, 39, 52 croyance, 41 d´ecomposition, 156 d´eduction naturelle, 168 d´ef´erence, 152 d´efinition, 69, 82, 147, 162, 174 d´enotation, 44, 158, 160, 170 d´erivation d´erivation cognitive, 67 d´eriver, 113 d´esignation, 55 Davidson, 218 descripteur, 63 description, 154, 155 descripteur, 156 discrimination, 42, 43, 62 disposition, 85 304 INDEX division du travail linguistique, 65, 67 domaine, 47, 78, 112, 114, 118, 146, 156, 159, 176 domaine d'application, 153 donn´ee sensorielle, 92 Dretske, 42 effectivit´e, 175 effet de typicit´e, 73, 83, 88-90, 103 empirique, 177 empirisme, 61, 83, 87, 98 empirisme conceptuel, 105 ensemble, 48, 61, 88, 162, 173 sous-enesemble flou, 88 sous-ensemble flou, 93 th´eorie des ensembles, 91, 93 ´epist´emique, 41, 52, 75, 87, 115, 165 ´epist´emique fort, 116 principe ´epist´emique faible, 81 principe ´epist´emique fort, 81 ´epist´emique caract`ere ´epist´emique faible, 41 caract`ere ´epist´emique fort, 41 caract`ere non-´epist´emique faible, 43 caract`ere non-´epist´emique fort, 43 ´epist´emicit´e, 63 essentialisme, 79 ´etat du monde, 160 Evans, 44 exemplaire, 82 exp´erience, 77, 82, 116, 141, 143, 144, 146, 150, 153 expansion, 209 expansion de concept, 210 expansion de croyance, 209 expert, 68, 80, 115 extension, 48, 86, 87, 91, 105, 110, 111, 115, 116, 145, 146, 157-159, 161-164, 175- 177, 210 co-extension, 73, 144, 157, 162 extension id´eale, 177 extensionnel, 144 externalisme, 41 Feyerabend, 217 fiablisme, 101 fonction, voir fonctionalisme fonction caract´eristique, 45, 55, 61-63, 73, 175, 210 fonction de composition, 58 fonction de correction, 38 fonctionalisme fonction, 179 forme logique du concept, 150, 156, 157, 160, 161 forme propositionnelle, 162, 166 g´en´eralisation, 86, 92, 96 g´en´eralit´e, 145, 146 g´en´erativit´e, 107, 108 granularit´e, 85 hi´erarchie, 72, 91, 110 holisme, 40, 41, 47, 50, 60, 78, 80, 90, 104, 111, 114, 117, 153, 162, 164, 170 homologie, 50, 157 homonymie, 117 INDEX 305 Hume, 98 id´ealisation, 177 Id´ee, 70, 98, 100 , 70 identification, 43, 62, 63, 77, 98, 145, 146 identifier, 146 identit´e, 77, 145 identit´e de Levi, 215 idolect, 115 illusion, 104 illusion de constance de taille, 35-37 image mentale, 83, 99 inclusion, 156 incommensurabilit´e, 81, 218 indentification, 173 individuation, 46, 47, 53, 98, 102, 103, 145, 146, 173 inf´erence, 63, 78, 87, 99, 156, 160 capacit´e inf´erentielle, 142, 149, 165, 166 r´eseau inf´erentiel, 142, 145, 150, 170, 176 r`egle d'inf´erence, 169 r`egles d'inf´erence, 159 sch´ema d'inf´erence, 177 sch´ema inf´erentiel, 174 structure inf´erentielle, 148, 151, 153, 159, 161-163, 165, 175 trame inf´erentielle, 150, 154- 159, 161, 165, 175, 177, 179 inf´erence structure inf´erentielle, 113 relation inf´erentielle, 112 trame inf´erentielle, 114 inf´erences, 64 inn´e, 59 inn´eisme, 153 inn´eisme, 60, 61, 66, 106, 107, 109 inn´eisme anti-inisme, 103 instance, 82, 146, 150, 169, 170 intelligence artificielle, 61, 63 intension, 41, 45, 98, 111, 115, 116, 145, 146, 158, 159, 161, 164, 174, 176, 177 co-intension, 102, 144 intensionnel, 92, 144 intention, 106 intentionnalit´e, 106 internalisme, 41 interpr´etation, 218 intersubjectif, 68 Kuhn, 217 label, 61 calcul, 172 lexical, 145, 149, 157 Locke, 98 logique, 87 logique combinatoire, 55, 172 m´emoire, 83 mod`ele, 160 mode de pr´esentation, 43, 53, 62, 93, 146, 150 monde actuel, 160, 176 monde possible, 58, 73, 111, 160, 176 306 INDEX nativisme, 46, 60, 106, 109 anti-nativisme, 103 nombre de G¨odel, 50 nominalisme, 50, 75, 85 non-conceptuel, 51, 53, 60, 62-64, 75, 92, 113, 115, 143, 150, 153 non-contradiction, 159, 160, 175 norme, 38, 66, 113, 114, 116 objectif, 68 objet objet math´ematique, 160, 177 omniscience, 39, 41, 72, 108 ontologie statut ontologique, 160 op´erateur , 175-177 op´erateur , 176, 177 op´erateur , 175 op´erateur d'abstraction, 45 op´eration, 179 paradigmes, 217 paradoxe de Russell, 48 particulier, 77 percept, 39, 60, 61, 63, 87, 104, 116 perception, 60, 61 pertinence, 114, 164 poids, 95 point d'´equilibre, 88, 89 port´ee, 146 possession, 46, 103, 110, 111, 113 postuler, 67, 113 poto-objet, 60 pr´e-conceptuel, 60 pr´edicat, 73, 173, 175, 176 pr´ejug´e, 78 pr´esentation, 146, 150 pragmatique, 85 pragmatisme, 56 preuve, 40 primitif, 59, 61 principe contrastif, 49, 62, 84 principe d'identit´e, 62 principe de d´erivation canonique postul´ee, 218 principe de r´ef´erence canonique postul´ee, 218 proposition, 52 propri´et´e, 44, 45, 62, 63, 69, 72, 82, 145, 146, 148, 154, 157- 159, 173, 176, 177, 210 propri´et´e cach´ee, 79 propri´et´e saillante, 39, 53, 60- 63 proto-cat´egorisation, 87 proto-concept, 60, 62 proto-jugement, 53, 62, 113, 115, 116 proto-jugements, 87 proto-proposition, 52, 116 prototypes, 86, 88 proxytype, 61, 62, 102-104 publicit´e, 64, 105-107, 109, 115, 149, 165 caract`ere public, 148, 151, 152 Putnam, 218 qualie, 116 quantificateur, 176 r´ealisation, 175 r´eduction, 96 INDEX 307 r´ef´erence, 41, 44, 48, 55, 65, 105, 116, 146, 158, 170 cadre r´ef´erentiel, 157 co-r´ef´erence, 93, 102 r´ef´erence canonique, 61 r´ef´erence causale, 105, 112 r´ef´erence cognitive, 61, 67 r´ef´erence objective, 112 r´ef´erence postul´ee, 58 t´el´eologie de la r´ef´erence, 112 r´eflexe, 53 r´evision, 209, 215 r´evision de concept, 154, 155, 216 r´evision de conception, 216 r´evision de croyance, 215 r^ole inf´erentiel, 58 r`egle d'´elimination, 166 r`egle d'introduction, 166 r`egle de Bayes, 155 r`egle de d´eduction, 143 raisonnement, 168 Ramsey, 51 rationalit´e, 209 rationnel, 218 recognitionel, 177 reconnaissance, 62, 77, 98 relations, 64 relativisme, 40, 104 repr´esentation, 37, 38, 52, 63, 87, 112, 115, 146, 170, 175 repr´esentationnel, 37, 41 ressemblance, 73 routine, 51, 53 s´emantique, 51, 66 s´emantique des r^oles conceptuels, 179, 216 sc´enario, 116 sc`ene, 60 sch´ema, 172 sch`eme conceptuel, 218 sens, 44, 45, 67 sens commun, 68, 79 similitude, 49, 84, 88, 90, 92 solipsisme, 107, 218 st´er´eotype, 89 substitution, 147, 157 substitution extensionnelle, 156 substrat, 173 synonymie, 117 t´el´eos´emantique, 195 taxinomie, 72 terme g´en´eral, 77 terme lexical, 65 th´eorie, 82 th´eorie classique, 82, 91, 92, 98, 105 th´eorie classique des concepts, 112, 162, 174 th´eorie des exemplaires, 49, 91, 92, 96, 99, 105 th´eorie des prototypes, 49, 56, 86, 103, 105 th´eorie empirique, 49, 57, 116 th´eorie na¨ive, 47, 68, 77, 91, 92, 112 th´eorie scientifique, 47, 75 th´eorie-th´eorie, 75, 82, 105 tiers exclu, 69, 72 tiers-exclu, 183 308 INDEX traduction, 218 trait, 62, 88 trait caract´eristique, 39, 49 trame conceptuelle, 112 transitivit´e, 72, 88, 110 universaux, 98, 100 universel, 77 usage, 60, 85, 210 m´esusage, 66 usage cognitif, 116 v´erificationisme, 39 Concept et changement de concept Concept, contenu et inf´erence, Bases pour une approche dynamique du concept Benjamin Sylvand Le concept est l'entit´e mentale qui permet `a un agent cognitif qui la poss`ede de penser son environnement. Le concept se caract´erise par deux dimensions : d'une part son application (les objets auxquels il r´ef`ere) et son usage d'autre part (les relations qu'il entretient avec les autres ´etats mentaux). Les th´eories contemporaines du concept ne parviennent pas `a rendre compte de ces deux aspects. Cela vient de l'assimilation de la th´eorie des concepts avec une th´eorie de la classification et d'une distinction floue entre le conceptuel et le nonconceptuel. Le concept est consid´er´e ici comme ´etant repr´esentationnel alors que le nonconceptuel ne l'est pas. Repr´esentationnel signifie ici que le concept peut ^etre chang´e ou corrig´e alors que le nonconceptuel (le percept) ne l'est pas. La th´eorie du concept d´efendue ici est normative dans la mesure o`u des principes sont ´enonc´es pour caract´eriser le concept. L'agent poss`ede un concept s'il est capable de postuler une assignation `a celui-ci. Et ce `a la fois en premi`ere personne (contenu cognitive) et en troisi`eme personne (contenu canonique). Cela suppose une th´eorie de l'esprit et un acc`es au contenu du concept (aspect ´epist´emique). L'agent doit ´egalement pouvoir rendre compte de l'usage qu'il fait du concept, et ce non seulement pour lui (d´erivation cognitive) mais aussi en troisi`eme personne (d´erivation canonique). Le holisme qui d´ecoule de cette conception implique que le concept appara^it toujours dans une « conception », c'est-`a-dire comme inf´erentiellement reli´e `a d'autres concepts. Cette th´eorie du concept permet de rendre compte du changement et de l'´evolution d'un concept plut^ot que son remplacement syst´ematique. Concept is the mental entity that allows the cognitive agent who possesses it to think about his environment. It is characterized by two dimensions : its application (objects it refers to) and its use (relationships it bears with other mental states). The contemporary theories of concept fail to explain both these features of concept, due to the confusion made between a theory of concept and a theory of classification and of a fuzzy distinction between conceptual and nonconceptual. The main difference between conceptual and nonconceptual is that the former is representational whereas the latter is not. Being a representation means being corrigible. The theory of concept proposed here is normative. Principles are offered for characterizing the concept. A cognitive agent possesses a concept if he is able to assign a content to it at first person (cognitive content) and at third person (canonical content). This entails a theory of mind. Moreover, the agent must be able to explain his use of the concept, for himself (cognitive derivation) and for other minds (canonical derivation). The holism implied by this theory enables us to explain the change and the evolution of concept which are different from concept replacement.